L'Expédition [Rang A - Junko]

« Ah ! » Se réveillant en sursaut, elle ne put réprimer un cri de surprise, tandis que tout son corps se raidissait et que ses yeux s’affolaient un bref instant, à la recherche de ce qui venait de la sortir brutalement de son sommeil. C’était comme si elle s’attendait, d’une seconde à l’autre, à tomber sur un félin au pelage immaculé. Et à cette pensée, une main légèrement tremblante s’était glissée, d’instinct, vers l’intérieur de sa manche, cherchant le réconfort d’une lame protectrice. Puis son regard avait croisé celui d’Okubi, et tout son être s’était détendu. Ce n’était rien ; ce n’était qu’un rêve. Se redressant sur son couchage, elle portait une main à son crâne qui la faisait encore souffrir. Un rêve… Pourtant, tout ce qu’elle venait de vivre lui avait paru bien réel, et il lui semblait encore entendre la voix sourde du Tigre Blanc.


Se relevant alors tout à fait, elle ignora le regard inquiet d’Okubi et se précipita vers son petit bureau, où étaient étalés plusieurs documents, tous en lien avec sa mission. D’un geste ample, elle balayait tout le fatras et en extrayait un parchemin vierge sur lequel elle s’empressait d’écrire quelques mots, pour ne pas oublier. Cette phrase, cette langue… N’était-ce pas celle du shaman, dans l’espèce de temple ? Les sonorités étaient similaires, mais de là à statuer sur son exactitude… Non, elle ne pouvait pas en être certaine. Son subconscient pouvait avoir déformé la réalité.
Et alors qu’elle contemplait sa propre écriture, ces quelques sons retranscrits phonétiquement, elle repensait à ce qu’elle avait vécu, dans ses rêves. Elle ne se souvenait plus de grand-chose, si ce n’étaient quelques impressions confuses, le  vague souvenir de ce tigre majestueux… Quel crédit accorder à tout ceci ? Pour l’esprit rationnel et l’utilisatrice de Genjutsu qu’elle était, difficile d’y voir quelque chose de prémonitoire. Elle s’était couché l’esprit perturbé, et ce dernier lui avait certainement joué des tours, mêlant imaginaire et vécu avec ce qu’il fallait de subtilité pour la laisser confuse au réveil.

Elle entendit alors Okubi s’éclaircir la gorge, dans son dos. Se retournant, elle parut un peu déstabilisée, avant de se ressaisir : « Oui, pardon… Tu disais ? Je suis désolée. » Il répéta ce qu’il lui avait déjà murmuré, avant qu’elle ne parte en trombe. Jomi ? S’emparant de son parchemin à peine sec, elle s’engouffrait dans le couloir à la suite de l’aventurier.

Dans la grande salle, l’ambiance avait changé du tout au tout, depuis la dernière fois. L’enthousiasme et l’excitation des découvertes de la veille avaient laissé place à une tension palpable. Les inquiétudes liées à la proximité avec une île peuplée de cannibales étaient ressorties et, visiblement, le chef de l’expédition souhaitait profiter de la situation pour raffermir sa position.
Feignant d’ignorer la remarque désagréable à son encontre, qu’elle avait pu entendre en entrant, la dame traversa la salle sans un mot. Elle tendit tout d’abord le parchemin à Makimai, avec l’espoir que celle-ci puisse déchiffrer ce qu’elle y avait inscrit. « Un éclair de lucidité, au réveil… Qui sait, cela veut peut-être dire quelque chose. » ajoutait-elle pour toute explication. Puis, elle se dirigea vers Jomi et, se penchant vers le vieil homme, lui offrit un sourire amical. « Okubi m’a dit que tu avais fait une découverte… »

Elle ignorait délibérément tout le petit monde rassemblé là, et certainement que cela n’échappait à personne. Prendre part au débat ? Lancer une remarque acerbe à son détracteur ? Elle passait son tour. A vrai dire, il lui semblait avoir été très claire sur la façon dont elle percevait les choses, dès le début de cette expédition, et elle ne voyait pas l’intérêt de se répéter. Mais si quelqu’un tenait réellement à relancer la discussion, et bien, qu’il n’hésite pas à reprendre la parole… A moins qu’il soit plus difficile d’assumer son opinion, en face-à-face ?

Jomi, lui, avait conservé toute son exaltation – et elle se demanda même s’il avait pris le temps de se reposer, ou si ce n’étaient pas tout simplement ses nerfs qui le maintenaient dans cet état. Il n’y eut pas besoin de le prier pour qu’il déroule face à la jûnin un parchemin et se lance dans ses explications. L’écoutant avec beaucoup de sérieux, Junko hochait plusieurs fois la tête. Malheureusement, en dépit de l’avancement du cartographe qui avait intégralement retranscrit la portion de carte issue du cube, ils n’avaient aucune piste leur permettant de la compléter. Enfin, plus précisément, ils avaient une vague idée de ce qu’ils devaient chercher, mais pas d’où le trouver.

« Suis l’étoile qui ne voit pas le Soleil. » La voix de Makimai s’était élevée dans la salle, coupant court aux réflexions – plus ou moins audibles – des uns et des autres. « C’est ce que signifie cette phrase. » Accompagnant son discours, elle désigna d’un geste le parchemin que lui avait remis l’Arpenteuse. L’ethnologue expliqua alors brièvement qu’elle n’avait pas tout de suite compris, à cause de l’écriture phonétique approximative, mais qu’elle était certaine de sa traduction à présent. Elle connaissait cette langue, et s’il y avait peut-être l’une ou l’autre particularité liée à l’insularité du peuple notamment, les étymons communs ne laissaient pas de place au doute. Quant à savoir ce que cela signifiait réellement, c’était une autre affaire.


Sous l’effet de la révélation, chacun semblait avoir retrouvé son calme, perdu dans ses pensées, et le silence s’était finalement installé. Pour bien peu de temps, malheureusement, car quelqu’un reprit bien vite la parole. « Eh bien ! C’est là qu’on voit qui a véritablement l’étoffe de l’explorateur ! Allons, allons, c’est pourtant évident… »

Junko serra la mâchoire. Vraiment ?

Certainement que, des années auparavant, Durako avait été un véritable explorateur. Plus jeune, il avait découvert de nombreuses îles des Terres Lointaines, ce qui avait fait sa réputation – et Junko était prête à croire qu’il était alors doué dans son métier. Mais que restait-il de cette époque ? La dame le considérait un instant, interdite, tandis qu’il déclamait quelques vers de façon théâtrale. L’explorateur avait cédé la place à l’écrivain médiocre et à la vedette de seconde zone. Le goût du risque et de l’aventure à celui de l’argent et de la popularité.

A l’évidence, il fallait des gens comme Durako ; beau gosse, propre sur soi, bon orateur et particulièrement sociable. Il fallait des vulgarisateurs, des figures publiques, des gens qui charment, font rêver, vibrer le commun des mortels. Les uns travaillaient dans l’ombre, avec passion et excitation, les autres s’occupaient d’attirer les investissements. Une symbiose, somme toute. Et pourtant, aux yeux de l’Uzujin, Durako n’obtiendrait jamais le même respect qu’un Jomi ou qu’une Makimai. En quoi sa popularité le rendait plus légitime à diriger cette expédition ? Elle voyait, d’un côté, les années d’expérience et l’investissement physique et mental d’un homme, et de l’autre ? Un fanfaron.
Le plus malheureux, dans tout ça, c’était que Durako avait probablement, au fil des ans, trahi son esprit de jeunesse. Si toutes les découvertes qu’on lui attribuait étaient bien les siennes, Junko était prête à parier qu’il avait alors une toute autre conception de son métier. Elle l’imaginait facilement, plus jeune, la tête emplie de rêves et d’idéaux, avec l’envie de contribuer à quelque chose de plus grand, comme souvent lorsqu’on quitte à peine son berceau. Et, comme bien d’autres avant lui, il avait dû se promettre de ne pas répéter les erreurs de ses aînés, de ne pas se laisser entraîner par l’appât du gain et la facilité.

Perdue dans ses pensées, la dame avait laissé filer la conversation. Elle avait été prise d’un léger mal de crâne dès que Durako s’était mis à gesticuler et avait totalement décroché. Il fallut attendre l’intervention de Jomi pour qu’elle comprenne de quoi parlait tout ce beau monde avec tant d’enthousiasme. L’étoile Polaire, Vénus, le Soleil… Elle hochait la tête, mais sentait bien que de toute évidence plus personne ne cherchait son approbation. La suite de l’expédition n’était plus de son ressort – du moins, jusqu’à la prochaine emmerde.

Ce fut Jomi qui revint la chercher dans ses appartements, alors qu’ils naviguaient depuis un certain temps déjà en direction de la fameuse étoile – laquelle exactement, Junko ne savait même plus. Ils regagnèrent la grande salle dans laquelle le cartographe travaillait encore et ce dernier lui confia alors ses inquiétudes. Un pli soucieux apparut sur le front de la dame, tandis qu’elle posait le regard sur la carte étalée devant eux. « Nulle part… » répéta-t-elle machinalement. Elle aurait aimé que le cartographe se trompe, mais d’après ses documents, pas une île ne se trouvait sur leur chemin. Seul l’océan, à perte de vue.
La déception du vieil homme lui fit l’effet d’un coup de poignard. Cette histoire d’étoile, c’était de sa faute. Ce n’était pas celle de Durako, ni de Makimai, c’était elle qui avait laissé les uns et les autres croire que cela avait le moindre sens pour leur expédition. Une phrase qu’elle avait peut-être entendue dans la bouche d’un shaman étranger. Ou que son esprit avait fabriqué de toute pièce.

Elle se surprit à penser que, peut-être, elle devrait conseiller au cartographe de prendre un peu de recul, se reposer, revenir avec un regard neuf sur ses travaux. Comme s’il était celui qui divaguait et qui n’avait plus les idées en place. Cherchait-elle un moyen de gagner du temps ? Elle n’en fit rien, bien sûr. Ça ne lui ressemblait pas. Elle devait simplement lui confier la vérité ; ensemble, ils réfléchiraient à une solution.

Mais elle n’en eut pas le temps. D’un coup, ils se retrouvèrent projetés vers l’arrière, et le mobilier avec eux. « Attention ! » D’un mouvement rapide, la dame attrapa le cartographe à bras-le-corps pour qu’il ne bascule pas et ne se heurte pas violement à une poutre. Le chaos dura un instant, puis tout sembla se stabiliser dans un équilibre précaire. Le navire tout entier paraissait penché.
Que s’était-il passé ? Les affaires éparpillées sur la table de la grande salle avaient valdingué un peu partout. La dame aida son acolyte à se redresser et s’assura qu’il ne s’était pas blessé, avant d’ajouter : « Je vais voir ce qu’il se passe. Nous rediscuterons de tout ça plus tard. En attendant, reste à l’abri. On ne sait jamais… »

Le temps pour elle de regagner l’extérieur, il lui sembla que l’équipage tout entier s’était mis en mouvement. Un peu déboussolée au départ, car elle ne voyait rien de flagrant – pas de navire pirate qui les aurait abordés, pas de serpents de mer géants qui les prendraient pour cible –, la dame rejoignit le capitaine. « On a heurté un récif, ma petite dame. » lui annonça-t-il simplement, entre deux ordres, avant de se détourner. Il n’avait visiblement pas le temps de s’occuper de ses passagers.
Un récif ? Et, se penchant franchement par-dessus le bastingage, elle put constater que la coque du navire était effectivement moins immergée qu’à l’accoutumée de ce côté-là. Dessous, à peine visible sous les vagues, l’on pouvait distinguer la cime d’un écueil.
Tandis qu’elle regardait par-là, Junko put assister à un spectacle peu commun : plusieurs membres de l’équipage avaient fait sortir des gaffes par les sabords. Cherchant le fond quelques instants, ils prenaient alors appui sur le récif pour faire levier et repousser le bateau vers le bas-fond. Lentement, le navire racla, mais les hommes ne lâchèrent pas, réitérant la manœuvre à l’unisson. « Voie d’eau ! » put-elle entendre à plusieurs reprises, et à chaque fois d’autres hommes se mettaient en mouvement dans la cale pour évacuer l’eau ou amener de quoi boucher les trous.

Très rapidement, la jûnin avait compris qu’il était inutile d’espérer aider. Ces hommes étaient rôdés, guidés par la voix de leur capitaine, et elle ne ferait que les gêner dans leurs mouvements. Il valait mieux leur laisser le chemin de la cale au pont totalement libre.
Alors elle rejoignit Jomi qui s’évertuait à remettre de l’ordre dans ses papiers et le mit au courant de la situation. « Un récif ? Ah oui, voilà quelque chose que l’on ne pouvait prévoir… » dit-il distraitement, tout en replaçant délicatement le cube sur la grande table. « Heureusement, il n’est pas abîmé ! »
« Vraiment ? » Le cartographe releva les yeux vers la dame, surpris par la question, sans comprendre qu’elle ne parlait pas du cube sinon de sa phrase précédente. « On ne peut vraiment pas le prévoir ? » Elle avait une lueur étrange dans le regard, comme si elle avait été touchée par une révélation. Elle indiqua la carte de la région. « S'il existe des cartes pour les îles, des cartes pour le ciel, pourquoi pas pour les fonds marins ? » Il parut circonspect, cherchant à savoir où elle voulait en venir. « Les fonds marins, Jomi ! » répéta-t-elle, en le saisissant par les épaules comme pour le secouer. « On s’obstine à chercher une île, mais ça pourrait bien être une grotte sous-marine… » Ses yeux s’écarquillèrent et il eut une exclamation de surprise. « Sapristi, mais c’est bien sûr ! »

Le duo convint de profiter de l’immobilisation temporaire du navire pour commencer par vérifier la faisabilité de leur hypothèse, avant d’alerter leurs compagnons de route. Ainsi, le capitaine, déjà fortement occupé, vit débouler un Jomi surexcité qui l’assaillit de questions. Pouvaient-ils rester à proximité du récif quelques temps, une fois décoincés ? Avaient-ils le matériel nécessaire pour plonger ? Il devait également voir dans ses affaires s’il n’avait rien d’utile, en termes de cartographies des fonds marins… Que de choses à faire !
De son côté, Junko avait troqué son habituel kurotomesode pour une tenue plus légère, proche du corps, et était descendue du navire, avec la ferme intention d’en savoir plus sur ce qu’ils avaient heurté. Luttant contre les vagues qui s’acharnaient, elle sondait l’eau sous ses pieds, cherchait à évaluer sa profondeur. Jusqu’où descendait la roche sous-marine ? N’était-ce pas une idée un peu trop folle, de nouveau ? Puis, finalement, cédant à l’envie de plonger, elle prit une grande inspiration et se laissa couler.

« Attends ! » Le jeune Sagamo venait de replonger lorsque la shinobi le rattrapa et le saisit par l’épaule. Elle désigna d’un geste la bulle d’air qui entourait son visage et lui indiqua la surface. Il était parti si vite, sûrement certain qu’elle avait de quoi se créer une réserve d’oxygène comme lui, et elle n’avait pas eu le temps de répliquer… Il fallait dire qu’elle était restée un instant hébétée aussi, surprise de voir que l’enfant était capable d’user de telles techniques. Puisque personne ne lui avait rien dit, elle avait simplement supposé qu’elle était la seule shinobi de l’expédition.

Il remonta finalement, comprenant que la dame souhaitait encore lui parler. « Je ne connais aucune technique qui me permette de respirer sous l’eau… Et il est hors de question que tu y ailles seul, on ne sait pas ce que l’on peut trouver. » Elle était tout à fait sérieuse. Elle ne voulait pas à tout prix faire partie d’une potentielle découverte ; elle pensait davantage aux dangers qui pouvaient parsemer leur chemin. « Alors, si l’on ne veut pas perdre du temps à m’apprendre cette technique, peut-être pourrais-tu simplement la refaire une nouvelle fois, je me contenterai d’une copie. » Avec l’espoir, bien évidemment, que ce serait suffisant pour la durée de leur exploration…

« Jomi ! Tu aurais un parchemin vierge, s’il-te-plait ? » Elle s’était tournée vers le bonhomme toujours accolé au bastingage, le regard au loin, qui parut surpris qu’on ait encore besoin de lui – mais qui s’empressa de faire l’aller-retour. Bien sûr qu’il avait du parchemin, il avait toujours du parchemin ! « Je compte sur toi pour qu’ils ne partent pas sans nous… » lui dit-elle avec un sourire, alors qu’il lui lançait un petit rouleau vierge par-dessus bord.
L’exercice était très simple : sceller la technique dans le parchemin, puis l’utiliser pour elle-même. La dame hésita à en sceller une seconde, au cas où ils n’auraient pas assez d’air pour le retour, mais elle songea que le parchemin ne survivrait pas à un voyage sous-marin de toute façon.

Ils plongeaient donc ainsi, tous deux équipés de ces fameuses bulles d’air que Junko estimait être un jutsu Futon, très certainement – un élément dont elle ne savait rien, à vrai dire.
En dépit de la technique, les premières respirations sous l’eau furent un peu contre-intuitives, comme si l’omniprésence de liquide bloquait son être. Et pourtant, à chaque bouffée, c’était bien de l’air qui emplissait ses poumons. Elle finit par se détendre et prendre des inspirations plus calmes et plus profondes, tandis qu’ils rejoignaient une nouvelle fois l’entrée du puits sous-marin.

C’était la forme du puits qui avait intrigué Junko, la première fois. Elle n’aurait jamais songé trouver une telle configuration géométrique sous l’eau, où les roches étaient tantôt arrondies, tantôt acérées, mais jamais très bien définies, selon les courants qui régissaient les lieux. De là à affirmer qu’il s’agissait d’une construction humaine, il y avait un pas néanmoins.
Curieuse, elle passait la main sur l’extérieur de la roche qui formait la cavité. Si quelque chose y avait été inscrit, il semblait avoir disparu depuis bien longtemps, cédant la place à des aspérités indescriptibles. Peut-être auraient-ils plus de chance à l’intérieur.

D’un signe, Sagamo lui indiqua qu’il passait devant. Elle ne protesta pas ; il semblait bien plus à l’aise qu’elle. Ils entreprirent alors une longue descente, sans savoir jusqu’où exactement, ni s’ils allaient trouver quelque chose.
Longeant la paroi, la dame progressait lentement. Elle prenait le temps d’observer la roche, comme si elle espérait trouver quelque chose, un indice quant à l’origine de ce trou étrange. Sagamo ne disait rien, mais elle eut l’impression qu’il avait envie d’accélérer le mouvement, nager jusqu’au fond, peut-être pour savoir une bonne fois pour toutes s’il y avait quelque chose à découvrir.
Il pouvait toujours essayer, à vrai dire, il finirait par se heurter à un problème de taille : l’absence de lumière.

Il était difficile d’estimer la distance parcourue depuis la surface, tant le décor semblait identique, tout au long de la descente. Ce fut lorsqu’elle releva la tête et qu’elle vit le rond marquant l’entrée du puits, loin au-dessus d’eux, que la dame prit conscience de la quantité d’eau qui les séparaient du reste de l’expédition. Se pinçant le nez, elle se déboucha les oreilles et reporta son attention vers le bas, cette fois. Il n’était plus possible de distinguer quoi que ce soit, malheureusement. Depuis un moment maintenant, ils progressaient par tâtons, se tenant l’épaule ou le bras, pour ne pas se perdre. Malheureusement, cette technique avait des limites. Comment savoir si le puits n’avait pas changé de forme, par exemple, se séparant en plusieurs boyaux ?

Elle fit pression sur l’épaule de son coéquipier, et elle sentit qu’il s’arrêtait, se tournant vers elle. Alors, elle lui prit la main et la posa sur sa propre épaule. Ils échangeaient les rôles. Elle avait bien une idée, calquée sur les animaux qui peuplaient les océans, mais cela nécessitait qu’elle ait ses deux mains libres dans l’immédiat.
Il y eut un moment où rien ne sembla se passer, puis finalement, un bruit : « Tu m’entends ?! » Nettement amplifiée, sa voix semblait venir de partout à la fois. « Echo ! Echo ! Echo ! »
Un sonar humain. Cela fonctionnerait-il ? La jûnin n’avait pas l’ouïe particulièrement développée, d’autant plus qu’elle entendait sa propre voix ce qui l’empêchait de distinguer correctement l’écho qu’elle cherchait à produire, mais Sagamo pouvait plus facilement jouer le rôle du récepteur. Il entendrait bien mieux le retour de sa voix. Peut-être qu’à deux, ils arriveraient à distinguer un écho qui leur indiquerait la présence de cavités…

Il fallait l’admettre, la technique de Sagamo avait un quelque chose d’hypnotisant ; les gouttes lumineuses se dispersaient timidement, baignant l’endroit d’une lumière douce et rassurante. Pourtant, Junko se sentit légèrement irritée en découvrant une nouvelle fois les capacités de son coéquipier. Pourquoi n’avait-il pas agi plus tôt, au lieu de la laisser déployer des efforts inutiles ? C’était comme lorsqu’il avait fallu plonger, il avait foncé sans attendre, et elle avait dû le rappeler pour qu’il partage sa technique de respiration ! Elle avait l’intime conviction, en particulier, que leur duo ne fonctionnerait pas aussi facilement qu’avec Jomi – mais peut-être oubliait-elle déjà les jérémiades du cartographe face au peuple cannibale et la teneur de leurs aventures dans leur campement.
En réalité, il n’y avait aucune raison pour que cela ne fonctionne pas ; elle était simplement agacée que sa technique n’ait pas porté ses fruits, agacée aussi de ne plus être celle qui apportait les solutions face aux obstacles qu’ils rencontraient sous l’eau. Depuis qu’ils avaient plongé, elle devait s’en remettre à Sagamo, pour qui tout semblait si facile, si évident. Pourtant, l’eau, c’était son affinité primaire à elle, c’était le symbole de sa nation adoptive à elle… Et ça lui était parfaitement étranger.

Heureusement, une nouvelle découverte aurait raison de son humeur.
Le mouvement brusque de son compagnon, couplé à l’apparition soudaine des crocs moussus d’une bête sous-marine, fit sursauter Junko violemment. Mais la frayeur passée, ils découvraient que ce qui bouchait ainsi l’extrémité du tunnel n’était pas de nature organique. La tête d’un tigre avait été sculptée dans la roche, il y avait certainement plusieurs dizaines – sinon centaines – d’années, car la nature avait peu à peu repris le dessus. La légende du Torabushi se poursuivait-elle ici ?
A l’évidence, la découverte d’un tel ouvrage, si fortement lié à leur expédition, avait de quoi rasséréner l’Uzujin et la rassurer quant à son utilité. En revanche, cela soulevait de nombreuses questions. Renfermait-il la seconde partie de la carte, comme le pensait Jomi ? Etait-ce le fameux triangle que vénéraient l’homme et la femme dans les gravures du cube ? Mais ces questions n’auraient malheureusement pas de réponses en restant planté là, face à l’entrée de ce qui pouvait bel et bien être le second temple tant recherché.

Junko fit un signe à son acolyte : il fallait poursuivre l’exploration, entrer dans la gueule du tigre et en avoir le cœur net. Il ne lui avait même pas traversé l’esprit qu’ils puissent remonter à la surface et prévenir le reste des membres de l’expédition. Comme lors de la rencontre avec les cannibales, elle voulait avancer, encore et toujours. De toute façon, le capitaine du Kaburai avait déjà admis ne pas avoir l’équipement nécessaire pour faire plonger Jomi, alors que pouvait bien justifier un retour à la surface ?

Ils s’approchèrent donc davantage de la structure, et la jûnin fit de nouveau un signe à Sagamo, alors qu’ils étaient encore à bonne distance de la cavité. Avant de s’engouffrer dedans, il lui fallait tout d’abord faire une inspection plus approfondie des lieux, à l’instar du temple au cœur du campement des cannibales. Là-bas, les traces de chakra avaient été nombreuses, disparaissant au cœur de la montagne. Elle n’en avait pas trouvé l’origine, à l’époque, mais elles étaient peut-être le témoin d’anciennes protections tombées en désuétude. Qu’en était-il ici ? Elle ne pouvait l’ignorer également, mais elle commençait à avoir l’étrange impression d’être observée. Se pouvait-il que quelque chose ait élu domicile à l’intérieur de la gueule du tigre ? L’endroit était-il protégé, comme le temple de la montagne par le shaman ?
Joignant les mains, la shinobi se décidait à user de nouveau de son art. Cette fois-ci, même si cela échouait, elle était certaine de l’utilité de sa démarche. Sagamo ne verrait certainement aucun changement, mais c’était tout un nouvel univers qui s’ouvrait à Junko : la sensorialité. Tout d’abord, l’Œil Invisible lui permettrait de s’assurer qu’aucun mécanisme caché ne les prendrait par surprise, dans cet environnement particulièrement hostile. Une fois rassurée, et parce qu’elle était consciente des limites de sa technique, elle se fierait davantage à son don sensoriel ordinaire, qui aurait l’avantage de détecter toute forme vivante dans les environs. Si une bête se cachait là, elle le saurait. Ainsi, rien ne serait laissé au hasard, tandis qu’ils descendraient dans la gueule.

Le monde de l’invisible s’ouvrait à la jûnin. Mais alors qu’une multitude de signaux habituellement indescriptibles lui parvenait, elle ressentit dans le même temps une secousse brutale qui lui fit détourner les yeux. Cela avait été fugace : à peine avait-elle entraperçu le mécanisme que celui-ci s’était activé, comme s’il avait réagi à son chakra. De partout, les animaux marins fuyaient. S’accrochant un instant à la paroi pour éviter plus facilement les débris qui venaient d’au-dessus, il lui sembla ressentir les vibrations jusque dans ses os. C’était une expérience particulièrement désagréable, à l’évidence. Mais elle avait bien compris qu’au fond de l’océan, elle n’était plus tout à fait maîtresse de sa destinée.

L’origine de ces tremblements leur apparut assez rapidement, après un ultime rideau de bulles. La gueule du tigre s’était animée, comme dans ses plus sombres cauchemars. Une voix d’outre-tombe s’éleva alors des profondeurs de sa gorge de pierre, faisant vibrer le boyau à chacun de ses mots. Comment était-ce possible ? Les yeux de la dame cherchaient vaguement une explication, parmi les flux de chakra, sans trop de conviction néanmoins. Pareil phénomène était certainement rendu possible par l’utilisation d’un sceau ancien, dont l’étude pourrait s’avérer longue et complexe – du moins, trop pour l’urgence de la situation. Elle n’avait donc, dans l’instant, aucun espoir d’anéantir la source de la protection. Pour elle, il fallait se plier à ses exigences.

D’après son expérience, ce genre de défense avait principalement deux modes opératoires. L’un était construit pour ouvrir le passage sous certaines conditions – moyennant, par exemple, une vérité quelconque ou l’insertion d’un objet dans une fente –, l’autre pour maintenir la voie fermée quoi qu’il advienne – voire activer une défense plus incisive à la moindre tentative d’effraction. Puisque la bête de basalte s’était contentée de poser des questions après son réveil, la dame d’Uzushio penchait plutôt pour la première option. De toute façon, il fallait toujours privilégier cette première manière de procéder. Ce n’était pas de l’optimisme, mais bel et bien du pragmatisme : similaire au pari de Pascal, il n’y avait rien à perdre et tout à gagner.

Elle voulut faire signe à Sagamo, afin qu’il l’aide dans ses observations, mais elle comprit qu’il ne bougerait pas d’un pouce. Il avait élu domicile dans un renfoncement du boyau et guettait avec inquiétude les yeux de la bête. Elle eut un rictus qui disparut rapidement, mais qui trahissait bien sa pensée. Evidemment qu’il était apeuré… Pourtant, elle aurait bien apprécié une paire d’yeux supplémentaire, pour le coup. S’il y avait quelque chose, un élément quelconque qui pouvait trahir la solution de cette « épreuve », comme la présence d’une cavité artificielle, par exemple, elle voulait le savoir avant de commettre un impair.

A distance raisonnable de la gueule, elle ne vit rien. Mais les lieux étaient mal éclairés, et l’eau omniprésente brouillait sa vue. Comment être certaine qu’il n’y avait rien d’utile sur la surface de cette gueule béante ?
N’ayant d’autre choix, à moins de se rapprocher, la dame se décida finalement à répondre aux questions qui lui étaient destinées. La première n’était d’aucune difficulté : « Je suis Junko. » La suivante, en revanche, méritait réflexion. C’était une piste ténue que les explorateurs remontaient lentement. Encore maintenant, elle n’avait pas connaissance de tous les éléments qui peuplaient ce mystère. Elle savait ce qu’elle cherchait à terme, plus ou moins ce qu’elle cherchait dans une étape intermédiaire, mais aucune certitude quant à ce qu’elle allait trouver ici. Elle prit le temps de formuler la chose dans son esprit, avant de la prononcer à voix haute : « Je suis à la recherche de l’artefact du Torabushi, pour son descendant. Pour cela, j’ai besoin de la seconde partie de la carte, qui devrait se trouver ici. » C’était peut-être la meilleure description qu’elle pouvait en faire.

Les yeux rivés sur la roche grignotée, elle attendit alors une réaction.

« Entre… Si tu l’oses. »

Junko n’entendit pas la suite, les derniers mots d’encouragement de l’être de pierre, se laissant tomber dans la gueule du Tigre sans même une hésitation. Bien sûr qu’elle osait ; elle n’avait pas fait tout ce chemin pour abandonner si proche du but.
Atteignant finalement le fond, elle leva les yeux, comme pour estimer la distance qui la séparait de l’entrée, mais il faisait si sombre qu’elle eut même de la peine à discerner Sagamo qui se penchait, à sa suite, par-dessus la gorge béante. Il hésitait visiblement à la rejoindre. A vrai dire, il avait un air effrayé qui ne le quittait plus depuis que le Tigre avait pris vie. « Saute, tu ne risques rien. » l’encouragea-t-elle avec une pointe d’impatience dans la voix. Si cela ne tenait qu’à elle, la jûnin aurait poursuivi son chemin sans lui. Mais comment se repérer dans le réseau de cavité sans la douce lumière de son acolyte ?
Il prit le temps de peser le pour et le contre, comme s’il voulait évaluer le danger, puis il finit par lâcher prise et s’engager dans le gouffre. Certainement que la perspective de rester aux côtés du Tigre ne l’enchantait guère. L’aidant à se réceptionner afin qu’il ne se heurte pas à la roche aiguisée par les courants, la jûnin lui indiqua la suite. Amusant comme la situation semblait s’être inversée, à présent qu’ils n’étaient plus entièrement immergés.

Leur progression fut lente, mais méthodique, sondant peu à peu le réseau de cavités, se frayant un chemin entre les lames rocheuses, jusqu’à entrevoir une lumière étrangère au bout de l’un des tunnels. Et alors qu’ils passaient l’embrasure du souterrain, la beauté du lieu se révéla à leurs yeux.
« Impossible… » murmura Sagamo, malgré lui. Junko ne sut quoi répondre, contemplant interdite l’immense caverne éclairée. Oui, cela paraissait invraisemblable, même pour l’Uzujin. Comment un tel endroit avait-il pu survivre aux ravages des éléments ? Le temple semblait si étincelant, à la lueur des flammes éternelles, comme si le temps n’avait pas d’emprise sur l’édifice. Etait-ce dû à la puissance qui en émanait ? Soudainement soucieuse, la jûnin tenta d’étendre son don à son paroxysme, captant l’essence de ce qui peuplait l’endroit. Nul doute possible, il y avait bien quelque chose à l’intérieur.

Elle sentit le regard de Sagamo se poser sur elle. Il semblait de nouveau nerveux ; l’excitation de la découverte avait cédé la place à une certaine anxiété en voyant le visage fermé de sa coéquipière. Elle ne chercha pas à le rassurer : il était temps pour eux de se séparer. « Je vais continuer le chemin. Toi, retourne à la surface. Rassure l’équipage et fais-leur part de nos découvertes. Empêche Jomi de descendre, aussi. Le connaissant, il voudra à tout prix venir voir de ses propres yeux… Mais c’est trop dangereux pour lui. » C’était la décision la plus raisonnable, croyait-elle. Sagamo allait finir par devenir un poids… Et puis, elle avait du mal à estimer le temps qu’ils avaient passé sous l’eau. Elle espérait que l’équipage – et par équipage, elle pensait surtout à ce cher Durako – ne se soit pas impatienté, ne les voyant pas revenir. Le jeune homme comprit son message et, bien que visiblement peu assuré, se plia à sa requête sans rechigner. Elle lui offrit un bref sourire pour tout encouragement et le regarda repartir par le boyau dont ils provenaient.

De là-haut, elle avait une vue imprenable sur l’étrange labyrinthe qui menait au temple. La tentation était grande de passer par la paroi de la caverne, contourner le dédale et les épreuves qu’il renfermait probablement. Mais la multitude de sources de chakra, ici et là, et l’aura qui s’échappait du lieu n’encourageait guère aux prises de risque. Si l’édifice était resté intact si longtemps – car l’endroit n’était visiblement pas tout jeune –, l’on pouvait être certain que quelques anciennes arcanes étaient à l’œuvre. Junko allait probablement manquer de ressources pour détecter et décortiquer le moindre jutsu à l’origine de cette merveille.
Faisant tourner l’anneau des Arpenteurs entre ses doigts, elle déclencha un nouvel enregistrement – le précédent, celui du temple qu’elle avait trouvé avec Jomi, n’était plus d’aucune utilité. Elle gravait ainsi dans l’anneau la vision imprenable qu’elle avait actuellement sur le labyrinthe. Elle ne savait pas encore ce qu’il renfermait, mais au moins elle connaissait le chemin.

Alors, elle s’élança vers cette nouvelle épreuve.

La progression dans le labyrinthe avait été d’une simplicité déconcertante, d’autant plus facilitée par l’usage du premier anneau des Arpenteurs. L’esprit retors de la dame s’était attendu à quelques pièges, mais l’endroit n’était vraiment là que pour raconter une histoire : celle de Torama, la descendante du Torabushi. Avec le recul, la jûnin songeait que la multitude de traces de chakra qui parsemaient les murs du labyrinthe n’étaient probablement que les témoins d’une technique ancestrale permettant la conservation du lieu. Elle n’osait d’ailleurs pas toucher la pierre sculptée, bien que la tentation fût grande, de peur que le sortilège ne soit rompu ou que cela ne déclenche un mécanisme destructif quelconque.

Au fil des panneaux, l’Arpenteur avait donc découvert les péripéties de Torama, l’enfant à l’âme vagabonde, et sa rencontre avec son ancêtre. Mais quel était ce secret si bien gardé ? Etait-ce celui de la jeunesse éternelle, ou le récit n’était-il qu’une métaphore filée ? Pensive, elle considérait le dernier tableau ; il dépeignait Torama en divinité, auprès de son peuple. L’histoire était belle, mais la jûnin ne savait quoi en penser. Elle aurait aimé faire des copies de l’ensemble des panneaux gravés, explorer les récits alternatifs, et ramener tout cela à ses compagnons de route. Des experts tels que Makimai et éventuellement Durako – mais ça la peinait de l’admettre – étaient surement en mesure de démêler le vrai du faux, au regard des légendes locales. Elle n’en avait malheureusement pas les moyens. Il fallait donc qu’elle garde ce souvenir intact, quelque part dans sa mémoire, et qu’elle avance.

En s’arrachant finalement à sa contemplation, Junko découvrit l’entrée du temple. Elle s’arrêta devant la porte ouverte. Le contraste de luminosité entre la caverne et l’intérieur du temple ne lui renvoyait qu’un trou d’obscurité. Elle prit un instant pour se concentrer et réactiver ses sens. Bien avant de pénétrer dans le labyrinthe, ces derniers s’étaient affolés et elle avait senti une présence, une source de chakra bien plus prononcée, bien plus puissante que dans le reste de la caverne. Ce fut une nouvelle fois le cas. C’était quelque chose de confus, indistinct, mais elle put tout de même déterminer que cela provenait du fond du temple. Alors, elle se décida à entrer dans le lieu sacré.

Une fois ses yeux accoutumés à l’obscurité, la jûnin découvrit une salle de prière immense, creusée à même la roche, et qui s’y enfonçait bien plus profondément que ce que laissait sous-entendre la structure du temple depuis l’extérieur. Prenant le temps d’observer l’endroit, la dame fit finalement quelques pas dans l’allée centrale. Tout au fond, il lui semblait distinguer quelque chose, en dépit du faible éclairage : on avait érigé un autel de pierre, dans une sorte de cavité bordée de colonnes sculptées.
Rejoignant l’autel, Junko n’eut guère le temps de s’intéresser aux formes gravées sur son pourtour. Toute son attention s’était soudainement reportée sur l’objet à la forme singulière qui trônait en son centre… « Le triangle. » souffla-t-elle, une pointe d’excitation dans la voix.

Ce fameux « triangle » – qui était en réalité une pyramide – était identique à celui de la légende. Son existence, en ce lieu saint, confirmait tous leurs doutes. Elle venait de trouver la seconde moitié de la carte dont avait parlé Jomi. Elle sentit son pouls s’accélérer. Si le cartographe ne s’était pas trompé dans son interprétation des scènes, cet objet – couplé au cube précédemment trouvé – devait leur ouvrir les portes de… De quoi, d’ailleurs ? Il restait tant de mystères à élucider. Elle repensa à l’histoire de Torama, gravée dans le labyrinthe. Quel lien y avait-il exactement entre ce récit et leur quête ? Si Torama était la jeune femme qu’ils avaient vu sur l’autel du cube, qui était le jeune homme ? Le Torabushi lui-même ?

Plongée dans ses pensées, l’Uzujin posa la main sur la pyramide de pierre et s’empara. Il était temps de retourner au navire…

Pour la senseur qu’était Junko, ce fut comme un éclair lumineux. L’instant d’avant, rien ne laissait présager la présence de quiconque puis, tout à coup, l’endroit fut baigné de chakra. Ce dernier circula le long des piliers extérieurs, puis dans le sol, jusqu’au centre du temple, donnant peu à peu vie à un homme. Elle se retourna lentement, découvrant du regard le spectre au chakra blanc. A l’évidence, il faisait partie d’un mécanisme qui avait été mis en place, des décennies en arrière, afin de protéger la petite pyramide qu’elle tenait entre ses mains. La jûnin n’était pas tellement surprise, à vrai dire ; elle avait vu des gardiens de pierre s’animer de la même façon, dans des temples bien plus anciens encore. Alors, considérant un instant sa forme spectrale si particulière, elle s’interrogea : s’il était réaliste, était-il réel pour autant ?

Mais alors que son esprit effleurait la possibilité que l’être ne soit qu’une simple émanation, finalement inoffensive, ce dernier invoqua encore plus de guerriers spectraux. Les Gardiens du Savoir… Elle eut une moue dubitative. Quand bien même il semblait évident pour son esprit cartésien que ces hommes ne pouvaient pas être vivants, il fallait qu’elle reste prudente. Pour elle, deux options étaient envisageables : ils n’étaient constitués que de chakra pur, ou ils n’étaient qu’une fabrication de son propre esprit. Mais dans un cas comme dans l’autre, ils pouvaient la blesser – physiquement ou mentalement – et ils étaient définitivement trop nombreux pour une shinobi seule.

Puis ses yeux tombèrent sur les anneaux que l’immense soldat portait à sa ceinture, alors que ce dernier tendait sa main vers elle. Elle fronça les sourcils. Si ses yeux ne la trompaient pas… N’étaient-ce pas les anneaux des Arpenteurs ? Elle eut un mouvement qui trahit son incompréhension et une soudaine inquiétude. Etait-ce vraiment possible ? La personne qui avait mis en place une telle défense faisait-elle partie de l’Organisation ? Et l’Organisation était-elle seulement au courant ? Si oui, est-ce que cela avait un lien avec sa présence dans l’expédition ?

Tentant désespérément de faire le vide dans son esprit, la dame posa doucement la pyramide de pierre sur le bord de l’autel, sans la lâcher pour autant. En l’état, elle ne pouvait pas se permettre un choc frontal avec ses adversaires en surnombre, même immatériels. Il lui fallait absolument gagner du temps et trouver une façon de s’extirper de cette situation, de fuir sans avoir à tous les vaincre. Mais la vision des anneaux la perturbait fortement. Bien trop de questions assaillaient son esprit, le rendant incapable de réfléchir à un quelconque plan.
Elle eut un mouvement des mains que les gardiens ne purent voir distinctement, comme pour se débarrasser de la terre et de la poussière que l’objet avait déposé dessus.

« D’accord. Je vais vous rendre la pyramide. A une condition : dites-moi qui vous êtes et pourquoi vous portez ces anneaux. »

Son regard passa sur les gardiens spectraux en ligne derrière celui qui semblait être le chef, cherchant un semblant d’ouverture, ou une issue possible. Elle n’était pas certaine d’obtenir des réponses de la part des spectres, mais leur réaction pourrait peut-être la renseigner quant à leur nature.

Il l’avait crue. Etait-ce grâce à son illusion ou était-il simplement crédule ? Junko se rendait compte que, loin d’obtenir toutes les réponses qu’elle cherchait, le récit de l’être de chakra soulevait de nouvelles interrogations. Une tombe vide ? Son regard se posa sur l’autel et elle demeura silencieuse quelques instants, semblant réfléchir à tout ce qu’elle avait vu et entendu.
L’armée de soldats spectraux avait disparu, et la dame tendait à penser que c’était bien Jirai qui les invoquait, mais qu’ils n’étaient finalement constitués que de chakra, tout comme lui. Quant aux éléments qu’il lui avait donnés sur son appartenance aux Cercle de Bronze, elle estimait que ça n’était peut-être qu’un coup du sort, une simple coïncidence. Tout comme sa présence dans cette expédition, finalement. Cela la rassurait, d’une certaine façon, car elle n’aimait pas avoir le sentiment d’être utilisée à son insu ou sans en comprendre la finalité.

Restait l’histoire racontée par Jirai. Qu’en penser ? Elle avait compris, au regard de tout ce qu’elle avait pu voir et lire précédemment, que la Déesse-Tigre dont il avait fait mention n’était nulle autre que Torama, la fille du Torabushi, déifiée. « Mais bien sûr que sa tombe est vide… » finit-elle par murmurer, plus pour elle-même que pour Jirai, comme si la conclusion tombait sous le sens. Elle releva le regard vers l’être de chakra, poursuivant son raisonnement avec aplomb : « Elle possède le secret de la jeunesse éternelle. » Dit ainsi, à voix haute, cela sonnait comme une absurdité. Mais Junko avait vu les panneaux du labyrinthe, elle avait vu le Torabushi jeune vieillir au contact de sa fille et cette dernière rajeunir subitement. Comment Jirai ne pouvait-il pas le savoir ? A moins que l’histoire ne se soit répétée, et qu’elle ait transmis son secret à un autre descendant, il n’y avait pas de raison qu’elle ne soit pas encore vivante, quelque part dans le Sekai… Et peut-être même sur la terre où tout avait commencé, où elle était née… Et où le sanctuaire du Vieillard aux Multiples Voies, le Sage des Six Chemins, était érigé.

Sa décision était prise, plus rien ne la retenait ici, surtout si Torama n’y était pas. Elle devait prendre la pyramide avec elle et trouver l’emplacement du sanctuaire. Là-bas, elle y verrait plus clair.

Mais Jirai ne fut pas de cet avis, bien sûr. Elle tenta bien de lui expliquer, sommairement et sans entrer dans tous les détails de sa mission, l’intérêt qu’il avait à lui faire confiance et à lui laisser la pyramide, rien n’y fit. Pas même la promesse de retrouver Torama. Pourtant, il était visible qu’il comprenait – voire, par moment, qu’il adhérait à – son discours et ses motivations. Mais c’était comme si une force le retenait, malgré tout, et l’obligeait à refuser qu’elle emporte la pyramide avec elle. Cette dernière était toujours posée sur le rebord de l’autel, lorsque Junko décida de laisser tomber. A quoi bon vouloir raisonner l’être chakratique… « Tu n’es que le produit d’un jutsu, après tout. Tu as été conçu pour ne laisser passer personne. » L’air contrit, elle posa de nouveau les mains sur l’objet et le glissa finalement dans son habit, avant de se ruer vers la sortie – et Jirai.

L’être gronda immédiatement. Deux bras spectraux jaillirent de son corps et s’abattirent sur la jûnin qui courait dans sa direction. Ne sachant vraiment à quoi s’attendre, elle fut surprise par l’attaque et se retrouva rapidement prise au piège. Néanmoins, si les bras immobilisaient ses jambes, elle pouvait encore utiliser ses mains libres. D’un mouvement rapide, elle enchaîna quelques mudras. « Abandonne, tu ne pourras pas me retenir indéfiniment. »

Le Genjutsu avait une action étrange et unique sur l’être de chakra pur. Ainsi, la jûnin ne s’était pas attendue à visualiser, littéralement, un flux de chakra perturbé, comme elle pouvait contempler des volutes de fumée. C’était à la fois intriguant et hypnotisant. Pour autant, ses jambes subitement libérées de l’emprise du guerrier lui rappelèrent qu’il n’y avait pas de temps à perdre. Jirai, aussi spectral fut-il, n’était pas un sujet d’expérimentation, mais un gardien prêt à tout pour l’empêcher de poursuivre sa quête. Profitant alors de la dématérialisation temporaire de l’ancien Arpenteur, elle se mit à courir, le traversant sans hésitation, avec la certitude qu’il ne pourrait rien y faire.

Sa voix tonna de nouveau, tandis qu’elle le dépassait. Il luttait contre son impitoyable illusion, tentant vainement de se défaire de la voix qui minait sa volonté. Quelle force d’âme ! Junko regrettait presque son acte ; être témoin d’une telle abnégation et d’une telle détermination à mener sa mission à bien, quelle que soit la puissance de l’ennemi, ne pouvait laisser parfaitement indifférent.
En proie à de violentes émotions, le gardien se décida néanmoins changer d’approche. La senseur put alors sentir tout le chakra dont il était composé se concentrer en un seul point, derrière elle, puis d’un coup, tout sembla exploser. Elle sentit l’onde de choc la traverser, comme elle traversa également les murs du temple et la paroi de l’immense caverne. D’un coup, tout ne fut plus que vibrations. La jûnin, qui s’était pourtant juré de ne pas se retourner, ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil vers l’arrière. « Qu’est-ce que… ?! »

Un gigantesque poing spectral venait de s’abattre sur le plafond du caveau, laissant une marque profonde dans la pierre. D’immenses fissures se propageaient le long de la voûte, emportant poussière et morceaux de roche sur leur passage. D’ici peu, tout allait s’effondrer. Dans un ultime effort, Jirai tentait d’emporter l’Uzujin avec lui.

Il n’y avait malheureusement rien à faire pour cet endroit ; le gardien lui-même avait décidé d’effacer des décennies d’histoire.

Joignant les mains, la dame exécuta rapidement quelques mudras. Heureusement, tout n’était pas perdu : elle avait en sa possession la fameuse pyramide et elle avait vu l’histoire de Torama, sur les panneaux de pierre du labyrinthe. A l’évidence, plus personne n’aurait jamais l’occasion de les contempler, mais au moins son histoire pourrait perdurer dans sa mémoire et dans la tradition orale.
D’un déplacement instantané, la dame gagna la sortie du temple, esquivant par la même occasion les débris qui se décrochaient du plafond.

Au dehors, la situation n’était pas mieux : la roche se fissurait de partout et de l’eau commençait à s’y engouffrer avec force, accélérant le processus de destruction jusqu’à ce que la caverne ne cède complètement sous la pression de l’océan. Escaladant la paroi du labyrinthe aussi vite qu’elle le put, la dame prit un peu de hauteur sur l’eau qui montait inexorablement, avant de courir en direction de l’entrée de la caverne, par laquelle elle était arrivée.

Mais il était déjà trop tard. Une partie de la voûte s’effondra brusquement au-dessus de sa tête. L’eau jaillit du trou béant en un torrent déchaîné. Junko, qui courait sur le dessus des murs du labyrinthe, se sentit projetée vers l’avant, déséquilibrée par la gerbe d’eau. Non ! Elle ne pouvait pas mourir ainsi ! Lorgnant l’eau qui arrivait déjà jusqu’à ses pieds, dépassant la hauteur des murs, elle se résolut alors à faire quelque chose d’apparemment insensé, mais qui était peut-être sa seule échappatoire… Elle plongea la tête la première.

…

Bloup. Bloup. Bloup. Quelques bulles d'air lui échappèrent, tandis que ses nageoires s’agitaient frénétiquement, luttant contre les courants sous-marins provoqués par les trombes d’eau qui se déversaient depuis les hauteurs. Elle pouvait sentir son cœur battre follement dans sa poitrine de petit poisson. Mais là, devant elle, se profilait enfin l’entrée. Sauvée !

Toc toc toc.

La folie de la fuite des profondeurs passée et le navire de nouveau en route vers on-ne-savait quelle destination, Junko se sentait étrangement vide de ses forces. La tête rejetée vers l’arrière, la jûnin s’était accordée quelques minutes de repos, les yeux fermés, affalée sur la seule chaise de sa cabine. A son retour, ses camarades d’expédition l’avaient assaillie de toute part et, encore sous adrénaline, elle avait fait de son mieux pour répondre à leurs sollicitations et leur faire un compte rendu détaillé de tout ce qu’elle avait vu et vécu – non sans omettre certaines informations qu’elle jugeait sensibles, notamment sur la fameuse jeunesse éternelle. Mais à présent que ces derniers avaient assez de grain à moudre et que la tension était retombée, elle n’avait qu’une seule envie : s’accorder une bonne nuit de sommeil et revenir sur tout ça une fois reposée. Pourtant, il y eut ces quelques coups contre la porte de sa chambre, et elle ouvrit subitement les yeux.

Jomi débarqua, s’enthousiasmant d’avoir découvert le fonctionnement de la pyramide et la façon dont les deux cartes s’imbriquaient pour indiquer une direction. La dame l’écouta patiemment, un fin sourire sur les lèvres. Elle ne lui en voulait pas, à vrai dire ; sans lui ils ne seraient certainement pas allés aussi loin dans cette aventure. Une fois qu’il eut fini, elle le congédia tout simplement, avec politesse mais une fermeté qui ne lui laissait pas le choix. « Tu as bien fait Jomi, je te fais confiance sur notre prochaine destination. Prévenez-moi quand nous y serons. »


La dame put dormir six heures, finalement. Une nuit correcte, mais encore bien trop brève au regard des péripéties qu’elle avait dû endurer jusque-là. Pourtant, en montant sur le pont principal avec le reste des membres de l’expédition, elle n’en laissa rien paraître, reprenant son rôle avec un naturel non feint. Face à eux, la brume s’étiolait en de longues trainées pour laisser place à une nouvelle île, que Jomi s’empressa de localiser sur ses cartes car, disait-il à qui voulait bien l’écouter, elle n’était pas répertoriée. Profitant de la manœuvre, les membres de l’expédition débattaient de nouveau de la marche à suivre. Cette fois, ils étaient bien plus nombreux à vouloir absolument participer à l’exploration, comme s’ils sentaient que la fin était proche et que les prochaines découvertes allaient être décisives dans leurs carrières respectives. L’Uzujin les laissa discuter un moment, écoutant vaguement les arguments des uns et des autres, le regard posé sur l’île. Elle étendait son don de sensorialité, à l’affût de traces de chakra caractéristiques, à défaut d’apercevoir des constructions humaines témoignant de ce qu’elle était habitée. Mais ils étaient encore bien loin du rivage ; elle n’aurait d’autre choix que de se rendre sur place pour en avoir le cœur net. Pour le moment, tout ce qu’ils pouvaient distinguer, c’était ce temple au sommet de la colline qui n’avait pas manqué de faire parler de lui.

Se retournant finalement vers la petite troupe, la jûnin s’éclaircit la voix, obtenant un semblant de calme afin de pouvoir s’exprimer. Après tout, on ne l’avait pas encore entendue. Or, jusqu’à présent, ses décisions avaient fait leurs preuves. « Je vais partir en éclaireur. Je vous ferai signe lorsque je serai certaine qu’il n’y a ni peuple cannibale, ni pièges comme ceux que j’ai pu trouver dans l’autre temple. »

A l’évidence, cette déclaration n’attendait pas de réponse. Pourtant, une voix s’éleva promptement parmi l’assemblée. Junko reconnut immédiatement le ton indigné de Durako. Mais il était déjà trop tard, elle n’avait pas attendu leur réaction ; son annonce s’apparentait davantage à un ordre qu’une invitation au débat. Et, de fait, elle avait rapidement sauté par-dessus bord. Une fois sur la surface de l’eau, elle leur fit un signe de la main avant de rejoindre le rivage. Maintenant, direction le temple.

Elle était observée. Dès l’instant où son pied se posa sur la terre ferme, Junko en eut l’absolue certitude. Quelqu’un ou quelque chose la regardait s’avancer sur ces terres. Le pas de la jûnin se fit plus alerte, son regard plus vif. Pourtant, au fond d’elle, la dame ne se sentait pas en danger. C’était comme si elle savait que cette chose qui l’observait ne lui voulait pas de mal. Comme si… on l’invitait à grimper jusqu’au temple ?

En s’arrêtant un instant pour examiner son environnement, à la recherche de son observateur invisible, Junko s’aperçut qu’elle avait parcouru une distance bien plus grande qu’elle ne l’aurait cru. Le navire de l’expédition semblait déjà loin. Elle leva les yeux ; le soleil aussi avait traversé le ciel. Le temps s’écoulait-il différemment sur cette île ? Ou était-ce l’effet d’un jutsu ? A cette pensée, son cœur s’emballa légèrement – trop légèrement peut-être, compte tenu de la situation, c’était comme si elle était incapable de se sentir menacée – et elle se focalisa d’instinct sur son don sensoriel.

Elle n’eut pas besoin de chercher bien loin. Tout n’était que chakra. Elle tendit une main devant elle et balaya lentement l’espace. C’était comme si elle pouvait palper l’énergie qui l’entourait ; une énergie qui n’était pas la sienne, à l’évidence, mais qui n’était pas non plus celle d’une multitude d’êtres vivants. C’était un chakra à la signature unique, qui semblait envelopper entièrement l’île. Pour autant, l’Arpenteuse avait suffisamment d’expérience en la matière pour deviner qu’il ne s’agissait pas d’un jutsu. En particulier, sa perception du temps n’avait pas été faussée par une illusion de zone. Car ce chakra était à l’état brut ; il n’avait pas été travaillé par un shinobi. Il n’avait aucun effet, aucune action sur son environnement. Il était, tout simplement. Mais à qui appartenait-il ? Quel genre d’être vivant était capable d’émettre ou d’absorber autant de chakra à l’état pur ?

Reprenant paisiblement sa route, la dame atteignit le sommet sans encombre. Son impression de calme intérieur n’avait fait que s’accentuer au fil des marches, à tel point qu’elle ne s’était jamais sentie autant en paix avec elle-même qu’en cet instant. Pourtant, bien des maux accablaient son esprit au quotidien…
Devant ses yeux, la lourde porte de la tour du temple s’ouvrit dans un grondement semblable au rugissement d’un tigre. Une invitation à pénétrer l’enceinte de ce lieu d’histoire que la jûnin n’hésita pas à saisir. Elle s’avança, posant le regard sur le splendide jardin qui dominait l’île et, surtout, sur l’enfant qui semblait l’attendre.

« Qu'êtes-vous venue faire ici, shinobi ? »

Junko tressaillit. Elle eut l’impression que le regard laiteux de l’enfant la transperçait, qu’il sondait jusqu’aux profondeurs de son âme. Ce regard, elle le connaissait, il l’avait accompagnée tout au long de son ascension. Et le chakra qui enveloppait l’endroit, c’était le sien. Quant à son nom…

« J’ai une mission et cette mission m’a menée ici. » répondit posément l’Uzujin. Elle posa le regard autour d’elle, détaillant chaque recoin du jardin antique. L’endroit paraissait immuable, figé dans le temps. Mais la voix de l’enfant avait la sagesse de la vieillesse. Les apparences étaient trompeuses. Elle poursuivit : « On dit que le Sage des Six Chemins a occupé ce sanctuaire. Vos descendants cherchent un artefact légendaire, l’héritage de votre lignée. » Elle marqua une pause. Elle n’était pas certaine de savoir exactement quelle forme prendrait l’artefact. Elle avait trouvé des cartes aux allures incongrues, des temples perdus, mais nul objet mentionné dans les écrits du Seigneur Momotsuki.
Elle poursuivit alors : « Quant à moi, j’ai encore des questions sans réponse, Torama. »