Extraction du poison [ Mission rang B - PV Tadake Yuriko ]

Juger une personne à sa première n'était clairement pas dans les habitudes du jeune senseur, il était mieux placé que personne pour le savoir mais, de toute évidence, cette femme devant lui laissait une impression étrange sans qu'il n'arrive à mettre le doigt sur la cause. Il était compréhensible que vivre en isolation pendant une longue durée pourrait impacter la santé mentale d'un individu, au point de développer suffisamment de paranoïa pour entourer sa propre maison de toutes sortes de pièges, mais était-ce seulement cela ? Elle n'était pas paranoïaque, plutôt prudence et elle avait de bonnes raisons de l'être mais, avant de définir si elle était folle ou juste dans son monde, le jeune aveugle avait besoin d'en savoir un petit peu plus. Voilà pourquoi il se présenta poliment et prudemment afin que cette mamie ne se retranche pas en une position fermée et défensive, tâchant de lui retirer quelques informations sans avoir l'air de vouloir éhontément lui tirer les vers du nez.
Il était doué avec les mots, bien plus qu'il ne le laissait paraître mais la plupart du temps son impatience avait raison de cette prudence et retenue nécessaire à toute nouvelle rencontre. C'était pour cela qu'il n'aimait pas la diplomatie ou les réunions interminables mais ici, se raccrocher à l'idée qu'il faisait cela pour les intérêts de Konoha était suffisant pour l'armer d'un peu plus de patience, assez pour entendre cette chouette évoquer les fils du marais et les vipères de l'eau.

« Viennent-ils vous embêter, souvent ? »

Le but caché derrière cette question était de savoir à quand remontait leur dernière visite, et la fréquence avec laquelle ces bandits venaient sur son territoire. Car il était logique qu'ils ne pouvaient pas passer au-dessus de l'opportunité de la rallier à leur cause pour contrôler entièrement le réseau de production de l'huile. S'il connaissait la fréquence de leurs visites, Kyoshiro pourrait au moins savoir combien de temps il leur restait avant d'être à nouveau dérangés. Mais bien vite son attention fut détournée lorsque la vieille chouette crut bon de se rapprocher de lui, en vue de lui présenter l'invité encore inconnu du duo. Une mocheté de la famille Kohaku ? Le shinobi fit un effort pour masquer sa surprise et son incompréhension, tout en rebondissant avec :

« Kohaku ? Je crains que ce nom ne me soit pas familier, Madame. »

Il n'avait jamais eu une bonne mémoire des noms, bien entendu, mais la famille Kohaku ne lui évoquait strictement rien. Il espérait donc que cette femme puisse lui en dire un peu plus mais, avant qu'il n'ait l'occasion de s'étendre sur le sujet, son  hôte amena devant le duo une créature sans doute attachée et étrangement calme face à son immobilité forcée. Ce ne fut que lorsque la vieille Hanayo révéla qu'il s'agissait d'un crapaud que Kyoshiro réalisa le caractère étrange du chakra ressenti un peu plus tôt, celui de la créature devant lui. Voir un animal aussi calme était une chose assez étrange, mais un animal doté d'un certain chakra ? Le Tadake se retint de froncer les sourcils pour continuer à donner le change, jusqu'à ce que la vieille fasse disparaître la créature dans un nuage de fumée, avec un coup trop fort.

« Étrange, en effet. Puis-je me permettre de vous demander où vous l'avez trouvé ? »

Ce n'était pas un animal, pas un animal ordinaire en tout cas et, l'espace d'un instant, la curiosité de l'homme le fit dévier de son objectif principal à la recherche de davantage d'informations. Y en avait-il d'autres, des créatures comme celles-ci ? Pourraient-elles mener le duo vers une source d'huiles ? Trop de possibilités en tête mais, pour l'heure, l'aveugle fut contraint de faire un nouvel effort conscient, pour retourner au sujet initial en concluant par :

« C'est une bien belle chaumière que vous avez ici, en tout cas. Je suis d'ailleurs surpris que les fils du marais ne vous ont pas encore forcé la main, pour que vous produisiez de l'huile pour eux. »

Kyoshiro n'était absolument pas suspicieux de nature et était toujours prêt à donner le bénéfice du doute à un individu, surtout lorsqu'il s'agissait d'une vieille femme perdue et seule et milieu des marais, cette isolation pourrait expliquer bon nombre de choses concernant sa personnalité, mais l'aveugle n'en était pas naïf pour autant. Il savait que tous les shinobis devaient toujours prévoir le pire car la trahison était dans le cœur de bon nombre d'hommes et de femmes mais, contrairement à ses collègues, il préférait observer et analyser la situation dans un premier temps plutôt que d'immédiatement imaginer le pire chez son interlocuteur. Ici, par exemple, il aurait pu s'imaginer que la vieille femme était en train de le mener en bateau, qu'une créature aussi étrange que ce crapaud bâillonné ne pouvait apparaître par hasard, devant une maison au milieu des marais, mais qu'en savait-il vraiment ? Il n'avait qu'une seule version des faits et l'autre venait de s'évaporer dans un nuage de fumée alors, pour l'heure, gardant en tête la raison première de sa venue

Il commença donc par noter qu'apparemment le nom Kohaku devait être connu, ou tout du moins dans cette région mais cela ne l'aidait pas davantage à  connaître l'origine de cette créature. Avec la possibilité qu'en apprendre plus sur cette famille lui donnerait une piste sur l'origine de la créature, et peut-être d'autres crapauds dans son genre, l'aveugle répondit donc à la question sur le lieu d'où il venait, d'un sourire accompagné d'un :

« De loin, madame. Pouvez-vous nous en dire plus, s'il vous plaît ?  »

Peut-être que cela ne donnerait rien, peut-être que cette femme n'en savait pas plus ou ne souhaiterait pas donner plus de détails sur cette famille mais, quoi qu'il en soit, les deux jumeaux devaient explorer toutes les options possibles. Pour être honnête Kyoshiro commençait à avoir l'impression qu'il piétinait dans ses recherches et qu'il allait bientôt devoir changer de piste, retourner à la ville précédente peut-être mais, avant cela, il tint à rebondir sur la description des événements tels qu'énoncés par la vieille dame.

« Vous vous en êtes lassée mais avez tout de même décidé de l'attacher et bâillonner plutôt que de lui demander de partir ? Voilà qui est un peu fort, ne trouvez-vous pas ? »

Cela manquait de subtilité mais peut-être était-ce ce dont elle avait besoin, pour se remuer un peu et délier sa langue. En effet si Kyoshiro ne l'incriminait pas directement, il mettait au moins en évidence la brutalité de la méthode utilisée pour ce débarrasser de cet étrange invité. Espérant qu'elle puisse peut-être leur en dire plus, donner au duo quelques miettes supplémentaires auxquelles s'accrocher, l'aveugle se drapa de nouveau d'un sourire confus lorsque la vieille femme demanda compensation au duo pour les informations fournies. N'avait-elle pas raison d'agir ainsi ?

« Excusez-nous de cette curiosité, vous avez raison. Une femme de caractère telle que vous doit avoir une idée précise de ce qu'elle veut. Si j'ai raison, puis-je savoir ce que c'est ? Avez-vous des soucis ? »

Kyoshiro était trop modeste pour pouvoir se vanter d'être un expert en science du comportement humain, un maître manipulateur ou le seigneur des interactions sociales mais, avec son expérience, il savait que souvent la première impression était loin d'être la plus honnête d'une personne. Si on s'arrêtait à sa première impression, par exemple, le Tadake n'était qu'un aveugle au sens de l'humour douteux, mais était-ce tout ce qui pouvait le résumer ? Pas le moins du monde et, comme avec sa propre personne, il en apprenait chaque seconde un peu plus sur cette femme âgée, devant lui. Si sa première impression lui laissait à penser qu'elle n'était qu'une femme un peu bizarre mais surtout habitée par une solitude compréhensible, Kyoshiro ne pouvait ignorer que l'histoire de cette créature étrange venait jeter un voile de doute sur les informations fournies par cette femme. Combien de temps encore, allait-il tourner autour du pot, sans réel succès, dans le but d'obtenir plus d'informations sur cette créature invoquée ? Combien de temps, encore, sa sœur pourrait-elle patienter ? Ces questions étaient valides, surtout que les réponses de la vieille étaient vagues, mais tout ceci éclata en morceau lorsque l'ancienne fit part de sa demande aux deux jumeaux.
Le temps sembla s'arrêter pendant un instant et, durant ce qui lui sembla être une éternité, l'aveugle se demanda si, en plus de la vue, son ouïe commençait également à lui jouer des tours. Avait-il bien entendu ? Il pensait se tromper, il n'en pouvait être autrement mais, après une intense réflexion il fut contraint de devoir se rendre à l'évidence : le désir de cette femme âgée c'était...lui. Rien que d'y penser cela lui faisait froid dans le dos mais, comme à son habitude, le jeune homme se fit violence pour ne pas laisser paraître cet inconfort sur son visage, attrapant les mains de la vieille avec douceur, pour les écarter de son visage, avant de sourire.

« Je suis plus qu'honoré par cette demande, vraiment. J'accepterais volontiers, sans hésiter si...je n'étais pas déjà marié. »

Il n'y avait pas de bonne façon d'amener une telle nouvelle, cette dernière s'accompagnant certainement d'une évidente déception, mais que pouvait-il dire ? Mentir ? Cette vieille semblait déterminée à aller jusqu'au bout de cette demande mais, en retour, qu'avaient obtenus les deux shinobis ? Une rencontre avec une étrange créature qui obsédait désormais le senseur, un nom de famille qui ne lui disait rien et...c'était à peu près tout. Cela ne l'aidait pas du tout dans l'avancée de cette mission, ou dans la découverte de l'origine de cette étrange créature mais, pour l'heure, avant d'aller plus loin, le jeune homme allait devoir faire une contre-proposition qui satisferait la vieille. Fort heureusement il ne tarda pas à trouver une idée.

« Il me vient une idée qui pourrait vous satisfaire, tout de même. Pourquoi ne nous rejoigniez-nous pas ? De là d'où nous venons, nous avons quelques amis, de jeunes hommes célibataires et bien foutus, qui seraient ravis de vous passer la bague au doigt. Qu'en pensez-vous ?  Une femme telle que vous mérite quelqu'un à même d'admirer votre beauté. »

Nikkou était célibataire, non ? Il ne refuserait pas une telle demande pour le bien de Konoha, non?Cette seule idée força Kyoshiro à se faire violence pour ne pas mourir de rire mais, au lieu de cela, il resta immobile, un instant, en attendant la réaction de cette femme. Il se savait beau parleur et manieur de mots, il venait encore de le prouver et, s'il y avait peu de chance que cette folle y trouve quoi que ce soit à y redire, cela ne clôturait pas le débat pour autant.
Attendant une réaction positive de l'hôte de cette modeste demeure, l'aveugle compta sur sa sœur pour que,  maintenant qu'il avait tâté le terrain pour rassurer son hôte, elle puisse repartir à la pêche aux informations concernant cette créature, ainsi que l'huile dont ils étaient si friands.

La créature en priorité, bien entendu.

L'erreur que faisait Kyoshiro la plupart du temps était de supposer que toutes les personnes croisant sa route étaient aussi raisonnables que lui, aussi sensées, aussi calmes et, lorsqu'il se rendait compte de son erreur, il s'en trouvait déçu à chaque fois. Si au départ cela avait débuté comme une conversation cordiale entre trois adultes responsables, cet échange avait pris une toute autre tournure lorsque cette personne d'un certain âge dévoila son désir le plus cher, à savoir se marier avec l'aveugle qu'elle venait de rencontrer. Était-ce une blague de mauvais goût, ou peut-être était-elle désespérée au point de se jeter dans les bras du premier homme lui montrant un peu de gentillesse ? Il était encore bien trop tôt pour le dire et, si l'aveugle ne pouvait répondre favorablement à cette demande, il supposait qu'une contre-proposition appuyée par sa sœur pourrait peut-être contenter cette femme et donner au duo ce qu'il désirait. Avait-il eu tort de penser ainsi ?
Oh que oui ! En effet non content de refuser en bloc la contre-proposition qui lui fut faite, quelque instants plus tôt, la vieille dame ferma totalement la discussion en envoyant bouler les jumeaux d'une façon assez...expéditive. Du ninjutsu ? Du poison ? Vraiment ? Sentant l'attaque arriver, n'ayant guère le temps de protester ou d'essayer de rattraper son geste, Kyoshiro joignit ses mains devant son visage et,' l'instant d'après, disparut de la chaumière en étant remplacé par un simple rondin de bois.

Confiant dans le fait que sa sœur puisse se débrouiller pour éviter cette attaque inattendue, le jeune aveugle se redressa, le visage tourné en direction de la chaumière, en pestant à travers ses dents.

« Et merde... »

Devait-il poursuivre cette vieille peau en usant de ses dons de senseur ? Non, cela ne servait à rien car il n'obtiendrait plus rien d'elle sauf s'il était prêt à user de torture, mais cela demandait du temps qu'il n'avait pour le moment pas. En revanche, si cette mission l'amenait à croiser de nouveau son chemin, personne âge ou pas elle allait déguster : personne ne mettait en danger sa sœur, de cette façon, sans en payer le prix. Il se redressa donc et prit  un peu de recul, le visage fermé et les sourcils fronçant, en tâchant de regagner son calme face à ce qu'il considérait comme un violent échec de sa part.
Que pouvait-il faire à présent ? La faute lui revenait, aussi devait-il également décider de la marche à suivre maintenant qu'une piste était grillée. Prenant une profonde inspiration en passant une main absente sur son visage, il attendit que sa sœur soit à côté de lui, à portée de voix, avant de dévoiler la suite du plan.

« On a plus qu'à retourner au village. Récupérer des infos sur cette famille Kohaku dans un premier temps, puis fouiller l'entrepôt repéré juste avant de partir. »

Que pouvaient-ils faire d'autre, de toute façon ? Le Tadake attendrait donc l'aval de sa sœur avant de  commencer à rebrousser chemin mais, en cours de route, ressassant une fois encore la scène qui venait de se dérouler, il ne put s'empêcher de murmurer à son encontre :

« Crétin... »

Pourquoi n'avait-il pas su mentir et accepter la proposition, pour le bien de la mission ? Il n'aurait jamais eu à passer à l'acte, aussi ce mensonge aurait-il été sans conséquence, alors pourquoi ? Parce qu'il était trop honnête pour son propre bien, trop têtu sans doute et il ne pouvait que se blâmer pour cet échec qui allait le forcer à prendre une autre direction. Il ne pouvait ignorer la présence de ces étranges créatures, il n pouvait oublier cette piste...

L'erreur était humaine comme le voulait l'expression et, malgré toutes les années d'entraînement qu'il pouvait avoir au compteur, rien ne garantissait qu'un shinobi ne dérape ou ne trébuche pas à un moment de sa course à la puissance. Kyoshiro était très doué dans son domaine lorsqu'il s'agissait de manier les mots, de prendre le rôle d'un autre ou de délivrer un discours poignant, mais qui pouvait dire que chacune de ces tentatives n'était pas sans risque ? Les deux jumeaux savaient bien que Kyoshiro n'avait pas toujours eu cette verve, car il n'y avait pas si longtemps que cela où il n'était encore qu'un pauvre petit aveugle pendu au bras de sa sœur,  nécessitant sa constante présence pour les gestes le plus simples. C'était sans doute pour cela, d'ailleurs, parce qu'il avait été aussi dépendant jadis qu'il était prêt à donner autant, aujourd'hui.
Kyoshiro était convaincu que les mots pouvaient être la plus puissante des armes, capable de renverser des nations ou d'établir un futur meilleur et, fort de ce constat, il avait toujours été plus prompt à soutenir ceux qui envisageaient une solution diplomatique, même si son corps réclamait de l'action. C'était ce qu'il avait essayé de faire aujourd'hui aussi, face à cette vieille dame, mais il était tout simplement trop honnête pour lui mentir et cacher qu'il avait déjà été uni à  une autre femme. Peut-être aurait-il dû le faire, très certainement, mais il était trop tard pour faire machine arrière.

Tout ce qu'il pouvait faire, à présent, c'était de se blâmer pour cette stupide erreur et chercher une autre voie le menant à cette fameuse famille dont il ne connaissait rien. Si cette famille était liée à cet étrange crapaud, peut-être que prendre contact avec ses membres permettrait au duo de rentrer victorieux à Konoha. Fort heureusement le jeune homme ne pouvait se permettre de rester paralysé par sa culpabilité car, comme à chaque fois, sa sœur était toujours là pour veiller sur lui tout comme il veillait sur elle, depuis leur tout premier souffle en ce monde. Pour une fois ce fut le ton léger de la demoiselle, le bon mot qui parvint à faire sourire l'aveugle, pointant du doigt le charme légendaire des Tadake qui, de toute évidence, marchait sur les jeunes et...les moins jeunes.

« Apparemment, oui. »

Après tout, n'étaient-ils pas beaux tous les deux ? Ne résonnaient-ils pas d'une énergie différente du reste de leurs congénères ? Assurément. Maintenant ils devaient laisser cette bicoque derrière eux et retourner dans le petit village où, à leur plus grand regret, leurs questions ne trouvèrent pas immédiatement de réponses. Comment pouvait-il en vouloir aux villageois ? Ils devaient avoir des raisons d'être sur la défensive, des raisons de craindre autant cette famille Kohaku mais cela ne donnait que plus envie à l'aveugle de trouver ladite famille.
Que faire à présent ? Changer de piste et retourner à l'entrepôt ? Non, l'aveugle était trop têtu pour abandonner maintenant et, plutôt que de retourner à la taverne visitée plus tôt, il décida de se diriger vers le marché en espérant que la langue d'un commerçant soit plus facilement déliée. Après tout ils connaissaient bien le principe du donnant-donnant, non ? Cette fois-ci il ne s'y tromperait pas.

S'avançant vers une étale sur la place du marché, en sélectionnant une un peu à l'écart des autres, à l'abri des oreilles indiscrètes autant que possible, l'aveugle s'avança et se forcer à se draper de son plus doux sourire.

« Excusez-moi, mon bon monsieur. J'espère que je ne vous dérange pas ? Je suis à la recherche d'une information mais, de ce que j'ai cru comprendre, ce n'est pas une information que je pourrai obtenir facilement. J'espère donc que vous pourrez m'aider, vous qui devez en voir passer du monde, à longueur de journée.  »

Il valait mieux être honnête dés le début, pour faire comprendre au commerçant qu'il n'était pas venu là pour acheter ses fruits. Laissant quelques instants au commerçant pour encaisser la première partie de la nouvelle, le Tadake rentra rapidement dans le vif du sujet :

« Je dois délivrer un message à la famille Kohaku mais, comme je ne suis pas du coin, je ne sais absolument pas où les trouver. Sauriez-vous m'aider ? Bien sûr tout travail mérite salaire, je ne m'attend pas à ce que vous me donniez cette information gratuitement. Aussi, si vous avez la moindre requête ou le moindre problème à régler en retour de cette faveur, je serai heureux de vous aider.  »

Sa sœur le soutiendrait-elle ? Ajouterait-elle quelque chose ? Cela restait à voir.

Kyoshiro était un homme qui souhaitait la paix plus que tout mais qui, bien étrangement, ne préférait rien de mieux que le sentiment de puissance face à une bataille qui s'annonçait. En somme il était un guerrier ayant un besoin vital d'action, mais qui recherchait la paix à tout prix, pour ceux qui ne pouvaient et ne voulaient se battre comme lui. Bien entendu, tout comme l'homme qu'il était en train d'interroger, le jeune Tadake connaissait le serpent que l'on appelait la peur mais, tout shinobi de son état, il avait appris à écraser ce serpent à mains nues et se servir de son venin pour n'en être que plus dangereux. Il comprenait donc l'inquiétude de son interlocuteur lorsque le nom de la famille Kohaku fut mentionné, supposant comme sa sœur que cette famille représentait un danger certain et, pourtant, en aucun cas cela n'arrêta l'aveugle dans sa démarche. Car après tout, s'il succombait à la peur, qui prendrait sa place ? Qui autre que l'aveugle qui s'était levé bien au-delà de sa condition pourrait mieux montrer l'exemple, que lui ? Il ne pouvait pas faillir et, surtout, il ne pouvait se laisser aller à l'impatience qui grandissait toujours en lui.

Il se fit donc violence pour écouter les dires de l'homme face à lui, pour écouter la proposition qui fut faite : des morts contre des informations. En vérité il avait tué pour bien moins que cela, car derrière son sourire charmeur il n'en restait pas moins un meurtrier, aussi considéra t-il la proposition d'un simple hochement de tête. Tout travail ne méritait-il pas salaire, après tout ? Hocha la tête positivement, il se tourna vers sa sœur en lâchant avec légèreté :

« Ça aura au moins le mérite de nous occuper, un peu.  »

Il était conscient que chaque vie était précieuse mais, au service de sa patrie, certaines vies auraient toujours plus de valeur que d'autres. Il avait répandu trop de sang pour se vanter d'être un sain, il savait qu'il finirait en enfer si un tel lieu existait mais, pour l'heure, il avait encore un travail à accomplir. Suivant l'indication de l'homme interrogé plus tôt, il se dirigea donc vers l'entrepôt repéré et, une fois face à Dame Amiri, enregistrant le chakra qui était le sien, Kyoshiro pencha la tête en guise de simples salutations, avant d'aller droit au but.

« Nous avons besoin d'informations sur la famille Kohaku. Il a été porté à notre attention que vous pourriez nous fournir de telles informations, si nous vous aidions à vous débarrasser des Fils dus Marais. Donnant-donnant.  »

Il n'avait pas de temps à perdre en mondanités et en léchage de fesses. Il préférait aller droit au bout en annonçait tout de suite que, s'ils prêtaient main forte à la défense qui se mettait en place, ils devraient être récompensés pour leur soutien. En parlant de défense, justement, il tint à récupérer quelques précisions e demandant :

« Est-ce cet entrepôt que vous devez défendre ? Si c'est le cas, permettez-nous de nous joindre à vous.   »

La logique du jeune aveugle était assez simple, en vérité. L'ennemi de son ennemi n'était-il pas son ami, ou tout du moins son allié du moment ? En effet si les vipères d'eau avaient régné sur ce lieu par le passé, les Fils du Marais représentaient la menace la plus direct au commerce avec Konoha. C'était donc vers ces racailles que l'attention du duo devait être tournée et, lorsqu'ils sortaient victorieux de ce qui les attendait, ils pourraient toujours envisager de se retourner contre les vipères et débarrasser cet endroit de la corruption...après qu'ils aient obtenu leurs informations.
Ce lieu n'était pas le terrain idéal pour maintenir une position défensive, les murs de cet entrepôt ne tiendraient pas longtemps contre quelqu'un maîtrisant le ninjutsu mais, pour l'heure, il allait devoir activer de nouveau sa capacité de senseur pour repérer l'arrivée des ennemis. Se rapprochant de la porte, un sourire amusé aux lèvres à l'idée du combat qui se profilait, l'aveugle tourna son visage vers sa sœur en concluant par :

« Prête, ma sœur ?  »

Ils étaient le duo le plus dangereux de tout Konoha, car leur synchronisation avait débuté dés le premier jour de leur naissance. Il n'y avait pas une connexion plus naturelle, plus instinctive, plus animale que celle qui reliait les jumeaux Tadake. Les Fils du marais allaient vite s'en rendre compte.

En vérité le jeune homme aurait déjà foncé tout droit en direction des fils du marais,oubliant la piste de l'étrange créature invoquée, s'il n'avait pas eu sa sœur à ses côtés. S'il était le soleil, irradiant son entourage de cette énergie parfois aveuglante et suffocante, il était souvent le jouet de ses propres émotions malgré ses efforts répétés. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, sa sœur avait toujours été son astre lunaire, veillant sur lui de sa pâle lueur glacée parvenant à refroidir et tempérer sa personnalité quand le besoin se faisait sentir. C'était la raison pour laquelle, malgré le fait que le Tadake commence à être fatigué de bondir d'un endroit à un autre, d'une mince piste à une autre, il continuait de le faire car il la savait à ses côtés.
Les deux jumeaux pénétrèrent donc dans l'entrepôt et, lorsqu'ils apprirent le menace qui pesait sur ce groupe, suite à la capture et peut-être torture de l'un d'entre eux, ce qui poussa les deux shinobis à proposer leur aide. Malheureusement la femme qui commandait, ici, ne l'entendait pas de cette oreille et proposa au duo quelques tests pour prouver leur fiabilité. Fronçant les sourcils à l'écoute de cette proposition qui ne lui semblait que pure perte de temps, Kyoshiro rejeta à l'arrière de sa tête l'idée de porter le tatouage de ces racailles, même pour le besoin d'une mission, avant de se focaliser sur ce qui lui posait le plus souci.

« Des tests ? N'avez-vous pas une menace plus urgente ?    »

S'ils étaient en état d'alerte, cela ne voulait-il pas dire que l'attaque était imminente ? Kyoshiro savait mieux que personne qu'il ne fallait pas faire confiance au premier venu, surtout s'il n'était pas ici mais, dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux qu'il soit rembarré tout de suite, plutôt que de perdre du temps en démarches futiles ? Décidément, malgré ses efforts il n'arriverait jamais à cerner tout le monde. Hochant la tête en prenant quelques détails, sur la position supposée du kidnappé, le jeune homme tourna les talons puis quitta l'entrepôt, bientôt épaulé par sa sœur à qui il murmura :

« Des épreuves ? On se croirait de retour à l'académie...  »

Et cela n'avait pas été la période la plus plaisante de sa vie, bien au contraire. Content et soulagé d'en avoir fini avec ces leçons interminables et ces discours barbants, l'aveugle se focalisa sur le moment présent, laissant tous ses sens revenir en alerte, alors qu'il avançait à vive allure vers le lieu désigné par cette femme. Sentant la frustration liée à cette perte de temps poindre le bout de son nez, il accéléra le pas en soufflant à sa sœur :

« Bon et bien en route. On fait ça vite et bien, je n'ai pas envie de perdre davantage de temps. Pas toi ?  »

Les deux shinobis avaient grandi et évolué dans les ombres depuis leur plus jeune âge, avaient appris à maîtriser leurs sens, à faire de leur propre corps une arme de renom pour être les plus terribles tueurs possibles, au profit d'une cause bien plus grande qu'eux. Il y avait quelque chose de noble dans la défense d'un village et de ses habitants, tout du moins était-ce la façon dont les villageois pouvaient percevoir le rôle de ces shinobis, mais la plupart des tâches qu'ils avaient à accomplir étaient toutes sauf honorables. Ces guerriers évoluaient en équipes pour des raisons évidentes, notamment pour parfaire l'apprentissage des plus jeunes de leurs membres,  mais rares étaient ceux à avoir une coordination aussi instinctive que ces deux jumeaux, lorsque les tambours de la guerre venaient à se faire entendre. Alors oui ils étaient bons pour se battre, pour répandre chaos et destruction si tel était leur devoir, parmi les meilleurs en ce bas monde, mais mener une enquête et suivre une piste ? Voilà un domaine dans lequel ils n'avaient eu que peu d'occasion de s'exercer, ensemble tout du moins.

C'était donc l'occasion où jamais et, comme à leur habitude, les jumeaux Tadake avaient l'art et la matière d'user d'un humour très particulier pour détendre l'atmosphère, pour rendre cette mission moins stressante qu'elle ne l'était en réalité. Bien entendu ils restaient des professionnels avant tout et, dés que leurs pas les menèrent en dehors de ce satané entrepôt, ils se mirent en marche, à la recherche du pauvre malheureux qui avait été kidnappé.  Une partie de Kyoshiro savait que le temps jouait contre ce malheureux, ayant encore des souvenirs bien trop vivaces de son expérience personnelle en terme de torture, mais l'autre côté le forçait à ne pas confondre vitesse et précipitation. Après tout il ne connaissait pas ces gens et ne leur devait rien, alors pourquoi brûler les étapes ? Il devait et voulait faire les choses de la bonne façon. Les deux guerriers sortirent donc de l'ombre pour aller à la pêche aux informations et, comme de bien entendu, firent chou-blanc auprès de la plupart des habitants, à l'exception de quelques uns.
Ce fut la jumelle qui repéra le symbole de serpent apposé sur la peau des quelques rares osant ouvrir leur bouche, probablement des alliés de ceux qui les avaient envoyés à la recherche du malheureux. Si on aurait pu penser que l'étau se resserrait, quand le duo fut dirigé vers le dernier endroit où la victime avait été vue, l'aveugle préféra faire preuve de plus de prudence. Après tout, leur dernière piste n'avait-elle abouti qu'à du vent ? Comment pouvait-il savoir qu'il n'en serait pas de même pour celle-ci ? La naïveté ne leur était plus permise, plus depuis qu'ils étaient devenus des shinobis de haute volée.

Après quelques minutes de marche supplémentaire, les deux shinobis arrivèrent sur le lieu où la victime avait été vue pour la dernière fois et, immédiatement, une odeur métallique très familière vint aux narines du jeune homme. Ce dernier s'accroupit immédiatement, plongeant deux doigts dans le liquide devant lui, avant de le porter à ses narines. Reconnaissant l'odeur, il fronça les sourcils en lâchant :

« Du sang, et...  »

Qu'est-ce que c'était que cette seconde odeur ? Il lui fallut quelques bonnes secondes de plus pour l'identifier comme étant de la bave, animal qui plus est. Il posa un genou à terre devant cet amas de fluide vital et de bave pendant quelques secondes, laissant ses sens s'étendre au-delà de sa perception normale, jusqu'à ce que son odorat ne percevoir deux traînées différentes, dans deux directions presque opposées.

« Et merde, la piste se divise. La bave de crapaud part vers l'eau, et l'autre par là.   »

Joignant le geste à la parole, Kyoshiro montrant d'un mouvement de tête la direction que prenait l'odeur de sang, menant vers des entrepôts un peu plus loin. Fronçant de nouveau les sourcils, il se redressant et tourna par réflexe sa tête vers l'eau, vers les bateaux amarrés un peu plus loin, avant de se tourner vers sa sœur pour lui demander avis :

« T'en penses quoi ? Le sang nous mènerait peut-être vers le capturé, mais la bave pourrait nous mener vers la famille Kohaku.   »

Aujourd'hui il n'était pas le chef d'équipe, ils allaient travailler de concert. De plus, d'expérience, Kyoshiro savait que sa sœur était plus logique et intelligente que lui, alors...pourquoi ne pas la consulter ?