Extraction du poison [ Mission rang B - PV Tadake Yuriko ]

Les missions étaient à peu près la seule chose qui arrivait à canaliser la débordante énergie du jeune aveugle et pourtant, en prenant un peu de recul, il se rendait compte qu'il n'avait pas eu le temps d'en faire autant que cela ses derniers temps. Entre sa captivité, sa convalescence, l'attaque sur Baransu et les changements dans sa vie personnelle, force était de constater que le Tadake avait été plus qu'occupé ces derniers temps. En vérité son corps avait toujours été bouillonnant d'énergie même lorsqu'il était alité, comme si sa nature elle-même était de bouger et se battre encore et encore, au mépris de ses propres, alors comment avait-il réussi à combattre ces pulsions pendant aussi longtemps ? En se rappelant ce qui était réellement important pour lui, tout simplement, mais cette lutte n'en avait pas été pour le moins ardue.
Il savait enfin ce que cela faisait d'être aimé, d'être amené à porter une nouvelle vie en ce monde et, le plus important, il vivait peut-être ses dernières semaines ou ses derniers mois au sein de Konoha. Alors comment devait-il se sentir ? Car oui, il se doutait bien de ce qui allait se passer, même si rien n'était encore gravé dans le marbre il n'était pas naïf pour autant. Dire qu'il était en paix avec cette idée serait un grossier mensonge, sans doute parce que cela l'éloignerait forcément de sa sœur à moyen ou long terme mais, de cela, il ne préférait pas y penser au risque de voir son esprit se déchirer. Peut-être était-ce cette prise de conscience de son futur imminent qui l'avait poussé à repartir en mission, car cette action dans un but précis avait quelque chose de purifiant, mais c'était ce sombre constat qui l'avait poussé à amener sa sœur avec elle dans cet endroit paradisiaque.

Il ne souhaitait pas penser au futur, pas penser aux déchirures à venir, pas penser à son élève et ses amis qu'il laisserait derrière mais...pourquoi cela l'obsédait-il autant, alors ? N'avait-il pas pleinement accepté le changement à venir ? L'aveugle pensait que oui, mais son esprit lui donnait un bien différent son de cloche. À quoi bon s'y attarder, de toute façon ? Au vu de sa situation il n'y avait pas beaucoup d'alternatives de toute façon, il devait accepter ce futur en faisant le ménage dans son esprit mais, pour l'heure, il avait bien plus urgent en tête.

« J'ai l'impression que ça fait une éternité, notre dernière mission ensemble. »

Ils étaient tous les deux ici pour remettre sur pied le commerce d'huile de crapaud jaune qui avait été grandement mis à mal, ces derniers temps, pour le plus grand malheur des apothicaires de Konoha qui cherchaient à pouvoir remplir leurs stocks à nouveau. Pas trop mal pour une reprise, non ? Certains pouvaient croire qu'il pêchait pas excès de prudence, en raison de ses futures responsabilités, mais en vérité il...savait-il seulement ce qu'il faisait ici, plutôt que sur un théâtre de combat ouvert ? Non et cela lui allait très bien, de se contenter de suivre les ordres sans se poser de questions, de temps en temps.

« Bon, bon, bon. Où sont ces fichus Fils du Marais ?  »

Cela faisait un moment que les deux Tadake arpentaient cet archipel à la recherche d'un village, d'un quelconque informateur capable de les renseigner sur les responsables de ce retournement de situation. Trouveraient-ils en ces lieux les fameux alliés qui se trouvaient lésés par ce changement, peut-être à même de les aide ? Kyoshiro n'en savait rien mais il ne repartirait pas sans que cette affaire soit réglée. N'était-ce pas ce qui était attendu d'eux, de toute façon ?

La relation que les deux jumeaux entretenaient allait bien au-delà des moments,  ils comprenaient parfaitement ce que l'autre pouvait ressentir car, à défaut de meilleur terme, ils avaient été pour ainsi dire dans la tête de l'autre depuis aussi longtemps qu'ils pouvaient s'en souvenir. Bien sûr ils avaient gardé leur petit jardin secret et, même si récemment ils s'étaient promis de tout se dire, quelques non-dits survolaient toujours leur relation fusionnelle. Tous les deux savaient que l'avenir ne leur serait pas clément car il leur réservait des sorts bien différents, surtout maintenant que Kyoshiro était certain de devoir poser ses valises chez les Yamanakas au vue de sa parenté à venir, mais alors qu'adviendrait-il du duo mythique de Konoha ? Cette distance sonnerait-elle le glas de cette connexion plus forte que tous les autres ? L'aîné des Tadake savait que cela n'augurait rien de bon mais, en mission comme en dehors, préférait ne pas trop y penser et se focaliser sur autre chose. À quoi bon s'y attarder, de toute façon ? Ce n'était pas comme s'il pouvait contrôler son cœur, faire machine arrière et empêcher cet enfant d'être conçu : il avait fait le choix d'aller jusqu'au bout et il s'y tiendrait.
Kyoshiro n'était pas doué pour grand chose, mais sa parole avait plus d'importance que tout autre élément de sa vie. S'il commençait à briser ses promesses que resterait-il de lui ? Une vague coquille vide, incapable d'apprécier la beauté du monde qui l'entourait. Alors oui, même si mettre la tête dans le sable n'était pas la solution c'était la seule qu'il trouvait pour le moment car, quel que soit le choix qu'il prendrait, il gagnerait et perdrait quelque chose de la même manière. Il ne serait gagnant sur tous les tableaux, cette garce qu'était la vie le lui avait bien fait comprendre.

Se reconcentrant sur sa mission, le jeune homme accueillit les deux premières répliques de sa sœur avec un sourire amusé, bien conscient qu'il n'avait pris le temps de visiter l'un de ces petits paradis terrestres en dehors du cadre du devoir. Triste constant, non ? Ce fut en se rendant compte de cette triste vérité sur sa vie, qu'il lui vint une idée qu'il fit partager à sa jumelle.

« Il va falloir qu'on corrige ça, qu'on contre cette malédictions. Quelques jours de vacances loin de tout ceci, ça te tente ? »

Certes ils étaient des shinobis de haute volée dont le poids était précieux dans leur village, le bouclier qui protégeait la paix de chaque citoyen moyen, mais depuis combien de temps n'avaient-ils pas pris de temps pour tous les deux ? Depuis combien de temps n'avaient-ils pas osé s'arrêter, pour écouter le silence ? Le jeune Tadake ne s'en souvenait plus, ce qui dépeignait une bien triste vie qui finirait par avoir raison de lui, mais alors pourquoi ramener le sujet maintenant ? Peut-être parce qu'il était fatigué, ou parce qu'il savait qu'il n'aurait peut-être plus l'occasion de le faire, de si tôt.

« Les flammes, hum ? Ils n'auraient pas pu mieux choisir que moi. »

Sarcastique ? Lui ? Pas le moins du monde...Bon, d'accord, un tout petit peu. Comme il s'y attendait sa sœur avait fait ses recherches, pointant du doigt le seul moyen de soigner ce poison que bien sûr, Kyoshiro ne possédait pas avec lui. Eau au lieu du feu ? Parfait choix de casting, effectivement. Mais cela importait pas, la vie ne leur donnait jamais les cartes qu'ils méritaient, de toute façon. Lorsqu'elle commença à lui poser des questions sur d'éventuels contacts, Kyoshiro pensa au petit papier glissé avec le parchemin de mission, papier qu'il sortit de sa poche en l'attrapant entre deux doigts, avant de le tendre à sa sœur.

« Tout est là, tiens. »

On lui avait déjà expliqué les détails, aussi sa jumelle n'avait pas besoin de lui faire la lecture. Une fois qu'elle aurait pris connaissance des éléments, Kyoshiro prendrait une inspiration, laissant ses sens s'éveiller au-delà de sa perception naturelle, avant de déclarer dans un sourire :

« Il semble que tu vas devoir être mes yeux, encore une fois, p'tite sœur. »

La chasse aux tatouages pouvait commencer, et sans tarder !

Le jeune appréciait de sortir des murs de la ville qui l'avait vu grandir, de mettre ses talents à l'épreuve et de se sentir plus vivant que jamais, c'était l'une des choses qu'il adorait le plus au monde mais ici, lorsque sa sœur était à ses côtés, tout lui semblait si simple et si...limpide. Ils se comprenaient mutuellement et, même lorsque les flammes de la bataille venaient lécher leurs corps aguerris, les deux jumeaux savaient qu'ils pouvaient compter l'un sur l'autre plus qu'avec n'importe quelle autre personne au monde. C'était la force de leur duo, cette force qui leur permettait de rigoler, cette force qui permettait à l'aveugle de sourire face à la petite boutade qui lui fut lancé, conscient que des deux il était le moins calme et réfléchi des deux. N'importe quelle autre personne n'aurait pu se permettre une telle remarque, un tel jugement sans se voir rabroué pour ces paroles, mais elle ? Elle le connaissait mieux que personne, mieux que son aimée, mieux que son élève Akira, mieux que ses parents, c'était la seule qui pouvait se permettre de lui dire ses quatre vérités car elle était sa voix de la raison.
Elle voyait pour elle, elle mettait le doigt sur ses pires défauts et ses meilleures qualités mais, par-dessus tout, elle était la première à avoir su réveiller en lui cet instinct protecteur que Kyoshiro ignorait posséder. Peut-être ne se verraient-ils plus très bientôt mais, s'il y avait une chose dont le Tadake était sûr, c'était que ni le temps ni la distance ne le sépareraient de sa sœur bien aimée.

Malgré leur attachement mutuel plus solide et profond que les fondations de ce monde, les jumeaux étaient aussi des shinobis, des guerriers de l'ombre qui savaient faire la part des choses et, surtout, qui savaient mettre leurs émotions de coté quand les cloches du devoir sonnaient dans leurs oreilles. Ainsi, malgré le futur incertain, le jeune homme s'avança jusqu'au centre ville, sa chère sœur à ses côtés, laissant ses sens s'étendre au-delà des limites de son propre corps alors que Yu', elle, repérait déjà des individus aux vêtements anormalement longs et proches du corps compte tenu de la chaleur ambiante. Avaient-ils quelque chose à cacher ? Des tatouages peut-être ? La jouer profil bas n'était pas idiot au vu du contexte actuel, plus sûr que de s'exposer au grand jour en tout cas et, l'espace d'un instant, l'aveugle hésita à se diriger vers l'un de ces individus pour le questionner.
Les mots qui parvinrent à ses oreilles et les chakras perçus dans la taverne juste devant lui suffirent à stopper cette intention première, acceptant de laisser ces individus de côté pour le moment. Après tout, si les deux la jouaient fine, ces gaillards seraient encore là dans quelques minutes,  non ? Ce n'était qu'une supposition, mais avec trois pistes à travailler la solution sembla évidente : il fallait désormais se séparer.

Kyoshiro avait un contact facile, aussi aurait-il pu se diriger vers les bribes de conversations entendus un peu plus tôt mais, pour une fois, il laissa sa sœur se charger de cette partie-là. Après tout, socialement parlant elle était bien plus capable et ouverte qu'avant, tout du moins était-ce ce que percevait son frère qui, de son côté, ne put ignorer les chakras perçus un peu plus tôt. Il était encore trop tôt pour dire si ces chakras représentaient de réelles menace, la perception de Kyoshiro n'était pas encore assez précise pour cela, mais une enquête dans une taverne ? Dans un lieu qu'il affectionnait tout particulièrement ? C'était clairement dans ses cordes.

« La  taverne, c'est plus mon rayon. Tu t'occupes d'eux et tu m'y rejoins ? »

Bien entendu la situation serait inversée s'il finissait son enquête avant, ou s'il faisait chou blanc, mais il n'eut guère besoin de le préciser. Le duo fonctionnait comme une machine parfaitement bien huilée, les évidences n'avaient jamais besoin d'être énoncée. Ainsi, faisait bien attention de garder toujours son bandeau frontal dans sa poche, n'éprouvant pas encore le besoin d'afficher son allégeance à Konoha à qui voulait bien le voir, l'homme pénétra dans la taverne et laissa ses sens lui faire découvrir le lieu dans lequel il venait de mettre les pieds, avant de penser à voix haute.

« Alors, qu'avons-nous là ? »

La première étape était d'aller se commander un verre afin de se fondre dans la masse, afin d'avoir l'air d'autre chose qu'un touriste à la recherche de quelque chose ou quelqu'un mais, pour l'heure, il compta sur son côté senseur et sur ses oreilles pour grappiller les premières informations qui lui seraient utiles. Le reste ? Il verrait ensuite, s'adapter était toujours son point fort.

Oh il en avait passé des soirées dans des tavernes, à courtiser de la donzelle de petite vertu ou à remplir son foie jusqu'aux limites du raisonnable, quelque part dans une taverne il se sentait bien plus à l'aise que dans le trou à rat qu'il appelait son foyer mais, ici, l'important était de ne pas retomber dans ses vieux travers. Il était en mission, un fait que sa chère sœur aurait tôt fait de lui rappeler s'il était amené à l'oublier mais, plus important encore, il était surtout bien loin de chez lui. Il n'avait plus ses repères, ses petites habitudes, ses camarades de beuveries au côté desquels se mettre, mais était-ce vraiment important ? Après tout il ne devait pas perdre de « vue » qu'il était plus ici pour aller à la pêche aux informations que pour enfiler les verres comme du petit lait.
Poussant la porte de ce modeste établissement, espérant que la pêche aux informations de sa jumelle serait aussi fructueuse que la sienne, le jeune homme prit une profonde inspiration et un sourire se dessina sur son visage. Cet atmosphère, cet air saturé d'une odeur rance d'alcool, de transpiration et de vomis : oh ce que cela lui avait manqué ! Pour tout dire il n'avait pas fréquenté ce genre d'établissement depuis une éternité, bien avant son séjour chez les Yamanakas et ce rapide plongeon dans son passé de poivrot lui rappelait pourquoi il avait toujours eu un fort attrait pour la boisson. Mais non, aujourd'hui Kyoshiro fut contraint de se faire violence et d'oublier son envie de s'enfiler un verre rapidement, se concentrant plutôt sur l'audience qu'il avait devant lui.

Les interactions sociales étaient basées sur le non-verbal, sur les gestes et les mimiques que la cécité du Tadake ne pouvait analyser ou comprendre, aussi avait-il appris à se baser sur ses quatre autres sens afin de « sentir » la foule devant lui. Il pouvait s'agir d'une odeur, d'un son, d'un détail insignifiant pouvant trahir les intentions d'un individu mais, dans le cas présent, ce fut le chakra qui détermina le choix de konohajin. Oh oui il aurait pu se diriger vers les deux signatures et leur entourage, mais Kyoshiro savait que l'influence du groupe pouvait faire rapidement dévier une conversation, aussi avait-il plus de chance en abordant la signature solitaire.

Il était évident qu'il ne pouvait pas arriver les mains vides,  non ? Aussi alla t-il chercher deux verres de sakés et, drapé de son plus franc sourire, s'approcha de la table où était assise cette personne à la lance, avant de se présenter d'un simple :

« Ce n'est jamais bon de boire tout seul. Permettez que je me joigne à vous ? »

Certains pouvaient avoir peur d'aborder les autres et de faire le premier pas, qu'il s'agisse pour draguer ou toute autre chose mais, fort heureusement, Kyoshiro n'avait jamais été de ces gens-là. Aussi confiant qu'à son habitude, il ne s’assiérait que si son futur interlocuteur lui en donnerait l'accord et, en récompense, lui tendrait l'un de ses deux verres de sakés avant de trinquer. Quoi de mieux qu'un petit verre pour briser la glace ? Bien entendu il faudra quelques échanges d'amabilité pour établir le dialogue mais, si la réponse de son interlocuteur était positive, Kyoshiro rentrerait alors dans le vif du sujet avec :

« Ça va vous paraître un peu sorti de nul part, mais... »

Mais quoi ? Il demanderait sans doute à cette personne à la lance si elle avait quelques informations sur les Fils du Marais ou la localisation de stocks d'huile de crapaud jaune. En bref, sans griller toutes ses cartouches du premier coup, tâchant de la jouer fine en lâchant petit bout par petit bout, Kyo tâcherait d'en savoir plus sur la position de ceux qu'il devait affronter, ou peut-être même le lieu où se trouvait la sorcière éleveuse de crapauds dont il avait entendu parler un peu plus tôt.

Restait à savoir si son interlocuteur lui serait d'une quelconque utilité.

Le jeune homme prenait toujours soin d'aborder une mission en prenant en compte ses erreurs passées afin qu'elles ne se répètent pas. Il aurait pu rentrer dans ce bar et se remplir le foie jusqu'à finir rond comme une queue de pelle, comme il avait l'habitude de le faire jadis, mais le souvenir de la dernière fois où il avait baissé sa garde le hantait encore. Une auberge de passage, une jeune femme, un simple petit verre et il se retrouva ensuite ligoté à une chaise dans une sombre grotte. Le reste ? Il n'avait pas besoin de se le remémorer, cela n'avait jamais quitté son esprit durant les tous derniers mois. Alors oui, il pénétra dans cette bâtisse afin d'utiliser l'excuse d'un toast pour briser la glace, car d'expérience il savait que cela lui avait été utile dans un nombre incalculable d'occasions, mais en serait-il de même ici, dans un endroit dont il ne connaissait rien ? Il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir.
Il connaissait ce genre de lieu et les archétypes des personnes qui y séjournaient, mais ce pays n'avait rien de commun avec le sien. Il n'avait pas ses habitués, ses habitudes, ses points de repères mais, malgré cette incertitude dans laquelle il s'avança en se drapant d'un sourire qui suintait la confiance en lui. L'homme en face de lui sonnait aussi bourru que bon nombre de guerriers, le ton de sa voix trahissait également le poids des années mais, malgré tout, Kyoshiro tenta sa chance en lui posant quelques questions. Oh oui il savait être subtil et charmeur quand il en avait besoin, mais le Tadake était avant tout un traqueur et un guerrier de l'ombre, pas un négociateur ou un enquêteur, aussi ne fut-il pas plus surpris que cela de sentir que son interlocuteur n'était pas prêt à répondre ouvertement à ses questions. Bien entendu il n'était pas surprenant d'entendre que les Fils du Marais avaient une bonne réputation ici, surtout s'ils avaient débarrassé cette ville de la concurrence, mais l'aveugle réprima un sourire lorsque le guerrier bourru lui fit l'honneur d'un petit conseil bien senti.

Des gangsters qui n'aimaient pas trop que des fouineurs viennent mettre le nez dans leurs affaires ? Cela n'avait vraiment rien de surprenant mais, malheureusement pour cet homme, les deux shinobis n'étaient pas du genre à renoncer à la première difficulté venue. Sans avoir pratiquement touché à son verre, préférant garder l'esprit vif pour que ce qui allait suivre, le shinobi hocha la tête respectueusement avant de répondre :

« Heureusement que vous n'êtes pas moi alors. Merci du conseil, en tout cas. »

Se leva sans demander son reste, ayant la sensation que quelqu'un était toujours en train de le regarder mais ne pouvant vraiment le vérifier, le shinobi quitta l'auberge et retourna sur ses pas. Avec n'importe quel autre partenaire il aurait eu besoin de ses sens pour le localiser, mais la signature de présence et de chakra de sa sœur fut la première à être mémorisée dés qu'il en eut la capacité. Aussi, ce ne fut sans aucune difficulté qu'il retrouva son chemin quelques secondes plus tard, s'annonçant en posant  une main rassurant sur l'épaule de sa sœur, avant de lancer :

« T'as du nouveau, pour moi ? Rien de constructif de mon côté, pour le moment. »

Bien entendu il lui expliquerait les seules informations récoltées, la mise en garde lancée à son encontre et la bonne réputation dont jouissaient les Fils du Marais ici, mais cela ne les aidait pas plus à savoir vers où se dirigeait. Peut-être que sa sœur aurait eu plus de chances.

Ayant laissé de côté son territoire de prédilection, la taverne, pour aller retrouver sa sœur en espérant que sa recherche soit plus fructueuse, le jeune homme arriva à ses côtés et l'écouta déballer les informations collectées. Pour être honnête il ne savait pas par quel bout prendre cette mission, s'il devait s'attaquer directement au problème racine, les Fils du Marais, ou bien remonter la source de la précieuse denrée convoitée mais, fort heureusement, les informations de sa sœur facilitèrent son choix. Oh oui il aurait pu rester dans cette ville et traquer les vipères en espérant qu'elles soient d'une quelconque aide, un vœu pieux selon l'avis du jeune homme, mais l'évocation d'une ferme et d'une éleveuse attirèrent l'attention du Tadake  plus que tout autre mot. Pourquoi ? Dur à dire, peut-être était-ce le côté mystérieux de cette vieille femme vivant dans les marais, de toutes les rencontres que le duo allait pouvoir faire dans un lieu aussi instable et marécageux, un lieu où ils ne seraient pas à leur avantage, ou bien...ou bien rien, ou bien il était simplement curieux et préférait passer son temps dans la nature que dans les villes grouillant de vie.

Oui, c'était déjà plus probable, en effet.

Sans hésiter, le jeune homme indiqua donc à sa sœur qu'il préférait aller faire un tour dans ces fameux marais, convaincu qu'ils auraient le temps de revenir vers l'entrepôt indiqué par la jumelle au retour, si jamais ils faisaient aussi chou blanc dans les marais. Ils se mirent donc en route sans attendre et, bien que le jeune homme soit plus que curieux de savoir ce qu'ils allaient découvrir au bout du chemin, toujours satisfait de pouvoir découvrir des portions de ce monde qui lui étaient encore inconnues, il s'arrêta lorsqu'il sentit une structure au milieu d'un cours d'eau. Qui avait bien pu construire cela ici ? Étaient-ils déjà arrivés à destination ? Il fut sur le point de demander à sa sœur de lui décrire la structure devant eux, lorsque ses sens l'alertèrent de mouvements massifs tout autour du duo. Des ennemis cachés ? Non, c'était bien trop peu discret pour être l’œuvre de shinobis en tout cas, alors qui ? Ou bien quoi ? Les bruits qui suivirent firent travailler l'imagination du jeune homme, le faisait puiser dans sa connaissance de la fane marécageuse, avant de lancer à sa sœur :

« C'est bien ce que je pense ? »

C'était bien la première fois que son chemin lui faisait croiser la route de ces massives bêtes à écailles qu'étaient les crocodiles et, si une partie de lui était transportée de joie à l'idée de cette nouvelle rencontre, l'aveugle n'en oubliait pas pour autant le danger que ces trois bêtes représentaient. Il était un ami des bêtes, mais le Tadake était à peu près certain que, cette fois, il ne pourrait pas gentiment calmer ces bêtes qui devaient le voir comme leur prochain repas. Qu'à cela ne tienne, un peu d'action pour commencer la journée ne lui ferait pas de mal.À ces mots il puisa dans l'humidité ambiante et quatre copies conformes de sa personne prirent vie, deux d'entre elles foncèrent sur le crocodile le plus sur leur droite tandis que l'original, de son côté, annonça à sa sœur :

« Chacun le sien. »

Difficile à dire combien de temps ils avaient avant que la situation ne soit plus complexe, ni si d'autres bêtes n'attendaient pas tapies dans les eaux, aussi Kyoshiro avait-il joué la prudence en demandant à deux copies de rester là, en soutien. Si les deux autres se ruèrent sur la première bête en l'asséna d'un coup de poing et de pied, attaque trop légère pour inquiéter le crocodile mais au moins pour l'occuper un instant, l'aveugle original bondit sur sa propre proie et, en retombant, expédia un coup de bien descendant sur la tête de la bête à écailles.

Des crocodiles...qui l'eut cru ?

la plupart des combattants affirmaient que combattre un être humain était bien plus simple qu'un animal, car l'instinct était remplacé par l'intelligence mais pourtant, face à ces êtres d'écailles et de longues rangées de dents, l'homme privé de lumière ne se sentait pas plus à l'aise que cela. Oh il savait bien que les créatures animales étaient prévisibles car guidées par leur instinct de survie ou leur volonté de se nourrir, il pouvait donc enlever le côté tactique et stratégique de l'équation, mais il n'était pas attendu à ce que ces créatures se montrent aussi...robustes. Cependant, comme tout bon shinobi qui se respectait, le Tadake avait appris à s'adapter à sa situation et changer son jeu en fonction de l'adversaire qu'il avait en face de lui aussi, plutôt que de faire la bêtise de l'attaquer de front avec sa subtilité habituelle, il choisit la voie des airs en un puissant coup de pied descendant. Le sourire amusé de Kyoshiro disparut soudainement lorsque son pied touché cette peau écaillée, réalisant que son adversaire était bien plus solide qu'il pensait et, avant qu'il ne s'en rende compte, le crocodile était déjà en train de se tordre dans tous les sens pour se débarrasser de cette vermine qui devait être son petit déjeuner. Pris au dépourvu, l'homme fut repoussé en arrière par le coup de queue et manqua de se mordre la langue au passage, reprenant difficilement son équilibre alors que l'une de ses clones retournait à son état d'origine.
Le visage du jeune aveugle se figea en une expression de froide concentration en un instant, se rappelant que les shinobis n'étaient pas la seule réelle menace qu'il serait amené à affronter au cours de sa courte vie, avant de reporter son attention sur cette bête à l'imposante mâchoire. Il n'avait pas besoin de sentir son chakra ou de humer l'air pour deviner, à sa démarche et ses mouvements que cette bête n'était pas au mieux de sa forme, aussi le Tadake n'attendit pas d'avantage et bondit de front, se décallan sur le côté au dernier moment avant d'expédier un violent coup de pied retourné sur le flanc gauche de cette grande mâchoire, dans le but de montrer à cette bête que son prochain repas ne comptait pas se laisser faire.

Supposant que cette créature aurait retenu la leçon après deux violentes patates coup sur coup, l'homme ordonna à ses copies de converger vers la dernière créature restante, la martelant de coup tandis que lu, à nouveau, bondirait et fracasserait son talent sur le haut du crâne de la bête, avant de s'écarter et reprendre son souffle. Attendant d'avoir la confirmation que les trois bêtes étaient à présent réticentes à vouloir continuer cet affrontement, l'homme privé de lumière se tourna vers sa jumelle et, se fendant d'un sourire taquin, se contenta de conclure d'un simple :

« Sympa cette petite balade, non ?   »

Trois crocodiles dès leur première arrivée dans ce fichu marais, que pouvait bien leur réserver la suite ? Il espérait vraiment que le jeu en vaille bien la chandelle.

Le style de combat du jeune homme le poussait à chercher à évoluer dans de grandes étendues dégagées, là où il aurait la place de bouger et où la faune de pourrait l'empêcher de traquer sa proie du jour mais, comme chaque shinobi le savait, les situations où un shinobi étaient nécessaires n'étaient jamais idéales et il fallait conjuguer avec cette inconnue. Oh qu'est-ce qu'il n'aurait pas donné pour retrouver les vastes forêts de Konoha ou bien la foule bruyante et étouffante d'une ville bondée mais, au lieu de cela, il en était rendu à faire une excursion marécageuse avec sa jumelle sans trop savoir ce qu'ils allaient bien pouvoir en sortir. Comme d'habitude l'aveugle ravala sa fierté et ses préférences qui n'avaient pas lieu d'être ici, assez longtemps au moins pour chasser ces féroces bêtes à écailles qui, bientôt, comprirent qu'il ne fallait pas essayer d'asticoter les deux Tadake.
Enfin ils étaient débarrassés de leur premier obstacle de la journée mais serait-ce le dernier ? L'aveugle savait bien que non car la mission ne faisait que commencer, ils auraient forcément à affronter les Fils du Marais à un moment donné mais, pour l'heure, le senseur fut bien plus intrigué par la chaumière dont fit mention sa chère sœur. Qui avait l'idée de vouloir habituer ici ? À moins que cela soit un isolement choisi pour fuir une quelconque menace ? Il faudrait qu'ils sachent plus et, pour se faire, Kyoshiro posa un genou à terre, fermant ses yeux avant de laisser sa conscience s'étendre vers ladite chaumière où, après quelques secondes, il parvint à deviner deux présences sur place. Non, une présence et...autre chose, il n'arrivait même pas à identifier la nature de cette signature ce qui provoqua chez lui un froncement de sourcils agacé.

« Deux présences dont une assez...singulière. Ça vaut le coup d'aller y...jeter un œil.    »

Se redressant, le senseur prit la décision d'ouvrir la marche tout en laissant ses sens en alerte, un geste qu'il remercia plus tard car il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour identifier les premiers pièges sur son chemin. Du poison dans l'eau, des parchemins explosifs disséminés çà et là ? S'ils avaient des deux, les deux shinobis avaient désormais la confirmation que quelqu'un dans cette chaumière ne voulait absolument pas être dérangé, ce qui ne fit qu'alimenter davantage la curiosité du jumeau Tadake. Il était comme un enfant à qui on venait de faire quelque chose, préférant braver l'interdit plutôt que d'écouter les instructions qui venaient de lui être prodiguées.

« Ils ont prévu le coup. C'est blindé de pièges.    »

Lentement, avec une patience assez peu habituelle chez lui, Kyoshiro avança comme s'il était un funambule sur un fil suspendu dans le vide, marchant un pas après l'autre avec une extrême prudence jusqu'à ce que, après plusieurs dizaines de secondes, lui et sa sœur parviennent de l'autre côté sans encombre.
Plus surpris de cette performance que n'importe qui, Kyoshiro se racla la gorge et avança prudemment en direction de la chaumière. Conscient que les personnes à l'intérieur devaient être déjà conscientes de l'arrivée des shinobis, le combat contre les reptiles ayant été assez bruyant, il s'annonça donc d'un simple :

« Youhou ! Il y a quelqu'un ? On est les gentils !    »

Même parmi les shinobis de sa génération le jeune Tadake était désespérément optimiste et positif, préférant essayer de voir le meilleur dans les personnes qui croisaient sa route avant de finalement être déçu, en de trop nombreuses occasions pour qu'elles soient comptées. Il aurait pu donc arriver dans cette chaumière en défonçant la porte et en hurlant sur la personne qui avait posé ces pièges mais, conscient de la possibilités qu'il n'aient été déposés là que pour se défendre des menaces extérieures, Kyoshiro se drapa de son plus grand sourire pour annoncer sa venue, au grand désespoir de sa sœur qui ne voyait pas ce qu'ils avaient en commun. Elle avait raison, elle était censée et calme tandis que lui était tout l'inverse mais, à cette phrase, Kyoshiro ne put que répondre sur un ton léger :

« Je ne vois pas du tout pourquoi tu dis ça.   »

Quoi qu'elle en dise, elle aimait cette chaleur humeur et cette légèreté même dans les pires des situations, car c'était ce qui lui permettait de garder la tête froide, c'était la raison pour laquelle les deux jumeaux s'entendaient si bien, même au cœur de la bataille. Rien ne pouvait les faire flancher, lorsqu'ils étaient l'un à côté de l'autre. Le Tadake s'avança donc dans la chaumière, avant que les mots de cette vieille dame ne parviennent à ses oreilles, reflétant d'un caractère bien trempé ainsi que d'un âge avancé. Sénile ou simplement déboussolée ? Elle avait au moins la présence d'esprit de clarifier la situation d'entrée de jeu, tout en proposant un café en guise de bienvenue, ce à quoi l'aveugle répondit poliment :

« C'est  très gentil à vous de le proposer, madame, mais ce ne sera pas nécessaire. J'ai d'ailleurs oublié de me présenter, je suis Kyoshiro. »

Il n'avait pas envie de la bombarder de questions mais il allait devoir le faire, alors s'il pouvait lui en éviter une en oubliant volontairement de lui demander son nom, peut-être cela jouerait-il en sa faveur. Quant à lui, il ne voyait pas l'intérêt de dire d'où il venait, car le bandeau frontal qu'il portait donnerait toutes les réponses donc cette mamie avait besoin. Il s'avança donc, lentement, sans faire de gestes agressifs et sans outre-passer ses droits d'invité, restant debout pour le moment, tout en rebondissant sur l'avertissement de la mamie lancée un peu plus tôt :

« Nous ne vous dérangerons pas bien longtemps, je vous assure. Puis-je me permettre de vous demander si ce sont les vipères d'eaux, ou les fils du marais qui vous embêtent pour votre huile de crapauds, madame ? Car nous ne sommes ni l'un, ni l'autre, si cela peut vous rassurer. Nous sommes juste en quête...d'informations.    »

Si elle était une fabricante indépendante cela expliquerait pourquoi elle voulait maintenir sa position et se protéger contre ceux voulant s'accaparer son business, les deux shinobis allaient donc devoir creuser davantage sur ce sujet. Malheureusement il y avait un autre point que le senseur gardait en tête, à savoir la puissance de cette femme de par sa signature de chakra, mais aussi la seconde présence sentie un peu plus tôt et qui n'avait pas encore pointé le bout de son nez. Poli comme à son habitude, se drapant d'un sourire bienveillant, il conclut son intervention par une demande qui se voulait raisonnable.

« J'espère que vous ne trouverez pas cela trop impoli de ma part, mais, puis-je me permettre d'aller saluer l'autre personne vivant ici ? C'est une coutume chez nous, voyez-vous. Se présenter à tout le monde, avant toute chose. »

Ce n'était pas un mensonge, les parents Tadake avaient toujours élevé leurs deux enfants pour qu'ils soient polis et bien élevés, l'aveugle utilisait simplement cette excuse pour satisfaire sa curiosité et rien d'autre, mais cette femme n'en savait rien. Il patienta donc, en attendant d'avoir ses réponses.