Un pas après l’autre, les deux sunajins avançaient péniblement dans le désert. La chaleur écrasante se faisait toujours plus pesante et pour y faire face, Zakuro se réfugiait derrière son turban et son foulard. Malgré tout, il crevait de chaud. Bien qu’il y soit habitué depuis les années, rien n’y faisait en cette journée d’un été particulièrement caniculaire. Il mourrait tout simplement de chaud. Recouvert de sa transpiration, il continuait pourtant d’avancer, maudissant dans sa barbe ses genoux fragiles. Marcher si longtemps n’était plus de son âge. Il avait besoin et envie d’une bonne pause. Des heures à marcher dans le sable par cette chaleur ? Non vraiment la situation ne lui convenait pas. Exaspéré, l’homme de petite stature frappa du pied dans un monticule de sable en jurant.
« Rahh j’en ai marre à la fin ! Putain on crève de chaud et je meurs de soif, se plaignit-il. Bordel et j’te parle même pas de l’état de mes pauvres genoux. Et si on montait le cam... Attends voir, s’arrêta-t-il, mais oui c’est une ville ! Hahahaha génial on va pouvoir s’arrêter là. »
Zakuro se moquait bien de l’avis de son supérieur, Kayaba Akihiko, le Haut-conseiller de Suna. Après tout, l’homme était stupidement puissant et venait de le démontrer lors de la mission qu’ils avaient menés ensemble. S’il décidait de sauter cette escale, il n’aurait aucun mal à rentrer seul. Après tout, quelques bandits ne feraient pas le poids contre lui et qui d’autre serait suffisamment idiot pour l’attaquer ici ? La situation était sous contrôle et quelque chose intimait au père de famille que son compagnon avait lui aussi grand besoin de faire une pause.
Il s’avéra que la bourgade n’était autre que Kahumiraka, un comptoir commercial dont se servait parfois la femme de Zakuro pour faire transiter des marchandises. L’homme n’était pas souvent venu ici mais il savait qu’Haruna y faisait régulièrement venir de grandes quantités d’eau. Ces gens étaient donc de bons clients qui payaient rubis sur l’ongle, ce qui lui intimait qu’il serait certainement bien accueilli. À mesure que le sunajin avançait, il se rendit compte que la cité était en plein effervescence. Tout le monde s’agitait dans les rues. Certains montaient des stands, d’autres mettaient les tables en place ou préparaient à manger et à boire.
« Oy, mamzelle, qu’est-ce qui se passe ici ? demanda Zakuro à une jolie passante brune.
- Bah, c’est le festival de la rose des sables, comme tous les ans à cette époque quoi. Vous vivez dans une grotte papy ?
- Que ?! J’vais te... Non, bon casse toi morveuse !
- Pfff ça va là, c’est la fête, soupira-t-elle en roulant les yeux, faut pas s’énerver comme ça franchement. »
Quelle belle nouvelle, en plus d’avoir droit à un peu de repos, Zakuro pourrait s’amuser et se changer les idées. C’était un luxe qu’il n’était pas question de laisser lui passer entre les mains. Mains dans les poches, il se retourna vers son compatriote à la chevelure éclatante. Ce type était vraiment bel homme, ce n’était pas pour rien qu’il avait du succès avec les femmes. Rien à voir avec Zakuro qui faisait bien pâle figure à ses côtés. Cependant, comme il voyait les choses, il s’estimait bien plus chanceux d’avoir une femme formidable et trois filles adorables. Quoiqu’à bien y penser, les adjectifs choisis n’étaient peut-être pas bien de rigueur, mais il s’estimait pourtant mieux lotis. Le Haut-conseiller vivait une vie bien triste selon le père de famille.
« J’vais passer la soirée ici et repartir demain au petit matin. Hors de question que je loupe le festival ! Tu vas faire quoi Akihiko-san ? »
Avancer dans le désert est une chose ardue, même pour des gens habitués comme nous pouvons l’être, Zakuro et moi. Alors imaginez les profanes et autres novices – néophytes, devrais-je dire. Bah, n’est pas Sunajin qui veut ! En tous les cas, si je ne suis pas du genre à me lamenter sur mon sort, mon comparse de mission s’en donne à coeur joie. Je m’étais aussi dit que je ne l’avais pas trop entendu durant notre mission… Est-ce qu’il s’était retenu et déchargeait tout son saoul sur notre Nature impitoyable ? Probablement. Cela dit, je dois bien avouer que la chaleur commence également à me faire suffoquer. Je prends ma gourde quand le Sunajin mentionne le manque d’eau et je dois me rendre à l’évidence : il n’y en a pas plus du tout. Je pourrai aussi en invoquer mais… Il fait définitivement trop sec et lourd. Impossible de manifester quelque technique Suiton qui soit sans que je me ruine de mes réserves. Déjà que je n’ai pas encore totalement réussi à les récupérer dans leur globalité… Je préfère donc m’assécher encore un peu plutôt que de me pénaliser en cas d’attaque sauvage. Si nous nous rapprochons tout doucement de Suna, il faut avouer que nous sommes malgré tout assez éloignés. Aussi, les bandits et autres indépendants prêts à exécuter quelque contrat qui soit pour gagner leur paye de la semaine peuvent à tout moment nous tomber dessus. Je regarde alors mon duo : on n’est pas totalement certains de ne pas choper quelques égratignures. De plus, combattre avec Hélios au-dessus de nous ? C’était un coup à attraper une sale insolation. Mauvais plan, donc.
Mais alors qu’il s’apprête à proposer qu’on monte le campement là, entre deux dunes, il regarde au loin. Ma capuche m’empêche de regarder en hauteur et je ne veux pas risquer de faire flamber ma crinière, aussi je lui fais confiance. Je ferme même les yeux quelques secondes quand il s’exclame qu’il y a un village non loin de nous. Un énorme sourire vient me barrer le visage : nous sommes une fois de plus sous le signe de la providence ! Plein d’entrain, le quarantenaire propose qu’on s’arrête là sans vraiment me demander mon avis. j’ai beau être son supérieur, une certaine confiance s’est installée. Il en va de même pour la proximité qui a renforcé nos liens. Sans prendre la peine de vraiment lui répondre, je le suis et nous nous dirigeons vers cette ville en pleine effervescence. Après quelques minutes – et Amaterasu sait combien elles m’ont paru longues – de marche intensive à travers les envolées sableuses, nous arrivons à proximité de l’entrée de cette ville. Plus nous nous approchons, et plus les tambours frappent et animent le comptoir commercial qu’est Kahumiraka. Si je n’y suis jamais allé personnellement, j’en ai déjà entendu parler à maintes reprises, et je l’ai surtout vue écrite dans les nouvelles qui nous parviennent de temps à autres. En tout cas, je sais que la femme du père de famille a tendance à s’en servir comme zone de transit neutre, évitant ainsi de payer les frais d’importations ou de réexportation. Qu’elle est maline, celle-là. Finalement, nous entrons et nous commençons à sillonner les rues. Si les percussions nous donnaient déjà un avant-goût, les stands qui se montent et les gens qui s’agitent partout nous font comprendre qu’un événement spécial à sans doute lieu. Je pouffe sous ma capuche et regarde Zakuro… Qui est déjà parti accoster une jolie petite brunette. Il a vraiment besoin de cours sur la diplomatie, je vous jure. Je soupire, bien qu’un brin moqueur, et m’approche des deux pour comprendre ce qu’il se passe. Le festival de la rose des sables ? Jamais entendu parler. Tout ce que je connais avec ce nom, c’est un pâtisserie à base de céréales et de chocolat et… au risque d’être vulgaire : putain, je m’en exploserais la panse à chaque fois. Une vraie scène de ménage à eux deux. Je me retiens de véritablement rire – je dois faire bonne figure, tout de même – et agrippe l’épaule du marié.
« T’es pas censé avoir la bague au doigt ? Le charrie-je. »
Un peu d’humour n’a jamais tué, surtout que celui-ci ne s’est jamais montré en reste non plus. En tous les cas, Dame Fortune est en train de sourire, toutes devants révélées : nous allons pouvoir dormir dans un endroit convenablement, pas un campement de fortune, avoir probablement de quoi nous amuser un peu. Et, à vrai dire, je rêve de boire jusqu’à oublier mes fonctions depuis que nous avons terrassé ce groupuscule qui pensait pouvoir faire sa loin dans les terres limitrophes… terres promises à Suna (surtout parce que je l’ai décidé ainsi, en fait). On va pouvoir faire la fête, enfin ! Et comme le dit l’adage, ce qui se passe hors de Suna… reste hors de Suna. Mon ami me demande alors ce que je vais faire pendant que lui va rester ici. Encore une fois, je pouffe et me tourner vers lui.
« Un peu de repos nous fera le plus grand bien… Je commence déjà à m’étirer. Je. Vais. Me. Retourner. La. Tête. J’en ai vraiment besoin. Je m’approche de lui et lui balance une grande claque dans le dos. Et toi aussi mon gaillard ! J’ajoute avec un rire exagérément gras. Toujours faire dans l’exceptionnel, telle est ma marque de fabrique. Comme dirait l’autre, tout ce qui ne se passe à Suna y reste, on est d’accord ? Je lui offre un sourire ainsi qu’un regard lourds de sens. Enfin, je retire ma capuche et le prends par les épaules ; moi aussi j’ai le droit de me détendre de temps en temps et de faire fi de mes fonctions. J’espère que l’alcool coulera moult et que nous serons en heureuse compagnie. Un autre clin d’oeil. »
Si beaucoup me soupçonnent de ne pas savoir m’amuser et de passer le nez enfariné dans la paperasse les nuits durant lorsque je ne suis pas en mission, c’est bien parce qu’ils ne me connaissent pas. En réalité, j’ai probablement bien plus de… déviances qu’eux – et je ne m’en suis jamais caché. Je ne m’appelle pas le « Noyeur de Putes » pour rien, après tout. Bah, vu le poids que j’ai sur les épaules, il me faut bien pouvoir décompresser de temps en temps… Quoi de mieux que ce qui est le plus risqué à faire rentrer sur nos terres, hmmm ?
La réaction du haut-conseiller avait de quoi décontenancer. Zakuro ne s’attendait clairement pas à le voir réagir ainsi. Le blondinet cachait visiblement bien son jeu. Très bien, il allait donc avoir un compagnon de jeux pour la soirée. Parfait, pensa-t-il. Si même un homme de sa trempe semblait vouloir lâcher la rambarde, il estimait pouvoir se laissait aller sans peine. Après tout, qui viendrait lui reprocher son comportement si le grand Kayaba Akihiko en faisait de même ? Après sa lourde claque, le sunajin de petite stature s’écarta en faisant les gros yeux. Bon sang, fallait pas commencer à le chercher ou il se ferait une joie de montrer à ce petit prétentieux de quel bois il se chauffait. Zakuro n’était pas un gamin qu’on pouvait prendre par les épaules comme ça ! Une grimace au visage, il écarta les bras de son supérieur.
« Putain tu veux me rouler une galoche ou quoi ?! T’en fais pas on va se mettre la tête en dedans. Pas besoin d’me prendre par les sentiments. »
Tournant le dos à Akihiko, il jeta un coup d’oeil au festival qui continuait d’être lentement mais sûrement mis en place. De son pouce, il caressa l’alliance qu’il portait à la main gauche avec de sourire au Haut-conseiller.
« C’est plus une chaine autour du coup qu’une bague au doigt si tu veux mon avis, s’amusa-t-il. Allez ptit gars, voyons ce qu’on trouve de sympa dans le coin ! »
Partant à l’aventure, Zakuro partit d’un pas décidé vers le centre du village. S’il tendait l’oreille, il entendait les gens s’amuser, rire et chanter, s’il ouvrait les narines, il sentait déjà mille saveurs le faire saliver. Cette soirée serait mémorable, il en avait la certitude. Soucieux de respecter un minimum la coutume, il s’arrêta devant un stand d’alcool et paya la première tournée: deux pintes d’une bière blonde légère servies dans des chopes en bois de piètre qualité. Comme un vrai bonhomme viril, et accessoirement le roturier qu’il était, il trinqua avec Akihiko avec poigne, renversant au passage un bon tiers de son breuvage au sol. Comme s’il n’avait rien bu depuis des années, il avala presque un morceau de son verre en buvant. De la mousse blanche partout sur le bas du visage, il repartit en quête de belles découvertes.
Après de longues minutes à chercher quelque chose d’intéressant, il tomba sur un stand qui attira son attention. Le but y était simple: contre quelques pièces, l’on pouvait obtenir cinq petits couteaux à lancer contre une cible. En fonction du résultat, on repartait avec un cadeau ayant plus ou moins de valeur. Malheureusement, pour la plupart des gens, les projectiles étant mal équilibré, ils repartaient sans rien. Un immense sourire aux lèvres, Zakuro s’avança pour tenter sa chance, mais il se rendit compte avec effroi qu’une pancarte inquisitrice trônait en haut du stand: «Interdit aux shinobis». Grinçant des dents, il vit rouge en quelques instants. Éclatant littéralement sa chope contre le comptoir, il invectiva le gérant.
« Oy toi ! Espèce d’enfoiré, t’es qui pour m’dire que j’ai pas le droit de jouer ? C’est qui qui protège ton cul de bouseux, hein ?!? Ouais, c’est nous ! NOUS, NOUS, NOUS !!! s’énerva de plus en plus Zakuro, ne manqua pas d’attirer l’attention vers lui. Je demande, non, j’exige le droit de jouer. T’as compris l’moustachu de mes deux ? »
Correcteur, si tu passes par là, sache que j'appuie volontairement sur l'aspect "ridiculement fort/connu" d'Aki comme l'a fait Zaku dans son premier post.
skulls & trombones
Zakuro & Akihiko
Si notre hiérarchie nous impose habituellement quelques codes à respecter, il m’incombe de savoir les briser quand il le faut. Quand j’en ai envie. Quand je le veux. Je suis le Haut Conseiller de Suna, j’ai donc tous les droits à ce niveau. Aussi, si je veux me pinter la face avec l’homme marié, c’est de mon ressort. Par là, j’invoque le six-cent-soixante-sixième amendement de Suna et déclare la beuverie ouverte. Enfin, quand on aura trouvé un stand. C’est qu’ils sont seulement en train de les installer, donc on va avoir le temps de visiter un peu la bourgade en attendant. Ce qui signifie aussi que je vais avoir tout le loisir pour me moquer un peu de Zakuro. Celui qui plaisante de sa relation, mais qui, j’en suis convaincu, n’en pense pas un traître mot. Ce n’est pas pour être médisant, mais j’imagine que ce n’est certainement pas lui qui porte la culotte à la maison. De ce que je sais de sa compagne, elle a tendance à tout gérer d’une main de fer… et je me doute fortement que c’est elle qui lui dicte comment se comporter. C’est aussi pour ça que je m’autorise à passer du bon temps avec lui ; j’ai bien envie de l’encourager dans la déboire, histoire de décrocher un peu du stress continuel du continuum familial. Après tout, avoir la bague au doigt – ou la corde autour du cou – durera toujours plus longtemps que notre escapade entre hommes.
C’est donc d’un pas décidé (enfin, surtout le sien) que nous partons à l’aventure, découvrant ainsi le centre-ville du village accueillant le festival des roses des sables. Seigneur que ce nom me donne faim à chaque fois que j’y pense. Ou que je l’entends. ET LES VILLAGEOIS N’ONT QUE CES MOTS A LA BOUCHE. L’attente va être longue. Trèèèèèès longue… Aussi, je tente de faire abstraction, inhibant mon ouïe à cette sempiternelle locution. A présent, je peux également entendre les gens chanter, s’amuser, rire… Une ambiance aux totales antipodes de Suna ! Est-ce que cela me manque ? Oui. Mais à ce moment précis, je ne peux m’empêcher de penser à Aika. Aurait-elle été de la partie ? Probablement. Revêtant son magnifique kimono, elle aurait fait tourner plus d’une tête… Dont la mienne. SURTOUT la mienne. Mais je n’aurai pas été en mesure de faire quoi que ce soit si ce n’est de l’observer d’un œil distrait – qu’il aurait été mal vu qu’une figure telle que la mienne soit poursuivie pour regard insistant. Il ne faut pas non plus oublier que notre relation avait toujours été secrète et que personne au monde, de son vivant, n’avait pu se targuer d’être au fait de pareil secret. Non seulement par respect pour sa famille (dont ma mère adoptive et mon meilleur ami), mais aussi respectivement à mes devoirs de Sunajins. Si je suis Haut Conseiller depuis un peu plus de douze ans, Aika avait également son lit d’importance et obligations à respecter. De fait, l’amour ne nous était pas forcément autorisés. Rien que d’y penser, je sens les larmes monter, mais je parviens à les cacher. Je reste souriant, toujours encapuchonné, cachant néanmoins mon regard aux passants et prenant bien soin d’éviter de croiser celui de mon acolyte. Il se serait forcément posé des questions, et à raison. Comme je n’ai pas envie de devoir expliquer mon état, je me blinde de masques. Encore. Toujours. Comme d’habitude. Bah, ça fait un peu plus de vingt ans que je vis comme cela ; je ne suis pas prêt de changer mes mécanismes de défense… ou de manipulation, qu’on se le dise.
Bref, mes narines sont totalement ouvertes, elles aussi. A cet effet, je ressens mille et une saveurs toutes plus alléchantes que les autres. J’ai SI faim ! Il est grand temps qu’on trouve un stand sur lequel je puisse me sustenter avant de m’évanouir. Mon ventre se met à gargouiller. Je rougis. Ce n’est pas digne de ma personne qui se doit d’être sacrée en toutes circonstances ! Les quelques plébéiens et autres touristes s’arrêtent alors. J’ai fait tant de bruit que ça ? Je déglutis et accélère le pas. Heureusement, Zukaro est vraiment motivé (peut-être même plus que moi), aussi j’ai une excuse pour le rattraper. La catastrophe est évitée, merci frangin. Quelques minutes plus tard, voilà qu’il nous trouve un stand… toujours sans nourriture. Eh bien, il faut croire que je vais devoir manger liquide ce soir. Non pas que cela me déplaise – au contraire. Ce n’est certainement pas sans me rappeler ma jeunesse d’antan (quel vieux réac) et les folles soirées Sunajites durant lesquelles j’ai fait des trucs que je ne pourrai conter ici sans avoir à m’assurer que l’auditoire est véritablement prêt à les entendre. Depuis, on m’appelle Satan, allez savoir pourquoi. La première tournée est pour mon subsidiaire. De fait, il nous commande deux pintes d’une blonde légère mais fruitée, servies dans des pintes – des chopes, en fait – en bois. Si le houblon semble de bon augure, son contenant un peu moins. Bah, ça fera son office quand même. Ni une, ni deux, nous trinquons avec suffisamment de force pour qu’un tiers de nos boissons respectives finisse à même le sol. Je regarde la tâche sur la nappe sablée et ne peux m’empêcher de sentir mon estomac se nouer. Quel gâchis, j’en suis attristé… En tout cas, le roturier atteste un poil trop de la piètre qualité de nos verres : il arrive à en croquer un morceau en buvant goulûment. Quel animal. Mais je ris. Surtout quand il se ramène avec la partie basse de son visage pleine de mousse. Enfin, c’est bien beau, mais je crève quand même la soif. Si je m’étais décidé à y aller mollo, je ne peux plus résister. Non pas que j’ai forcément envie de l’impressionner, mais il faut bien, qu’un jour, il soit conscient que ma descente a de quoi faire pâlir un slave. Ni une, ni deux, je torpille mon godet en demande expressément une deuxième. Une deuxième tournée, qu’on soit bien d’accord. Je le soupçonne de vouloir me suivre à un moment donné, aussi je prévois. Finalement, il s’ennuie – du moins, il en a l’air. D’un côté, il serait dommage de participer au festival juste pour picoler. Autant essayer les attractions locales ! Après quelques longues minutes de recherche, le pionnier semble remarquer un stand de jeu. Le concept est simple : on paie, on a des couteaux (très mal calibrés, donc truqués) qu’on essaye de planter dans la cible, et si on gagne on a prix. Puis, je lève la tête en même temps que lui : c’est interdit aux Shinobis. Je hausse les épaules ; si on se met à jouer à ça, ils n’auront plus assez de prix pour les autres civils. Aussi, c’est compréhensible.
Pour moi. Pas pour le Sunajin. Je souris et ricane ; il va s’emporter. Ça se voit sur son visage. Je deviens mesquin. Je ne vais pas l’aider tout de suite… Seulement si ça dégénère. Je prends alors un peu de recul et observe la scène, sirotant mon breuvage mousseux en toute allégresse. Il l’alpague. Puis l’insulte d’enfoiré. C’est qu’il n’a pas envie de le ménager, le pauvre vieux. Et ça y est c’est parti. Dire qu’il est normalement sobre… J’écarquille les yeux. Il a intérêt à l’être ; comment je vais faire pour profiter de tout ce que la Nature a à m’offrir si je dois le porter ? Je soupire. L’autre commence à voir rouge et sort un katana de sous le comptoir. J’affiche un regard espiègle et un sourire narquois. Intéressant, très intéressant… Est-ce qu’il pense seulement intimider Zakuro ? Il en a l’air convaincu. Bien évidemment, ça ne change rien pour ce dernier qui continue de proférer insultes et éloges sur notre condition. Seigneur, il va falloir que je m’en mêle.
« Sale gosse, tu vas voir d’quel bois j’me chauffe ! Commence à s’énerver le tenancier. Il dégaine son arme. De là où je suis, j’entends d’autres cliquetis métalliques mais aussi le bruit symbolique de quelque sabreur retirant la lame de son fourreau. Je n’ai pas envie de me battre ici – même si ce ne sont que des brigands. De plus, mon arme est supposée être planquée sous ma cape. Je soupire encore une fois. - Zakuro… Je m’approche de lui et termine d’un coup ma boisson. Ta gueule. Je lui fracasse la chope sur le haut du crâne (turban ?). Ne te laisse pas avoir par son air menaçant – tu sais très bien que tu ne ferais qu’une bouchée de lui et de ses six hommes de main. Ah oui, j’analyse et compte tout ce qui peut bien vouloir ma peau. Enfin, je me tourne vers le chauve. Veuillez pardonner mon… Je me racle la gorge. Compagnon. Comment pourrai-je l’excuser ? - Hmmm… Laisse-moi réfléchir. Il gratte sa barbe invisible. P’tête qu’si tu m’donnes la moitié d’ta dernière paie, on devrait être quittes… Il affiche un sourire vénal. Je roule des yeux et m’approche de lui. - Ces termes vous sont bien trop favorables, mon brave. Après tout, il n’a pas encore levé sa main sur vous, n’est-ce pas ? Je lui tends quand même quelques piécettes. En gage de ma bonne foi, je lui souris, toujours derrière ma capuche. - Voyons voir… Soupire le civil. Puis, d’un coup traître et sans que je ne m’y attende, voilà qu’il m’enlève ma capuche. - Comment… - Quoi ?! Beugle-t-il en me coupant. KAYABA AKIHIKO A MON STAND ?! Mais qu’il se taise, il va rameuter toutes les gonzesses à des centaines de mètres ! - Kayaba-sama ? Akihiko-kun ? Le Haut Conseiller de Suna en personne ? »
La soirée va être longue. Beaucoup trop longue. Tout le monde accourt ; hommes comme femmes, adultes comme enfants ; si bien qu’on a l’impression qu’un troupeau de bisons se ramène sur nous. Et tout ça à cause de quoi ? Zakuro qui refuse qu’on l’empêche de jouer ? Je soupire et réalise qu’on est vite encerclés.
« Bien joué, mon gars, bien joué… Je déplore alors qu’on commence à me tendre des parchemins pour que je puisse faire des autographes. Pas toutes en même temps, je vous prie… Bah oui, il n’y a que les femmes qui en veulent. Les mecs, eux, sont tous jaloux de mes cheveux et de l’attrait de leurs moitiés pour ma personne. Je souris alors à tout le monde, essayant de calmer les ardeurs. Mais ça empire encore. J’espère que t’as une bonne idée pour nous sortir de là sans avoir à utiliser de chakra, Zakuro, je le houspille. »
La situation dégénérait rapidement. Prêt à exploser et remettre ce bon à rien de civil sur le droit chemin, Zakuro ressentit cependant une vive douleur sur le haut du crâne. Akihiko semblait vouloir privilégier la discussion et l'apaisement. Avec ces résidus de fond de cuvette ? Sérieusement ? Comme il venait de le dire, le sunajin ne ferait qu’une bouchée de ces prétentieux. Alors pourquoi l’en empêcher ? Le blondinet n’avait pas l’air d’être un grand pacifiste, en tout cas il ne l’avait pas été lors de la mission qu’ils avaient passés ensemble. Alors pourquoi ? En conséquence de cette stupide volonté de parler au lieu de laisser parler les poings, voilà que l’autre moustachu prenait ses aises. La moitié de la dernière paye, rien que ça ? Ne voulait-il pas aussi un petit café avec quelques morceaux de son cul ? Trop, c’en était vraiment trop. Zakuro serrait son poing si fort qu’il ne devait pas être loin de se briser quelques phalanges. Il allait se le faire, il allait se le faire, il allait se le faire, c’était une certitude à présent.
Pourtant, alors qu’il était sur le point de faire fi des consignes du Haut-conseiller, voilà que ce dernier venait de se faire reconnaitre. En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, la foule se pressa autour de Kayaba. Bon sang, ce type était vraiment populaire, bien plus que ne le pensait Zakuro de prime abord. Les femmes se pressaient contre le corps de la célébrité, d’autres demandaient des autographes ou jouaient de leurs charmes. Face à toute cette attention, le père de famille devait admettre ressentir une certaine jalousie. Lui aussi avait de quoi impressionner les foules. N’était-il pas la terreur du clan Kaigan ? N’était-il pas l’un des plus puissants shinobis du village ? N’avait-il pas l’une des plus grandes réserves de chakra de ce monde ? Si, si et encore si ! Lui aussi était un grand homme, mais face au blondinet, il ne faisait guère office de plus qu’un miséreux faisant la manche pour survivre. Une vraie honte pensa-t-il. Malgré tout, le conseiller avait besoin de lui.
« Pas de soucis, dit-il en faisant craquer ses doigts, avant que l’homme n’ajoute qu’il ne devait pas utiliser son chakra. Ça par contre ça m’pose un soucis... »
Franchement, ce type était assez barbant. Ne savait-il pas profiter de la vie ? Faire peur à quelques passants était étonnamment relaxant. Soit, s’il n’avait pas le droit d’utiliser son chakra, il ne le ferait pas. Que faire ? Il y avait déjà beaucoup de monde et d’autres personnes continuaient d’affluer dans leur direction. Il fallait marquer les esprits, les marquer vite et fort. Peut-être bien que... Oui, après tout pourquoi pas ? Zakuro avait une idée. Proche du Haut-conseiller, il se mit deux doigts au fond de la gorge. Alors que le haut de son corps se courbait, il se mit à vomir en arc de cercle sur les inconnus qui lui faisaient face. Le mélange de son repas du matin et de la bière était particulièrement rebutant et malodorant, exactement comme il l’avait prédit. Mains sur les genoux, le sunajin toussa avant de cracher pour s’ôter l’horrible goût putride de la bouche. Parmi les victimes de son attaque pour le moins originale, certaines des femmes se mirent à hurler de dégoût. L’une d’entre elles s’offusqua et remercia l’homme par une violente baffe.
Crachant un mélange de salive et de bile au sol, Zakuro regarda la foule se disperser avec un léger sourire aux lèvres. Malheureusement, après la gifle qu’il venait de recevoir, il ne sentait plus d’humeur à privilégier le dialogue. Il était passé à l’étape supérieure, sa réponse serait rapide et à un détail près énervant de la barbarie. Par le plus grand des hasards, il avait des victimes sur lesquelles se défouler. Bondissant comme un félin vers les malandrins qui tenaient l’échoppe, il ne mit que quelques secondes à les envoyer au tapis. L’assaut avait été propre, net et sans bavure. Seul le gérant restait conscient à présent. Le tirant par le col, il l’amena au dessus de son échoppe avant de l’écraser au sol. Le visage proche mordant la poussière, Zakuro se pencha. Un genou au sol, il forma une boule de sable et de vomis avant de flanquer un violent coup dans le flanc de sa victime. Lorsque cette dernière ouvrit la bouche par réflexe, il lui colla son repas maison au fond de la gorge et l’obligea à mâcher puis avaler.
« Elle est bonne ma rose des sables enfoiré ? Je l’ai faite avec amour, t’as pas intérêt à en gâcher une miette ! HAHAHAHA !!! » s'esclaffa le sunajin tyrannique.
Soudain, comme si de rien était, il se releva, avança vers le stand et s’empara de trois couteaux. Avec précision il les lança vers la cible et fit mouche à chaque fois. Avec un calme soudain, il passa derrière le comptoir et s’empara d’une peluche en forme d’ours. Revenant vers son supérieur, il la lui fourra entre les mains avant de soupirer.
« Problème réglé. Tout cet exercice m’a ouvert l’appétit. J’ai bien envie d’avaler un truc, pas toi ? »
C’est quand je me retrouve dans ce genre de situation… incontrôlable que je me dis que maîtriser le Dai Henge serait ô combien profitable. Pouvoir me changer en petite souris ou encore revêtir un parfait déguisement pour une durée bien plus longue et constante que la technique mère, voilà ce qui me semble vraiment pratique. Ou alors le Kanashibari. Pouvoir les immobiliser, les pétrifier en dégageant quelque pulsation meurtrière, ça en jette. Ça en impose, aussi. Bah, je ne suis pas n’importe qui – si on a tendance à me respecter et me craindre parmi les ninjas, les civils (welp, les femmes surtout) ont tendance à vouloir se frotter un peu trop à mon corps. Je ne suis pas vilain, mais il y a probablement plus beau et charismatique que moi, non ? Bah, peut-être sont-elles vénales, vous me direz – et je me dois de savoir arrêter toute un tumulte en un seul regard. Hélas, je ne maîtrise rien de tout ça et la foule ne cesse d’affluer. Super, merci beaucoup Zakuro. Il a tout intérêt à nous sortir de là et sans trop en faire ; je ne veux pas payer les pots cassés parce qu’il a décidé de déchaîner les Vertueux Vents de Suna sur ces pauvres âmes qui n’en réchapperaient pas.
S’il semble d’accord pour s’en débarrasser, il semble un peu plus réticent quant à l’idée de ne pas utiliser de chakra. Histoire d’éviter tout agglutinement supplémentaire, je signe quelques orthographes par-ci par-là, tentant de ne pas céder à leurs charmes. Bah, rien de bien compliqué – je suis bien trop fidèle à Aika pour ça. Bien sûr, pour ne pas les vexer ou les offusquer, je fais mine de lorgner sur ce qu’elles veulent m’offrir, mais cela ne dure jamais plus d’une seconde. Bien souvent, je les entends se narguer les unes les autres en se balançant des piques comme « Héhé, il m’a regardée mais pas toi ! Je te l’avais dit qu’il me préfèrerait ! » … Je vous le dis, être Haut Conseiller n’est pas facile tous les jours. Entre deux signatures, je relève la tête et regarde autour de nous : ça n’arrête pas d’affluer. Un regard rapide à Zakuro pour qu’il se dépêche avant qu’on meure étouffés. Une mort débile, qu’on se le dise.
Là, je le vois se mettre deux doigts dans la bouche, puis violemment dans la gorge. J’affiche un sourire amusé et un regard surpris : je ne m’attendais pas à une telle riposte. Bah, au moins ça les ferait fuir. Le haut de son corps se courbe face à la foule alors qu’il est proche de moi. Je profite que les regards soient braqués sur lui pour me reculer un peu ; hors de question que je me fasse asperger par ses fluides gastriques ! C’est là qu’il commence à vomir en arc de cercle, criblant ces jouvencelles d’un horrible mélange de bière et de son dernier repas. Une chose est sûre, je n’aurai pas aimé être victime de cette vilénie. Les femmes touchées se mettent ensuite à hurler, d’autres fuient directement. Puis il y a toujours cette fervente défenseure invétérée de la condition féminine qui s’offusque et lui offre pour seul cadeau une marque rouge, presque violacée, sur la joue. De mon côté, je ne peux pas m’empêcher de pouffer : si on m’avait dit que notre fin de mission se passerait comme ça… Et cela ne fait que commencer. Je hausse les épaules et me rapproche de lui ; ça promet d’être on ne peut plus intéressant.
Malgré tout ça, je peux le sentir bouillonner à l’intérieur. A croire que cette gifle n’a fait rire que moi. Rien de très incohérent, en un sens ; ce n’est jamais agréable de recevoir pareil tribut… Surtout qu’il n’avait fait ça dans l’unique but de me protéger et de me préserver. Je dois l’avouer, je n’ai pas vraiment à me plaindre de mes subordonnés directs : tous sont à même de me protéger et de m’écouter quand je leur demande quoi que ce soit. Preuve en est, encore une fois. Bref, Zakuro semble à bout et la frustration de n’avoir pu flanquer une râclée au gérant et à ses sbires se fait sentir. Je le laisse vaquer et m’écarte un peu, j’ai envie de fumer depuis quelques temps mais je n’avais pas eu l’occasion de céder à l’occasion à cause de tout ce remue-ménage. Je me dirige vers un pan de mur pas très loin, de manière à pouvoir le garder à l’œil quand même ; j’aimerai éviter l’incident diplomatique dans la mesure du possible. Je ferme les yeux quelques secondes, savourant la nicotine qui emplit mes poumons. Pendant ce temps, je les entends se plaindre de douleur et entends quelques os se fracasser. Au final, je les rouvre et je me rends compte qu’il n’y a plus que le gérant, à moitié dans les vapes, près de son échoppe, alors que le Diable de Suna (nouveau surnom inventé sur le champ) a mis un genou à terre. Là, une petite dunette de sable (et de vomi) se forme. Je connais déjà la suite et me tient prêt à ne pas louper une miette de ce spectacle : il lui décanille le flan et le force à mordre le sable avant de lui mettre sa mixture maison dans la bouche puis le force à mâcher et avaler. Je déglutis… c’est infâme. Même moi je n’aurais pas été jusque-là, je pense. Cet homme est cinglé, contrairement à ce qu’il peut laisser paraître.
Je soupire alors qu’il se relève, l’air de rien. Puis il s’avance vers le fameux stand qui a déclenché tout ce souk. Frais comme un gardon, il s’empare de trois couteaux. Il semble les jauger un peu, afin de savoir comment ils sont pipés, et les jette avec une précision démoniaque en plein de cœur de sa cible. Je l’applaudis brièvement en même temps que je souffle ma fumée. Bah, au moins il aura enfin eu ce qu’il convoitait. Un vrai gamin en fait. Comme le veulent les règles du jeu, il passe derrière le comptoir et prend une peluche. Un ourson. Sérieusement ? Je roule des yeux avant de reprendre mon sourire habituel. Là, il dirige de nouveau vers moi et me refourgue sa peluche. J’arque un sourcil et le juge profondément.
« Un nounours, sérieusement. Tu veux le ramener à ta femme, c’est ça ? Je le charrie. J’avoue avoir faim aussi. Et soif. Très soif… je soupire alors que nous nous dirigeons vers un stand de ramens express. Je m’arrête devant et jette mon mégot dans le cendrier face à moi : en plis dans le mille ! J’affiche une mine fière et le regarde en remettant ma capuche – pas envie de revivre la même expérience que précédemment. Ça te va ici ? Je lui demande finalement. »
Le Haut-conseiller approuva, arrachant au passage un sourire satisfait au père de famille. Après cette longue journée à déambuler dans le désert, une simple bière ne suffirait pas à satisfaire notre homme. Il avait faim, très faim, envie de se remplir la panse sans se ménager. Les deux compères avancèrent au hasard jusqu’à tomber sur un petit stand qui vendait des ramens. Vu la chaleur ambiante, Zakuro se demanda un instant s’il s’agissait d’une bonne idée. S’il était vrai que la température du plat n’était pas adaptée, il reconnaissait avoir une farouche envie de nouilles. Qu’à cela ne tienne, il allait accepter.
« Oui, ça fera très bien l’affaire. » dit-il en s’avançant vers l’échoppe.
Deux personne tenaient l’endroit, une femme d’une cinquantaine d’années et un jeune homme dans la vingtaine. Vu leur ressemblance, il devait s’agir de son fils, mais cela restait dur à dire en ne faisant que les observer.
« Bienvenue chez nous messieurs, annonça la femme en s’inclinant, rapidement rejointe par son collègue. Vous serez seulement deux ?
- Tout à fait, affirma Zakuro en s’asseyant avant qu’on ne l’y invite.
- Très bien, installez vous. Un rafraichissement avant de commander ?
- Avec plaisir. » répondit-il l’air malicieux en lançant un regard vers son collègue.
Prenant un menu chacun, les deux sunajins prirent le temps de réfléchir avant de passer leur commande. Une première bière fut vite avalée, rapidement suivie de la deuxième. Kayaba fut le premier à être servi. Quand vint le tour de Zakuro, un malheur arriva. Le jeune cuisinier s’emmêla les pieds, trébucha et perdit lamentablement l’équilibre. Dans sa chute il se cogna contre le comptoir, mais ce n’était pas le plus grave. En effet, bien malgré lui il fit voler le bol de nouilles jusqu’au visage du père de famille. Ce dernier, sous l’effet de l’alcool et pris par surprise, eut tout juste le temps de se reculer. Il tomba alors de sa chaise sans la moindre grâce et reçut le plat sur le torse, l’ébouillantant au passage. Il hurla de douleur et se releva, furieux et prêt à en découdre. Tapant du poing contre la table, il s’avança au dessus du comptoir et l’attrapa par le col. La situation était sur le poing de dégénérer une fois de plus...
Deux hommes et un festival… On dirait le nom d’une mauvaise blague, ou d’une mauvaise représentation au publique plus que douteux. Et pour le coup, les deux protagonistes n’étaient autres que Zakuro et moi, deux fiers guerriers du Sable. Au regard des récents événements, nous avions conclu que faire une halte audit festival ne nous ferait pas de mal. De toute façon, j’ai clairement envie de décompresser et je n’ai cure d’emmener le père de famille avec moi. J’irai à fond, et ce, sans scrupule aucun. Peu importe ce que ce dernier peut penser de moi, mon image et ma réputation risquent de changer du tout au tout de toute façon. Il allait être un des rares à me connaître sous mon véritable jour lorsque je décide d’y aller à fond, de me détendre complètement. Et pour ça, j’espère qu’il est prêt. De fait, après notre légère altercation avec le stand de jeux d’adresses et la foule de groupies qui s’était jetée sur nous, j’ai approuvé la proposition de Zakuro : il nous faut de quoi se remplir la panse, car ce n’est certainement pas une pinte qui serait suffisante. Tant pis lui que pour moi. Surtout pour moi. Déambulant au hasard dans les rues animées de la ville, fous finissons par tomber sur une échoppe à ramens. Peu certain que ça soit l’idée du siècle compte tenu de la chaleur aride qui tape sur nos têtes blondes, nous finissons tout de même par céder nos envies. ON CREVE LA SAINTE DALLE ! Et ça fait un moment que je veux m’enfiler un bon plat de nouilles, de toute façon.
Une fois à l’intérieur, je remarque rapidement que le stand alimentaire est tenu par deux personnes ; une femme âgée d’une cinquantaine d’années et aux cheveux grisonnants, accompagné d’un jeune bambin qui doit à peine avoir la vingtaine. Au regard de la promiscuité de leurs traits, je parie qu’ils sont de la même famille. Mais encore une fois, rien n’était sûr et puis… Est-ce que j’en avais seulement quelque chose à faire ? Pas le moins du monde. Je veux simplement boire et manger, pas commencer à établir des liens de parenté. La fin de vie fend l’air en s’inclinant et nous souhaitant la bienvenue alors que Zakuro commence déjà à s’asseoir. Soit, je le suis tandis qu’il répond aux formalités à ma place. Je ne vais certainement pas m’en plaindre, tiens. Vient alors le moment que nous attendions tous les deux : l’apérooooooooooooo !!! Mon apôtre me lance un regard malicieux alors que la gérante nous propose un rafraîchissement. Il va sans dire que j’opine du chef avec vivacité et envie : je vais me la foutre à l’envers, c’est sûr ! Assis l’un face à l’autre, nous décidons de commander un menu puis ensuite l’alcool, le temps que le cuistot fasse ce qu’il a à faire. Pour le coup, je suis servi en premier avec une bonne pinte. Je ne me fais pas prier pour me l’enfiler. C’est ensuite au tour du deuxième Sunajin. Et à quel prix… Car oui, rien ne va aujourd’hui pour celui-ci. Tout à l’heure, on lui tape sur le système à l’empêcher de jouer, et là… le jeune serveur commence à faire gaffe sur gaffe. Résultat, le plus âgé est fin énervé, ébouillanté et semble souffrir du plat chaud qui est tombé sur sa face puis sur son torse.
Moi je trouve ça drôle quand même. A la limite, la seule chose de laquelle je peux me plaindre c’est quand on s’est retrouvés coincés avec toutes ces jouvencelles dévergondées qui n’auraient pas hésité une seule seconde à tromper leur mari ou conjoint juste pour jouir d’une nuit en ma compagnie. Mais alors lui… Il cumule, bon Dieu. Complètement en rogne, il tape du poing sur la table puis se dirige vers le comptoir d’un pas décidé… Peut-être même un peu trop. Serait-ce l’alcool qui commence à l’emporter sur ses sens ? Probablement. Dans tous les cas, maintenant que le pauvre garçon a son col entre les mains puissantes du ninja, ça risque encore de dégénérer… Je dois intervenir. Encore une fois. Il faut sauver les apparences et l’empêcher de buter un civil incapable de faire son boulot correctement. Je soupire longuement alors que j’attrape une cigarette dans son paquet. Puis, toujours en prenant mon temps, je l’allume et joue un peu avec la fumée qui prend place entre mes joues. Délicatement, je replace mes affaires en leurs lieux et places. Il est maintenant venu mon heure : sans crier gare, je fais apparaître un fouet aqueux autour de mon bras que je lance en direction de mon allié afin de lui choper le bras, espérant pouvoir lui faire lâcher prise.
« Doucement, Zakuro, doucement… Je siffle en maintenant la pression, clope au bec, jambes croisées. Il est encore jeune… Tu sais pourtant aussi bien que moi combien il est facile de glisser, non ? Je suis sûr que tu n’en loupais pas une, à son âge… »
Dire que le sunajin était insortable serait un euphémisme. Non seulement il avait l’alcool mauvais, mais en plus il s’en prenait à présent à pauvre serveur à peine sorti de l’adolescence. Alors qu’il armait son poing pour le lui coller en plein visage, il fut lâchement interrompu. Il tenta de forcer avant de se rendre compte que le Haut conseiller en personne venait de l’empêcher de refaire le portrait du garçon. Les traits du jônin se déformèrent à la fois sous l’effet de la colère mais aussi de l’alcool qui se répandait dans ses veines.
« Putain mais tu fous quoi bordel ?!? »
Facile de glisser disait-il ? Pardonner son erreur ? Puis quoi encore. Le soldat des sables fit mine de se détendre un instant. Il lâcha le col du serveur avant de commencer à reculer légèrement. Soudain, d’un geste du pied, il envoya une belle quantité de sable droit vers le visage de son supérieur. Se tortillant sur lui même et usant de sa force, il se libéra de l’étreinte aqueuse. Dorénavant livre, il s’empara d’une choppe de bière. Bien conscient de la personne qu’il avait en face de lui, il décida de ne pas la lui éclater sur le crâne. Au lieu de ça, il envoya son contenu droit sur sa belle gueule d’amour avant de se mettre à rire comme un idiot.
« Putain t’as raison ! Regarde j’ai glissé moi aussi HAHAHAHAHAHAHA !!! »
Se tordant littéralement de rire, le jônin commença à pleurer tant la situation l’amusait. Après quelques secondes, il commença à se redresser avec un air de défi sur le visage.
« J’en loupe pas une à mon âge non plus espèce de p’tit malin ! Allez on fait la paix ? HOY ! Serveuse, des bières bon sang, et double les doses ! »
Zakuro pensait-il que Kayaba allait laisser passer une telle attaque sans rien dire ni rien faire ? Pas le moins du monde. Il s’attendait à des représailles et était paré. L’effet de la boisson se faisait déjà ressentir et il ne ressentait plus le besoin impérieux de se montrer respectueux à l’égard de la hiérarchie. Le Haut conseiller n’était plus à présent qu’un compagnon de beuverie et il serait traité comme tel.