[Mission rang B] Amant et déshonneur [PV Tadake Yuriko]

Si le jeune homme était particulièrement doué dans le domaine de l'improvisation et de l'adaptation à son environnement, un trait qu'il avait été contraint de travailler au fil des ans, pour des raisons évidentes, il savait très bien que c'était sa sœur qui possédait la meilleure intelligence tactique. C'était pour cela qu'ils formaient une équipe parfaite car, si la demoiselle était capable d'établir des plans ficelés aux petits oignons, l'aîné des Tadake avait une aisance naturelle quand il s'agissait d'improviser si tout ne se passait pas comme prévu. Ils étaient une combinaisons parfaite, très forts séparément et incroyable lorsque le devoir les réunissait : c'était avec cette certitude en tête que le jeune homme se rua sur sa sœur sans se soucier du cadavre non loin de lui. Elle était affaiblie, épuisée, mais parvenait toujours à faire sourire son jumeau qui ne tarda pas à répondre sur le même ton léger.

« Il faut savoir se faire désirer, non ?  »

Elle pouvait paraître froide pour ceux qui ne la connaissaient pas, mais elle était sans doute la première personne au monde dont la chaleur – enfouie mais bien présente – parvenait à décrocher un sourire au jeune aveugle, même dans ses plus sombres moments. Ils pouvaient se dire les pires horreurs, se déchirer l'un l'autre, se fâcher pour les meilleures et les pires raisons, les jumeaux finissaient toujours par se réunir car, au bout du compte, chacun était la meilleure partie de l'autre. Ensemble tout allait forcément bien et, même s'ils étaient capables de rire et sourire dans les pires situations, ils restaient des professionnels avant tout, un homme et une femme prêt à tout pour accomplir leur mission jusqu'au bout. Ainsi, alors que le jeune homme aidait sa sœur à marcher, il écouta l'idée qui émergeait de sa tête et, bien sûr, elle était bien meilleure que simplement cacher le samouraï dans le fourré le plus proche.

« J'ai  compris, j'ai compris. Maintenant arrête de parler, ça ne te réussit pas. Tu dois garder tes forces. »

Il voyait où elle venait en venir, façon de parler, mais s'inquiétait aussi de son état de fatigue. Elle n'avait pas besoin de détailler davantage, Kyoshiro connaissait la façon de penser de sa sœur et leur connexion ne nécessitait aucun mot supplémentaire. Il comprenait ce qu'elle avait en tête et ses clones aussi, ces derniers changèrent de direction pour se rendre là où le corps de Shinji et de l'autre lâche se trouvaient, ensevelis sous les décombres du temple. Bientôt, sans mot dire, les trois copies se mirent en action, dégageant gravas après gravas pour avoir suffisamment de place rpour y caler le corps massif du samouraï. L'instant d'après le corps était là, et les copies posaient déjà dessus les gravas dégagés plus tôt.
Et voilà, le tour était joué.

« Bien. Maintenant on rentre, tu te remets sur pied et je vais aller  surveiller Anzu. Plus qu'elle et on pourra rentrer à la maison. »

Bientôt les copies seraient dissipés pour éviter tout soupçon mais, pour l'heure, l'aîné des Tadake se dirigea – avec sa jumelle – en direction de leur chambre à l'auberge. Si Kyoshiro sentait aisément la fatigue s'emparer de lui, ce n'était rien en comparaison de l'état de sa sœur qui, clairement, avait bien mérité un peu de repos.

C'était bien terminé.

Le plus dur était derrière eux, de cela les deux Tadake pouvaient en  être certains, mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'ils allaient se reposer sur leurs lauriers. Certes, tuer une  traîtresse, une civile n'était rien e n comparaison des trois combattus pourfendus un peu plus tôt, mais bon nombre de missions avaient échoué sur un point de détail et, dans ce domaine, les Tadake ne laissaient jamais rien au hasard. C'était leurs caractères bien distincts, leur complémentarité qui leur permettait d'avoir une vision d'ensemble de la situation, d'avoir des idées différentes et de les confronter pour arriver avec le meilleur plan possible. C'était grâce à leur lien que le plan de l'aveugle fut modifié en cours de route, que les clones se mirent à cacher le corps du samouraï sous les gravas afin de brouiller les raisons de sa mort. En un claquement de doigts les clones retournèrent à l'état liquide et, quelques instants plus tard, la demoiselle fit une remarque pertinente à l'attention de son frère.
Attirer l'attention ? C'était sa marque de fabrique depuis qu'il était né, cela n'avait jamais été un problème pour lui mais sa sœur ? Le rôle qu'elle jouait nécessitait une certaine apparence que le précédent combat avait grandement détérioré, aussi le jeune homme lui laissa le temps nécessaire pour utiliser un henge afin de tromper son monde. Lui ? Il jouait le rôle du garde du corps, celui qui se salissait pour que sa maîtresse n'ait pas à le faire, il saurait donner le changer et garder la tête haute malgré la douleur et les bleus.

Bombant le torse, avançant au côté de sa maîtresse sans mot dire, faisant fi de sa propre douleur, il ne fallut qu'aux deux Tadake quelques instants – via les ruelles secondaires – pour atteindre l'auberge et se faufiler dans leur chambre sans demander leur reste.
Sa sœur était véritablement épuisée et la voir s'écrouler sur le lit en état la preuve. Alors que l'aveugle se passait un peu d'eau sur le visage, histoire de se réveiller suffisamment pour ce qui l'attendait, il fut intrigué par les dernières paroles de sa sœur. Shinobis de leur état, tous deux avaient leur fierté et la volonté de ne jamais montrer leur faiblesse, il n'y avait bien qu'avec leur autre moitié qu'ils pouvaient se permettre une telle liberté.

« Hey, pas de ça avec moi. Repose-toi, ma sœur.   »

Elle était comme lui, réticente à ce qu'on puisse la voir sous son jour le moins flatteur et Kyoshiro le comprenait parfaitement. Joignant le geste à la parole, il se pencha sur le lit et embrassa sa sœur sur son front, geste d'affection inhabituel en mission, avant de la laisser s'endormir. Cette fois-ci il décida de prendre la voie des airs, de sauter par la fenêtre et de bondir de toit en toit, à l'abri du regard des curieux, jusqu'à se rendre là où ils avaient rencontré la traîtresse pour la dernière fois.

« Alors, alors. Où es-tu ?   »

Tentant de faire fi du tremblement dans ses mains, conscient de sa propre faiblesse et des limites qui approchaient, le jeune homme posa un genou à terre et étendit son esprit aussi loin que possible. Il ne pourrait pas repérer le chakra de la cible parmi ceux des autres civils, assuréments, mais peut-être qu'en tendant les oreilles et en se montrant patient il parviendrait à son but. Elle était là, quelque part, cela était forcé et Kyoshiro ne quitterait pas son poste de surveillance avant d'en avoir le cœur net. Ici il était à l'abri, ici il serait bien, ici ferait très bien l'affaire.

En toute subjectivité le jeune homme ne s'était jamais considéré comme un bon frère au sens strict du terme, sans doute parce qu'il avait constamment l'impression de ne pas avoir été assez présent pour celle avec qui il était entré dans ce monde, sans doute parce qu'il était persuadé de ne pas en avoir fait assez mais il était résolu à corriger cette faute. C'était ce constat qui le guidait à chaque instant de sa vie, guidant chacune de ses pensées vers sa jumelle, le poussant à sur surpasser pour la protéger parce que...n'était-ce pas son rôle de grand frère ? N'était-ce pas la mission qui lui incombait, depuis qu'il n'avait plus besoin d'elle pour marcher sans aide extérieure ? Bien sûr que si. Il en allait de sa responsabilité de s'assurer qu'elle allait bien, malgré les risques du métier, voilà pourquoi il la laissa se reposer car elle n'était plus en état de compléter le reste de leur mission. Tuer une civile ? Une traîtresse ? C'était parfaitement dans ses cordes et, intérieurement, Kyoshiro était content que sa sœur n'ait pas à voir cet aspect monstrueusement froid de sa personnalité.

Ignorant le papier qui leur avait été laissé, étant proprement incapable de lire et ne désirant pas tirer sa sœur de son sommeil pour lui expliquer le contenu de cette missive parfumée, Préférant agir à sa manière, choisissant d'étudier le terrain et choisir la façon dont il tomberait sur sa proie,, Kyoshiro bondit de toit en toit avant de s'immobiliser, laissant ses sens faire le reste tout en s'armant du peu de patience qui lui restait. Pressé de rentrer ? Pas vraiment, il appréciait toujours le confort des murs de Konoha, mais il était surtout pressé de pouvoir retrouver sa sœur et s'assurer qu'elle irait bien. Combien de temps resta t-il là, assis sur le toit, attendant le moindre indice ? Il ne le sut guère, incapable de différence le chakra d'un civil de celui d'un autre, mais l'agitation de l'un d'entre eux lui mit finalement la puce à l'oreille.

Tapotant son genou du bout des doigts, tic nerveux qui trahissait son impatience, le jeune homme dût attendre une éternité jusqu'à ce que le chakra nerveux ne décide enfin de s'aventurer dans la forêt ? Un garde curieux ? Rien ne devait être laissé au hasard, c'était pour cette raison qu'il bondit silencieusement de son perchoir, suivant la présence à bonne distance jusqu'à ce que ses narines ne captent enfin son odeur. Aucun garde ne sentait aussi bon et ne courrait aussi délicatement, indice qui aida le jeune shinobi à s'assurer de l'identité de sa cible.
Il aimait toujours ce moment qui précédait la chasse, ce moment où la cible n'avait aucune idée du danger qui allait lui tomber dessus, ce fut d'ailleurs avec toutes les difficultés du monde que le guerrier de l'ombre repoussa ce sentiment pour se concentrer sur ce qui devait être fait. Un pas après l'autre, il se rapprocha de cette cible inconsciente du danger et, lorsqu'il fut enfin à portée, le côté tranchant de sa main frappa la nuque de la traîtresse pour la plonger dans l'inconscience qui lui épargnerait toute douleur.

Sans un mot, sans un commentaire, le Tadake souleva la demoiselle avant de la poser sur son épaule, s'approchant de la falaise au bord de laquelle il s'arrêta. Il y aurait bien des manières d'en finir avec cette histoire, mais cette chute mortelle était d'une simplicité qui aurait le mérite de masquer toute implication de Konoha.

« Une mort appropriée pour une traîtresse.  »

L'instant d'après le corps de la traîtresse fut jeté, venant s'écraser tout en bas de la falaise en une chute mortelle, quelques secondes plus tard. Rapide, propre, en silence. Il aurait pu rester là à admirer le résultat de son travil mais, au lieu de cela, le jeune shinobi retourna sans tarder jusqu'à l'auberge où il retrouva sa sœur, toujours plongée dans un sommeil réparateur.

« C'est fini, petite sœur.   »

Posa sa main sur la sienne, comme un rappel de sa présence, Kyoshiro vint ensuite s'asseoir par terre, son dos tout contre le bord du lit, avant de fermer les yeux l'espace d'un instant. Il resterait ainsi jusqu'à ce que sa sœur se réveille, jusqu'à ce qu'elle soit en état de se lever, jusqu'à ce qu'ils puissent tous deux rentrer à la maison.

Le travail était fait.