Shirogane Ningyo - Le jeune ninja aux regards enfantins

J’observais avec attention ma sœur s’allonger sur ma table de travail et s’installer confortablement. Je repoussai tendrement en arrière ses cheveux pour dégager son cou. Grand-mère n’était pas là à nous regarder, de toute manière je n’aimais pas qu’elle soit là, c’était un moment très intime entre nous… Enfin, intime n’était peut-être pas le bon mot, j’observais ma sœur qui soupira un peu :

« À quoi tu penses ?
- Tu crois que c’est intime comme moment ?
- Intime ? Ningyo… Tu vas pas partir dans l’inceste quand même ?! »

Elle eut un rire et secoua la tête sans rien dire avant de s’installer à nouveau. Je ne faisais pas attention à sa nudité, je ne faisais que sa maintenance, je le faisais presque tous les mois et après une grosse mission, il fallait que je fasse très attention. C’était important pour elle, mais aussi pour moi, elle était ma plus belle création, même si… j’aurais préféré ne jamais réaliser cette transformation sur elle. Je me penchai pour lui embrasser tendrement le front, avant de me plonger dans l’examen de ses bras pour le début. J’ouvris doucement son bras droit pour vérifier le mécanisme.

« Pas de douleur ? De gêne ? »

Des questions habituelles, bien sûr, elle en avait l’habitude, depuis le temps qu’on faisait cela… Un an en réalité, cela ne faisait pas si longtemps que ça ! Pourquoi j’avais l’impression que je maîtrisais cette partie ? Mes marionnettes ne parlaient pas, quoi qu’elles bougeassent vraiment, il ne leur manquait que la parole à mes petites choses. Je refermais paisiblement le bras de ma sœur avant d’attaquer l’autre. C’était toujours dans un ordre bien précis, c’était très important pour moi de toujours faire dans le même sens, je me notai tout dans un petit carnet que j’avais près de moi. Je démontai un mécanisme pour le graisser et l’huiler avant de le replacer avec soin. Tout irait bien. Ensuite je faisais ses jambes avant d’attaquer le haut du mécanisme. On frappa.

« Ningyo, Hakai, il y a Shiro qui est là.
- Salon, grand-mère. »

Je n’avais pas envie d’être dérangé, surtout que j’arrivais au plus délicat pour ma sœur et moi, son torse. Je posais ma main sur le haut de sa poitrine.

« Ça va ? »

Elle soupira un peu et s’agita :

« Nin’ ! J’en ai marre là ! Dépêche-toi un peu s’il te plaît ! »

Je soupirais un peu en secouant la tête avant de repousser en arrière mes cheveux pour les nouer complètement. Ma sœur détestait en réalité quand je m’occupais d’elle, c’était toujours complexe, cela la renvoyait à son accident, mais moi j’aimais bien… c’était aussi un moment entre nous, rien que tous les deux ! Personne d’autre ne pouvait la réparer comme moi. En même temps, j’étais le seul à l’avoir conçu, on ne tripotait pas les mécanismes des autres sans leur autorisation ! Non, c’était très personnel ! Surtout qu’elle était ma sœur jumelle, c’était encore plus privé cette relation entre nous. Alors c’était encore plus hors de question que je la laisse aux mains de quelqu’un d’autre ! Enfin, pour régler son mécanisme. 

J’appuyais doucement sur le mécanisme pour ouvrir lentement le haut de sa cage thoracique. J’eus un sourire empli de fierté en voyant la perfection de ma sœur. Maintenir ses organes à l’intérieur… tout cela était compliqué et même si son ventre n’était pas en bois… la partie supérieure oui. Elle inspira profondément et me jeta un regard qui voulait tout dire. Mais je sentis qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas… C’était étrange… mais bon… Hakai me fixa avec attention comme-ci elle aussi avait senti quelque chose. Je me mordis la lèvres avant de regarder les mécanismes et d’en faire coulisser un peu avant de m’assurer que tout irait bien pour ses prochains entraînements.

Mauvais geste, trop rapide, peut-être à cause de mes doigts de bois ? Trop de force ? Oui, ma force était trop forte. ! Non ! La lame acérée sauta de son support et s’enfonça entre les os de ma sœur directement dans son poumon, très proche de son cœur. Elle toussa aussitôt et cracha de sang. Merde ! Merde ! C’était pas du tout prévu ça ! Maudit doigts de bois. Respire Ningyo, ne surtout pas paniquer, c’était ça qui allait l’angoisser, ma pauvre patiente. Moi, je devais surtout garder mon calme. Mais je ne devais pas perdre mon temps.

Je stoppais tous les mécanismes avant de tenter de sortir la lame d’un fil de chakra, je sentis la sueur me couler dans le dos, mais il fallait que j’aille très vite, les battements de son cœur était trop rapide et surtout… je savais très bien que ma sœur était fragile et que là… il n’était plus question de quelques minutes avant que je ne la perde ! Vite Ningyo !

« Nin… »

Une écume rouge se forma au coin de ses lèvres, non ! Non ! Je ne pouvais pas la perdre ! C’était la personne la plus importante du monde à mes yeux. Le fil de chakra cassa net et la lame s'enfonça plus proche du cœur et vrilla légèrement. Merde ! Je déployai toute ma concentration. Le sang gicla et dégoulina légèrement sur mon visage. J’inspirais à nouveau profondément avant de me pencher à nouveau sur elle. J’allais devoir lui couper des côtes pour la récupérer, ouvrir le poumon. J’allais la faire souffrir.

« Ne t’inquiète pas, d’accord ? Tout va bien, je vais m’occuper de ça. Tu vas avoir mal, mais je vais te soigner. »

Comme toujours, j’allais la soigner, la réparer. Ce n’était pas une poupée, c’était ma sœur, mais tout irait bien, tout irait bien, j’allais la sauver et l’aider. J’attrapais mes outils, les doigts maculés de sang, avant de revenir vers elle et me pencher pour voir entre les côtes et surtout son cœur qui s’affolait. Non ! non ! J’allais pas pouvoir couper les côtes, la douleur était trop forte, elle risquait un arrêt cardiaque. Et si je lui injectais un anti-douleur ? c’était une solution. Une bonne solution ? Je n’en savais rien. Il fallait essayer maintenant ! J’attrapais ce qu’il fallait avant de lui faire l’injection. Nouvel hoquet. Non ! Non pas maintenant ! Shiro. Il y avait Shiro ! Je tendis la main, retenant à nouveau la lame qui glissait dangereusement vers le cœur de ma petite sœur.

« Shiro ! Shiro ! »

Hurlais-je, terrifié, même si mon attitude semblait très calme. Je n’étais pas idiot. Quand je ne pouvais rien faire, il fallait appeler une spécialiste. Shiro pourrait m’aider ! La porte s’ouvrit aussitôt et la jeune femme entra aussitôt et fonça vers moi et ma sœur :

« Qu’est-ce qu’il s’est passé Ningyo ?!
- Une lame de ses bras a sauté et s’est enfoncé dans son poumon, elle est proche du cœur. Je lui ai injecté de l’antidouleur… Je… je… je sais pas quoi faire»

Elle hocha la tête et repoussa mes mains en douceur.

« Sors, je vais m’en occuper. »

Elle m’observa alors que j’ouvrais la bouche pour refuser.

« Ningyo ! Tu sors ! Maintenant ! »

J’obéis, piteusement, ma sœur ne semblait plus consciente, mais l’ordre, pressé, de Shiro m’obligeait à partir. Je titubai jusqu’au salon avant de me laisser tomber sur un canapé, remontant mes genoux contre moi-même. Machinalement, je me mis à me balancer d’avant en arrière, je sentis ma grand-mère me nettoyer la figure alors que je ne m’arrêtais pas. Qu’est-ce que j’avais fait ?! J’avais tué ma sœur ! Je l’avais tué ! Je l’avais tué ! Ma lumière, mon soleil, mon phare ! La seule personne dans le monde qui m’aimait… Je lui avais fait du mal, j’allais être tout seul ! Je me mis à pleurer en silence alors que je continuais mon mouvement répétitif.

Pourquoi j’étais si stupide ?! J’étais vraiment un grand idiot qui ne savait rien faire et qui ne méritait rien ! J’enfouis mon visage dans mes bras, le front sur mes genoux en attendant et en écoutant. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Je ne pouvais rien faire ! J’étais nul et inutile. Je me mordis la lèvre sans rien dire en panique totale. Grand-mère ne fit aucun geste pour m’aider, elle savait que ça ne servait à rien, je ne voulais pas de son aide, je voulais ma sœur, juste ma sœur. J’avais fait tous les gestes habituels, tout comme d’habitude ! Tout, tout ! Et… Et ça n’avait pas fait comme d’habitude. Pourquoi ?! Pourquoi ça n’avait pas fait comme d’habitude ? Mes doigts n’étaient pas assez agiles ?! Il fallait que je les fasse plus fins. Non, qu’est-ce qui n’avait pas marché aujourd'hui ?! Je ne comprenais pas. Je revoyais devant mes yeux toutes les étapes, sans comprendre. Est-ce que quelque chose avait été grippé et en bougeant tout avait sauté ? Non ? Si ? Ma force ?

C’était ma faute.

Mon balancement devient plus vigoureux alors que je continuais d’écouter pour voir si ma sœur allait bien. Je n’entendais rien. Pourquoi je faisais toujours du mal à ma sœur ? Pourquoi j’étais si méchant avec elle.

« Grand-mère. »

Je vins me nicher sur ses genoux en pleurant, la tête cachée contre ses cuisses. Elle soupira et me caressa tout doucement les cheveux alors que les sanglots déchiraient ma poitrine. J’étais horrible comme garçon, je faisais du mal à ma sœur. Avec mes maudits gros doigts… je ne faisais que le mal ! Pourquoi est-ce que ça se passait toujours comme ça ? Même quand je ne voulais que défendre ma sœur ou faire le bien… Je détruisais tout ce que je touchais, j’étais mauvais… Ma grand-mère continuait de passer ses doigts dans mes mèches carmin :

« Mon Ningyo… Tout va bien…
- Non grand-mère ! Rien ne va ! J’ai… j’ai… j’ai presque tué Hakai…
- Shiro est avec elle et va la sauver, ne t’inquiète pas. »

Ses mots n’étaient pas assez rassurants pour moi. C’était à moi de m’occuper de ma sœur, de l’aider, de la protéger ! Pas à Shiro ! Pourquoi j’étais si mauvais ? Si méchant ? Si horrible ? Je n’étais même pas capable de sauver ma sœur, de l’aimer comme je devais le faire…  N'importe qui aurait été bien meilleur que moi pour veiller sur ma sœur ! Et pourtant je ne pouvais pas la laisser… Si je la laissais, si elle mourrait, je perdais tout… Je perdais mon soutien, mon pillier… ma vie ? C’était la seule personne au monde qui arrivait à me comprendre et à prendre le temps avec moi… Pourquoi moi je n’arrivais pas à lui rendre autant d’amour qu’elle me donnait ? Étais-je si mauvais ? Pourquoi moi… quand je m’approchais de ma sœur je la détruisais ? Alors qu’elle… elle m’élevait sans aucune difficulté ! Qu’est-ce que je pouvais faire pour être meilleur ? La supporter comme elle, elle me supportait. Est-ce que c’était possible ? Le monde pouvait s’effondrer, si j’avais ma sœur, tout irait bien ! J’eus un petit hoquet sans rien réussir à exprimer d’autre que la douleur, de la culpabilité, de la peur… Je ne voulais pas être tout seul et c’était la seule personne qui me portait depuis le début, qui était stable dans mon univers. J’avais manqué de la perdre une fois… Je ne pouvais pas accepter de la perdre une seconde fois. La porte s’ouvrit et je m’arrachais de l’étreinte de ma grand-mère pour lever la tête vers Shiro qui sortit en s’essuyant les mains tâchées de sang. Elle en avait aussi sur ses habits. Ses cernes trahissaient sa fatigue et la difficulté… Où était ma sœur ?! Où était-elle ?! Elle m’avait ordonné de sortir, c'était pour la sauver, non ?! Alors où était le rayon de soleil de ma vie ?! Où était ma jumelle ?! Shiro soupira un peu et s’approcha.

« Elle est en train de se reposer, Ningyo. J’ai eu du mal à la sauver, mais elle est vivante. »

Je me précipitais dans mon laboratoire, ignorant les taches de sang pour venir prendre la main de ma sœur qui respirait profondément, endormie. Je tirais un tabouret du pied avant de m’installer tout près d’elle, pour veiller jusqu’à ce qu’elle se réveille. Je ne l’abandonnerais jamais.