La rafle [Mission solo]

Mission :

Sachi avait fait le chemin jusqu'à sa région natale de Shimo-kobi dans le but de retrouver ses parents et leur présenter sa nouvelle vision de la foi. Bon, jusque-là, ça avait été un gros échec et le garçon s'en était tiré avec une joue rouge et une dignité écrasée. Il avait finalement quitté le domicile à la demande de sa mère sans se retourner, se promettant de revenir pour la convertir quand il aurait amassé assez de preuves de l'existence de Dainichi. En fait, quand il aura réuni une puissance suffisante pour lui montrer que c'était son dieu unique en personne qui l'avait chargé d'une mission sacrée.

Toujours était-il qu'il était seul, les pieds dans la boue. Il n'avait pas prévu initialement de se faire jeter dès la première journée et pensait pouvoir rester quelques jours chez ses parents. Il allait rejoindre son cher compagnon de troupe d'ici un bon mois et, en attendant, il était retourné à son état de pauvreté initial. Bon, ça ne le dérangeait plus, il s'était habitué à sa condition. Au contraire, il profiterait de ce laps de temps pour répandre la bonne parole à travers ses incroyables spectacles de magie ! Pendant son entraînement, il avait monté tout un spectacle, dont l'aboutissement était l'intervention même de Dainichi entre les cracheurs de feu et les animaux danseurs. Il le montrerait à tout le monde, à chaque coin de rue et se ferait un peu d'argent ! Mendier, c'était dans sa nature, après tout.

Il se mit à l'abri d'un toit de fortune le temps de se repoudrer le visage. La pluie avait malheureusement fait couler son maquillage, or, sans celui-ci, il n'avait plus rien d'un artiste. C'était son identité tout entière qui disparaissait dans les larmes chargées de rouge, de blanc et de noir.
En chemin vers sa prochaine destination, le saltimbanque tenta de faire rire les passants et autres miséreux. Il fut de nouveau confronté à ce qu'il avait toujours connu : le mépris, le dénigrement et, pis encore, l'indifférence. Mais il s'en moquait à présent. Du moins, il essayait. Au lieu de cela, il criait le nom de son Dieu à qui ne voulait pas l'entendre et laissait traîner ses oreilles un peu partout. En l'espace de deux ou trois jours seulement, il avait déjà entendu un bon paquet de rumeurs sur des gens qu'il n'avait pas vu depuis plus de quatre ans. Il entendit également qu'on recherchait activement de la main d'œuvre pour aider dans les mines de Shimo-kobi, qui était, pour être francs, l'une des seules sources de richesse dans cette région désertique. Il n'y prêta pas plus attention que cela, étant par essence contre l'exploitation humaine pour le profit.

Il continua finalement sa route et atteint rapidement la zone frontalière avec la région de Futami. Il y pénétra et, comme à son habitude, continua de dispenser ses spectacles pour gagner quelques piécettes sur la route. Ici, personne n'accepta de l'écouter parler de son Dieu, personne ne voulut reconnaître qu'il pouvait y avoir une autre voie. Cela le mettait dans une telle rage ! Dans sa jeunesse, il avait pris l'habitude de faire des farces à ceux qui l'humiliaient pendant ses spectacles, mais maintenant il souhaitait leur faire bien pire. Il voulait leur faire peur, il voulait les traumatiser.
Particulièrement un bonhomme, qui avait cru bon de faire le malin devant ses amis et l'avait chassé de "sa rue". C'était un foutu marchand pas capable d'associer trois morceaux d'argile pour en faire un bol.

"Casse-toi d'ici le merdeux ! Toi et ton Dieu, vous n'êtes qu'une abomination ! Vous n'existez pas !" lui avait-il dit. Sa dizaine de copains derrière avait rigolé et tous l'avaient applaudis. Comme toujours, la première réaction de l'illusionniste fut de se sentir profondément humilié. On avait beau avoir l'habitude, recevoir de tels propos ne laissait jamais indemne. Seulement, à présent, il pouvait s'opposer. Il n'avait jamais été en mesure de le faire auparavant, cela aurait été bien trop dangereux, y compris pour sa famille. Mais là, il était loin de chez lui et avait développé des capacités impressionnantes. Mieux encore, il avait la bénédiction de Dainichi avec lui. S'ils s'opposaient à Lui, ils révélaient la faiblesse de leur nature.

Sachi s'était donc retiré pour la soirée, songeant à ce qu'il pourrait faire pour se venger et, surtout, venger son Nom. Ces marchands étaient des incapables, il ne serait pas contre leur donner une bonne leçon. Une punition qui leur permettrait de se développer, d'emprunter la voie du travail, de côtoyer la difficulté et ainsi de s'élever un peu plus.

Les paroles qu'il avait entendu à Shimo-kobi lui revinrent en tête. La voilà, la solution. Il était contre le travail forcé des hommes, mais ceux-ci avaient manqué explicitement de respect à Dainichi. Or, il était écrit dans son livre que quiconque blasphémait sans se repentir serait jugé comme impur et serait damné pour l'éternité. Il était aussi écrit qu'un fidèle ne devrait jamais manqué une opportunité d'apporter la bonne parole, peu importe sous quelle forme. En fait, il leur rendait service en leur inculquant les valeurs du travail ! Bingo ! Il continuerait l'oeuvre de Dainichi sur cette terre : il les mettrait à l'épreuve.

Quand la nuit fut bien installée, l'artiste-illusionniste-cracheur-de-feu retourna dans le village où il avait été insulté, son mode furtif activé pour passer inaperçu. Il ne voulait pas que Dainichi soit associé à ce qui allait se passer ici, alors il ne pouvait pas se permettre d'être reconnu, ses grelots si caractéristiques tintant dans le vent. Positionné au centre du village, caché dans une ruelle, sa voix pourrait atteindre les quatre maisons voisines. Reproduisant à la perfection la voix de l'homme qui l'avait menacé grâce à ses capacités auditives impressionnantes, il diffusa ce même message dans les foyers environnants, puis répéta la même chose dans toute la rue pour ameuter une petite trentaine de gaillards. Il prit soin de rester hors de portée de la demeure du marchand qu'il imitait.

"Venez vite ! J'ai découvert une grotte remplie de trésors ! Elle est juste de l'autre côté de la frontière de Shimo-kobi ! Que ceux qui veulent s'enrichir me rejoignent immédiatement à l'entrée du village !" Ils ne l'entendirent pas, mais il ne put s'empêcher de glousser à l'idée de tromper ces zinzins de matérialistes.

Déguisé en son malfaiteur à l'aide d'un grossier Henge, Sachi attendit au grand arche de pierre qui symbolisait l'entrée du conglomérat de maisons. N'importe quel shinobi aurait décelé le subterfuge, mais certainement pas ces hommes de petite vertu. Il prit le temps d'écouter les pas pressés des marchands qui, sans vergogne, semblaient se hâter pour se ruer vers l'or. Il parvenait à distinguer grosso-modo vingt personnes, de quoi satisfaire les recruteurs de la mine, d'autant plus qu'ils n'avaient pas été prévenus à l'avance et donc ne s'attendaient pas à cette livraison.

Aucun de ces vauriens ne questionna ne serait-ce qu'une fois son identité. Il fallait dire qu'il s'était surpassé, sa voix était si bien imitée ! C'était grâce à son nouveau pouvoir, celui qui lui permettait de parler au nom de son Dieu et de bien d'autres personnes s'il le souhaitait. On lui posa quelques questions sur ce fameux trésor, son emplacement, son contenu ou encore comment il l'avait découvert, interrogations auxquelles il aimait donner des réponses évasives. "Vous verrez quand on y sera", leur répétait-il la plupart du temps en rigolant naïvement. Parfois, il s'autorisait un petit mensonge pas bien méchant pour les stimuler un peu.

Le trajet jusqu'aux mines n'était pas long : deux ou trois heures tout au plus. Ces hommes ne sachant néanmoins pas courir sur de très longues distances, ils mirent un peu plus de temps, mais pas suffisamment pour entacher leur motivation. Au contraire, ils gardaient en tête le bruit du frottement des pièces d'or et personne ou presque ne ressentait le besoin de se plaindre. Tout se déroulait donc à merveille et, peu avant l'aube, ils parvinrent à distinguer les roches dans lesquelles étaient creusées les mines. Toute cette comédie l'excitait au plus haut point ! Il pourrait bientôt se venger, faire fonctionner les industries de sa région et observer le visage apeuré de ces marchands méprisants !

Quand ils arrivèrent devant une grande grotte visiblement exploitée pour ses ressources, Sachi leur dit qu'il fallait être silencieux, car on ne pouvait être complètement sûr que le lieu était désert de mineurs. En effet, les environs étaient jonchés de pierres fendus, de pioches faites de mauvais métal et de gros sacs pour y entasser les récoltes. Cela prit un certain temps, mais quelqu'un fit enfin le lien. "Mais… enfin, tu ne veux pas qu'on vole les mines de Shimo-kobi quand même ? On va s'attirer de sacrés ennuis…" prononça timidement une voix qui venait de s'élever dans le groupe. Evidemment que cela était dangereux et malhonnête, et pourtant ils étaient venus jusqu'ici sans même douter de sa bonne foi ! L'immoralité des marchands n'avait-elle donc aucune limite ? Ou alors était-ce simplement de la bêtise ? Hein, qui était le bouffon, maintenant ?

Techniques utilisées :

Très vite, les murmures se répandirent dans la masse et tous en vinrent à la même conclusion : c'était une mauvaise idée. Ils étaient prêts à renoncer mais, après avoir tant marché, les recoins les plus vicieux de leur cerveau se questionnaient toujours. Maintenant qu'ils avaient fait tant de chemin, ne serait-il pas humiliant que de revenir les bras ballants ? Que diraient leurs femmes qu'ils avaient réveillées en pleine nuit ? Les hommes balançaient leur tête de gauche à droite pour croiser le regard des autres : que devaient-ils faire ? Tous questionnaient celui qu'ils pensaient être leur leader. Les voix s'élevaient et se confondaient dans sa tête et le pauvre garçon n'arrivait plus à retenir son sourire, à tel point qu'il pouffa malgré lui, d'un rire si sincère et si puissant que tous se turent autour de lui. "Imbéciles, n'avez-vous donc toujours pas compris ?" Il aurait bien aimé dire que c'était fini la comédie, mais en réalité, c'était tout le contraire ! Que le spectacle commence ! Gardant l'apparence pathétique dont il était affublé, il se lança dans l'un de ses fameux monologues théâtraux, accompagnant ses paroles de grands gestes de ses mains, de petits bonds et d'expressions faciales exagérées.

"Au diable le danger, moquons-nous sous leur nez.
Eux qui s'enrichissent, travaillant comme des bœufs,
Saisissons-nous de leurs trésors si précieux,
Et enfin de ces lieux ne repartons jamais.
Car en Son nom, je vous condamne et vous maudit !"

Tous le regardèrent, interloqués. Que signifiait tout ce cinéma ?, devaient-ils sûrement se demander. Et lui ne pouvait plus s'empêcher de rire ! L'illusionniste ne leur laissa pas le temps de réfléchir et projeta une onde de chakra d'une telle intensité meurtrière qu'elle les figea sur place, impuissants. A ces yeux, ils étaient tels les brebis égarés face au loup, à ce prédateur qui d'eux pouvait disposer à sa guise. Derrière eux était leur cage, cette grotte froide dans laquelle certains s'écrouleraient sous le poids du travail, tandis que les autres en ressortiraient plus forts.

Le bouffon prit une grande inspiration et conjura son cirque itinérant grâce à son incantation phare : "Faites place au cirque à la gloire de Dainichi, pour votre plaisir et sous vos yeux ébahis". En quelques instants, les lieux accueillirent une joyeuse troupe et son chapiteau, ses cerceaux enflammés et petites bestioles dressées. En face, tous les marchands assistaient à la scène, immobiles, ahuris, mais tout de même avec une certaine fascination. Cette fascination laissa bien vite place à la peur quand celui qu'ils pensaient être leur chef se mit à cracher du feu en leur direction, tandis que les animaux s'agitaient sur leurs flancs.

Au même instant, Sachi brisa sa technique de paralysie. Terrifiés, tous cherchèrent à échapper aux flammes dans le seul endroit qui leur était accessible : la grotte. Ils s'y ruèrent en se bousculant, tout en sachant très bien que la voie qui les accueillait était sans issue. Dans cet espace confiné, ils seraient encore plus exposés, et les fumées ne tarderaient pas à les endormir. Mais que pouvaient-ils faire d'autre ? Rien.

Aaaaah, si seulement ces pauvres hommes le savaient,
Qu'aucun de ces sombres artifices n'était vrai !

Quand enfin ils arrivèrent là où il l'avait espéré, qu'ils étaient attroupés contre les parois de pierre, attendant la mort, il éteint ses flammes. Il utilisa une seconde fois sa technique de paralysie pour les contenir. Il utilisait pour cela toute sa rancœur et la haine qu'il avait accumulé. Au nom de Dainichi, il les clouerait sur place. Tous étaient terrifiés et essayaient de comprendre comment ils en étaient arrivés là. Pourquoi avaient-ils était trahis par leur ami ? Le plus beau dans toute cette histoire, c'est qu'ils ne le sauraient jamais ! D'un côté, eux maudiront l'homme qui les a enfermés ici. De l'autre, un pauvre marchand se réveillera seul dans son village et subira la colère de toutes les veuves éplorées.

Alertés par tout ce bruit, des mineurs qui travaillaient tôt vinrent voir la source de tout ce raffut. Eux aussi furent estomaqués par le spectacle, et ne comprirent qu'une fois que Sachi leur expliqua la situation.

"Du son de mes pièces d'or j'attends la venue,
Pour miner, j'ai amené ces âmes perdues.
A Futami je suis allé les réveiller,
De leur retour, personne ne sera inquiet."

Il s'esclaffa, et un homme s'approcha de lui. "T'as entendu notre annonce, c'est ça ?

- En effet.

- Tu attends donc une récompense ?

- S'il vous plaît."

L'homme regarda autour de lui et chercha le regard des autres mineurs. D'un geste de la tête, il leur indiqua de bloquer la sortie de la grotte aux marchands. Il venait d'accepter le marché. "C'est une bien belle cargaison que tu nous ramènes là. Va, tu as bien mérité cette belle compensation", lui dit-il en lui lançant une bourse remplie de piécettes.

Sachi compta son contenu, puis, satisfait, s'inclina théâtralement devant l'homme et repris la route jusqu'à la forêt légendaire d'Inari.