[Mission rang A] Libérer, délivrer [Kameyo & Genkishi]

Le combat était acharné. Daiki venait d'entrer dans une rage folle qui ne laissait aucun doute quant à ses intentions. Il donnerait sa vie s'il le fallait, mais il exterminerait ses adversaires. Lui qui avait voué son existence à sa famille. S'entraînant avec obstination. Devenant jour après jour un peu plus fort. Jusqu'à en perdre la raison. Préférant se retrancher derrière cette folie meurtrière pour mieux dissimuler l'amour qu'il portait à son frère et sa mère. Aujourd'hui il n'avait plus rien. Sa mère n'avait pu être guérie et dépérissait lentement quelque part dans une pièce du repère, tandis que son frère venait de mourir sous ses yeux. Il n'avait plus à offrir au reste du monde que l'aliénation de celui qui erre sans but. La haine dévastatrice de celui qui n'a plus rien à perdre.

Le corps ensanglanté de toutes part, il n'y faisait même plus attention, se concentrant sur le déferlement de violence qui devait mettre un terme ici et ce jour à l'existence des kunoichis. Son kusarigama cloné fendit le vent, slalomant entre les roches qui pleuvaient de plus en plus abondamment, pour aller percuter Kameyo et Masami, pourtant déjà bien amochées. Tout comme Towa d'ailleurs. Chacune ne tenant plus debout que par la volonté farouche de ne rien céder. Les trois femmes faisaient en effet preuve d'une ténacité qui n'avait d'égale que leur courage et leur résistance, bien que les forces commençaient à sérieusement leur manquer. Meurtris, leurs corps avaient été soumis à rudes épreuves. Frappés, tranchés, cisaillés, plantés, brûlés. Tout comme leurs esprits. Leurs énergies spirituelles étant réduites à la portion congrue. Le trouble s'invitait à présent dans leur regards vagabonds mais toujours déterminés. Telle était la vie d'une ninja après tout. Accomplir sa mission à tout prix, en faisant face à la mort à chaque coin de rue. Ainsi, elles continuaient à se mouvoir, tant bien que mal démontrant leur abnégation, quelque soient les circonstances.

Tandis que la démone et l'uzujin tentaient de reprendre leurs esprits au prix de terribles efforts, tout en subissant les rires dénués d'humanité de leur adversaire, Towa évita de justesse le shuriken lancé par Daiki avant de prendre la décision de répondre favorablement à la requête des esclaves. Chancelante, elle se traîna jusqu'à l'endroit indiqué par ces derniers pour libérer leur camarades. La sueur de l'effort se mêlant au sang qui suintait de ses plaies, elle repoussa la lourde porte de pierre, aidée par ses alliés de circonstance, pour tomber sur deux gardes qui n'avaient rien d'impressionnant, mais qui dans son état actuel, faisaient office d'obstacle moins franchissable qu'il n'y paraissait. De l'autre côté, Masami fut la première à se relever. Par réflexe elle jeta maladroitement un kunaï qui manqua sa cible et vint percuter le mur derrière le boss de l'endroit qui, tel un dément, les yeux exorbités, riait de plus belle. C'est lorsqu'elle vit Kameyo se redresser à son tour et déployer une énergie que l'on pourrait qualifier du désespoir, qu'elle décida de faire demi-tour pour rejoindre la Nara et lui prêter main forte. Le Hidoi tenta bien de la rattraper pour lui asséner un coup fatal, mais l'Akuma s'interposa, ne lui laissant aucune possibilité de se soustraire à l'affrontement qu'elle avait décidé.

Titubante, Masami mit plusieurs secondes à avaler la distance la séparant de Towa. Lorsqu'elle arriva à destination, elle remarqua les corps brûlés des deux gardes, ainsi que les senbons plantés dans leurs chairs. Les deux hommes, bien que fortement blessés, bougeaient encore, bien décidés à aller jusqu'au bout, afin de maintenir les prisonniers dans leurs cellules jusqu'à l'effondrement total de la caverne. Lames en avant, ils se jetèrent malhabilement sur les kunoïchis. Un pour chacune d'elle. Vacillantes, les deux filles n'en restaient pas moins plus puissantes qu'eux et après une passe d'arme qui ne s'éternisa pas, elles finirent par achever leurs opposants, tout en évitant de peu les pierres qui se détachaient du plafond. Sur les cadavres, elles récupérèrent les clés des geôles puis les ouvrirent une à une, rassemblant l'ensemble des esclaves avant de les inviter à sortir. En revenant dans la salle précédente, physiquement soutenues par quelques uns des libérés, elles entendirent encore une fois Daiki hurler sa rage.

-VOUS N'IREZ NULLE PART!!!! PERSONNE NE SORTIRA D'ICI!!!! REVENEZ ICI QUE JE VOUS BUTE TOUS!!!


Ce serait la dernière fois. Kameyo, elle-même en proie à son démon intérieur, ne le laisserait pas passer. Peu importait le prix à payer. Faisant briller son aura d'un éclat qui illumina l'ensemble de la pièce, elle se rua sur lui, guidée par Kokkai. Un combat dantesque s'engagea. Un torrent de violence déferla, accélérant la mise en miette de l'espace de jeu des deux combattants, chacun évitant avec brio les rochers qui s'écrasaient ici et là. Ils se rendirent coup pour coup, attaquant, esquivant, parant, contre-attaquant. Tout y passa. L'Akuma jouant de ses griffes avec autant de virtuosité que son ennemi agitait son kusarigama. Aux crochets appuyés de la fille, il répondait par par des parades à l'aide de sa chaîne, quand elle utilisait sa prodigieuse vitesse pour éviter la lame vicieuse de l'autre. Plusieurs fois, l'un et l'autre furent repoussés dans leurs derniers retranchements. Acculés contre les parois du lieu, qui s'effritaient chaque seconde un peu plus. D'une attaque directe, Kameyo tenta de planter ses griffes dans la gorge de son opposant qui ne répondait plus aux coups que par instinct. Non pas de survie, mais de destruction. Croisant sa chaîne, il orienta ainsi les griffes de la femme vers le haut avant de lui asséner un coup de pied au niveau du torse qui la repoussa de quelques mètres.

Face à face, et tout en recrachant le sang accumulé dans leur bouche, les deux tentèrent de reprendre leur souffle, dans une pause significative de leur fatigue et de leurs souffrances. Il ne se lâchaient pas du regard, chacun plantant le sien dans celui de l'autre. Comme pour montrer qu'ils ne céderaient rien. Le combat ne tarderait pas à atteindre son terme. Ce fut Daiki qui prit l'initiative le premier. Il fit tournoyer son arme pour lancer sa plus puissante attaque, en bondissant vers l'Akuma. Kameyo, ou peut-être était-ce Kokkaï qui l'avait décidé, déversa son chakra dans tout son corps pour enflammer ses griffes en utilisant l'une des techniques les plus violentes de son clan, le baiser de la mère, qu'elle coupla à la folie du démon, ne faisant plus qu'une avec Kokkaï. Une unique entité démoniaque avec celui qui depuis toujours avait partager son esprit, son corps, sa vie. Ce qui suivit, serait à coup sûr à conter dans les livres d'histoire. Ne serait-ce que pour que les filles de la jeune femme puissent un jour raconter à quel point leur mère était vaillante. A l'aide de ses armes enflammées, Kameyo déchira le corps de son adversaire, le rouant de coups tous plus brutaux les uns que les autres. Dans un dernier assaut, les griffes vinrent transpercer le cœur de l'homme tandis que la lame de ce dernier se planta profondément dans l'estomac de la kunoichi. Les deux s'effondrèrent. Daiki fut le premier à succomber en adressant un large sourire à la jeune femme.

-Kuf kuf kuf...beau combat de démons...kuf kuf kuf...vraiment, bea...lâcha t-il avant de quitter ce monde.

Aux portes de la mort, Kameyo trouva la force d'extraire la lame de son estomac, entraînant une giclée de sang effrayante, tandis que deux esclaves se hâtèrent d'aller à sa rencontre pour la porter et l'aider à rejoindre le reste du groupe.

Toute la troupe prit la suite de Towa et Masami qui comme chemin de retour, décidèrent de suivre celui emprunté par l'uzujin, partant du principe qu'étant la seule des trois à avoir réussi son épreuve initiale, cette route ne présenterait à priori plus aucun danger. Du moins, sans compter l'éboulement. Il fallait faire vite. Très vite même. La montagne se fendait de toutes parts. Alors qu'elles étaient à mi-chemin, elles constatèrent d'ailleurs que derrière elle, la route était désormais totalement bouchée et qu'il en serait bientôt de même ici. Les esclaves se montrèrent d'une solidarité exemplaires, les plus forts aidant les plus faibles à progresser tant bien que mal. Enfin, le groupe arriva dans la pièce de l'épreuve de Masami alors que certains d'entre eux étaient encore à la traîne et que la montagne grognait son cri mortuaire. La sortie était malheureusement obstruée par la roche qui s'était refermée sur l'arsenal ambulant à son entrée. Laissant les autres derrière elles, Towa et Masami unirent leurs forces pour condenser un peu de leur chakra restant dans leurs poings, puis frappèrent un même point ensembles. La paroi se fendilla légèrement, puis plus franchement, avant d'éclater entièrement, pour finalement offrir une porte de sortie à tout le monde. Espace cependant pas assez large pour permettre à plus de deux personnes de passer en même temps. Le temps pressait toujours un peu plus. Les deux kunoichis sortirent les premières et se positionnèrent sur les côtés pour aider les esclaves à s'extraire en les tirant vers l'extérieur.


La moitié de la troupe était déjà exfiltrée quand un grondement encore plus bruyant que les autres retentit. L'intérieur de la pièce s'effondrait de plus en plus, menaçant de reboucher à tout moment l'unique sortie. De quelques paroles à peine audibles, Kameyo, qui se savait perdue, indiqua alors aux deux esclaves qui la transportaient de la déposer à côté de l'entrée. Ils s'exécutèrent sans poser de question. Le sang de l'Akuma s'écoulait de plus en plus abondamment, pour former d'énormes flaques sur le sol. Sa respiration se faisait de plus en plus difficile. Sa vue se troublait jusqu'à la rendre presque aveugle. Les battements de son cœur étaient de plus en plus saccadés. Malgré tout, elle déploya tout son chakra restant pour créer un halo protecteur autour de la sortie de secours créée par ses partenaires, l'objectif étant d'empêcher l'éboulement à cet endroit, afin de donner au reste du groupe le temps suffisant pour quitter les lieux. Tandis que son énergie s'amenuisait, les prisonniers poursuivaient leur évasion, deux par deux. Impassible malgré la douleur, la kunoichi se remémora tout le chemin parcouru avant d'en arriver là. La séparation d'avec le clan, l'assassinat de ses parents, sa capture, l'esclavage, la folie meurtrière sur ses congénères, la prison, puis l'arène. Cette arène où elle se fit un nom au détriment des nombreuses vies qu'elle avait dû enlever. Et enfin, la fuite puis la rédemption, tentant de s'humaniser au contact d'autres shinobi, jusqu'à rencontrer l'amour dans les bras de Maho Onryou. Amour concrétisé par la naissance de ses filles. Miraï et Jiyruu. C'était en grande partie pour elles, grâce à elles, qu'elle était parvenue à contenir au mieux son démon intérieur. Ce démon qui se battait à présent pour ne pas disparaître en même temps que son hôte. Que son autre. Il lui intimait l'ordre de se bouger le cul, de ne pas finir comme ça. Le regard perdu dans le trouble d'une mort certaine, elle n'avait plus la force de lutter. Elle resta impassible face aux remontrances de Kokkai, déversant son aura pour sauver des vies. Encore plus de vies. Quelle ironie. Elle qui avait passé la plupart de son temps à en ôter.

Les deux derniers esclaves parvinrent à s'enfuir in extremis, alors que la grotte recrachait ses dernières gerbes de roches tout autour du corps immobilisé. Leur impact sur le sol sonnait comme les dernière notes d'un requiem aux allures d'éternité pour l'Akuma. Son énergie vitale s'éteignit peu à peu. Elle pouvait entendre les appels des esclaves et de ses partenaires lui demandant de tendre la main pour l'aider à sortir. Elle ne bougeait pas. Elle ne pouvait plus. Elle ne voulait plus. Elle considérait avoir eu une vie bien remplie. Mais, alors que la caverne se décomposait encore un peu plus au-dessus d'elle et alors que Kokkai continuait de se débattre, dans un dernier battement de cils, l'image de ses filles lui apparut. Dans un ultime effort, elle inspira profondément avant de hurler de toutes ses maigres forces.

-Nara Towa...mes filles...Miraï...Jiyruu...toi et ton clan...protégez-les...

Un sourire se dessina sur son visage, puis la montagne se désintégra pour l'ensevelir. Définitivement.

Bilan: