Qu’il vienne des profondeurs du Pays du Vent ou des mortifères Plaines Désertiques, nul ne pouvait grandir dans les régions les plus arides du Sekai sans développer une saine crainte des tempêtes de sable. Même les fortunés enfants du clan Serika ne faisaient pas exception à cette règle ; Shiran se souvenait de maintes tempêtes si violentes, portant des quantités de sable si épaisses, qu’il était impossible de voir plus loin que le bout de son nez une fois à l’intérieur. Enfant, il avait longtemps été tourmenté par des visions cauchemardesques de ces vents, lui donnant l’impression terrifiante que le désert lui-même s’ouvrait en deux pour avaler le village tout entier. Le bruit assourdissant du vent et la dangerosité du sable ainsi soulevé avait valu un sobriquet inquiétant aux tempêtes les plus brutales : chez les cultistes du désert et les plus superstitieux habitants de Suna, on redoutait plus que tout ces “rugissements de Shukaku”.
Le jeune shinobi n’était plus un enfant terrifié, cependant, pas plus qu’il n’était superstitieux. C’était sans doute pour cela qu’au beau milieu de la soudaine et brutale tempête qui venait de s’abattre sur la frontière ouest de la Côte d’Omui, on pouvait encore deviner une silhouette vêtue de blanc qui bravait les vents et avançait à travers le sable. La main tendue devant lui, Shiran déployait tant bien que mal son chakra pour prendre le contrôle de la masse de sable qui l’assaillait à chaque instant, tâchant de la repousser en formant une sphère protectrice et mobile autour de lui. La méthode était d’une efficacité très réduite ; le vent lui fouettait toujours le visage, il ne parvenait pas à retenir l’intégralité du sable et, surtout, il s’épuisait à une vitesse effarante. Malgré cela, c’était sa meilleure solution, le temps d’atteindre son objectif.
Alors que la tempête pointait encore à l’horizon, quelques heures auparavant, il avait aperçu de loin un petit groupe de bâtiments. Autrefois, un oasis populaire se dressait là - quelques habitants permanents, une auberge de bonne taille qui accueillait les voyageurs et leur offrait un répit bien mérité au cours de leur traversée du désert. Le point d’eau autour duquel l’endroit s’était construit avait tari, cependant, et en peu de temps, l’oasis s’était changé en village fantôme. L’auberge était désormais la seule construction encore entière, les maisons s’étant délabrées à grande vitesse sous les assauts du désert. Cela ne paierait pas de mine, mais c’était un abri plus que décent pour attendre la fin de la tempête.
Après quelques dizaines de minutes de lutte supplémentaire, Shiran parvint enfin à atteindre la lourde porte en bois qui empêchait les vents hurlants de s’engouffrer dans l’auberge. Mobilisant ses forces, il l’ouvrit tant bien que mal et se glissa à l’abri juste avant que le bois ne se referme derrière lui en claquant violemment. Pantelant, il abaissa lentement la capuche blanche et l’étoffe claire qui protégeaient son visage pour mieux respirer, découvrant la crinière noire qui couronnait sa tête et les petites pointes dorées qui pendaient à ses oreilles. Agrippant une chaise en bois pour la traîner jusqu’à lui, il s’effondra sur elle, reposant ses jambes fatiguées par la marche à travers le sable et les intempéries.
Il avait atterri dans la salle commune de l’endroit - une pièce mal éclairée, dont le plancher vieilli était constitué de planches de bois écartées les unes des autres. Plusieurs tables étaient éparpillées ça et là, entourées de quelques chaises ; rares étaient celles qui avaient encore quatre pieds. Un bar se dressait devant le mur du fond, protégeant l’accès à un escalier s’enfonçant dans le sol vers une cave. À gauche de Shiran, un autre escalier montait en colimaçons à l’étage, là où se trouvaient autrefois quelques chambres réservées aux clients de passage. Le plancher était couvert d’une fine pellicule de sable accumulée malgré l’étanchéité de la porte, marquée par de multiples traces de pas - celles qui venaient de la porte jusqu’à la chaise où Shiran était assis… Et d’autres.
Un frisson parcourut la peau du jeune homme, qui se releva doucement. Il ne réalisait que maintenant que les lampes à huile qui éclairaient la salle commune ne pouvaient pas avoir brûlé depuis la fermeture de l’auberge ; quelqu’un d’autre les avait nécessairement allumées récemment. Une main sur la table pour conserver son équilibre malgré la fatigue, le jeune ninja des sables avala difficilement sa salive. Dans l’oasis abandonné, il avait espéré se trouver un abri où la solitude serait synonyme de sécurité ; sans savoir avec qui il partageait l'endroit, il était bien trop tôt pour baisser sa garde.
D’un rapide coup d'œil, il inspecta les deux escaliers - celui de l’étage et celui de la cave. D’ici, il était impossible de savoir lequel des deux avait été emprunté récemment ; impossible donc de déterminer où se trouvait son impromptu colocataire. Hésitant quelques instants de plus, il décida de tenter le tout pour le tout, et haussa la voix.
« Il y a quelqu’un, par ici ? Je croyais la taverne abandonnée. »
S’assurant de rester près de la porte, le shinobi se tenait sur ses gardes, les genoux légèrement fléchis et les paumes ouvertes en direction du sol - la posture qui lui pertait de prendre le contrôle du sable présent dans la salle le plus rapidement possible. Quiconque l’observait avec un œil aguerri pouvait deviner qu’il était prêt à se battre pour son droit d’asile dans l’établissement désuet.
Tadake Yurikô
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Le temps ne guérissait pas, il atténuait seulement un peu la douleur et quelle plus grande affliction que celle d'un espoir naissant trop vite arraché. Après avoir enchainé avec désespérance le deuil des êtres qui lui étaient le plus cher, une belle âme était parvenue à l'atteindre, assez pour lui faire reconsidérer que son cœur, bien que meurtri, n'était pas digne de dépérir tant il était grand. Mais une fois encore, l'injustice et la violence de ce monde lui avait ôté l'être qui aurait pu être cette lumière qui manquait tant à sa vie. Maudite. C'était ainsi qu'elle se considéra, avant de s'apercevoir que l'amertume se glissait comme un serpent dans le creux des fissures de son esprit. Il vint ensuite la peur, la peur de la déraison ou de l'éventualité de commettre le pire, car le chagrin pouvait devenir un lancinant poison. Elle le savait mieux que quiconque.
Alors, il lui fallait guérir. Guérir par n'importe quel moyen pour ne pas se perdre, pour ne pas faillir à ses promesses, pour rester protectrice de son village et de la volonté du feu qui animait les siens. Elle devait guérir pour son neveu, sa pupille, l'enfant de son frère perdu qui témoignait de toute la rage de vivre de son jumeau. Elle devait guérir pour continuer à sauver les tourmentés, quitte à devoir elle-même à renoncer à ne plus l'être totalement. Cependant, il y avait tout un monde entre la foi de la rémission et son avènement, car avec le temps, on finissait par aimer cette douleur. Elle finissait par devenir une compagne, à faire partie de vous. Il fallait aussi y renoncer. Mais par quoi commencer ?
Yuriko avait toujours été, aussi loin que l'on pouvait remonter, une femme d'une nature assez taciturne, repliée, si ce n'était avec Kyoshiro. Il était le seul qui la comprenait et qui était capable de trouver les mots. Aujourd'hui, elle n'avait pour seul bagage que son souvenir et c'était à elle à trouver le remède de sa mélancolie. Le voyage lui parut la plus simple solution, un pèlerinage pour des adieux nécessaires et trouver la force de tourner la page. Pour son frère, elle avait fondé un clan. Pour son fiancé, elle avait trouvé le courage de vivre. Pour la seconde chance de sa vie... elle avait renoncé au pouvoir. Pourtant, elle demeurait un oiseau blessé qui s'accrochait à son sauveur. Mais elle devait lui dire adieu, un adieu définitif et pour cela, elle s'était rendue près des plages où l'étincelle était née.
Elle avait en premier lieu dressé une lanterne pour les morts puis modestement déposée sur les flots marins pour que les vagues l'emportèrent aussi loin d'elle que ses mauvaises pensées. Puis, elle s'était contentée de marcher, encore et encore le long de la côte, l'esprit perdu et égaré, jusqu'à ce que son corps le fut autant. Les côtes d'Omui étaient un lieu plaisant, mais il était aussi aisé de s'y perdre et l'océan l'appelait parfois comme une sirène. Il fallait qu'elle s'en détacha en remontant par les terres. La jonin finit par gagner le désert, celui-là même qui définissait la frontière entre les terres sauvages de Suna et Omui. Seulement, sa malchance se métaphorisa sous la forme d'une tempête contre laquelle elle ne pouvait rien faire, si ce n'était trouvé un abri au plus vite.
Elle ne connaissait réellement la région, toutefois le destin l'amena à un village abandonné et une vieille gargote qui devait faire office d'auberge dans un autre temps. Tout y était mort, vide, sans vie. Ce ne fut que sous les lampes à huile que Yuriko trouva et alluma que les lieux se ravivèrent. Arrivée couverte de sable, l'endroit l'était également en partie. Dans un silence quasi religieux, la jonin inspecta les lieux afin de s'assurer qu'aucun danger ne s'y trouva. La grande salle, le comptoir, la cave... Il ne lui restait que le premier étage où elle y inspecta les anciennes chambres. Dans la plupart d'entre elles, il ne restait plus rien, si ce n'était de vieux lits et matelas miteux. Pourtant, elle se décida de posséder l'une des pièces, déposant ses affaires et surtout, un lieu où elle pourrait se découvrir et retirer le sable qui s'était insidieusement glissé dans ses jupes.
C'était à ce moment-là, tandis qu'elle battait ses cheveux, qu'elle crut entendre la porte claquée sous la puissance du vent et quelques instants après, une voix s'inquiéter de la présence de quelqu'un. Yuriko n'était pas effrayée par l'inconnu, et cela aurait été peu digne de celle qui fut la première femme Kage de l'histoire du Sekaï. D'un pas tranquille, elle descendit alors les escaliers.
" Cette taverne l'était, en effet... "
Yuriko finit par apparaître entière et porta ses pupilles noires sur la silhouette du jeune homme qui avait pris précautionneusement position près de la sortie.
" ... mais j'ai été surprise par la tempête. Elle est ainsi devenue un refuge que je n'aurais aucun mal à partager si c'est ce que vous étiez venu chercher. "
Une fois au pied des escaliers, la jeune femme salua celui qu'elle ne connaissait pas.
" Je me suis déjà permise d'inspecter les lieux, mais il n'y a rien d'utile autres que ses murs. Toutefois, vous demeurez libre de vérifier par vous-même. Je pourrais tout à fait comprendre que vous ne fassiez pas confiance à une inconnue. "
La jonin se contenta de son discours, attendant de voir quelle serait la réaction de son homologue.
Shiran cligna des yeux à de multiples reprises, comme s’il cherchait à s’assurer que ce qu’il observait était bien réel. Il était mentalement préparé à trouver des bandits qui auraient fait de l’auberge abandonné un antre ; un marchand du désert à l’hygiène peu soignée obligé de partager une couche miteuse avec son chameau ; peut-être même une bête sauvage qui se serait glissée à l’intérieur du bâtiment pour y trouver des traces de nourriture et un abri contre les éléments. En lieu et place de cela, il se retrouvait nez à nez avec une apparition digne des histoires pour enfants qui avaient bercé sa jeunesse. Ce n’était pas la première fois qu’il trouvait une femme belle, bien entendu ; mais la beauté de Suna n’était pas celle du reste du monde. Il n’avait pour ainsi dire jamais vu un teint de porcelaine pareil, moins encore une démarche aussi noble. Même au sein de son clan, particulièrement riche comparé au reste du village, il n’y avait qu’une place très limitée pour la coquetterie ; avec les ornements dorés qu’il portait à chaque lobe d’oreille et autour du cou, il faisait déjà un bien plus grand effort pour son apparence physique que la quasi-totalité de ses congénères. Même les plus sophistiqués ressortissants du Pays du Vent gardaient en eux cette appréciation hagarde de la vie dans le désert, se déplaçant tantôt comme des prédateurs et tantôt comme des proies. En comparaison, celle-ci marchait comme si marcher était un art.
*Ressaisis-toi, Shiran. Les roses de ce genre ne se retrouvent pas au milieu du désert sans avoir quelques épines dissimulées sur elles.*
Ce fut un effort conscient pour le jeune homme que de refermer la mâchoire tandis qu’elle s’arrêtait devant lui. Sans baisser sa garde pour autant, il se redressa, abandonnant sa posture de combat. Si elle s’avérait être un véritable danger, mieux valait pour lui qu’elle le pense inoffensif. Il n’avait pas l’apparence d’une poupée de porcelaine pour l’y aider, mais détendre son corps n’était pas le pire des débuts.
« Les propriétaires de cette auberge l’ont quittée il y a bien longtemps, » commença-t-il, « il n’y a donc aucun mal à ce que de pauvres hères perdus dans la tempête se la partagent sans jalousie. »
Acceptant son invitation à vérifier par lui-même l’état de la cave, il traversa la salle commune, s’assurant de ne pas trop s’approcher d’elle - tout en évitant de faire un détour visible. Contournant le bar, il s’aventura dans le sous-sol de pierre, faiblement éclairé par une lampe à huile dont il s’était emparée. Sans surprise, ce qui était autrefois une réserve de vivres et d’eau semblait vide au premier regard ; cela dit, Shiran avait fréquenté suffisamment d’auberges de ce genre pour ne pas se contenter d’un premier regard. Après s’être assuré qu’il était hors de vue, il leva la main, utilisant l’art de son clan pour dégager le sable qui avait petit à petit recouvert le sol, révélant la pierre nue à nouveau. Un claquement de langue satisfait échappa au jeune homme tandis que la lumière de la lampe atterrissait sur une petite trappe logée entre deux dalles. S’agenouillant, le shinobi des sables découvrit la réserve d’urgence des patrons - deux tonnelets de viande qu’il se refusait à ouvrir, dégoûté d’avance en imaginant à quel point la chair avait dû s’avarier depuis le temps, mais surtout quelques poussiéreuses bouteilles de liqueur traditionnelle du pays du Vent. Ses yeux pétillèrent un instant devant un tel trésor, avant que la déception ne le rattrape : il n’était pas question de faire appel à l’ivresse pour faire passer plus rapidement la tempête quand il partageait son abri avec une ennemie potentielle. Refermant la trappe sans en sortir le contenu, il remonta l’escalier pour revenir dans la salle commune, posant son regard doré sur l’inconnue.
« Je vous saurais gré de pardonner ma méfiance. Les tempêtes de sable ne sont pas le seul danger qui rôde dans ce désert. »
Déposant la lourde calebasse et le sac de voyage qui alourdissaient son dos contre le bar, il fit quelques pas dans la direction de son interlocutrice. Il avait conscience de prendre un risque, mais il était peu réaliste de rester parfaitement méfiant pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours si la tempête s’éternisait. Mieux valait ouvrir lentement sa garde maintenant, quand il était encore en bonne forme et conscient de son environnement, par petites incrémentations. Et puis, à cette distance, il n’était pas moins capable de faire appel au sable présent dans la calebasse que s’il la portait sur son dos ; il était loin d’être sans défense. Avançant la main dans sa direction, il la tint entre elle et lui, lui offrant une poignée de main en guise d’introduction plus formelle.
« Mon nom est Shiran ; ce désert est ma terre natale. À vrai dire, c’est d’après une tempête comme celle qui rugit dehors en ce moment que j’ai été nommé ainsi. « J’ignore encore quel est votre nom, certes, mais il me suffit d’un coup d'œil pour savoir que vous n’êtes pas de la région. Il me semble plus juste que nous en sachions autant l’un sur l’autre, vous ne pensez pas ? »
Note rapide:
Je réalise en me relisant que le dernier dialogue est pas super clair ; le prénom de Shiran est constitué des mots japonais "Quatre" et "Tempête", c'est très littéral quand il dit qu'il est nommé d'après une tempête de sable.
Tadake Yurikô
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Les prunelles noires de Yuriko ne quittaient pas la silhouette de l'inconnu. Insondables, elles n'affichaient alors qu'une absolue neutralité, peut-être plus déconcertante encore car aucun sourire n'animait son délicat visage. Ami ou ennemi ? Elle n'avait encore le loisir de le savoir, elle se contentait d'attendre pour cerner les intentions de celui qui l'avait rejointe sous ce toit de fortune. Toutefois, elle n'en oubliait aucune de ses manières, et ne chercha nullement l'animosité. Elle observait en silence, quelques instants.
Ayant noté la posture de combat du jeune homme lorsqu'elle était descendue, elle crut y voir dans sa défensive une personne particulièrement méfiante ou plutôt consciente des dangers qui peuplaient le sekaï... et peut-être par là, quelqu'un ayant reçu soit une éducation miliaire - et possiblement un shinobi comme elle - soit un mercenaire ou un individu rompu à l'idée de devoir se battre. Et pourtant, il y avait aussi en lui une certaine préciosité notable. Il paraissait être taillé dans un métal précieux, du bronze de sa peau à l'or cloué à ses oreilles. Un noble ? Il y avait quelque chose dans son regard de félin effarouché qui le lui laissait à penser mais... tout n'était que vaines supputations.
" Alors soyons ces pauvres hères, comme vous le dites si bien, qui ont réussi à avoir un peu de chance et un abri à partager. "
Consciente que l'ignorance engendrerait le maintien d'une certaine tension entre eux, Yuriko offrit l'opportunité à celui qu'elle ne connaissait pas encore de fouiller l'auberge de lui-même. Si le tempête devait durer des heures, voir plus, il lui était apparu plus supportable d'agir ainsi, ne serait-ce que pour s'accorder à tous deux du repos pour l'âme et le corps. D'ailleurs, le sakyuujin ne se fit pas prier, restant sur ses gardes en prenant soin de la contourner.
Cela aurait pu lui prêter à sourire, mais la konohajin demeura fermée tant qu'elle ne savait que penser. Laissant ainsi le jeune homme se rendre dans la cave de l'auberge, Yuriko fit une nouvelle fois le tour de la pièce principale, mais à la recherche d'une chaise qui ne serait pas bancale ou au moins, assez solide pour lui permettre de s'assoir sans craindre un accident. Alors qu'elle ramassait un siège, l'homme des sables remonta et s'excusa de son attitude. Ce fut alors la première fois qu'un léger sourire se forma au bord de ses lèvres.
" Nul pardon n'a à vous être accordé. Votre méfiance est légitime au même degré que je le suis autant que vous. Cela ne fait que dénoter l'intelligence qui est la vôtre, car il faudrait être un peu fou ou un peu sot pour ne pas l'être par les temps qui courent. "
Contrairement aux apparences, l'ancienne Nidaime n'essayait en rien d'user de la flatterie pour attendrir son interlocuteur. À ses yeux, elle ne faisait qu'énumérer un fait. La naïveté n'avait plus sa place dans son monde, même si elle convenait vouloir bien protéger celle des autres. Ce fut alors qu'une main lui fut tendue, main qu'elle regarda avec surprise, avant de lentement glisser la sienne pour la saisir avec délicatesse et fermeté.
" Ainsi... vous êtes un cadeau de la Tempête... Je suis enchantée, Shiran. "
Yuriko fit un léger salut de la tête, avant que sa main ne s'échappa de celle de l'homme des sables.
" Il me serait bien difficile de contredire votre perspicacité. Si vous êtes né en terre de sable et de vent, sachez que je suis née en terre de feu. Néanmoins, j'ai bien peur que mon nom ne porte en lui aucune poésie. Ce sera donc en toute simplicité que vous pourrez m'appeler Yuriko. "
À cet instant, la kunoichi saisit la chaise qu'elle avait trouvée, bien poussiéreuse malheureusement, mais elle ne pouvait en tenir rigueur à la vue des circonstances. Une fois convenablement installée, toute son attention se tourna vers le jeune homme à la peau de bronze.
" Nous voilà prisonniers des maux du temps, et le temps est ironiquement tout ce qui semble nous être accordé. Dites-moi, Shiran, vous qui êtes un homme né en ces lieux, pendant combien d'heures ou de jours pensez-vous que nous serons enfermés ici ? "
Les yeux noirs de Yuriko revinrent à nouveau vers ce camarade du désert, profondément ancrés dans les siens.
S’il n’en montrait rien, Shiran était en vif désaccord avec Yurikô. L’idée que la poésie soit son apanage et non celui de son interlocutrice lui semblait inenvisageable. Il se surprenait même à se sentir balourd, grossier en comparaison de la jeune femme ; une sensation à laquelle les brutes épaisses du village de Suna ne l’avaient pas habitué. Toute sa vie, il avait été un garçon coquet, plus élégant que les autres ; c’était à moitié par moquerie et à moitié par déférence qu’on l’avait affublé du sobriquet de prince de Suna, à l’époque de l’académie. Pourtant, face à l’étrangère, il se sentait bien roturier. Ravalant son embarras silencieux, il imita le geste de Yurikô ; il attrapa à son tour une chaise suffisamment vaillante pour soutenir le poids d’un homme et s’y assit, plaçant sa cheville droite au-dessus de son genou gauche en un croisement confortable, le dossier de la chaise - placé sur son côté droit - servant de support à son coude. Il s’était installé à une table voisine, retournant la chaise pour faire face à sa compagne d’infortune ; suffisamment proche pour tenir une conversation confortablement et sans lever la voix, tout en maintenant un espace vital pour chacun d’eux.
Quelque chose dans les iris sombres de l’altière voyageuse le perturbait. Elle avait plongé ses yeux dans les siens avec tant d’intensité que l’idée de détourner le regard s’accompagnait d’un désagréable sentiment d’avoir perdu une confrontation quelconque. Aussi, il maintint le contact visuel sans faiblir, ses prunelles dorées ne vacillant pas face à Yurikô. Le visage de la jeune femme était maintenant fendu d’un sourire avenant, quoique léger. Ce sourire solidifiait l’impression que Shiran avait d’elle - elle lui semblait incroyablement contenue, pleinement maîtresse d’elle-même. S’il avait été moins méfiant, il y aurait simplement vu un charme naturel, mais il avait grandi entouré de mentors et de formateurs qui lui rappelaient sans cesse que chaque aspect d’un ninja était une arme, y compris et notamment leur apparence physique. Elle s’était présentée sans nom de famille, tout comme lui ; aux temps des guerres de clans, qui n’étaient pas si lointaines, cela ne pouvait signifier qu’une chose. Shinobi. *Cela expliquerait bien des choses,* se disait-il, *une kunoichi de talent n’a aucune raison de craindre s’aventurer seule dans le désert.* Maintenant une expression neutre et polie, il s’efforçait de cacher le train intérieur de ses pensées.
« Les tempêtes de sable n’obéissent à aucune autre loi que les leurs, » avança-t-il pour répondre à la question posée. « L’une de mes aïeules jurait pouvoir ressentir la longueur d’une tempête approchante dans ses vieux os, mais je crains de ne pas avoir hérité de ce pouvoir surnaturel. » Il avait un air amusé, se souvenant des quelques rares conversations plaisantes qu’il avait pu entretenir avec les anciens partageant sa résidence, au cours de sa petite enfance. « Si je devais placer un pari sur celle-ci, au vu de la violence des vents, je dirais que nous sommes piégés ici jusqu’au petit matin. Bien entendu, il leur serait aisé de me faire mentir. »
Se rappelant lui-même à la réalité de leur situation, il fit un geste de la main vague en direction de son sac de voyage, un objet de tissu fatigué dont les belles années n’étaient déjà qu’un lointain souvenir.
« Si la tempête vous a surpris, j’imagine qu’elle étend également la durée de votre voyage. Avez-vous suffisamment de vivres pour endurer cela ? Je prévois toujours un peu d’excès pour ce genre de situations ; je préfère amplement le partager que de vous condamner à mourir de déshydratation sur le chemin du retour. »
Si chaque mot était sincère, il n’était pas sans arrière-pensée. Pour se sentir véritablement en sécurité dans l’auberge, il lui fallait comprendre Yurikô, cerner son caractère ; une main tendue pouvait aisément devenir une lanterne éclairant d’autres aspects de ce qu’elle était. Le menton posé sur son poing droit, il l’observait ouvertement, étudiant du regard chaque aspect de sa réaction.
Malgré sa méfiance subsistante, Shiran s’était très visiblement détendu. De sa position de combat initiale à sa démarche prudemment mesurée, il était maintenant assis de façon très naturelle, se rebellant contre l’anatomie même de la chaise pour se servir du dossier comme d’un accoudoir. Si elle se décidait à l’attaquer maintenant, il était certain qu’il ne réagirait pas à temps. Quelque chose dans l’aura que dégageait Yurikô avait convaincu son instinct qu’il n’était pas en danger immédiat ; il se fiait à ce qu’il ressentait tout autant qu’à ses déductions rationnelles. Il n’avait pas encore tout à fait identifié ce qu’elle était véritablement, mais il était désormais certain qu’il n’aurait pas besoin de se battre dans cette auberge - du moins, pas sans signe avant-coureur.
Tadake Yurikô
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Yuriko cherchait encore à se faire une opinion sur le jeune homme devant elle. Il donnait l'impression d'être relativement avenant, et son phrasé laissait transparaître une forte d'assurance, bien qu'il eût été difficile de savoir si elle eut été feinte ou non. Elle ne le quittait pas des yeux, donnant peut-être l'impression qu'elle eut été un papillon attiré par la lumière tirée de l'or de ses prunelles. Pourtant, elle cherchait à capter son essence, son aura. Quel genre de personne était-il ? Honnête ? Fourbe ? Malveillante ? Attendait-il qu'elle baissa sa garde ou bien était-il sans arrière-pensée ? Alors que la kunoichi mettait un peu à l'épreuve les connaissances du terrain de son homologue, ce dernier se fit à son instinct, non sans prendre le risque d'être sûr de ses conclusions. Il était donc prévenant, à sa façon.
" Au petit matin... Mmmm... il nous sera donc nécessaire de passer la nuit ici. Sachez que je suis montée à l'étage. Il y a quelques chambres, bien que dans un état identique à cette pièce. Si vous ressentiez le besoin de vous isoler pour la nuit, je pense que l'une d'entre elle pourra faire l'affaire. "
L'ancienne Nidaime s'en était déjà réservée une, et avait posé ses affaires dans l'une d'entre elles. Il n'y avait aucun confort véritable, de vieilles de lattes de lit brisées, des commodes vidées, mais les murs et le plancher étaient encore solides, les portes se fermaient à clef, et bien que l'on ne voyait rien au travers des vitres de fenêtres, elles n'étaient pas cassées.
" J'étais en train de vérifier leur état lorsque vous m'avez surprise ici. J'ai déjà posé mes affaires dans l'une d'entre elle. Ainsi, je ne vous incommoderai pas par ma présence cette nuit. "
Un shinobi demeurait toujours méfiant, mais il existait deux cas d'école : ceux qui voulaient ne pas quitter leur adversaire des yeux, et ceux qui préféraient s'en isoler. Il existait aussi peut-être une troisième sorte, comme Yuriko, qui ne pensait en réalité qu'à respecter l'intimité de l'autre, et possiblement le confort.
Ce fut alors que Shiran souleva un point : les vivres. À vrai dire, Si Yuriko était pourtant d'une nature prudente, elle s'était un peu perdue sur son chemin d'adieu. Son pèlerinage l'avait conduite à faire plus de route que ce qu'elle s'était imaginée et elle avait espéré faire quelques provisions dans le prochain village qu'elle aurait croisé sur sa route. Malheureusement, le vent et le sable en avait décidé autrement. Malgré un repas rationné, elle reconnaissait volontiers ne pas avoir assez pour un repas convenable. Son regard quitta alors ceux du sakyuujin vers les affaires bien encombrantes de ce dernier, avant de revenir vers lui, un air légèrement embarrassé.
" Et bien... j'ai un peu honte de le dire mais... je comptais originellement m'approvisionner dans le prochain village avant d'être ainsi surprise. Je n'ai que de maigres ressources. Je pourrais aisément m'en contenter. Toutefois, je serais aussi soulagée que reconnaissante de pouvoir profiter de votre générosité. "
Sur ces mots, Yuriko baissa alors élégamment la tête en guise de remerciement.
" Il s'agira là d'une dette que je ne saurais oublier. "
Se redressant sur cette promesse, la Tadake porta son regard noir vers le Serika, animé par un sérieux sincère qui tentait à lui démontrer qu'elle était une femme de parole. Et elle l'était, bien que ce dernier ne pouvait le savoir.
" Vous êtes ainsi un véritable cadeau de la Tempête, Shiran. Votre nom n'aura pas été volé. "
Pour la première fois depuis les longues minutes où ils essayaient de se jauger, Yuriko offrit un sourire bienveillant.
À chaque seconde qui s’écoulait dans cette auberge coupée du monde, l’implicite confrontation des regards se poursuivait. L’un comme l’autre, Yurikô et Shiran faisaient jeu égal dans ce ballet de questions prétendument innocentes, s’assurant petit à petit que leur interlocuteur se ferait compagnon d’infortune plutôt que prédateur dans la tempête. Le jeune homme venu des sables pouvait se flatter d’être fort, à ce jeu - il gardait ses cartes bien à l’abri des regards indiscrets et, si mentir lui était difficile, l’omission était un territoire dont il connaissait les moindres recoins. Pourtant, alors que les iris noires plongeaient plus profondément encore dans l’or de ses yeux, ses prunelles vacillaient, trahissant l’espace d’un instant un trouble grandissant. Il avait la sensation de perdre cet affrontement ; pour être parfaitement honnête avec lui-même, il était de moins en moins certain de jouer au même jeu que la pâle apparition qui lui faisait face. Plus alarmant encore, il échouait à retrouver en lui le malaise que cette sensation de défaite aurait dû lui causer. Quelque chose dans l’aura de Yurikô convainquait son instinct qu’il ne risquait rien tant qu’il ne se faisait pas lui-même dangereux pour elle ; la partie rationnelle de lui-même, le brave petit soldat formé à voir le danger partout et surtout devant lui, l’enfant à qui on avait inculqué que le meilleur moyen de ne pas voir son sang répandu sur le sol était de faire couler celui des autres avant qu’ils ne mordent… Cette partie de Shiran était outrée à l’idée de baisser sa garde devant une parfaite inconnue, aussi charmante soit-elle.
Plus affecté par la tempête que ce conflit intérieur provoquait en lui que par celle qui rugissait par delà leurs épais murs, il rompit de lui-même le contact visuel, capitulant face à l’étrangère. Quittant sa position assise pour se diriger vers ses sacs, il s’assura de lui tourner le dos pour mieux lui cacher son visage. Désireux de reprendre contenance, il opta pour se concentrer sur leur conversation et la réalité concrète de la tempête de sable, plutôt que sur les interrogations introspectives que la présence de Yurikô faisaient naître en lui. Elle lui parlait des chambres de l’auberge, qu’il n’avait pas pris la peine d’inspecter à son arrivée ; vu le temps passer depuis l’abandon de l’établissement, elles ne devaient pas être de première fraîcheur. Il sourit doucement en écoutant sa proposition, avant de lui répondre sans se retourner, luttant contre la fermeture de son sac de voyage.
« À vrai dire, je pensais m’installer dans la cave pour la nuit, » dit-il d’un ton patient, conscient qu’il parlait à une étrangère qui n’avait pas ses habitudes dans le désert. « Une pièce souterraine est naturellement mieux isolée du jour brûlant, mais aussi des nuits glaciales du désert. En l’absence de lits dignes de ce nom, les chambres ne tiennent pas la comparaison quand il s’agit de confort. Et puis… Dans l’éventualité peu probable où des brigands envahissent notre abri en pleine nuit, j’apprécie l’idée de me trouver là où ils seront surpris de me voir. « Cela étant dit, votre désir d’avoir au moins une porte fermée à clef entre vous et un étranger pendant votre sommeil est plus que compréhensible. Votre prudence est louable. »
Venant enfin à bout de l’attache métallique remplie de sable, il parvint à ouvrir son sac avec un tintement sonore. Écartant les fines étoffes de ses vêtements de rechange, il en sortit quelques provisions emmenées avec lui pour la randonnée à travers le désert. Il ne s’agissait pas vraiment de mets de luxe ; du pain de sable - une espèce de galette plate cuite à même les cendres, qui avait le mérite de se conserver longtemps sans pourrir - ainsi que quelques rations de viandes et de légumes séchés. Plus important encore, deux épaisses outres d’eau faites pour maintenir un maximum de fraîcheur.
Accumulant le précieux butin entre ses mains, il se figea un instant en entendant le compliment de Yurikô. Les mots de la fille du Feu avaient quelque chose d’étrange - d’étranger, même - pour lui. Une dette de bonne foi devant la charité accordée, les remerciements sincères… Tout cela ne faisait pas partie de la culture de Suna. Du moins, pas dans la maison qui l’avait vu naître. Il avala difficilement sa salive, inconscient que le rouge lui était monté au jeu tandis qu’il revenait vers son interlocutrice. *Le Pays du Feu… Doit être un endroit bien étrange*, se disait-il en étalant ses frugales rations sur le plateau de bois. Croisant du regard le sourire de la jeune femme, il le fuya bien vite, ses yeux se fixant sur le sol craquelé de l’auberge. La vision du bois endommagé lui était bien plus facile à soutenir que le visage d’une gratitude dont il ne se sentait pas méritant.
« Ce n’est pas de l’altruisme désintéressé. Comme je vous l’ai dit, je préfère vous nourrir que de vous condamner, ce n’est pas plus compliqué que cela. Et puis… » Il hésita un instant avant de poursuivre. « Je m’évite ainsi le risque d’être égorgé dans mon sommeil pour quelques bouchées de pain ; il me serait bien difficile de deviner comment vous réagiriez, une fois confrontée à la faim et à la soif. » Cette fois-ci, il mentait - et terriblement mal, de surcroît ; trahi qu’il était par sa respiration soudainement irrégulière et son regard plus fuyant encore que précédemment. L’idée que la femme de porcelaine puisse s’avérer dangereuse s’il ne partageait pas ses vivres avec elle ne lui avait pas traversé l’esprit - pas jusqu’à ce qu’il cherche une excuse pour expliquer son geste, du moins. Tâchant de chasser la gêne, il enchaîna rapidement, se raclant la gorge bruyamment. « Ces provisions n’ont rien de glorieux, mais elles rempliront votre estomac et l’eau vous permettra de vous réhydrater. Si vous voulez faire l’expérience véritable de la gastronomie du Pays du Vent, le prochain village sera plus représentatif que mon vieux sac de voyage. »
Ayant déposé la nourriture sur la table, presque comme une offrande, il attrapera à bout de bras la chaise qui l’avait soutenu jusqu’ici, s’asseyant à nouveau. Il s’était rapproché de la vieille table de bois - après tout, son repas à lui aussi s’y trouvait - tout en gardant une certaine distance prudente entre lui et les dangereux yeux noirs qui ne semblaient jamais cesser de le scruter.
Tadake Yurikô
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Intriguant personnage que semblait être ce jeune sunajin. Si Yuriko reconnaissait bien volontiers qu'elle ne s'était attendue à ne faire aucune rencontre au cours de son pèlerinage d'adieu, elle s'étonnait de retrouver son regain d'intérêt pour autrui. Non pas qu'elle eut véritablement perdu sa bienveillance ou de sa nature altruiste, mais il était vrai que les blessures de son âme avaient ébréché son goût pour les autres, la faisant sombrer dans les travers de sa jeunesse parmi lesquels elle n'avait de cesse de se couper du monde. Pourtant, au travers des yeux dorés qu'elle observait intensément, elle avait l'impression d'y retrouver une part, une part de ce monde lumineux qu'elle avait fui, mais dont elle restait, en une façon, inconsciemment attirée. Tous ceux à qui elle avait été attachée appartenait à ce monde-là, et voilà que l'on glissait une énième fois un être lumineux. Néanmoins, il lui sembla ne prendre aucun risque cette fois, du moins, c'était ce qu'elle avait la prétention d'imaginer.
" Mmm... la cave... Il est vrai que ce choix me paraît en réalité le plus judicieux. Voilà qui trahit ma méconnaissance du désert... mais je ne crains plus les nuits trop froides à présent. Et même si ma prudence vous semble louable, je me sens un peu bête maintenant de ne pas y avoir pensé. "
Un sourire se profila sur les traits pâles de la jonin, se rendant compte que son esprit était un peu trop ailleurs. Bien qu'il ne s'agît guère d'une faute en soi, elle n'avait pas porté de considération au détail de son environnement hostile, chose qu'elle n'aurait commise si elle eut été plus concentrée.
" Je retiendrais néanmoins vos conseils avisés, Shiran, et me rappellerais vos mots si je devais malencontreusement me retrouver dans une telle situation. "
À noter qu'elle ne l'espérait pas. En attendant, elle remercia l'homme du désert de sa générosité qui se traduisit par des vivres qu'il déposa sur la table, prêt à les partager avec elle, non sans rougir devant l'attention avec laquelle elle le gratifia. Yuriko ne retint pas une légère esquisse, peut-être attendrie par cette expression nouvelle sur un visage qui cherchait tant à se contenir. Étonnamment, la konohajin trouva la situation amusante, surtout quand il tenta de justifier son geste. Shiran ne semblait pas désireux de paraître trop bon avec une inconnue, pire encore, il fut à deux doigts de l'imaginer comme une pourfendeuse de la nuit, prête à assassiner lugubrement au nom de la faim.
" Ainsi, si je venais d'être accablée par la soif et la faim, je n'aurais donc nul autre choix que de me transformer en une vile ogresse ? Même si votre altruisme est désintéressé, il aura au moins l'avantage de m'éviter un terrible sort. Laissez-moi au moins vous remercier pour cela. "
Se moquant un peu de la terrible image dont le sunajin voulait se protéger, Yuriko finit par laisser échapper un petit rire cristallin, montrant par la même occasion son étonnante décontraction face à la situation. Il n'y avait rien de malaisant dans sa plaisanterie, et l'on n'y sentait aucune volonté d'offenser l'homme à la peau de bronze. Ce fut toujours avec un petit sourire qu'elle porta à nouveau son attention sur lui.
" Je vous remercie pour ce repas, et la frugalité de ce dernier ne me le rendra pas moins meilleur, je vous l'assure. Je dirais que la bonne compagnie est plus importante que les mets qui peuvent être servis. "
Elle le salua d'un hochement de tête, marquant sa gratitude énoncée, avant de se permettre de se servir un peu. Demeurant dans la retenue, Yuriko se contenta de picorer parcimonieusement un peu de tout, comme si elle effectuait elle-même un rationnement. Si cela était partagé, elle n'oubliait pas que son camarade du vent se devait aussi de rentrer chez lui... ou bien de partir là où il avait décidé.
" Je ne sais pas si cela peut vous rassurer, et bien qu'il est vrai qu'il serait aussi facile de remettre mes paroles en doute, mais je suis médecin. J'accorde énormément de considération pour la vie. Ainsi, sachez que je ferais aisément le choix de mourir de faim si cela pouvait sauver quelqu'un de bien ou d'innocent. "
Voilà peut-être l'un des traits de caractère de la jeune femme qui n'avait pas changé, à toujours préférer préserver autrui à son détriment.
Shiran tressaillit, tandis que la douce tonalité du rire de Yurikô parvenait à ses oreilles. Les joues rougissant un peu plus encore, il releva le regard vers elle, une expression défensive sur le visage. Rien n’était plus embarrassant pour un ninja de sa trempe que de se retrouver surpris en plein mensonge et la réaction de la jeune femme lui disait de façon bien évidente qu’elle n’avait pas cru un instant à son excuse. Elle tournait sa justification en ridicule, s’imaginant elle-même en un monstre de contes de fée. Ouvrant la bouche, il voulut rétorquer rapidement, s’enfonçant plus loin encore dans son inconfort évident :
« Ce n’est pas ce que je voulais d… »
Il s’arrêta net, comme frappé d’une brutale réalisation. Le regard doré posé sur les élégants traits de l’étrangère, il n’y voyait pas une once de moquerie, de mesquinerie ou de malveillance. Elle s’amusait sincèrement de son mauvais bluff, y voyant un humour parfaitement inoffensif. Pris de court, il hésita un instant, ne sachant pas trop comment réagir ; l’idée que cette conversation ne soit pas un combat déguisé le sortait de ses habitudes. Après une seconde passée bouche bée, il se reprit.
« Vous avez déjà bien assez les traits d’une princesse de conte telle que vous êtes, » reprit-il avec un petit sourire plus détendu, « si vous veniez à vous changer en ogresse animée par ses plus bas instincts la nuit tombée, la comparaison perdrait toute subtilité. Vous n’avez aucun besoin de mâcher plus encore le travail des poètes. »
Petit à petit, à force de rires et de gentillesses, Yurikô convainquait Shiran qu’il était acceptable de baisser complètement sa garde, ici. Rien qu’au sein de cette auberge, rien que le temps d’une tempête imprévue, préservé du monde extérieur par un tourbillon de violence hurlante, il avait le droit de connaître un semblant de paix. Son corps se relaxait naturellement, abandonnant inconsciemment les dernières traces d’une posture combattante dans son langage corporel. Il n’avait pas été aussi vulnérable qu’il l’était en ce moment depuis plusieurs années - cette certitude aurait dû le terrifier et, pourtant, il la trouvait de plus en plus réconfortante. N’avait-il pas bien mérité une pause, après tout ce temps ? Il tenait depuis bien trop jeune la barre d’un frêle esquif, chargé sans l’avoir voulu de le manoeuvrer entre les récifs escarpés que formaient les intrigues et les complots centrés sur sa personne. Pour une unique nuit, seul dans cet abri de fortune avec une inconnue, ne méritait-il pas de dormir avec les deux yeux clos ?
Les joues réchauffées par son embarras face à des compliments dénués de langue de bois, il baissa doucement le regard vers la nourriture étalée sur la table et commença à se nourrir également, faisant durer chaque bouchée méticuleusement - l’habitude d’un soldat qui ne pouvait jamais vraiment garantir quand viendrait la prochaine ration. Force lui était de constater que la jeune femme disait vrai ; la bonne compagnie avait bel et bien le pouvoir de relever le goût d’un repas. Jamais des rations si médiocres ne lui avaient paru si savoureuses que maintenant qu’il les partageait avec une chaleureuse étrangère.
À l’issue de la remarque de Yurikô sur son statut de médecin, cependant, il releva ses prunelles dorées vers elle, une lueur soudainement bien sérieuse au fond des yeux.
« Votre dévotion au soin des autres vous honore, Yurikô, mais je ne peux m’empêcher de m’en inquiéter. J’ai entendu des dizaines de jeunes fous au bravado débordant garantir qu’ils mourraient de faim plutôt que de sacrifier un camarade… Tous ont trahi leur parole le moment venu. Mais vous… » Il y avait quelque chose de différent dans les yeux d’or, maintenant que sa garde était pleinement abaissée. Ce n’était plus son admiration pour le caractère et la beauté de la jeune femme qui perçait sa coquille inexpressive - c’était de la compassion pure. « Je ne vous connais pas, et ce n’est que supposition… Mais je pense que contrairement à eux, vous savez de quoi vous parlez. Vous avez connu la faim. Tout du moins dans un sens figuré - la perte véritable est à l’âme ce que la faim est au corps. Et pourtant, vous êtes capables d’affirmer sans ciller que vous préféreriez la subir que l’infliger. « Ne soyez pas si pressée de vous sacrifier pour les autres, Yurikô. Un médecin qui meurt pour un patient n’en soignera plus aucun autre. Certaines personnes servent bien mieux le monde en y existant qu’en le quittant… Et je pense que vous êtes de ces gens-là. »
*Le sacrifice n’est pas le lot des princesses de contes de fées qui changent une tempête de sable en havre de paix,* ajouta-t-il mentalement sans en prononcer un mot, *c’est celui des sbires et soldats remplaçables dans mon genre, destinés dès la naissance à une vie courte et maculée de sang.*
« Enfin, ce n’est sans doute pas ma place de vous dire cela… Les opinions d’un homme qui ne peut même pas révéler son nom de famille sous peine de mettre la paix de cet abri en danger ne valent pas plus qu’une ombrelle dans une tempête de sable. »
Un sourire amer avait gagné ses lèvres tandis que ses yeux quittaient une nouvelle fois le visage de porcelaine, se posant sur le morceau de pain sec qu’il faisait passer entre les doigts de sa main posée sur la table. Il avait le regard fixe, inquiet de s’être trop avancé en déclamant une telle tirade. Il avait toujours fait montre d’arrogance auprès de ses congénères - mais soudainement, l’idée que cette étrangère le trouve excessivement présomptueux lui était insupportable. Comme incapable de relever les yeux vers elle, il finit par ajouter d’une voix plus incertaine.
« Je pense me diriger vers la cave pour y préparer mon installation nocturne sous peu… Bien entendu, si… Si vous désirez poursuivre cette conversation, elle est assez grande pour deux personnes… »
Shiran espérait très visiblement qu’elle décide de prolonger leur compagnie ; cependant, il se préparait intérieurement à ce que Yurikô profite de cette occasion pour se retirer vers l’étage. Après tout, si lui avait pleinement baissé sa garde, il lui semblait toujours aussi irréaliste qu’elle en fasse de même.
Tadake Yurikô
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La légèreté de la conversation semblait amoindrir le poids qui compressait le cœur de Yuriko. Si jusque-là, tout son périple lui était apparu une charge bien lourde, les prémices de son désir, de se défaire de ses attachements passés, commençaient lentement à faire leur office. Parvenir à sourire sans se sentir forcer par la politesse, rire un peu, s'abandonner à une discussion plaisante et banale... Mais peut-être le devait-elle aussi au sunajin, car elle ne voyait dans son regard aucune once de pitié, pitié qu'elle ne supportait plus de lire dans les yeux de ses compatriotes, ceux qui savaient ce qu'elle regrettait. Quand bien même ils pensaient bien faire, ils n'étaient en réalité qu'un bien maigre remède. Elle savait apprécier la main tendue, mais elle savait aussi que ce n'était pas ce dont elle avait besoin.
Laissant alors voler son éclat de rire, elle s'amusa une nouvelle fois des propos de l'homme du désert, portant l'une de ses mains pâles à sa joue, jouant l'étonnement de la comparaison.
" Les traits d'une princesse ? Vraiment ? Voilà qui est sans nul doute bien trop flatteur pour moi. "
Conservant un petit sourire énigmatique, la Tadake ne s'étendit guère plus sur le sujet, bien qu'elle n'eût aucune honte d'être fille de paysan à ces toutes honorables origines. Cependant, elle supposait que cela n'eut été en rien intéressant. De plus, elle appréciait l'idée d'être une parfaite inconnue, un mirage de passage, une fantomatique femme du pays du feu, qui n'aurait sans doute que peu de chance de recroiser l'intrigant enfant de la Tempête.
Mais tandis qu'ils mangeaient ensemble, picorant tel un oiseau pour Yuriko, la jeune femme dévoila naturellement ces compétences médicales. Toutefois, ces propos semblaient avoir touché Shiran, assez pour que ses yeux d'or se portèrent sur elle avec un sérieux qui l'étonna et qui l'attendrit une nouvelle fois.
" Vous êtes un homme intéressant, Shiran. Il est vrai que par nature, il est souvent enseigné qu'il est bon de protéger les soignants, de les préserver, car nous pouvons faire la différence entre une vie gagnée ou une vie perdue. Mais cela demande... "
Ce fut alors qu'une étrange étincelle brilla dans le regard de l'ancienne Nidaime, une mélancolie profonde et sincère. Peut-être pouvait-on y voir se dresser son passé tourmenté.
" ... une force de vivre que nous n'avons pas tous. Le bonheur d'une vie sauvée est aussi grand que celui d'une vie protégée. Il m'est ainsi déjà arrivé d'avoir cette pensée traîtresse à ma nature de médecin, celle qui me pousserait à me sacrifier si cela était nécessaire pour protéger... mais je suppose que l'idée de trahir ceux qui ont donné leur vie pour couvrir ceux qui sont comme moi me retint bien souvent. Un dilemme à mes yeux, car je ne juge pas la valeur d'une vie à ses compétences. Alors en quoi la mienne serait moins sacrifiable ? Ainsi la raison l'emporte sur les lois du cœur. "
Nulle illusion pour Yuriko. Toutefois, la jeune femme avait fait le choix d'incarner les deux faces d'une même pièce. Tantôt elle était le poing qui protégeait, tantôt elle était la main qui soignait. Portant ses pupilles noires sur son camarade, un petit sourire en coin se profila sur son visage bienveillant.
" En quoi votre nom pourrait rendre votre opinion moins importante à mes yeux ? Que vous ayez un grand nom ou pas, m'importe peu tant que vous êtes sincère. Vous me semblez l'être. Alors, rassurez-vous, nous préserverons la paix sous ce toit. Considérons-nous... en territoire neutre, abandonnons ces chaînes invisibles que sont celle d'un nom ou d'une nation pour n'être que deux personnes honnêtes. Cette tempête sera la bulle éphémère de notre surprenante rencontre. "
Un secret, un aparté, un endroit temporaire où Yuriko pourrait pendant un bref instant oublié. Cherchant alors à rassurer du mieux qu'elle pouvait son homologue d'infortune, elle fut surprise de sa proposition, mais elle sentit en lui comme une gêne ou bien un aveu inconscient de, peut-être, ne pas être seul. Ou bien serait-il simplement plus rassuré de pouvoir l'avoir à l'œil ? C'était une chose qu'elle comprenait tout à fait.
" Serait-ce une invitation, Shiran ? "
Une esquisse amusée apparut alors qu'elle se releva de sa chaise.
" Je serais très honorée de pouvoir continuer à discuter en votre compagnie, d'autant que je ne suis pas encore gagnée par le sommeil. Ce dernier... m'est même un peu pénible, je vous l'avoue. Parler me fera du bien. "
Il était vrai, cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas eu l'occasion d'échanger autant.
“Le bonheur d’une vie sauvée est aussi grand que celui d’une vie protégée”, affirmait l’apparition de porcelaine qui lui faisait face. Penchant légèrement la tête sur le côté, Shiran était bien incapable de cacher la sincère perplexité que cette phrase provoquait en lui. Il y avait une part de tristesse, aussi, de manque, sur son visage. Pouvait-il vraiment comprendre la position de Yurikô sur le rôle du médecin, lui qui ne pouvait protéger qu’en versant le sang de quelqu’un d’autre ? La seule vie qu’il avait jamais véritablement sauvée, c’était la sienne propre. Dans son esprit, il n’était pas comparable à la dame du feu ; il prenait, soustrayait des vies précieuses au monde pour préserver la sienne, rien de plus. Il rechignait même à protéger son propre village, fuyant ses devoirs à la première occasion pour allonger encore son espérance de vie, tâchant tant bien que mal d’oublier que cela impliquait de forcer d’autres enfants des sables à souffrir sur le champ de bataille à sa place. La vue de ces corps balafrés, meurtris, plongeait dans son cœur une pointe de culpabilité qu’il lui était chaque fois un peu plus difficile à arracher. Contrairement à la jeune femme, Shiran avait été conditionné à ne voir les humains que par le prisme d’une fonction, d’une utilité ; à ses yeux, elle existait pour sauver des vies, tandis que lui existait pour verser le sang. Celui des autres, bien entendu, mais surtout le sien ; né pour le sacrifice, sa fuite constante de son destin faisait de lui un soldat défectueux, rien de plus. Comment la Mort aurait-elle pu comprendre que la Vie accepte l’idée de prendre fin ?
Il en était d’autant plus désarçonné par le sourire simplement bienveillant de Yurikô. Lui qui se pensait libéré des chaînes du monde shinobi, suffisamment indépendant pour envoyer paître les grands pontes de Suna et leurs ordres mortifères, il était pris de court par la liberté dont faisait preuve son interlocutrice. Il avait avoué, à demi-mots, qu’ils étaient probablement ennemis, des soldats de villages rivaux, condamnés à ne se rencontrer que sur un champ de bataille… Et sans l’ombre d’une hésitation, elle balayait cette crainte, affirmant que cette auberge serait un terrain neutre, un havre de paix tant qu’ils le désireraient tous les deux. Shiran avala difficilement sa salive, la gorge nouée par le fait d’entendre cette perspective étrange prononcée de vive voix.
« Une bulle éphémère de paix véritable… C’est un rêve élégant, Yurikô. Il vous sied parfaitement. J’accepte volontiers ce marché, dans ce cas ; tant que la tempête hurlera en dehors, ni vous ni moi ne serons tenus par nos noms ou nos serments. Cet endroit n’existe pas et cette rencontre non plus… C’est une idée qui m’est étrangement réconfortante. »
Quelque peu embarrassé par la réaction de Yurikô à sa proposition, d’autant plus après une tirade si sérieuse, il passa la main dans ses cheveux d’un geste nerveux, détournant à nouveau le regard des iris sombres.
« C’est, hum… Eh bien oui, c’est une invitation, Yurikô. »
Leur repas terminé, Shiran se leva doucement, marchant jusqu’aux escaliers qui menaient à la cave. Il laissait, sans vraiment y prêter attention, son sac et sa calebasse derrière lui ; si cela faisait longtemps qu’il avait baissé sa garde, il se désarmait maintenant complètement, ses précieuses ressources hors de sa portée. Jetant un œil en arrière pour s’assurer que Yurikô le suivait, il s’enfonça dans les escaliers pour se rendre dans la pièce souterraine. L’air y était agréablement frais ; la lumière des lampes à huile de la salle commune parvenant à peine à travers la cage d’escalier offrait une pointe chaleureuse, tout en conservant une pénombre épaisse dans toute la pièce. Le sable que Shiran avait déblayé pour découvrir le sol de la pièce était toujours maintenu en une masse compacte contre l’un des murs adjacents aux escaliers, offrant un environnement propre, dénué de poussière ou de têtus fragments de désert pour s’infiltrer dans leurs vêtements. Se débarrassant de la cape qui recouvrait sa tenue de voyageur, Shiran la roula en boule pour en faire un coussin de fortune, tandis qu’il s’installait confortablement dans un coin de la pièce.
Les yeux dorés se posèrent sur la trappe de bois qu’il avait découverte plus tôt ; il fit un vague geste de la main en direction de la cache.
« Il ne m’est pas venu à l’esprit de le mentionner plus tôt, mais… Si vous le souhaitez, les anciens propriétaires ont abandonné quelques bouteilles de vin de palme, sous la trappe. Contrairement à mes rations, ça, au moins, c’est typique du désert. Et puis, ça aidera peut-être vos problèmes de sommeil, qui sait ? »
Ouvrant la trappe d’un coup sec, il en sortit une des bouteilles. Déposant le contenant scellé entre eux deux, il décida de ne pas en faire sauter le bouchon pour le moment, ramenant ses bras sur ses genoux.
« Quoiqu’il en soit, maintenant que nous sommes installés pour la nuit… Devrions-nous poursuivre notre abstraite conversation sur la valeur d’une vie, ou souhaitez-vous me faire part des raisons de votre pèlerinage dans le désert ? J’ai bien conscience que notre accord de paix repose en partie sur le mystère que nous sommes encore l’un pour l’autre ; aussi, je ne souhaite pas vous presser par mon indiscrétion. Vous êtes seule décisionnaire de ce que vous partagerez avec moi. »
Tadake Yurikô
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Un nouveau sourire se dessina sur les lèvres de l'ancienne Nidaime, amusée par la manière dont le sunajin se décida d'interpréter ses paroles. Bien plus que d'accorder une modeste trêve, Shiran préférait considérer l'instant de leur rencontre comme un bout de rêve, une manière de n'y accorder aucune emprise sur le réel et, peut-être, par un aveu muet, une façon de ne pas considérer les heures passées au sein de la tempête comme un acte de trahison. Mais derrière son esquisse, derrière toute sa bienveillance, elle étouffait la curiosité de savoir comment l'homme des vents aurait pu réagir en accueillant l'idée que devant lui se tenait celle qui avait dirigé brièvement Konoha.
" Dans ce cas, je suis ravie de pouvoir vous accorder un peu de réconfort, même si ce dernier n'est destiné qu'à ne durer que brièvement, le temps d'un rêve éphémère. "
Un nouveau sourire, puis l'élégante du pays du feu se releva de sa chaise, accueillant la proposition de Shiran de continuer leur conversation dans la cache où il souhaitait dormir avec enchantement. Il y avait dans ce désir une allégorie qui l'amusait, d'autant que cela participait à nourrir le culte de leur secret. Sans être effrayée ou portée par son habituelle méfiance, Yuriko suivit son compagnon d'infortune vers les sous-sols où ils ne pouvaient compter que sur l'éclairage de lampe à huile.
Contrairement à son camarade, la jonin ne portait plus sur ses épaules son manteau, elle l'avait ôté lorsqu'elle avait pris possession de l'une des chambres de l'étage. Cela ne l'empêcha en rien de s'asseoir à même le sol et de se porter à la hauteur du sunajin qui ouvrit une trappe tout en fournissant quelques explications.
" Du vin de palme ? Mmmm... Voilà un met que je n'ai jamais goûté. "
La konohajin eut toutefois quelques hésitations. Si elle admettait sa curiosité à découvrir une liqueur typique du pays du vent, elle savait tout aussi bien les effets néfastes que cela pouvait causer. Il n'avait pas été rare pour elle de chercher à éviter de boire un verre ou deux, surtout lorsqu'elle devait particulièrement faire attention à son image, son rôle ainsi que les importantes décisions. Cependant, Yuriko n'était plus Nidaime et elle avait convenu avec Shiran que rien qui pouvait se produire en ces lieux n'en ressortiraient sans devoir les trahir tous les deux.
" Eh bien... si vous m'accompagnez, je me laisserai aisément tenter. Je n'aurais peut-être pas d'autres occasions de pouvoir y goûter. "
Qui pouvait prédire si elle reviendrait en ces frontières, parce qu'à ne pas mentir, cela éveillait toute sa mélancolie, de ces promesses qui ne seraient jamais tenues, de ces vœux aujourd'hui emportés par vent et rivage salé.
" Nous voilà prisonniers de notre secret et de celui de notre anonymat. Cela ne facilitera guère notre conversation, mais ce ne sera qu'un défi comme tant d'autre. Et en parlant de défi, puisque nous n'avons pas de verre, me pardonnez-vous l'affront de goûter directement au goulot ? Je ne voudrais pas me montrer grossière, ni inélégante dans mes manières. "
Ne pouvant résoudre ce problème par les bonnes manières - à moins que Shiran eut la bonne idée d'avoir avec lui quelques timbales - Yuriko descella la bouteille d'un geste adroit, avant d'apporter cette dernière vers elle. Là, elle se laissa surprendre par le parfum du vin, espérant que ce dernier n'eut pas tourné.
" Mmmm... Cela me semble un vin plutôt corsé... J'espère bien me tenir après cela... Pardonnez-moi par avance Shiran si je venais à tenir des discours inappropriés. "
C'était en réalité ce qui l'effrayait le plus, les dégâts de l'alcool sur son attitude. Après tout, Yuriko était capable de faire preuve d'autant de férocité que la tempête si son humeur venait à mal tourner. Se laissant prendre par la curiosité, la jeune femme se décida enfin à boire une gorgée timide. La liqueur lui brûla immédiatement la gorge, mais elle eut la force de ne pas grimacer. Par contre, ses joues trahirent le feu de la boisson.
" Si... si vous ne m'aviez pas dit que cela venait d'ici, j'aurais pu aisément croire ce vin de mon pays. "
Elle tendit alors la bouteille vers l'homme des sables, alors qu'elle reprit la conversation là où ils l'avaient laissé.
" Pour vous répondre présentement, je me dois de faire l'aveu que je n'imaginais pas mes pas me guider jusqu'ici. Je n'avais pour but que de rester près des côtes, mais j'avais l'esprit ailleurs. Il me fallait... faire quelques adieux. "
Et il fallait que cela resta maintenant derrière elle pour avancer.
La bouche de Serika Shiran s’était étirée en un sourire amusé tandis que l’élégante Yurikô semblait hésiter sur la façon appropriée de consommer le vin qu’il lui offrait. Pour une fois, la grâce dont la dame du feu faisait preuve lui mettait des bâtons dans les roues, semblait-il ; était-il bien digne pour cette femme aux allures de princesse de boire comme une roturière ? Il se contenta de l’encourager d’un signe de tête, lui donnant silencieusement son accord pour que leurs lèvres touchent le même goulot. Le sourire s’élargit encore en entendant ses appréhensions et inquiétudes quant à l’effet que le vin aurait pour elle. Dans l’esprit de Shiran, à ce moment, il était strictement impossible que la femme de porcelaine sans défaut qui lui faisait face soit capable du moindre écart de conduite.
La porcelaine, cependant, ne semblait pas être une chape parfaitement opaque sur le corps de la demoiselle. Le vin de palme faisait manifestement son petit effet, teintant ses joues d’un splendide vermeil. Il rit doucement, amusé sans se faire moqueur, tout en prenant en main la bouteille qu’elle lui tendait.
« Allons, ce n’est que du vin de palme, ce n’est pas si fort que ça ! »
Portant le goulot à ses lèvres, il en avala une gorgée bien plus audacieuse que Yurikô - et immédiatement après, pris de court, se retrouva toussant, la gorge en feu et les joues écarlates.
« Bon, je vous l’accorde, celui-là a bien *koff* bien vieilli..! »
Luttant contre la chaleur qui envahissait son visage, Shiran jeta un nouveau coup d'œil à la bouteille, cherchant en vain un indice sur son âge qui pourrait expliquer sa teneur imprévue en alcool. Abandonnant bien rapidement cette recherche, il reporta son attention vers Yurikô. Doucement, son sourire s’effaça, écoutant attentivement la raison de son voyage dans le désert.
« Comme je le pensais, vous n’êtes pas étrangère à la véritable perte. Je suis désolé d'avoir vu juste. » Cherchant ses mots pour apporter un peu de réconfort à son interlocutrice, il lui tendait la bouteille tout en parlant. « J’ignore qui vous avez perdu et comment… Ce que je sais, cependant, c’est que réaliser un pèlerinage dans un endroit pareil pour faire vos adieux est une belle preuve de vos sentiments pour cette personne. À sa place, je serais honoré qu’on fasse quelque chose de la sorte. » Il réfléchit un instant supplémentaire, avant de finalement poursuivre. « Le deuil de nos proches… C’est la dernière preuve de notre passage dans ce monde. Vous offrez plus à la personne que vous avez perdue que beaucoup ne le feraient. »
Croisant ses jambes en tailleur, il s’appuya un peu plus sur le mur relativement frais de la cave, posant pensivement son crâne sur la pierre. S’il n’était pas non plus étranger à la mort des autres, il avait l’intuition que les adieux dont parlait Yurikô étaient autrement plus tendres que les siens. Après tout, le seul défunt dont il avait été véritablement proche, c’était son père - et Shiran ne l’avait pas simplement perdu, il l’avait tué de ses propres mains. Pouvait-il vraiment sympathiser avec la douleur de la dame du feu ? Bien incapable de se répondre à lui-même, il baissa ses yeux dorés pour les planter dans les iris nocturnes.
« Vos adieux ont-ils rempli leur rôle, Yurikô ? Au fond de vous-même, est-ce que vous vous sentez libre de cette douleur ? » Sa curiosité était empreinte de peu de sentiments ; pour un peu, c’était presque une question scientifique, donnant l’impression qu’il s’intéressait purement à l’efficacité de la méthode. « C’est là la fonction des funérailles, non ? Elles honorent les morts, nous permettent d’affirmer notre affection pour ceux qui sont passés de vie à trépas… Mais à la fin du compte, personne n’assiste à son propre enterrement. C’est une cérémonie pour les vivants, pour nous aider à avancer. J’avoue… Ne pas avoir beaucoup de références pour faire office de comparaison en la matière. La plupart des gens que j’ai vu mourir n’étaient pas suffisamment proches de moi pour que ma présence à leurs derniers rites soit quémandée. « Je me souviens plutôt bien des funérailles de mon père, cependant. Ce n’était rien de plus qu’un festival d’hypocrisie. Tous n’avaient que des bons mots à son sujet après son décès, sans en penser un seul. Une cérémonie comme la vôtre, un pèlerinage esseulé en hommage à une personne perdue… Cela me paraît bien plus sincère. » Il subtilisa d’une main leste la bouteille posée entre eux, avalant une nouvelle gorgée de vin de palme, puis ajouta avec une pointe d’humour. « Cela dit, si vous comptez à nouveau perdre quelqu’un, je vous invite à encadrer plus rigoureusement les limites de votre prochain pèlerinage. Un catastrophique faux pas arrive bien trop vite, lorsqu’on suit ses jambes sans objectif. Le promettriez-vous, pour ma tranquillité d'esprit ?»
Tadake Yurikô
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L'échange entre la femme du Feu et l'homme du Vent semblait se muer en un instant familier et chaleureux. Un petit sourire s'était dessiné à nouveau sur les traits de Yuriko alors que son regard se fit un peu défiant quand Shiran se montra taquin. À son tour, elle guettait sa réaction lorsqu'il aurait pris une gorgée du vin de palme et elle ne fut pas déçue.
" Voilà ce qu'il en coûte de se moquer. "
Un retour à l'envoyeur qui se voulait bon enfant, tandis que les joues de la jeune femme se complaisaient dans leur couleur carmin, trahissant par la même occasion les premiers effets de la boisson alcoolisée. Il fallait attendre encore un peu, quelques secondes ou même quelques minutes pour que les muscles de Yuriko se détendirent parfaitement. Ses pupilles noires se mirent à légèrement briller et elle paraissait plus prompte à répondre en parfaite franchise.
Tandis que la konohajin était assise et que pendant un instant, elle s'était vue saisie par la mélancolie, elle tourna toute son attention sur Shiran, un sourire un peu différent cette fois-ci, mais qui demeura bienveillant.
Elle devait avouer qu'elle ne le faisait guère dans ce but, toutefois, imaginer cette autre dimension à son pèlerinage lui était apparu subitement réconfortant. Cela lui donnait une image d'elle-même un peu moins égoïste, car elle ne voulait traiter que le mal qui était le sien. Ceux qu'elle avait perdus étaient tous des nobles âmes, elle les avait tous pleurés. Pour son frère, elle avait élevé un clan. Pour son fiancé, elle avait élevé un autel. Pour son amant, elle chérissait les souvenirs et l'interdit. Chacun d'entre eux avait laissé une cicatrice dans son cœur, elle désirait seulement qu'elle cessât de saigner.
" Libre ? Mmmm... Je ne suis pas certaine encore... quand bien même j'ai réussi à trouver la force de me défaire de ces chaînes trop lourdes, leurs poids et ma lutte pour m'en affranchir ont engourdi mes chevilles et mes poignets. Je ne les ai plus, mais je les sens encore. "
Les pensées de la jeune femme se laissèrent bercer, se perdre même un peu, avant qu'elle ne réussisse à recadrer son attention sur le sunajin. Le discours qu'il lui tint alors portait en lui un je-ne-sais-quoi de très scolaire, très terre à terre. Elle en saisissait la vision et les critiques, et pour une raison obscure, elle se sentit un peu navrée pour le jeune homme.
" Nul besoin de funéraille pour démasquer les hypocrites, car ils demeurent aussi fidèles qui le furent du vivant du disparu. Leurs discours n'ont généralement que peu d'intérêts. Seuls ceux qui brillent par leur présence inhabituelle ou leur absence seraient à étudier. Leur attitude, leur silence est bien plus souvent révélateur. "
Alors que Shiran coupa ses paroles par une nouvelle gorgée de vin, la jeune femme se laissant glisser subitement vers lui, se rapprochant un peu comme si elle pouvait mieux le percevoir. D'une main décidée, elle finit par se saisir à son tour de la bouteille et but modestement, avant de se tourner vers son camarade.
" Vous inquiétez-vous pour moi, Shiran ? Moi l'inconnu d'un autre pays ? Si tel est le cas, vous m'en voyez profondément touchée. "
Les petits yeux noirs de l'ancienne Nidaime ne quittèrent pas le shinobi des sables, avant qu'elle ne reprît le fil de la conversation.
" Dites-moi, Shiran... comment aimeriez-vous être honoré si l'on vous offrait l'occasion de le choisir ? "
La curiosité de Yuriko avait été définitivement piquée.
La tête légèrement penchée sur le côté, Shiran écoutait attentivement les paroles de Yurikô. Quand bien même les deux convives venaient juste d’ouvrir la bouteille de vin de palme, il semblait que l’alcool était bien vif quand il s’agissait de délier les langues. L’élégante dame du feu parlait d’elle-même avec bien plus d’aisance que précédemment ; peu désireux de le lui faire remarquer, le jeune ninja des sables mit un point d’honneur à ne pas l’interrompre. La luminosité réduite de la cave lui faisait d’autant plus apprécier la voix cristalline de son interlocutrice. Apaisé par le doux timbre de Yurikô, il en fut d’autant plus pris de court quand elle s’approcha brusquement de lui, se saisissant de la bouteille qu’il venait à peine d’écarter de ses lèvres pour en prendre quelques gorgées. Les joues plus rouges que jamais - mais pas en raison de l’alcool, cette fois-ci - Shiran battit des paupières à de multiples reprises, troublé par la proximité nouvelle du regard de nuit. Le mur de pierre pressé contre son dos l’empêcha d’avoir le mouvement de recul qu’il aurait eu en d’autres circonstances, les gardant tous proches l’un de l’autre.
Bredouillant légèrement, Shiran finit par se reprendre, détournant le regard pour se concentrer sur les mots qui sortaient de sa bouche, plutôt que sur la beauté du visage de Yurikô.
« Au diable nos pays, le mien comme le vôtre, » commença-t-il, le regard perdu dans le vide. L’espace de quelques mots, sa voix trahissait une rancune sincère ; c’était un acte de mutinerie envers tous ses serments que de se comporter comme il le faisait, il s’en sentait galvanisé. « Je suis seul maître de mon inquiétude. Ni mes seigneurs, ni les vôtres ne sauraient décider à ma place qui est digne de mon souci. J’ai décidé que vous l’étiez, ce choix ne regarde que moi. »
Pendant une seconde, la mélodie de révolte dans sa voix s’était étendue à Yurikô, comme s’il la mettait elle aussi au défi de refuser cette compassion qui lui ressemblait si peu - ou plutôt, qu’on lui avait interdit de ressentir depuis si longtemps, envers et contre sa nature-même. L’instant d’après, son expression changea à nouveau, telle celle d’un somnambule quittant soudainement un rêve fugace. Relevant les yeux vers elle, soutenant cette fois-ci son regard avec un aplomb renouvelé, quoique ses joues fussent toujours aussi rouges.
« Du reste, pour en revenir à ce dont nous parlions… Je serais bien incapable de vous dire avec certitude ce que ressentiraient vos défunts devant vos actes. Je ne les ai pas connus, vous êtes la mieux placée pour savoir si vos gestes vont dans le sens de leurs souhaits. » Il marqua un temps d’arrêt, avant de sourire doucement, posant une main qui se voulait réconfortante sur le bras de Yurikô. « Tout ce que je sais, c’est qu’il n’y a pas de preuve plus sincère de ses sentiments que celle qui ne sera jamais vue. L’hommage que vous leur rendez n’a rien de performatif. Sans témoin ni honneur, sans personne pour vous plaindre ou s’appitoyer sur votre sort, vous souffrez encore tant de leur perte que vous avez besoin de l’extérioriser par des actes concrets - et même après cela, vous décrivez leur absence comme celle d’un membre perdu. Je ne sais rien d’eux et, pourtant, je peux affirmer avec toute la certitude du monde que vous les aimiez. Cela compte pour quelque chose, je pense. »
La seconde question que Yurikô lui avait posée était autrement plus difficile à répondre. Comment donc lui voulait-il qu’on lui rende hommage après sa mort ? Silencieux pendant de longs instants, il finit par se saisir une nouvelle fois de la bouteille de vin, en engloutissant une longue rasade, espérant qu’elle délie sa langue et son esprit encore plus. Il regardait toujours dans la direction de Yurikô, mais ses yeux s’étaient perdus dans le vague, voilés par une hésitation cryptique.
« En ce qui me concerne… Je ne sais pas vraiment. J’aimerais dire que je m’en moque, que la façon dont on parle de moi après mon trépas ne me fait ni chaud ni froid, puisque je ne serai déjà plus de ce monde ; ce serait une réponse bien simple, quoiqu’un peu cynique. Mais je ne pense pas qu’elle soit tout à fait vraie, quand bien même elle me semble être la plus rationnelle. » Chaque mot succédait au précédent avec hésitation, comme s’il marchait sur un champ couvert de fragiles œufs qu’il lui fallait épargner. « Quand j’étais plus jeune… J’étais convaincu que tout irait bien, tant que je parvenais à donner un sens à ma mort. Quand un homme meurt pour quelque chose, pour quelqu’un en qui il croit, sa mémoire se lie pour toujours à ce sacrifice. C’est cette pérennité que tout le monde appelle “hommage” et “honneur”, non ? L’humain veut qu’une preuve de sa vie, une preuve qu’il a existé lui survive. C’est cette volonté naturelle qui a créé nos clans, nos pays, nos seigneurs… Et il y a encore quelques années, mon ambition n’était pas moins grande que cela. « Mais plus le temps passe… Et moins le sacrifice me semble désirable. J’ai grandi, j’imagine. » Shiran était un livre ouvert, visiblement honteux de ses propres mots et pourtant incapable de se voiler la face. « C’est comme si je n’arrivais plus à me rappeler… Les raisons pour lesquelles je voulais me dédier à ce village au point d’être prêt à mourir pour lui. Pire que de ne plus y croire. Je n’ai aucune idée de pourquoi j’y croyais autrefois. »
Jetant un œil à la bouteille qui pendait entre ses mains, Shiran leva un sourcil, surpris de sa propre logorrhée. *Eh beh, ça marche bien, ce truc,* se disait-il. Lui pour qui le mensonge éhonté n’était presque jamais une option tant l’exercice lui était difficile, c’était pourtant rare qu’il parvienne à dire la vérité avec autant de sincérité.
« Un ninja ne vit que pour mourir, me disait-on, à l’époque. La voie du shinobi est celle du sacrifice. C’est… C’était… Plus vrai encore pour moi que pour les autres. Je suis né pour placer ma vie sur l’autrel d’un projet plus grand que moi. C’est cette volonté, qui m’est extérieure, qui a méticuleusement arrangé ma naissance. Pourtant… Je suis toujours là, et indemne de surcroît. » Les yeux d’or luisaient d’une humidité bien inhabituelle quand ils se fixèrent sur le regard nocturne, se débarrassant de leur voile pensif pour mieux étudier la réaction de Yurikô. « Alors dîtes-moi, du point de vue d’une inconnue d’un autre pays, quels sont donc les honneurs posthumes qu’il m’est permis de souhaiter ? Quelle valeur a donc un sacrifice humain qui s’entête à se soustraire à son destin ? »
Porté par le vin de palme et les années de silence imposées par la culture de Suna, Shiran avait failli perdre de vue la question initiale. Son envolée n’était pas sans lien avec le sujet et, tant bien que mal, il était revenu à l’objet de la curiosité de Yurikô ; cela dit, elle recevait bien plus de réponses qu’elle n’avait posé de questions.
Tadake Yurikô
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Osée. L'avait-elle été lorsqu'elle s'était approchée de son camarade d'infortune ? À vrai dire, Yuriko n'en avait guère l'impression, mais elle s'amusa du trouble que son attitude parut causer chez le sunajin. Mais il fallait dire que le feu du vin de palme empoisonnait déjà ses veines et désagrégeait au fur et à mesure des minutes, voir des secondes, les barrières de sa retenue. Plus détendue, peut-être même plus encline à offrir sourire et regards curieux, la boisson la rendait généralement plus émotive. Cela pouvait être en bien... comme en mal, exagérant ses colères, ses peines ou bien ses langueurs... et tout ne tenait qu'à bien peu de chose.
Mais lorsque Shiran invectiva leurs nations respectives, elle fut surprise d'y noter du ressentiment. Pourtant, elle ne s'offusqua de rien, lui donnant même l'impression de tout à fait comprendre le sentiment qu'il tentait de partager. Et lorsqu'il la désigna "digne de son souci", elle sourit.
" Alors, je suis honorée que vous vous souciez de moi, Shiran, et je n'y ferais aucune opposition. "
La voix de la jeune femme se fit sirupeuse, honnêtement touchée par le jeune homme, tant qu'elle s'amusait encore intérieurement de percevoir du rouge sur la peau de bronze de son homologue. Était-il surpris lui-même de s'agacer pour si peu ou bien l'insistance qu'avait la jonin à ne pas le quitter du regard ? Mais il finit toutefois par se radoucir, avant de lui caresser le bras dans un geste réconfortant. De ne contact naquit un frisson, un peu soudain, qui lui parcourut l'échine alors que ses yeux s'abaissèrent quelques secondes sur cette main amicale. Pour une raison obscure, elle fut troublée. Étaient-ce les vapeurs de l'ivresse ?
Yuriko se contenta alors d'écouter les propos du sunajin. Elle n'écoutait qu'en partie, se laissant hypnotiser par le doré de ses yeux et la rafraîchissante timidité qu'elle voyait sur son visage. Non pas qu'elle n'était pas touchée par le fond de son discours, mais elle n'avait pas besoin d'en épouser les détails pour saisir qu'il y avait du bon en ce jeune homme, épris d'une liberté que l'on ne lui avait jamais offerte. C'était le prix de leur condition. À lui, comme à elle. Il vivait sa douleur au travers de ses chaînes, la sienne au travers de ses pertes.
Elle l'observa encore, alors qu'il saisit la bouteille de vin pour en boire goulument une gorgée, comme si elle pouvait lui fournir du courage. Toutefois, son regard était un peu ailleurs tandis que ses mots portaient en eux quelque chose de désabusé.
" Je ne connais que trop bien le mal qui vous touche, Shiran. Le désenchantement de ses aspirations, de ses ambitions... "
Cela la renvoyait directement à sa propre démission, ses désillusions, là où elle s'était imaginée moins fortes qu'elle ne l'aurait voulu. D'une main délicate, elle se permit d'emprunter la bouteille de son homologue pour boire après lui, ne faisant que l'enfoncer un peu plus dans les eaux troubles de l'ivresse et des pensées un peu trop assumées.
" ... il vient toujours un moment de doute. On se demande... pourquoi. Pourquoi tout ceci ? En vaut-il le prix ? Et à bien des moments, nous sommes possédés par l'image de l'immobilisme, où nous avons l'impression qu'aucun de nos actes ne change la donne. "
À cet instant, Yuriko s'approcha un peu plus, peut-être trop même puisqu'elle se retrouva littéralement assise aux côtés du sunajin. La pénombre - et probablement la liqueur de palme - ne lui permettait de clairement apercevoir le visage de son interlocuteur et elle ressentait le besoin de capter son regard.
" Mais vous comptez, Shiran. Chacune de vos actions compte, même lorsqu'elles vous semblent invisibles, car chacun de ses actes ont été produits par vous, et vous seul. Nul autre, mais vous. Vos paroles, vos rencontres, vos mains qui se tendent ou qui prennent. "
Un sourire tendre se profila sur les traits de Yuriko, avant que l'une de ses mains ne se posa sur la joue rougissante du Serika.
" Vous avez droit à tous les honneurs, Shiran. Votre vie ne vaut pas moins que celles autres. Ne voyez pas en votre devoir un sacrifice vain ou même un sacrifice tout court si ce n'est ce que vous désirez. Prenez votre destin entre vos mains et tordez-le pour le mener sur une route qui vous convient. "
La main de la jonin s'échappa, retournant vers elle, mais le sourire délicat de la konohajin demeura.
" Il n'y a aucun déshonneur à ne pas vouloir mourir et survivre plus que tout. N'est-ce pas vous qui, quelques minutes plus tôt, peignait l'importance de mon métier et de la nécessité pour moi de continuer à vivre. À mes yeux, il en est à même de vous. Vivez Shiran. Ni pour mourir, ni pour vous sacrifier. Vivez pour votre idéal. "
Sans y prendre garde, Shiran s’était petit à petit recroquevillé sur lui-même alors qu’il parlait - exposer ainsi ses contradictions, ses aspirations et sa honte avait poussé son corps à se replier, comme s’il voulait se soustraire au regard du monde. Il était sujet à une vague d’émotions paradoxales, à la fois lourdement affecté par le fait d’avoir enfin exprimé avec des mots ce qui’il ressentait depuis si longtemps, honteux de penser ainsi et surtout, embarrassé d’avoir ainsi déballé cette part de lui devant Yurikô. Il aurait été plus sûr de discuter de tout et de rien, de s’amuser de platitudes convenues, plutôt que de révéler les failles de son esprit à une ennemie potentielle - mais la prudence était à des kilomètres de ses pensées à l’heure actuelle. Il pouvait sentir sa poitrine s’alléger presque littéralement, le poids du non-dit enfin ôté de ses entrailles après plus de trois ans d’hésitation. Pour autant, s’il était capable d’identifier cette légèreté nouvelle et d’en apprécier la présence, il avait également conscience qu’un tel déballage de pensées profondes était certain de rebuter la dame du feu ; il en avait simplement beaucoup trop dit.
Aussi fut-il particulièrement surpris lorsque Yurikô balaya cette certitude d’un doux mouvement de la main, amenant sa paume contre sa joue brûlante pour mieux attirer son attention. Les yeux d’or se posèrent sur les iris noirs, écarquillés l’espace d’une seconde, comme s’il la voyait à nouvea u pour la première fois. La paume et les doigts s’écartèrent lentement de sa joue, lui faisant l’effet d’une décharge électrique sur chaque centimètre de peau effleurée. Agissant pleinement par instinct, sans une once de réflexion, Shiran se saisit de la main qui s’échappait, l’attrapant dans la sienne avec délicatesse pour la tenir contre son visage. Ce contact était bien trop doux, bien trop agréable pour qu’il le laisse prendre fin si tôt. La tempête intérieure de ses pensées s’était tue ; tout ce qui lui passait par la tête se lisait pleinement sur son visage. La vulnérabilité évidente de s’être enfin exposé véritablement à une autre personne, bien entendu, mais aussi la brûlante affection qu’il ressentait à ce moment précis pour la main posée sur sa joue - et pour la propriétaire de ladite main.
Lorsqu’il parla à nouveau, sa voix était quelque peu enrouée ; quelque chose dans sa gorge s’était bloqué et le son de ses mots luttait pour passer au travers.
« Merci pour ces mots, » croassa-t-il, « quand bien même quelques belles paroles ne suffisent pas à changer les choses, il est bon de les entendre de temps à autre. »
Après quelques longs instants, il se décida enfin à rendre à Yurikô sa main, laissant les doigts fins glisser entre les siens. Encore un peu gêné de cet éclat de sincérité, il s’appuya pleinement sur le mur derrière lui, étirant son corps pour mieux le détendre.
« Je n’ai pas pour habitude de m'apitoyer ainsi sur mon sort, désolé pour ce piètre spectacle. » Petit à petit, il reprenait contenance, sans éloigner ses yeux de la jeune femme à ses côtés. « Mais je dois dire que… Votre vision des choses est terriblement étrange, à mes yeux. L’idée que chaque vie se vale, que la raison d’être d’un individu puisse être autre que sa fonction première… Peut-être est-ce la prospérité naturelle du Pays du Feu qui permet à votre peuple de penser ainsi. Là d’où je viens… Les bouches à nourrir qui n’apportent rien ne font pas de vieux os. Tout est vu à travers le prisme de l’utilitarisme. Je crois que bien que c’est la première fois de ma vie que je peux avoir une véritable discussion un tant soit peu philosophique avec quelqu’un. »
Ses joues cramoisies se fendirent d’un petit sourire.
« “Il n’y a aucun déshonneur à ne pas vouloir mourir”... Pour quelqu’un qui marche sur la voie du shinobi, vous êtes bien étrange, Yurikô. Lorsque la tempête au-dehors se sera tue et que cette bulle hors du temps éclatera, ces instants de paisible discussion me manqueront. Je n’ai jamais questionné la réalité du monde ninja, aussi loin que je me souvienne - les conflits constants m’ont toujours paru être inévitables, une part naturelle de l’ordre des choses. Mais vous rencontrer… Pour la première fois, je regrette que notre monde fonctionne de cette manière. »
Un éclat de rire lui échappa, amusé par ses propres mots, et il porta une main à son visage, écartant quelques mèches noires de son front.
« Un accord de paix, une discussion pleinement sincère et maintenant, un élan idéaliste… Allons, Yurikô, en quoi êtes-vous en train de me transformer ? Je suis censé être un shinobi froidement pragmatique, vous savez ; vous me faites complètement sortir de mon personnage. »
Le sourire ne quitta pas ses lèvres, cette fois-ci - quel que fut l'effet que Yurikô avait sur lui, c'était très visiblement bien loin de lui déplaire.
Tadake Yurikô
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La surprise et l'étonnement se lut sur le visage de Yuriko quand elle sentit la main du sunajin rattraper la sienne pour maintenir le contact entre leurs deux peaux. Mais bien vite, son regard s'illumina de tendresse alors que ses joues sombraient dans une teinte carmin dont elle ne semblait nullement s'ennuyer. Était-elle embarrassée ? Peut-être un peu, mais cela ne paraissait en rien lui déplaire car son sourire était persistant.
" Si ces mots ont pu vous paraître agréable, alors j'en suis heureuse. "
Car elle ne savait que trop que ces moments-là, ces paroles-là, étaient bien trop rares dans la vie d'un shinobi. Leur existence était hachée, entre les missions et leurs nombreux devoirs. Les bons mots, quant à eux, manquaient de sincérité dans la bouche des trompeurs et des ambitieux.
Reprenant lentement sa main, non sans s'apercevoir de la délicatesse et la douceur de celle de son interlocuteur, Yuriko paraissait étonnamment maîtresse d'elle-même. Pourtant, à ne pas s'y fier, le feu du vin de palme était déjà à l'œuvre au moment même où elle discutait avec son cadet. S'il lui avait brûlé la gorge quelques instants plus tôt, elle ressentait présentement toute la chaleur de ses vapeurs lui troubler chacun de ses sens... et tout ce qui avait à craindre dans pareil moment.
" Ainsi donc, je serais votre première fois ? La première auprès de qui vous concédez de vous libérer un peu ? Voilà qui n'est pas sans me flatter, car j'espère être à la hauteur de votre confiance. "
La jeune femme pencha légèrement la tête sur le côté, laissant sa longue chevelure glisser sur son épaule alors que son esquisse se fit plus charmeuse. Il fallait dire que Shiran se montrait si prévenant qu'elle ne pouvait prétendre être insensible à son exotisme alors que l'ivresse se faisait grandissante.
" J'ai ouï dire que la rudesse du Pays du Vent poussait parfois ceux qui habitaient ses terres hostiles, à prendre des décisions qui laissent à penser que leur cœur est aussi asséché que le désert. Pourtant, lorsque je vous regarde, lorsque je vous écoute, j'y perçois une oasis. "
La jeune femme leva alors son index et le posa directement à l'endroit du cœur de Shiran pour signifier sa métaphore. Ce dernier glissa, lentement, avant que sa dextre s'échappa en direction de la bouteille tout près de là. Elle s'en saisit, la ramena vers elle, mais ne but pas immédiatement.
" Même si toute personne de bon sens peut aisément comprendre la politique restrictive du pays du vent, qu'elle puisse être née du manque de ressource, cela ne signifie pas qu'elle se doit d'être immuable. Les cœurs volontaires et déterminés peuvent faire évoluer les choses. "
Un nouveau sourire à l'encontre du jeune homme se profila avec malice, puis elle but une nouvelle gorgée de vin. Elle parvenait à présent à boire sans mal, sans grimace. Le geste devint plus naturel, tandis qu'une étincelle espiègle brillait maintenant dans ses yeux noirs. Il s'ensuivit alors un petit rire, clair, cristallin quand il évoqua qu'elle lui parut étrange, et ce dernier raisonna une nouvelle fois quand il prétendit qu'elle le "transformait".
" Oh Shiran... vous m'accordez plus de pouvoir que je n'en ai. Et si cela peut vous rassurer, vous brillez toujours de par votre pragmatisme. Vous voyez les choses telles qu'elles sont. Sans fioritures. Par contre, permettez-vous de vous contredire sur un fait. "
Ce fut alors que subitement, d'un bond presque félin, la konohajin se permit l'impensable pour une dame de sa nature ou plutôt pour ses manières. Enjambant le malheureux, elle finit par lui faire face alors que ses deux bras pâles se tendirent, ses mains à plat sur le mur, encadrant de par et d'autre le visage du shinobi. Ses petits yeux noirs s'encrèrent dans l'or de ses yeux, et elle souriait toujours.
" Vous n'avez rien de froid, Shiran. Un homme froid aurait saisi ses armes dès qu'il m'aurait vu en ces lieux. Un homme froid n'aurait pris aucunement la peine de discuter en ma compagnie. Un homme froid ne m'aurait pas invité à boire à sa coupe. Un homme froid n'aurait pas consenti à retenir ma main sur sa joue. "
Yuriko s'approcha alors dans un élan contrôlé, avant de poser son front contre le sien dans une attitude chaleureuse. Elle ferma les yeux, souriant encore.
" Vous êtes dotés de votre propre sensibilité. Peut-être pouvons-nous convenir qu'elle diffère de la mienne. Toutefois, je ne transforme rien. Je vous dévoile peut-être, tout au plus. "
La jeune femme ouvrit à nouveau les yeux, reculant un peu pour offrir un peu plus d'espace au sunajin. Ses bras se retirèrent comme si elle leva une barrière, mais elle ne se retira pas de sa position, ne se rendant sans nul doute compte qu'elle était présentement assise sur les jambes de l'homme du désert.
" Ces paisibles discussions me manqueront aussi lorsque tout s'arrêtera. Mais j'aurais toujours le loisir de penser à vos biens aimables paroles qui me rappelleront que mes choix ne sont ni vains, ni futiles. Elles deviendront des souvenirs précieux et uniques. "
Car qui imaginerait qu'ils auraient l'occasion de se recroiser un jour ? Qui serait assez fou pour se perdre à nouveau au creux d'une tempête ?
Amusé, apaisé surtout, Shiran se plaisait à contempler Yurikô à travers la pénombre de la cave. Après avoir exposé ainsi ses doutes et ses remords, il était bien moins anxieux à l’idée qu’elle réalise à quel point sa beauté le troublait - aussi, il ne détourna pas les yeux face au sourire charmeur de la dame du feu. Loin de là, même, Shiran l’observait avec une intensité redoublée, se laissant volontiers entraîner dans ce petit jeu. Les jeux de mots, les mouvements de ses yeux et de ses lèvres, le déplacement de sa chevelure guidant le regard du jeune homme… Il n’en perdait pas une miette, et il laissait son intérêt être manifeste sans aucune hésitation.
Un frisson parcourut son corps tout entier tandis que l’index de Yurikô glissait sur son torse, le distrayant avant de lui dérober la tant convoitée bouteille. Se redressant légèrement, il inclina la tête sur le côté, écoutant attentivement la jeune femme lui parler de changer les choses - une idée qui lui paraissait irréelle, mais qui sonnait si simple, si évidente dans la bouche de Yurikô.
Il ouvrit lentement la bouche, prêt à rétorquer quelque chose, mais elle le fit taire immédiatement - avant qu’un son ne quitte sa gorge, elle s’était prestement jetée sur lui, le plaquant sur le sol et contre le mur. Plus rouge que la dernière lueur du soleil, il la regarda ainsi, la bouche entrouverte sans qu’aucun mot n’en sorte, son cœur tambourinant si ardemment contre sa poitrine qu’il semblait prêt à s’en échapper, les yeux plongés dans ceux de Yurikô comme s’il était parfaitement hypnotisé par elle. Pris de court par l’audace de la dame du feu, il ne pouvait que l’écouter lui affirmer qu’il n’avait rien de froid, bien incapable de lui répondre comme il l’aurait fait d’ordinaire. Presque malgré lui, il retint son souffle alors que le visage de Yurikô s’approchait du sien, ne respirant à nouveau que lorsqu’elle arrêta de bouger et plaça simplement son front contre le sien. Des frissons électriques couraient le long de son échine à chaque instant qu’elle passait ainsi contre lui, ses bras de chaque côté du cou de Shiran. Elle était si proche qu’il sentait son souffle chaud contre ses joues, chaque respiration de la splendide jeune femme abattant une autre des barrières qu’il avait construites autour de lui au cours des années. Yurikô avait raison sur un point - ses actes, ses mots, sa présence dévoilaient une personne que Shiran avait enterrée des années auparavant.
Elle se redressa légèrement, éloignant leurs visages l’un de l’autre et, aussitôt, le jeune homme regretta la chaleur qui émanait d’elle. Lui qui avait appris à chérir la fraîcheur, à la chercher en toutes circonstances… Le souffle de Yurikô aurait pu être fait d’un feu brûlant sa chair qu’il aurait quand même souhaité continué à le sentir. Mordillant inconsciemment sa lèvre inférieure, Shiran considéra un instant la position de la fille du feu - assise sur ses jambes, encore si proche de lui - et se laissa enfin aller à la tentation. Doucement, il releva ses genoux, ramenant Yurikô plus proche de son torse - plus proche de son visage. Les yeux d’or plongés dans le regard nocturne, il leva lentement la main droite, caressant la joue de la jeune femme tandis qu’il écartait la chevelure noire de son visage pour mieux pouvoir l’observer. Sa voix était basse, presque un murmure, quand il s’exprima à nouveau.
« Croyez-moi, Yurikô, je suis bien loin de surestimer le pouvoir que vous avez sur moi en cet instant précis. » Sans bouger sa main posée sur la joue de Yurikô, il suivit du bout du pouce la ligne de sa pommette. Son autre main s’était levée en même temps que ses jambes, se plaçant délicatement sur la taille de la jeune femme pour s’assurer qu’elle ne perde pas son équilibre quand il l’avait fait basculer vers lui. « Du reste, j’espère être plus confortable que le sol de pierre - une supposition bien arrogante, je sais. »
Shiran ne cachait pas son attirance pour la jeune femme du Pays du Feu, moins encore l’affection qu’elle lui inspirait. Alors qu’il la tenait contre lui, son cœur battant si fort la chamade qu’il en devenait presque audible, les yeux fixés sur les siens, l’anxiété avec laquelle il guettait la réaction de Yurikô - le rejet, la colère ou au contraire la satisfaction - se lisait dans son regard, passant régulièrement d’un œil noir à l’autre. Qu’elle l’accepte ou le repousse, il se sentait plus libre en cet instant qu’il ne l’avait été depuis bien longtemps - peut-être plus libre qu’il ne l’avait jamais été. Le vin comme cette sensation l’enivraient, le poussant à être plus audacieux dans ses gestes qu’il n’aurait osé l’être en temps normal. Provoquer ainsi une réaction qu’il avait bien du mal à prévoir, se jeter dans le sombre inconnu - cela le terrifiait et le galvanisait tout à la fois, électrisant son corps de la tête aux pieds.
Tadake Yurikô
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Date d'inscription : 20/09/2018
Age : 30
Localisation : Peut-être derrière toi, je suis une ninja.. TchiTcha!
Fiche du Ninja Grade & Rang: Jônin - rang A - Chef du clan Tadake Ryos: 2730 Expérience: (4428/2000)
Il lui semblait déjà qu'une éternité s'était écoulée depuis la dernière fois qu'elle put bénéficier d'un geste de tendresse, ou bien même en donner. Bien trop mélancolique, bien trop écœurée par un cœur mainte fois émiettée par le chagrin, elle n'aurait imaginé qu'une telle situation, aussi fugace se devait-elle être, lui soit permise. Le vin de palme y était pour quelque chose, à ne pas en douter. Sans cet inhibiteur, la jeune femme serait restée dans la retenue la plus totale, se cloîtrant dans le déni que la solitude était le costume qui lui conviendrait le mieux. Rester éloignée de toutes les considérations affectives pour en plus en souffrir de trop, se contenter d'un amour filial à offrir à tous ceux de son clan. Mais se laisser bercer et surprendre par les bras d'un homme nouveau ? Elle y aurait renoncé... mais à défaut, elle avait croisé ses yeux là.
Qu'il était si facile de succomber lorsque l'on était maître de rien, même pour une femme de sa nature. Pouvait-elle prétendre qu'elle ne s'y attendait pas dès lors qu'elle avait accepté de prendre quelques gorgées de vins ? Bien sûr que non. Yuriko se connaissait mieux que nul autre et il y avait là une parfaite excuse à un débordement comme celui qu'elle vivait. Une bulle. C'était ainsi qu'elle avait décrit la chose. Une bulle dans laquelle rien ne comptait, rien ne s'échapperait. Une bulle où il était facile de s'abandonner à tout et de tout. La plus grande des surprises était de constater qu'elle avait croisé une âme qui paraissait en avoir autant besoin qu'elle-même.
Shiran la surprit alors, se défit de sa timidité charmante, alors qu'elle sentit l'une de ses mains chaleureuses se poser sur sa taille. Dès lors qu'il releva ses genoux, le corps de la jonin glissa lentement pour se rapprocher du sunajin, ne les séparant que de quelques centimètres tandis que leurs yeux ne se quittèrent pas, mêlant l'or et le noir de leur iris dans un ballet de contemplation. Quand il écarta ses cheveux et qu'il lui témoigna encore d'un pouvoir qu'elle n'avait pas l'outrecuidance de posséder, elle sourit.
" Loin de moi l'idée de vous imaginer arrogant à cet instant. Ne le suis-je pas bien plus par mon attitude et mes paroles à cet instant et... si je vous écoute, ne serais-je pas non plus en train d'abuser du pouvoir que vous m'accordez ? "
La main de Yuriko vint se poser sur celle de Shiran, la pressant contre sa joue, avant qu'elle ne glissa pour se poser sur la poitrine du sunajin.
" Une supposition audacieuse serait de m'imaginer totalement responsable de ce cœur battant... "
Même si elle ne pouvait prétendre l'entendre, elle était si proche de lui qu'elle pouvait le sentir résonner au travers de ses membres, dans un rythme qu'elle trouvait aussi flatteur que réconfortant.
" ... mais il serait encore plus impertinent de ma part de vous voler bien plus que des battements de cœur, mais un souffle... "
Se laissant s'éprendre à ce jeu, Yuriko se perdit dans cet épanchement pour déposer sur les lèvres de Shiran un baiser volé, appuyé par une tendresse sincère tandis qu'elle recula alors de quelques millimètres.
" Voilà où m'emmène mon orgueil. Je vous prends ceci, sans imaginer que cela pourrait vous froisser. Si tel est le cas, je vous réclamerai votre pardon. "
La voix de la jeune femme était douce et suave, teintée par son parfum, si reconnaissable maintenant qu'elle était proche du jeune shinobi. Elle emmenait avec elle la légèreté des cerisiers en fleur, mais aussi un étrange feu digne de son pays.
À chaque mot prononcé par Yurikô, Shiran pouvait sentir le feu brûlant sous sa peau s’embraser encore un peu plus. Chacun des gestes de la jeune femme faisait croître encore l’affection qu’il avait pour elle, le désir qu’il avait de la garder contre lui, entre ses bras. Le souffle court, il semblait incapable de décrocher son regard des iris noirs - le monde autour d’eux s’était écroulé, ne devenant rien de plus qu’un flou indistinct au coin de ses yeux. Leur bulle était parfaite, complète, hermétique ; plus rien n’existait en dehors de cette étreinte. Plus rien n’existait en dehors du regard de Yurikô plongé dans ses yeux fiévreux, en dehors de la joue appuyée sur sa paume, en dehors de la main posée sur son torse, s’amusant de l’hymne effréné que battait son cœur. Plus rien n’existait en dehors des lèvres qui se posèrent sur les siennes en un baiser volé qui dura, pour Shiran, une éternité bien trop courte.
« Aucun larcin ne saurait avoir lieu ici, » répondit-il dans un souffle aux excuses feintes de Yurikô, visiblement hypnotisé par le charme de sa voix. « Ce cœur battant, ce baiser et tous les suivants… » Incapable de se retenir, il avança son visage pour lui rendre aussitôt ce qu’elle lui avait offert, pressant ses lèvres sur les siennes. « Dans cette bulle parfaite où nous sommes véritablement libres, tout cela vous appartient. Je ne peux imaginer meilleur usage de cette liberté fugace que de me faire vôtre, Yurikô. »
Désireux de ressentir cet instant volé dans son entièreté, Shiran ferma les yeux un instant, pour mieux se concentrer sur chacun de ses sens. Le son des souffles entremêlés des deux jeunes gens, la sensation du corps de Yurikô contre le sien, le parfum floral qui emplissait ses narines, la saveur des lèvres sur les siennes… Lorsqu’il rouvrit les yeux, son sourire trahissait une satisfaction rare chez lui. Instinctivement, il resserra légèrement son étreinte, passant son bras dans le creux du dos de la jeune femme pour mieux encore la sentir contre son torse et déposa un tendre baiser sur son front.
Il aurait pu rester ainsi pendant une vie entière, si cela avait été possible. À ses yeux, la dame du feu était une tempête de nouveautés et de premières fois - il se sentait comme un jeune homme à peine sorti de l’adolescence qui quittait pour la première fois le couvent de sa jeunesse. Il y avait dans ses gestes une certaine maladresse ; la timidité qu’il avait ressentie jusque-là n'avait pas tout à fait disparu, Shiran la bravait simplement à chaque instant pour prolonger encore le délice de leur étreinte.
Jetant un coup d'œil rapide autour d’eux - et sentant surtout la rigidité du sol de pierre peser de plus en plus sur son dos, maintenant qu’un autre humain se trouvait appuyé sur lui - il adressa une expression espiègle à Yurikô.
« Me rendriez-vous l’immense service de fermer les yeux, l’espace d’un instant ? »
Se redressant légèrement, sans l’éloigner de lui pour autant, il écarta enfin sa main droite du visage de la jeune femme pour la tendre dans la direction du tas de sable qu’il avait créé plus tôt. Accumulé petit à petit sur le sol de la cave au cours des années, le sable formait avant leur arrivée une couche épaisse, étalée sur l’intégralité du sol de pierre de la cave. Employant son pouvoir de manipulation du sable, Shiran l’avait tassé dans un coin de la pièce pendant sa première exploration de l’auberge - et en en prenant à nouveau le contrôle, il en fit un monticule de taille respectable, suffisamment large pour que deux adultes s’y installent et profitent du coussin naturel que le sable offrait. Se saisissant de la cape blanche qu’il avait roulée en boule pour s’en servir d’oreiller, Shiran l’étendit d’une main et en recouvrit le lit de fortune, installant ainsi une douce couverture les inconfortables grains de sable et quiconque voudrait utiliser ce monticule nouvellement formé comme paillasse.
« Et maintenant… »
Il bascula soudainement sur le côté, faisant rouler Yurikô avec lui sur ce semblant de lit de sable, de sorte à finalement se trouver au-dessus d’elle, son expression amusée luisant toujours dans son sourire et son regard.
« La princesse du Feu est-elle bien installée ? »
Tadake Yurikô
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Un léger sourire s'échappa de ses lèvres, avant qu'elle ne rencontrât à nouveau celles du jeune sunajin. Tous les suivants, avait-il dit ? Étrangement, dans la musicalité de ses mots, il y avait une douceur aux sonorités sincères qui lui parut plus salvatrice que n'importe quel baume qui aurait pu être de sa confection. Comme il pouvait être surprenant qu'elle trouvât un peu de sérénité dans ces bras-là, de cet étranger de l'autre bout du monde qui ne l'était plus tant. Elle s'étonnait à se perdre si facilement dans son regard, dans ses attentions, dans ses gestes qui la ramenaient vers lui. La chaleur qui émanait de Shiran quand elle sentit sa poitrine sur son cœur battant fit fondre avec une rapidité troublante toute la glace qui la tenait amèrement debout. Il éveillait en elle une sensibilité qu'elle pensait perdue, une sensibilité qu'elle pensait avoir désavouée afin de pouvoir continuer.
Ses bras, qui l'entouraient, resserrèrent leur étreinte, ses mains empoignèrent dans son dos le tissu de son kimono, telle une réponse à son besoin de possessivité soudaine. Il y avait si longtemps que personne ne s'était permis une telle attention envers elle, si longtemps qu'elle faillit en oublier la vague de bien-être qui en découlait, peut-être bien plus encore à ce moment-là, car ils avaient choisi de se fermer au monde pour ne s'y retrouver que seul. La tempête qui faisait rage au-dehors leur accordait un privilège indicible, mais aussi les habitait un peu. Cela bouillonnait, tourbillonnait dans ses veines, un besoin, une envie, une nécessité, une découverte.
Conservant un silence presque religieux tout le long de leur admiration mutuelle, la konohajin ne se permit de s'exprimer que lorsque Shiran lui réclama un bien maigre service.
" Alors, seulement l'espace d'un instant, car je n'aurais que trop peur que vous ne soyez qu'un mirage et que vous disparaissiez une fois que j'ouvrirais les yeux. "
Amère serait sa désillusion si tel devait être le cas, et probablement aussi révélateur d'une bien trop pénible solitude. Mais quoiqu'il en fût, la jeune femme semblait lui accorder sa confiance, fermant les yeux sans hésitation ni appréhension. Elle sentit la main de ce dernier quitter son visage, laissant sur son passage l'empreinte d'une cruelle absence. Présentement aveugle aux actions du sunajin, ses autres sens n'en étaient pas moins attentifs, quand bien même, elle ne put identifier ce qu'elle entendait, mais elle finit par se sentir emportée, basculée, allongée de tout son long sur un sol qui ne lui parut plus aussi dur et froid. Yuriko n'ouvrit les yeux que pour s'apercevoir qu'une délicate couche avait été créée et que Shiran se tenait au-dessus d'elle. Lentement, elle leva l'une de ses mains vers son visage, passant son pouce délicatement sur ses lèvres souriantes.
" Je ne peux prétendre le contraire, mais il me semble avoir un peu froid... "
La main de la jeune femme glissa alors le long de son cou, jusqu'à attraper de ses doigts fins le revers de son kimono. Elle l'attira ainsi vers elle, l'embrassant avec tendresse tandis qu'elle l'invitait à demeurer là, près d'elle, contre elle.
" ... et bien moins maintenant. "
Sa douce figure restant à quelques centimètres de lui, une esquisse malicieuse se profila tandis que son regard demeurait toujours captivé par le sien.
" Vous ne portez pas que le nom de Tempête, vous me semblez tout aussi capable d'en créer. "
Sa main libre chercha la sienne, et la conduisit jusqu'à sa poitrine où sa peau opaline pulsait sous la force des battements de son cœur. Le désir grandissant de pouvoir s'oublier et de se perdre n'était contenu que par un fil si fin et tendu qu'il n'en fallait que peu pour qu'il se rompît.
" Vous m'avez offert le droit de vous faire mien, par la grâce de la liberté que nous nous sommes permis de prendre. Sachez que je me fais vôtre, Shiran, pour le temps qui nous reste. "
Il était le Vent qui souffla sur les braises, elle était à nouveau le Feu qui emportait avec elle, fièvre et passion. Il n'avait suffit que d'un murmure, d'une caresse tendre et d'un regard pour emporter son âme blessée dans un tourbillon au sein duquel elle ne s'accordait aucune emprise, si ce n'était celui qu'elle concédait entièrement au sunajin.