Vingt-milles Rhum sur les mers [Feat : Team 5].

Vingt milles Rhum sous les mers

Un nouveau jour, une nouvelle mission. Comme d’habitude j’avais préparé consciencieusement mes affaires, pris un petit déjeunerqozue copieux et même exécuté quelques étirements. J’avais assisté du coin de l’œil aux entrainements de ma sœur. Celle-ci répétait encore et encore les mudras pour la technique du clonage hyoton. Quelques jours auparavant elle avait appris que je maitrisais moi-même la technique et avait fait un véritable scandale à table. Elle pensait naïvement que c’était notre père qui me l’avait appris. Le temps d’éclaircir la question, nous nous étions déjà copieusement insultés. Mais finalement et à la surprise générale. Nous avions fini par nous réconcilier et j’avais même proposé de lui montrer les bases.

C’était… bizarre. Aussi loin que je me souvienne, moi et ma sœur avions toujours eut une relation conflictuelle. Peut-être était-ce dû à notre différence d’âge ? Seulement une année me séparait d’elle et nous avions plus ou moins expérimenté les choses au même moment. Enfin bref, je l’avais rencardé sur ses mudras qui manquaient de précision, puis j’avais quitté la maison, mon sac sur le dos.

J’avais rendez-vous au port pour y retrouver… Je vous le donne en mille : Un sensei ! Wou-hou ! Un nouvel adulte qui allait faire mine de s’intéresser à nous le temps d’une journée avant de disparaitre définitivement de notre existence ! Eh oui « nous », car comme d’habitude, Isasu faisait lui aussi parti de la troupe. J’étais un peu un avance et j’avais donc plus ou moins flâné sur la route. La belle saison commençait doucement à arriver et je profitai des rayons du soleil qui réchauffait mon visage. Cà et là, quelques fleurs un peu impatientes avaient commencé à éclore. Comme un vent de printemps avant l’heure ! Devais-je y voir un quelconque signe ? Peut-être la journée s’annonçait-elle radieuse après tout…

Puis j’étais arrivé au port. Se tenant droit comme un « i » dans son kimono qui collait mystérieusement à son corps, dépassant d’une tête tout le reste de l’assistance et avec des muscles apparents qui feraient frémir quelques midinettes. J’avais deviné sans mal qu’il s’agissait là de notre nouveau sensei. Shawa ou un truc du genre. M’enfin, à quoi bon retenir son nom. Il ne serait plus là demain. Comme des étoiles qui s’alignent, je remarquai par la même occasion que remontant des bas quartiers, Isasu arrivait lui aussi. Je m’étais arrêté pour le regarder avancer, puis voyant qu’il entamait la conversation j’avais finalement avalé les derniers mètres me séparant de la troupe.

Par-dessus le brouhaha ambiant je parvins à entendre Isasu qui demandait au grand dadet s’il allait rester notre sensei. Portant la main à ma bouche pour cacher mon sourire, je m’étais planté derrière lui alors qu’il continuait sa présentation. Quand-il eut fini, je pris à mon tour la parole.

"Enchanté sensei numéro 5, je suis Naïbu Fubuki. Tout comme mon camarade je maîtrise un godai, le hyoton, l’alliage entre le futon et le suiton. Je suis plus à l’aise dans le combat à mi-distance et dans l’appui des offensives. "

Tout comme Isasu, je m’étais évertué à garder une voix parfaitement neutre. Bien qu’une petite peur me taraudât quant à la réaction du grand type face à son nouveau surnom. M’enfin, il allait quand même frapper un gamin dans l’enceinte du village après tout. C’était formellement interdit non ? Du coin de l’œil, je parcourais l’assistance. Maître Zhang était-il dans les parages ? Écartant le potentiel malaise, j’avais relancé en essayant de feindre un minimum d’enthousiasme.

"On attend encore quelqu’un ?"

Une tête de plus que j’allais devoir oublier ?

Vingt milles Rhum sous les mers.

Sincèrement, j’étais parfaitement blasé. Les derniers jours comme les derniers mois, n’avaient été qu’une succession d’emmerdements. Et comme un malheur n’arrivait jamais seul, je me retrouvais maintenant entre les mains de ce… type. D’un œil critique, j’observais ce qui allait devenir notre sensei. Une chose était sûre, il ne manquait pas d’énergie et je reconnaissais dans sa nonchalance une certaine confiance en ses capacités. Un peu plus décontracté que la moyenne, il ne semblait pas vouloir s’embarrasser du protocole. J’en prenais bonne note, il pourrait donc rester numéro 5, au moins jusqu’à qu’il ait pu prouver que son rôle de maitre ne serait pas qu’une jolie petite ligne à ajouter à son dossier de combattant.

Comme à mon habitude j’avais laissé Isasu faire la conversation, il était plus doué que moi pour user de sa langue. Et ça m’arrangeait bien, je n’avais de toute manière aucune envie de faire la conversation. Mission, réussite, maison. Tel était devenu mon nouveau mantra. Ne pouvant compter que sur moi-même pour évoluer et devenir l’homme que je voulais être, je n’allais pas m’essouffler à chercher dans ce village peuplé d’imbécile, une main charitable pour m’y aider. Alors que les présentations semblaient s’éterniser, d’un coup d’un seul, je m’étais fait agripper par le col et trainé vers le navire. Sans trop comprendre je me démenais pour ne pas m’étaler de tout mon long et lorsque j’avais redressé la tête, je me trouvais nez à nez avec un grand mec bourru. Le capitaine du navire devinais-je, notamment grâce au fait qu’il s’était présenté comme tel. Habile n’est-ce pas ?

Visiblement celui-ci n’était pas aussi idiot que son apparence de marin pouvait le laisser penser. Il avait bien vite observé qu’un membre de la troupe manquait à l’appel. Je n’avais aucune idée de qui cela pouvait être et à vrai dire, je m’en contrefichais. On était bien assez de trois pour pareille mission. Les paroles d’Isasu, firent d’ailleurs parfaitement écho à ma pensée et j’avais donc pu continuer dans mon silence obstiné.

De toute part, le navire se mit en branle. Bien vite, le pont fut comme une fourmilière dans laquelle chaque marin savait parfaitement ce qu’il devait faire. Un d’eux montait dans les voilures, un autre portait une caisse jusqu’aux cales, d’autres en quantité, faisaient et défaisaient cordages et amarres. L’expérience parlait à travers leur corps halé et couturé de cicatrice. La vie de marin n’était pas de tout repos, pas plus que celle d’un shinobi. Les deux vies étaient étonnamment similaires. Le corps au centre de tout, l’expérience comme bouclier aux erreurs, le danger aux portes à chaque instant… Pensif j’avais observé le manège incessant. Comme à son habitude, Isasu s’était empressé de mettre la main à la patte et d’aider du mieux qu’il le put. Je l’avais vu passer devant moi, les bras chargés d’une caisse emplie de cordages. Au moins, ça ne risquait rien s’il venait à la faire tomber. Un sourire malicieux vint traverser mon visage et j’eus bien du mal à me retenir d’une petite réflexion. Une caisse, le simple objet, si courant sur un navire, était devenu pour moi un rappel constant d’échec. C’était par la fracture d’un des contenants que j’avais échoué pour la première fois et que je m’étais retrouvé puni, comme un enfant.

Si de son côté Isasu jouait donc les parfaits petit mousse, j’avais personnellement fait honneur à l’enseignement de sensei numéro 2. Il n’était pas resté très longtemps, mais je devais bien reconnaitre que de tous, il avait été le plus proche de ma conception d’un bon enseignant. C’était avec lui que nous avions vécu l’aventure la plus proche du métier de Shinobi. Il avait eu le temps, en une seule journée, de nous apprendre quantité de choses qui aujourd’hui servaient de socle à mon expérience de ninja.

Tout ça pour dire que je m’étais cantonné à prendre une position de force. J’avais gravi le mat à l’ancienne, sans chakra et m’étais posé au quasi-sommet. Mes pieds pendaient dans le vide en se balançant au gré du roulis des vagues. De ma position, je pouvais apercevoir l’horizon et les taches noires que représentaient les îles alentour. Si un bateau pirate s’approchait, je ne pourrais pas le rater. C’était bien ça notre mission non ? Défendre le navire.

Vingt-milles Rhum sous les mers

Toujours du haut mon perchoir j’avais pu constater la présence d’une tâche brume à l’horizon, cependant, complétement médusé par la tranquillité de cette mer d’huile, je n’avais pas immédiatement interprété la présence du navire comme une menace. Nous étions sur mer après tout !  L’océan était vaste et il existait une ribambelle de marchand qui le parcourait en large et travers en quête de profit. Cependant, j’avais bien noté que la tâche s’épaississait toujours davantage et que la proue de l’autre navire était toute droite pointée vers nous. Ils s’approchaient donc… Bizarre, mais toujours possiblement anodin. Ce ne fut que lorsque je parvins à distinguer l’équipage d’en face que je compris la menace. Des pirates. Comme pour me répondre, c’était à cet instant que les bandits se mirent à battre d’un nouveau pavillon, tête de mort sur fond noir… Quel manque cruel d’originalité !

M’enfin, je m’étais donc, sans trop me presser, dirigé vers le pont, arrivant tout juste à temps pour entendre le sifflement du sensei numéro 5. Je me pointais donc la bouche en cœur pendant qu’Isasu lui aussi revenait de je ne savais où. Si l’instant d’avant le bateau comme la mer avaient été caractérisé par le calme, l’heure de la tempête approchait et je ne croyais pas si bien dire. Prenant les devants et composant une série de mudras, Isasu appela à lui les forces de la pluie. Une technique au combien intéressante qui rendait l’utilisation des techniques suiton bien plus aisé. Prenant bonne note de l’ouverture ainsi offerte, je me mis alors en position à mon tour. Me plantant face aux pirates qui espéraient sans doute aborder d’une minute à l’autre, j’avais gratifié mon assistance d’un sourire empli de candeur. L’instant d’après j’activais mes deux mains dans une série de mudras complexe et en mêlant mon chakra à la pluie environnante je fis se matérialiser une troupe de loup glacés. Ceux-ci prirent place le long du pont, prêt à sauter sur le premier malheureux qui oserait s'aventurer sur le navire. De quoi, je l’espérais, dissuader jusqu’au plus courageux pirate.

De son côté, Isasu s’était montré encore bien plus entreprenant et favorisa une attitude offensive. Sa technique, je devais bien le reconnaitre, était particulièrement dévastatrice et j’eus bien du mal à masquer mon impression. Depuis quand la tête d’ampoule était-il capable de tel miracle ? J’étais donc tant à la traine que ça ? Une drôle de sensation parcourut l’ensemble de mon corps. Non pas de la tristesse ni même de l’énervement. J’étais comme… galvanisé. Isasu était fort, mais je n’étais pas en reste et j’entendais le confirmer. Me joignant donc à son offensive, j’avais exécuté une nouvelle série de mudras qui fit s’envoler quelques papillons aux ailes acérées. Sorte de shuriken à tête chercheuse, j’avais lancé ma volée sur les voiles, cordes et autres choses au combien indispensable pour le bon fonctionnement d’un navire. Pourquoi s’embêter à combattre les hommes d’équipage quand on pouvait simplement s’en prendre au navire. Dans un dernier geste et pour être sûr d’enfoncer le clou. J’avais finalement laché un kunaï sur lequel j’avais enroulé un parchemin explosif.

Le sourire jusqu’aux oreilles devant le carnage que nous venions de provoquer, je lâchais au comble de mon excitation le mot simple et meurtrier.

"Katsu."