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Rencontre en terre irradiée

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Rencontre en terre irradiée Lun 25 Oct - 17:58
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Rencontre en terre irradiée




"Le cirque a po-sé son cha-peau poin-tu ; sur la place pu-bli-que____. Il s’en é-chap-pe les gre-lots des ri-res mê-lés de mu-si-que______.
Le cirque a po-sé son cha-peau poin-tu ; sur la place pu-bli-que____. Il flotte au-des-sus des bra-vos, mê-lés de si-len-ces tra-gi-ques____."
*Citation extraite de « Le crique » par Jean Cosmos.

_ _ _ _ _ _ _ _ _

La roulotte avançait péniblement en laissant dans son sillage le creuset de ses roues dans la poudre blanche du mont enneigé. Dans sa quête éternelle, le cirque s'était aventuré vers les territoires les plus septentrionaux du continent. Voilà plusieurs jours qu'ils avaient quitté le confort relatif des lacs gelés et ils gravissaient maintenant le versant de la montagne sacrée. Sur la route, ils rencontrèrent bien quelques petits villages épars. Mineurs, prieurs et autres populations sans intérêt peuplaient cette terre désolée. Bien entendus, les artistes eurent fort à faire pour réchauffer leurs cœurs glacés. Enchainant spectacles, représentations et autres pitreries, ils parvinrent néanmoins à combler la monotonie morne des badauds. En sus, les petites oreilles de l'Augure lui rapportèrent un fait des plus intéressants. Perché dans les sommets, un petit clan aux arcanes inconnus prospérait secrètement. Curieux, il n'en fallut pas plus pour que la troupe reprit la route.

Assis à table devant un fastueux banquet, Gëraruto appréciait à sa juste valeur, le vin chaud qui réchauffait ses organes internes. Il régnait comme à l'ordinaire un joyeux vacarme dans la salle principale. Une musique entêtante avait entrainé à sa suite les danseurs et chanteurs. Autant par réel entrain, que par souhait d'augmenter la température ambiante. Reposant son verre, le pauvre envoyé divin se retira dans ses quartiers. Les festivités excessives n'étaient plus de son âge… Surtout, il espérait faire la lumière sur leurs futurs hôtes et ceux avant d'installer les piquets du chapiteau. Une vie d'aventures, de voyages et d'écoute attentive des populations du Sekai, avaient permis à l'Augure d'établir une impressionnante collection d'ouvrages. Tirant tous les volumes traitant de la région, il s'activa à leur étude. La plus ancienne mention du clan montagnard, ne remontait selon ses sources qu'à l'année -31. Son auteur, un dénommé Fushigina Hanashi, relatait le passage dans leur village d'une troupe nomade. Ceux-ci se présentèrent comme "Ryubeï" et avaient avoué rechercher une terre d'asile. Points d'autres indications d'intérêt, si ce n'était une esquisse de leurs compétences martiales, proche du samouraï. Dans une autre mention, datant celle-ci de -21, un auteur anonyme assurait qu'un clan s'était approprié un plateau sur lequel un curieux cratère de plusieurs dizaines mètres de largeur, avait poussé à la fuite, les anciennes populations locales. Enfin, terminant le traitement de ses multiples ouvrages, il découvrit dans les écrits d'Amachua Jinkō Tanken-ka, auteur contemporain et grand explorateur du Sekai, une courte mention au temple dédié aux montagnes sacrées, qui aurait été érigé au cœur du cratère.

Las de ses recherches, l'historien improvisé préféra passer le reste de son voyage entre l'écriture de ses propres mémoires - Perdant force temps à l'établissement de calligraphies stylisées, dont il tirait une satisfaction certaine - et repos mérité à la faveur de quelques vapeurs exotiques. Une nouvelle technique qu'il apprenait à maitriser. Il plaçait des herbes aromatiques et aux vertus diverses dans un fumoir clos, troué de quelques cercles. Une flamme légère venait embraser le tout et maintenait les braises actives durant une petite heure. La fumée qui se dégageait alors, prenait l'apparence d'une brume blanchâtre à l'odeur âcre. Couché sur sa paillasse et le regard perdu dans les tumultes, l'occultiste parvenait à entrevoir formes et couleurs. La veille de l'arrivée du cirque, il parvint ainsi à visualiser un homme aux yeux d'un bleu perçant qui avançait en armure lourde vers l'infini. Nul autres révélations ne lui furent concédées par les dieux cette soirée-là. La parole des divins était toujours des plus complexes à interpréter… Une seule chose lui semblait sûre, Gëraruto allait devoir mettre la main sur le dit homme.

Au matin du jour suivant alors que tous s'égaillaient lentement, l'avancée de la roulotte se stoppa subitement. Sortant donc dans le froid pays pour constater les raisons d'un tel arrêt. L'augure constata qu'un précipice immense séparait la troupe du plateau. Seul chemin envisageable : Un pont suspendu qui risquait fort de s'écrouler sous le poids du véhicule… Avec force soupirs et apitoiements, les artistes traversèrent à tour de rôle, portant sur eux le nécessaire à leurs spectacles. Ils laissèrent de l'autre côté, la demeure atypique et quelques-uns de leurs confrères. De loin et réunissant ses affaires, Gëraruto crut distinguer qu'un comité d'accueil discutait avec l'un des chanteurs…  Les Ryubeï offrirent donc un accueil un peu froid, pour cette alliance de marginaux.

Pourtant, lorsque le vieux beau traversa à son tour, la fête battait déjà tambours dans l'extérieur du domaine. Une petite scène avait été installée et tout se passait comme à l'accoutumé. Les danseurs dansaient, les chanteurs chantaient, les acrobates acrobataient se tordaient en tout sens et virevoltaient gaiement. Les diseurs de bonnes aventures s'affairaient eux aussi. Prodiguant à qui voulaient les écouter, conseils et réconforts.

Portant d'une main un mélange empaqueté de diverses feuilles à sa bouche. Gëraruto en apprécia la légère brulure, que le jus entrainait inexorablement sur ses gencives. D'un œil nébuleux il s'aventura çà et là, cherchant son inconnu désigné des dieux.  Allait-il seulement participer aux festivités ? Serait-il seulement bel et bien l'un des membres du clan reculé ? Autant de questions que notre héros ne se posa nullement. En venant ici il avait rempli sa mission, charge maintenant à la providence de remplir la sienne. Prenant place sur un rocher, il installa une petite tente où il laissa une lanterne réchauffer un peu ses doigts endoloris. Assis sur un coussin, derrière sa table basse, il attendit que les clients vinssent à lui, en quête de réponses…


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Rencontre en terre irradiée



Rencontre en terre irradiée D9m8c9a-adf211eb-d730-4761-bddb-8b70711c440c.png?token=eyJ0eXAiOiJKV1QiLCJhbGciOiJIUzI1NiJ9.eyJzdWIiOiJ1cm46YXBwOjdlMGQxODg5ODIyNjQzNzNhNWYwZDQxNWVhMGQyNmUwIiwiaXNzIjoidXJuOmFwcDo3ZTBkMTg4OTgyMjY0MzczYTVmMGQ0MTVlYTBkMjZlMCIsIm9iaiI6W1t7InBhdGgiOiJcL2ZcLzkwNzhjNDQ1LTk2YjEtNDVjYy04N2VhLTVlZDc3NWEwYTAzM1wvZDltOGM5YS1hZGYyMTFlYi1kNzMwLTQ3NjEtYmRkYi04YjcwNzExYzQ0MGMucG5nIn1dXSwiYXVkIjpbInVybjpzZXJ2aWNlOmZpbGUuZG93bmxvYWQiXX0

Shitaderutakai, domaine du Clan Ryubeï. / Montagnes sacrées de Funaka.


La famille du chef de clan s’était réunie pour un repas aux apparences cérémonieuses. La présence des deux frères, Kenjirama et Matsuda, devint plutôt rare tant chacun s’engageait hors du domaine familial pour atteindre les attentes de leur père. De tels évènements étaient devenus appréciés depuis que les fils d’Oda s’étaient accoutumés aux missions d’escortes. Plus jeune, il leur avait posé ce poids sur les épaules, insistant sur le privilège qui était le leur et l’importance d’honorer la mémoire de leurs ancêtres disparus. L’ombre du sévère Yoshida planait encore sur l’éducation des jeunes Ryubeï, tant la discipline et le dévouement étaient restés des valeurs fondatrices pour Oda.

De son regard usé, il dévisagea ses enfants et sa femme avant de prononcer les prières coutumières. Il entrouvrit ensuite la marmite de laiton renfermant quantité de ramen qui taraudaient les narines des jeunes affamés. Rentrés la veille de leurs missions respectives, la concomitance d’une telle retrouvaille méritait, aux yeux du doyen du clan, la cérémonie d’un repas de famille. L’œil vif de Kenjirama et de Matsuda se croisèrent au-dessus du bouillon et une lueur de défi naquit au creux de leur visage.

Alors que la main d’Oda allait soulever le couvre-plat, le shoji coulissa et la tête de Kaneda dépassa de l’encadrement, immobilisant le geste du doyen. « Des chariots bravent les routes de montagnes. Ils montent vers le pont de corde. Wataru et Shinji gardent le pont. Ta présence est requise, Oda » affirma-t-il d’un ton las. Le silence d’Oda fut succédé du coulissement inverse de la paroi de bambou et les bruits de pas de Kaneda s’en retournèrent jusqu’à la sortie.

Le geste d’Oda s’était figé et le couvercle retomba silencieusement sur la marmite, laissant une nouvelle expression de dépit sur les visages des jeunes shinobis. Seyema, imperceptible, se leva. Oda la suivi dans un soupire qui exprima le même regret que ses fils, masqué par l’expression plus réelle de la rigidité de ses vieilles articulations.

Comme deux gardes du corps, Kenji’ et Matsu’ suivirent leur père silencieusement en prenant soin de s’équiper chacun de leur katana à la sortie du manoir.  Ces longs silences exprimaient un respect et une familiarité longuement éprouvé au mutisme du vieux chef de clan. Cette manie déteignait sur l’ensemble de la famille et l’hiver rendait les interactions difficilement plus chaleureuses. Le froid mordant qui les attendait dehors ne manqua pas de les atteindre malgré leurs multiples couches de vêtement.

Leurs estomacs vides accentuèrent les mines patibulaires de l’ensemble. Ils attendirent sagement les étrangers de leur côté du pont. Ce n’était pas moins d’une dizaine de membres du clan, armés, qui se répartirent autour de l’entrée du plateau rocheux pour s’assurer qu’aucune embuscade ne tentait de les encercler. Matsuda parti se loger sur le toit du manoir avec une souplesse qui lui fît honneur, malgré le souffle glacé du vent. Kenji’ resta près de son père, le temps de jauger les étrangers.

« Wataru me dit qu’il s’agit de saltimbanques… Ils n’ont pas l’air armés ou vindicatifs. On ne sait pas ce qu’ils veulent… Peut-être leur a-t-il été dit que nous pourrions rémunérer leurs facéties… » expliqua Kaneda, le regard plongé sur les ombres qui serpentaient dans les routes en contrebas. La neige et le vent glacial n’empêchait les yeux perçants de distinguer les chariots qui sinuaient sur les routes, à la sortie de la vallée d'Ouest qui menait vers leur plateau.

Oda resta songeur encore quelques instants avant d’adjuger : « Gardez-les hors du domaine. Proposez-leur de partager notre nourriture, s’ils en réclament. Assure-toi qu’ils viennent en paix avant d’autoriser femmes et enfants à s’y rendre. Matsuda fera passer le message aux autres familles. S’il y a la moindre esclandre, tu connais le signal et j’arriverai ». Sur cette déclaration, il s’en retourna au manoir, laissant derrière lui Kaneda et Kenjirama se concerter.

« Des artistes ? Qui a bien pu nous les envoyer… ? » s’enquit Kenji’.

« Quand il est question d’argent, les plus audacieux savent toujours à quelles portes venir frapper », sermonna Kaneda. « Il n’y a certainement rien à craindre. Je tiendrai le pont avec les autres. Toi et Matsuda, profitez-en. Ce n’est pas si souvent que de telles troupes viennent s’aventurer dans les montagnes… Tu surveilleras avec ton frère les gamins, qu’ils n’aillent pas faire de bêtises », lui confia le colosse avant de retourner auprès de ses éclaireurs et gardes de service.

Au loin, Kenjirama vit Matsuda redescendre vers son père devant la demeure familiale. Il y réceptionna ses ordres, fit part de ses observations et parti renseigner les autres familles du clan de la nouvelle. Kenjirama resta sagement devant le pont de corde, attendant l’évolution de la situation. Son père donnait plus souvent ses ordres directement à Matsuda tandis qu’il réservait ceux de Kenjirama à Kaneda, depuis longtemps son mentor et auquel il se montrait plus obéissant. Kenjirama savait qu’il bénéficiait ainsi d’une sensation de liberté plus grande que son frère, sans pour autant qu’elle ne soit plus réelle… Mais les querelles s’étaient pourtant raréfiées par ce biais, aussi puéril cela pouvait sembler.

Kaneda revint alors au pont et intima à Kenjirama de préparer un brasero pour que les voyageurs puissent recevoir un repas chaud, aussi inattendu fût leur visite. Kenji’ s’exécuta. Il pouvait s’estimer heureux de ne pas devoir participer aux rondes de gardes mais n’allait certainement pas rester les bras croisés en attendant de potentielles festivités. Il alluma ainsi un feu auprès du pont et réceptionna une épaisse marmite qui n’attendait qu’à cuire pour partager une soupe miso. Lorsque Kenjirama rapporta de vieilles souches pour servir de sièges, les artistes du cirque commençaient déjà à s’établir non-loin, de l’autre côté du pont. Kaneda bloqua les intrus et fit valoir ses ordres tout en étudiant les intentions des visiteurs.

Le brasero en place et la soupe mise à cuire, il laissa son frère Matsuda accueillir les plus jeunes enfants du clan et leurs parents. Ce dernier organisa quelque peu le groupe dont les rangs se grossissaient d’une dizaine des jeunes et de presqu’autant d’adultes curieux. Kenjirama vint s’inquiéter à son tour des visiteurs.

Les premières négociations furent cordiales, bien qu’expéditives. Kaneda n’était pas du genre chaleureux. Kenjirama prit la tête d’un premier groupe majoritairement composé d’adultes pour rencontrer les visiteurs. Parmi eux, plusieurs parents inquiets qui voulaient d’abord juger par eux-mêmes… Matsuda attendrait avec les plus jeunes le feu vert du premier groupe.
Arrivé de l’autre côté du pont, les curieux se séparèrent. Entendu qu’ils se regrouperaient rapidement pour confirmer que c’était sans danger. Kenjirama porta son attention sur une tente, légèrement à l’écart.

Soulevant le pan de tissu, il passa sa tête dessous avant de l’enlever précipitamment, sous l’effet d'un panache de vapeurs d’épices irritantes qui lui emplirent le nez. Entre deux quintes de toux, il retenta de pénétrer sous la toile et, en plissant les yeux, parvint à deviner le visage de son interlocuteur.
« Vous voulez que j’aère un peu, monsieur ? », demanda-t-il innocemment avant de venir lui-même se réchauffer auprès d'une lanterne.

« Quel type de jeux proposez-vous ? »



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Rencontre en terre irradiée



Mâchonnant son paquet de plantes exotiques et aux vertus aussi larges qu’exacerbées les unes par les autres. L’Augure profitait de la chaleur relative apportée par son unique lampion. Autour de lui régnait le joyeux vacarme des festivités. Bientôt, la cohue entraînerait bien loin la froideur humide de l’hiver éternel des montagnes. Du moins l’espérait-il.  Car pour l’heure, l’accueil du clan isolé pour le cirque millénaire était des plus timides. À croire que les montagnards partageaient les attributs des troglodytes. Retiré du monde et de ces réalités.  Comment pouvaient-ils ignorer l’existence du cirque ? Une triste réalité qui peinait l’égo du vieux beau.  Lui qui pensait avoir tout vu et être connu de tous, voilà qu’un village d’irrépressible ninja, résistait encore et toujours aux festivaliers.

Amusé de son propre trait d’esprit, le rire gras du guide spirituel résonna dans le brouhaha ambiant. Sans doute attiré par cet éclat de voix, une jeune femme, d’environ la trentaine, souleva avec prudence le voile qui retenait l’air frais hors de la tente. Circonspecte, elle questionna du regard l’inconnu qui se trouvait, jambes croisées, derrière une petite tablette en bois léger. Tout sourire, Gëraruto accueillit avec enthousiasme cette première cliente. L’expérience lui avait appris que le plus difficile était toujours d’amorcer le pas. Le reste suivait sans peine.

"Mademoiselle… bienvenue. Entrez, entrez ! Ne restez pas dans le froid !"

Toujours prudente, celle-ci accepta néanmoins l’invitation. À demi relevée (sans doute craignait-elle de prendre place sur le coussin disposé devant son hôte), l’indigente osa s’enquérir des dons du troubadour.

"Disons que mes affectations sont diverses… Oreille attentive, porteur de conseils, médecin ou encore… visionnaire."

Sa présentation était parfaitement préparée et le dernier terme, volontairement floue devait pousser la femme vers l’un des vices humains, la curiosité. Elle n’y manqua pas ! Prenant finalement place, elle échangea d’abord quelques banalités avec le vieil Augure. Reliquat de sa méfiance, elle cherchait sans doute ainsi à jauger les capacités du diseur de bonne aventure. Pareil à une rose à laquelle on enlève ses pétales unes à unes pour en découvrir le cœur, Gëraruto rassura chacune des craintes de son interlocutrice. Finalement, les aspirations de la belle s’avérèrent cruellement banales. Plus qu’en âge de trouver un mari, elle quémandait la vision divinatoire de l’Augure pour entrevoir les traits de son futur épris. Cachant sa déception, il appela à lui l’une des mains de la belle. Caressant sa paume douce, il referma les yeux, mimant un effort interne intense.

Après quelques secondes, il plongea son regard voilé d’une aura nébuleuse dans les iris de l’esseuler. Bien entendu, tout cela n’était que représentation. Les divins ne s’intéressaient guère aux existences misérables et aux soucis quotidiens. Aussi étaient-ils restés parfaitement muets aux questionnements badins.

"Dans les montagnes enneigées, opale cherche à s’enchâsser.
Diamant trop brut pour tout homme, elle peine à trouver idylle
Devrait-elle partir en somme ? Par l'océan ou dans les iles.
À courir après le bonheur, son équilibre menacé.
Apporte sur elle malheur, et sur sa famille endeuillée.
À sa portée est la réponse, de son doux rêve sibyllin.
Car quand enfin elle renonce, apparait son rêve malin."


Sortant de sa supposée transe, Gëraruto laissa planer un silence mystique avant de reprendre bruyamment son souffle. Presque apeuré, il lança un regard désarçonné à la curieuse. Arcboutant son dos dans une attitude pleine de révérence.

"Qui êtes-vous donc ? Pour attirer sur vous l’amour et la protection des dieux ?"

N’en faisait-il pas un peu trop ? Visiblement, non. Puisque visiblement convaincu par sa prestation, la jeune femme arbora un sourire timide tout en détournant le regard. Celui-ci se perdit dans le vague, sans doute à la recherche d’une réponse pernicieusement cachée dans les "révélations" divines. Elle eut grande peine à en interpréter les oracles, chose plutôt normale étant donné que l’Augure avait dû les improviser, en s’inspirant de leur conversation. Bien vite elle le pressa de l’aider à comprendre.

"Je le ferais avec plaisir, croyez-moi. Mais dans l’immédiat j’ai besoin d’un peu de repos… Peut-être pourrions nous nous revoir un peu plus tard ?"

Affable au possible, il n’eut aucun mal à convaincre la belle de revenir à la faveur de la nuit. Le calme était une composante essentielle d’une divination réussit. Du moins, le laissa-t-il supposer. De nouveau seul dans la tente, le bon charlatan tira une nouvelle boule d’herbe de sa besace. La suçotant il étudiait encore le cas de sa cliente. Si la divination n’avait été que poudre aux yeux, sa réputation n’en restait pas moins en jeu et d’une manière ou d’une autre, il devrait lui venir en aide. Il ruminait donc l’infini des possibilités quand une seconde tête passa par-dessous le voile de sa tente.

Pas de belle jeune femme cette fois-ci, mais le regard bleu perçant d’un guerrier aux lèvres aussi fines que sa taille. Aussi vite qu’il était apparu, il rebroussa néanmoins chemin pour toussoter hors de la demeure de fortune.  Sourcil en l’air pour marquer sa surprise, le vieil homme sentit ses aisselles… Était-il devenu inconscient de sa propre odeur ? La femme de tout à l’heure n’avait pas semblé incommodé pourtant… Portant le regard en tout sens, il put constater que sa lanterne laissait échapper un léger fumé blanchâtre. Curieux, il s’affaira à son étude quand le jeune homme, de nouveau, pénétra dans la tente.

"Inutile mon garçon… Ce ne sont que quelques herbes qui sont tombées je ne sais comment dans ma lanterne… L’odeur ne devrait pas persister trop longtemps."

Manquant de se bruler, il épousseta l’intérieur de sa lanterne pour en retirer le surplus de feuilles séchées. Comment avaient-elles pu se retrouver ici ? Mystère. Quand il eut fini et alors que sans crainte le poli garçon vint se placer face à lui, il étira son sourire face au questionnement innocent. Un jeu ? Pensait-il se trouver dans l’antre d’un amuseur ? De l’esquisse d’amusement, l’Augure passa bien vite au rire franc. Se retournant, il farfouilla dans ses affaires en quête d’un artéfact aussi précieux qu’ancien.

"Je vois… tu es d’humeur joueuse donc ? Eh bien, malgré le fait que cela ne soit pas dans mes habitudes. J’imagine que je peux trouver ton bonheur…"

Sortant un étrange plateau et une boîte close, il déplia le terrain de jeu sur la petite table. Un carré parfait sur lequel un quadrillage tout aussi cubique avait été tracé. Formant en tout, 324 cellules distinctes. Ouvrant le petit coffret qu’il avait pour l’occasion placé au centre, le jeune homme put découvrir dans deux compartiments, un ensemble de galets, les uns noirs et les autres blancs.

"Connais-tu le jeu de go ?"

Dévoilant ses dents étonnamment blanches, Gëraruto observa méduser que les traits finement sculptés de son interlocuteur ne lui étaient pas parfaitement inconnus. En effet, il l’avait rencontré plus tôt… Enfin, rencontré était un bien grand mot pour référer à une vision hallucinogène réalisée dans les vapeurs enivrantes de ses plantes. Ainsi donc les dieux avaient bel et bien placé sur sa route l’étrange shinobi. Restait à savoir : Pourquoi ? Arrangeant le plateau afin de débuter la partie il alimenta innocemment la conversation. Tout venait à point, à qui savait attendre.

"Cela fait bien longtemps que je n’ai plus joué à ce jeu… Dans ma jeunesse il faisait fureur. Je dois dire que je n’étais pas mauvais…Il paraitrait que c’est un outil remarquable pour qui est destiné à commander…"

Tirant presque magiquement deux gobelets de sa sacoche - avait-elle un fond ? -  il s’enquit de servir deux rasades de saké. Portant des deux mains l’un des récipients vers son invité il attendit que celui-ci s’en empare, avant de porter le sien à ses lèvres. Avant de ricaner de sa propre philosophie.

"Crois-moi jeune homme. En de froides contrées, rien ne vaut la chaleur d’un alcool de qualité… Sauf peut-être le réconfort d’une couche partagée…"

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Rencontre en terre irradiée #2


Rencontre en terre irradiée In_the_mountains_by_eriktaberman_dea1wxu-pre.jpg?token=eyJ0eXAiOiJKV1QiLCJhbGciOiJIUzI1NiJ9.eyJzdWIiOiJ1cm46YXBwOjdlMGQxODg5ODIyNjQzNzNhNWYwZDQxNWVhMGQyNmUwIiwiaXNzIjoidXJuOmFwcDo3ZTBkMTg4OTgyMjY0MzczYTVmMGQ0MTVlYTBkMjZlMCIsIm9iaiI6W1t7ImhlaWdodCI6Ijw9NzY4IiwicGF0aCI6IlwvZlwvYWNlOTU4ZjgtYmVlNC00MWJjLWFlZGYtNDZhMmY3YTc5YzJlXC9kZWExd3h1LWIzNWM4Y2JhLWU2ZjItNDkzNy04MGFjLTcwZWMxYzRlYmNlYi5qcGciLCJ3aWR0aCI6Ijw9MTYwMCJ9XV0sImF1ZCI6WyJ1cm46c2VydmljZTppbWFnZS5vcGVyYXRpb25zIl19


Ambiance:


Dès l’instant où le vieil augure épousseta son damier de go, l’enthousiasme de Kenji’ baissa d’un cran. De la vieille coutume des haïkus et des jeux d’intellect, le clan Ryubeï avait manqué à transmettre adéquatement cette passion à la jeune génération. Ou, du moins, la sagesse des années n’avait pas encore suffisamment creusé le front du jeune Kenji’ pour qu’il apprécie les subtilités de ces jeux, dont son père et son mentor étaient bien plus friands. Les archives familiales croulaient des différents recueils de haïkus dont l’ancien Yoshida s’était fait l’auteur pour saupoudrer ses vieilles turpitudes d’une dose de poésie. Ce dernier aurait fait un adversaire redoutable pour l’homme de goût qu’était cet étrange érudit... mais Kenjirama craignait bien de ne pas faire honneur à son clan, en ce jour.

Esquivant le sujet du jeu de go, son regard s’attarda sur quelques vieux volumes entrouverts qui ponctuaient la tente mais sa diversion ne sembla pas déconcentrer le vieil homme.  Toutefois, son geste suivant fut bien plus éloquent. Servant deux verres de saké, Kenjirama retrouva tout de suite l’entrain qu’il avait craint perdre et s’avisa qu’une partie de go serait peu cher payé pour une rasade de tord-boyau et de rigolade décontractée.

- Je vous crois sur parole, Monsieur… ? s’avisant qu’il ne savait comment nommer son interlocuteur. Ce dernier lui apporta la réponse en percevant rapidement son trouble. Kenji reprit alors sa tirade.

- Si ce n’est pas indiscret, qu’est-ce qui vous a attiré jusque chez nous ? Nous ne sommes pourtant pas les interlocuteurs les plus célèbres de la région. Je dirai même que nous ne sommes pas particulièrement du genre populaire ou renommé.

Il assista brièvement le dénommé Geraruto à établir le jeu de go, se remémorant vaguement les quelques affrontements des adultes du clan lorsque ces derniers s’encanaillaient avec de tels jeux. Toutefois, l’austérité du vieil Oda, le père de Kenji’, avait rendu ces échanges de plus en plus rares. Si bien que les soirées d’hiver passé avec différents membres de la famille pour égayer les sombres nuits froides de la saison s’étaient éteintes avec la chaleur humaine d’Oda.

Il tâcha de se concentrer sur le jeu et non sur les vieux souvenirs.

- Je ne doute pas de l’intérêt d’un tel jeu pour ses subtilités… théoriques… mais j’ai toujours pensé que les habilités du terrain, comme les compétences martiales, se développaient plutôt dans la pratique que via de tels… exercices… Mais je ne suis pas honnête. Je m’attendais plutôt à un jeu d’adresse. Le jeu de go est peut-être un peu trop… intellectuel pour moi. Quels sont les autres spectacles ou excentricités que votre compagnie propose ?

Il plaçait ses pions dans les coins, comme ses aïeux semblaient souvent procéder. Ayant sélectionné les pierres blanches, il savait qu’il était désavantagé par rapport aux pierres noires. Seulement, différentes règles existaient pour donner des points bonus en fin de partie au joueur blanc. Il ignorait seulement si ces règles étaient répandues dans le Sekai ou très différentes d’une région à une autre. Toutefois, il portait difficilement plus d’intérêt au jeu qu’à la conversation…

- Et vous ? Quelle est votre spécialité dans votre compagnie ?    


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En voilà un jeune cuisant des plus singulier. Venant sans peur et sans révérence quérir les aptitudes de l’Auguste Augure aux allures d’Augustin. Rien ne pouvait échapper à son œil habile, formé de longue date auprès de sa clientèle. Repérer la moindre esquisse de sentiment pouvait aiguiller le bon prophète sur les attentes de son interlocuteur. Car l’important n’était jamais de faire éclater une vérité générale, mais bien de trouver les mots qui permettraient au prospecteur d’éclaircir sa propre voie. Aussi fût il attentif à la réaction toute en demi-teinte du jeune homme face au jeu de Go. La jeunesse de nos jours ne s’intéressait guère plus aux jeux de finesse mais préférait les jeux d’adresse, comme un vulgaire concours de lancé de Shuriken. Un goût amer au fond de la gorge du doyen qui avait dans son temps adoré s’étendre en parties interminables.

Détendant l’atmosphère, Gëraruto avait proposé un verre que son convive but avec entrain. Au moins, voilà bien une chose qui ne changeait pas ! Jeune comme vieux, tous savaient boire et s’y appliquaient avec une régularité exemplaire. Un échange de rire et le liquide glissant le long de leur gosiers plus tard. Voilà que le jeune homme demandait de manière détournée l’identité de son nouvel ami.

"Gëraruto"

Réponse simple et efficace, il ne s’étendit guère sur la question. Il avait toujours été complexe pour lui de faire comprendre son absence de nom de parenté. Fils d’une mère esseulée, il avait choisi de ne point conserver son nom, lorsqu’il partit découvrir le monde. Si une belle nuit, bien qu’un peu froide, comme celle du jour était parfaitement adaptée à la réminiscence de souvenirs lointains, conté à la chaleur d’un feu. Pour l’heure se poursuivait l’interrogatoire. Loin de lui en vouloir, l’Augure voulut y discerner l’ombre d’une intelligence. Après tout, ils étaient des ninjas. Homme de l’ombre et assassin fidèle, la confiance ne faisait pas parti des capacités enseignées aux aspirants. Aussi était-ce dans un sourire ravageur et après avoir porté à ses lèvres son verre, qu’il répondit plein d’entrain.

"Qu’importe la renommé pour qui doit amuser notre monde… Je suis étonné que votre clan n’ait gardé aucun souvenir de notre cirque millénaire… Peut-être vos anciens me direz-vous ? Ou bien votre exil forcé dans les montagnes remonte-t-il bien plus loin que je ne pus l’imaginer."

Il en savait des choses l’ancêtres. Peut-être venait-il néanmoins, de donner du grain à moudre au moulin de suspicions de son interlocuteur ? Qu’importait ! Savoir et pouvoir se confondaient et s’entrelaçaient dans une danse sensuelle. Une vérité que l’ancêtre avait fait sienne depuis bien longtemps.

"Pour tout vous dire, nous arpentions les montagnes et nos pas nous ont guidé jusqu’ici. Vous ne devez pas rencontrer grand monde, on a jugé que notre compagnie égayerait vos cœurs ! J’espère que nous ne vous avons pas dérangé…"

Remplissant de nouveau les verres, le ton informel et toute l’attitude de l’homme transpirait la conversation anodine tenue sur un comptoir. Écoutant sans entrain les propos penauds du jeune guerrier. Marquant au passage un point imaginaire dans son esprit, lorsqu’il entendit que celui-ci préférait les jeux d’adresses. Faisant mine de réfléchir, Gëraruto en profita pour ranger le plateau tout en farfouillant dans son sac. Un jeu d’adresse ? Il n’en possédait guère, mais s’il se montrait suffisamment malin…

"Les jeunes de nos jours… Oh ? N’avez-vous pas regardé ? Ils doivent être en plein effort en ce moment même ! Puis écoutez attentivement… Vous entendez cette mélodie entrainante ? Et cette voix !? Chanter, danser, amuser, conter l’avenir… En bref, tout ce que sait faire un cirque ! Non ?"

Sans entrain il sorti de son sac un bracelet rigide parfaitement à la taille de son poignet. Relique du passé, cadeau d’une femme amourachée. Un simple poteau suffirait pour créer un jeu de toute pièce. Mais il n'avait qu'un seul projectile… Non. Il déposa la vieillerie sur la table et continua son "farfouillage" consciencieux.

"Ma spécialité ?  Mhhh… OH ! JE SAIS !"

Illumination divine ! Quelle idée fabuleuse ! Fantastique ! Non mieux : Légendaire ! Tirant de son sac une multitude de baguettes dont la majorité devait être propre. Il les empoigna des deux mains afin de les agglomérer en une tour. Posant le paquet sur les multiples pointes jointes, il relâcha le tout et observa le spectacle de l’écroulement.  Un jeu d’adresse. Un jeu d’enfant. Des synonymes non ? Relevant la tête et ignorant pour l’heure la question de l’impudent, il agita un peu le paquet afin de rendre le jeu plus complexe.

"Vous connaissez ?"

Sans attendre réellement de réponse, il s’empara d’un premier bâton qu’il tira soigneusement du désordre ambiant sans en faire bouger la structure. Adresse oui, mais aussi patience et minutie. De quoi calmer les jeunes hyperactifs ! Douce vengeance pour le vieil homme contre ce garçon refusant une partie de l’antique jeu de stratégie. Sourire au coin des lèvres et regard presque dragueur. Il finit par revenir à la conversation.

"Eh bien… Un amuseur aux jeux divers et variés ! Adresse, réflexion, énigme et simple ludisme ! Ah ! Et je suis parallèlement divinateur. "

Son sourire s’étira face à ce qu’il devait considérer comme une bonne blague. Il devait bien reconnaitre que la situation était cocasse. Lui le messager divin se retrouvait réduit au rang de simple… nounou ?  Continuant sur le ton de la conversation et espérant pouvoir inverser les rôles dans cet interrogatoire, il s’enquit de quelques questions d’importance relative.

"Vous me semblez bien jeune… Quel âge avez-vous mon garçon ? Vos traits me sont familiers, ne nous serions pas déjà vu quelque part ? Je jurerais avoir déjà vu votre visage..."

Bien entendu la réponse était tout entendue, du moins pour le jeune homme : non. Mais insinuer que cela pouvait être possible, avait le don d’établir des bases mystiques en clin d'œil. Ne sait-on jamais, peut-être le garçon finirait par quérir ses services…

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