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Madeleine de Proust - Entrainement

Kamiko Raion
Kamiko Raion
Konoha no Chunin
Messages : 221
Date d'inscription : 16/10/2019

Fiche du Ninja
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Kamiko Raion


 
Madeleine de Proust
entrainements solo

 
Le réveil du jour suivant fut douloureux. Percluse de partout par les bleus qu’avait laissé son père après lui avoir asséné de nombreux coup de fourreau, Raion aspirait présentement à un repos total et bien mérité sans pouvoir se l’offrir. Allongée en étoile de mer dans son futon, les yeux fixés sur le plafond en bois de sa chambre, la jeune femme végète, vagabondant au gré de ses pensées dans l’espoir vain de trouver une motivation suffisante pour profiter de sa dernière journée de « congé » avant de retourner user le tissu de sa robe dans le fauteuil de la tour du Hokage. Elle regrette son temps libre, encore récent, lorsqu’elle n’était que chef de branche et pas à la tête d’un clan capricieux ni en co-gestion d’un village entier. Encore aujourd’hui, la brune ignorait ce qui avait poussé les Konohajin à prendre l’argumentaire de la jeune commerçante, plutôt que du jeune homme au clan respecté, et, même si ça lui offrait une place de choix pour garder le contrôle sur ses petites manigances, Raion ne pouvait qu’admettre que des vacances à long terme ne serait pas de refus.

Discrètement, l’image d’un Shirokuma souriant et confiant se rajoute au flux de ses ruminations, lui arrachant un soupir contrarié. Elle n’avait eu que peu de nouvelle, depuis que la délégation avait eu lieu. Avait-elle été trop loin ? Etait-il revenu sur son avis pourtant bien tranché ? Depuis son retour, à l’abri des murailles du village, la lionne avait été bien incapable de déterminer si elle devait crever l’abcès du silence mais si était refusée, trop inquiète de la nature de ce qu’elle pourrait y trouver. Ichor ou panacée, Raion ne savait toujours que penser des sensations, encore confuses, qui remuait son cœur à chaque fois qu’elle se surprenait à penser au Sunajin. Au fil du temps, il était devenu bien plus qu’un moyen d’échapper à la promesse d’un mariage vénal et barbant, comme un ami dont elle avait mainte et mainte fois tester l’esprit et l’endurance par tous les moyens dont elle disposait. Les souvenirs, encore frais, de leur étrange façon de s’accorder et de se provoquer lui tire un sourire doux, alors qu’elle passe un doigt songeur sur ses lèvres.

Elle aime son contact. Elle avait presque honte de le dire, mais elle avait aimé chacune de ses attentions, chacun de ses défis, les savourant pour la nouveauté de l’expérience avec la fraicheur d’une premier fois volée entre deux soupirs. La femme d’affaire qu’elle était aurait voulu nier le début d’affection qu’elle attachait à ses moments passés, mais son pragmatisme naturel s’y refusait. Son cœur battait la chamade, à l’idée de savoir si une lettre lui parviendrait aujourd’hui ou demain et, bien plus encore, à l’idée qu’il finisse par trouver l’endroit qu’elle voulait lui proposer pour leur prochaine rencontre. Etait-il en train de le chercher ? A moins que Suna ne soit, comme de coutume, une fois encore prise dans ses éternelles querelles internes, Raion savait que l’Akayuki y parviendrait mais se surprenait à ne pas être capable d’attendre qu’il y arrive. Elle voulait le revoir, lui et sa bouille de jeune homme maladroit et persévérant, pour le pousser encore un peu plus loin dans ses retranchements.

Sa rêverie paisible et tendre s’évapora bien vite au profit du retour maudit de la journée et de ses responsabilités. Alors que la jeune femme cherchait qu’elle genre de tenue elle pourrait bien porter pour embêter son soupirant, le battant coulissant de sa chambre s’ouvre avec fracas, laissant apparaitre la tête familière de son géniteur.
« Si tu prévois de hurler un nom d’animal au hasard pour m’inviter à me lever, va-t’en tout de suite. J’irais chez Fugu quand je trouverais la foi de trainer ma carcasse jusque là-bas.
- J’ai peut-être de quoi te motiver un peu. Tes vacances prenaient fin aujourd’hui. Tansei est malade. »

Sautant sur ses pieds au mépris de ses muscles qui hurlaient au supplice, les sourcils froncés, la brune vire son petit papa de l’entrebâillement de la porte d’un coup de hanche pour se faufiler dans le petit salon de la maison. La nouvelle, mauvaise, trouvait effectivement son origine dans la silhouette pliée en douze sur le tatami beige. Le secrétaire, teint verdâtre en preuve manifeste de son mal-être, darde un regard souffrant vers sa supérieure, murmurant vaguement quelque chose avant de tomber dans les pommes. Père et fille s’observe alors, interdit, devant la scène pitoyable qu’il offrait avant que, finalement, Kenta ne brise le silence.
« Puisque tu devais aller voir ta tante, pourquoi tu ne l’emmènerais pas en passant ?
- Vu son état, je doute qu’il y arrive seul, de toute façon. »

Disparaissant dans sa chambre à nouveau, la chef de clan saisit ses affaires et, au terme de cinq bonne minutes de préparation, tente de trouver une manière adéquate de transporter son fardeau jusqu’à la maison de Fugu Kamiko, à l’autre bout du domaine.

*
« Es-tu sûre qu’il est encore vivant ?
- Il l’était sur le sol du salon, y’a encore vingt minutes. »

Penchée sur son visiteur, son visage pâle aux lèvres d’un rouge carmin presque aussi vif que celui de sa tenue, le médecin du clan semble infiniment perplexe. Le patient, recroquevillé en une boule de souffrance et de gémissement, avait été posé avec gentillesse sur un lit de camp. Raion, elle, était installé un peu plus loin dans un fauteuil, alors que l’albinos procédait à l’examen du pauvre Tansei dont le teint verdâtre était devenu cendreux au cours du voyage. Nul doute que, s'il avait dû se rendre seul jusque dans la petite maison en périphérie, on l'aurait retrouver en train de finir de mourir quelque part dans les allées. Le porter à travers le domaine avait été un véritable défi avec ses courbatures mais, à force de patience, l'intendante de Konoha avait fini par toucher leur but commun. Usant d'un des baumes de cicatrisation de sa tante, elle la regardait naviguer de droite à gauche dans l'énorme pièce qui lui servait de petite clinique privée. Après avoir vaguement discuté - ou plutôt interprété les gargouillements du Kamiko - Fugu s'était mise en quête de quelque chose, qu'elle vint présenter au malade.
« Est-ce que ça ressemble à ça ? » Les yeux du malade s’écarquillent brièvement dans un éclair de lucidité en apercevant la plante et il hoche la tête. Elle enchaine aussitôt, saisissant l'homme par le collet pour lui demander si oui ou non, sa femme en avait aussi mangé. Ce n'est que devait le regard révulsé de Tansei et ses bégaiement négatifs que le visage soucieux de Fugu se relâche, ne laissant plus d’autre place qu’à une lassitude extrême. « Intoxication alimentaire. C’est le dixième cette semaine. »

Une partie d'elle semblait presque déçu d'avoir pu poser un diagnostique aussi vite, mais elle le camoufla bien vite et, repartant dans le capharnaüm de divers récipients médicinaux, réapparut avec un pot d'un étrange liquide ambré dont elle fit avaler un cuillère à son patient sans plus de cérémonie. Une poignée de minute plus tard, l’effet du médicament se révèle explosif. Le moribond, jusque-là plié en douze dans un recoin de son lit de malade, se redresse brutalement et se met à déguerpir en direction des toilettes comme s’il avait le diable au trousse, sous le regard médusé de Raion. Quittant du regard le malheureux bonhomme qui n’était visiblement pas au bout de ses peines, elle revint à sa tante qui observait le spectacle pathétique de ses aller-retours avec un œil sceptique, comme si elle procédait à une expérience quelconque dont elle seule connaissait les tenants et aboutissants. Au bout du troisième déplacement, Tansei renonça au confort de son matelas et s’enferma dans les toilettes, ne laissant plus que le son de ses vomissements comme seul indice de sa survie actuelle.
« Qu’est-ce que tu lui as donné pour qu’il soit dans cet état ?
- Du miel de rhododendron. Je voulais vérifier une théorie, mais je pense que je vais abandonner les recherches là. A la vitesse où il fait les aller-retours aux toilettes, il va vomir poison et organe. J’ai déjà bien assez mauvaise réputation pour ne pas en plus manquer de tuer quelqu’un qui s’est empoisonné tout seul. »

Une voix lointaine et mal en point s’échappe alors par l’entrebâillement de la porte du petit coin. Le presque déshydraté Tansei était encore suffisamment conscient de son environnement pour qu’un faible « Je croyais que c’était censé me soigner… » parviennent jusqu’aux oreilles de Fugu et Raion. Le ton, plaintif, fait lever un sourcil aux deux femmes qui se dévisageant un court instant, avant que le coin de leurs lèvres ne se retrousse de manière incontrôlable. La scène était ridicule, mais leur rappelait tant de souvenir de l’époque lointaine où la petite famille se trouvait encore à l’abri des plateaux verdoyants et fertiles d’Araka. L’auberge du clan, presque aussi grande que le bâtiment principal actuel du domaine, était alors bien moins luxueuse mais disposait d’une vue qui leur manquait depuis qu’ils avaient rejoint les rangs shinobi de Konoha.

Modestes et entourés de champ, la petite affaire ne tournait que grâce aux dizaines de petites mains des héritiers Kamiko, réunit pour bénéficier des enseignements que pouvaient leur offrir leurs ainés lorsque les clients ne les sollicitaient plus. Hôte le jour, ninja la nuit, Raion se souvenait avec nostalgie de ce temps révolu où elle avait pu se permettre d’être insouciante. Une nostalgie qui, parfois, aux faveurs de la solitude, se trouvait accompagnée de larme de regret étouffé, alors qu’elle reprenait son travail dans l’atelier. Son cousin, confident et garde-fou de l’époque lui manquait affreusement, n’ayant laissé derrière lui qu’un silence gigantesque et un trou béant que jamais la nouvelle chef de clan n’avait réussi à combler. Elle aurait aimé qu’il soit là, avec elles, mais ne pourraient jamais le lui avouer. Bientôt, c’est le contact, familier, de la main glacée de sa tante qui la ramène à la réalité.

Sans un mot, Fugu avait vu le regard curieux de sa nièce se voiler d’une mélancolie presque coutumière lorsqu’elle venait lui rendre visite. L’albinos savait qu’elle n’en était pas la cause, mais n’avait encore jamais réussi à faire admettre à cette têtue de grande brune qu’il était peut-être temps de le laisser aller. Longtemps, elle avait pensé que le temps ferait son œuvre, encouragé par le caractère bien trempé de Raion, sous-estimant à tort la profondeur de la relation qu’elle entretenait avec son cousin Kensaï. En les voyant grandir tous les deux, séparés, elle avait dû se résoudre à l’évidence même que jamais, au grand jamais, la petite intendante ne pourrait réparer ce que Kooruten et Bakko avait veillé à briser. L’ambition de son frère n’était pas un secret au sein du clan, mais était-il vraiment nécessaire d’y mêler son fils unique ? Le devoir d’un parent n’était-il pas de veiller au bonheur de ses enfants ?

C’était l’éternel question qui trottait toujours dans l’esprit de Fugu, à chaque fois qu’elle posait son regard sur le duo de choc qui lui avait mené la vie dure quelques années plus tôt. A bien y repenser, il lui arrivait parfois d’avoir le cœur serré pour eux, de savoir que l’un ne pourrait jamais pardonner la réussite involontaire de l’autre, bien trop obnubilée par cette fausse sensation de voir une blatte grimper sur le trône qui devait être sien. De cette haine inféconde, ne résultait plus que la séparation dramatique et vaine de deux cœurs qui s’aimaient profondément.

La main de Fugu se referme sur la joue de sa nièce, dans une caresse presque maternelle. Elle qui avait élevé chacun des magnifiques prodiges que comptait la génération de la grande brune qui lui faisait face, en était réduite à devoir jouer les arbitres silencieux d’une situation causée par une sycophante décédée depuis près de sept ans maintenant. Un long soupir franchit ses lèvres peintes en rouge carmin, alors que la main retombe en même temps que renait un semblant d’étincelle de volonté au fond des yeux d’acier de Raion. Sa divagation semblait terminée et la jeune femme se ressemblait maintenant à nouveau, ce qui ne pouvait signifier qu'une chose...
« Je suppose que tu n’es pas là juste pour le plaisir d'aider ton prochain, ni de voir ta vieille tantine hein ? » Un sourire coupable s’affiche sur les traits fins de la brunette, arrachant un nouveau soupir à son ainée. « Alors qu’est-ce que je peux faire pour ma nièce préférée ?
- Tu te souviens, quand tu nous disais qu’il existait une technique pour infuser son chakra et son élément primaire dans une arme ?
- Plutôt bien, on s’en sers pour découper les cadavres à la morgue. Une aubaine que l’affinité futon soit aussi pratique d’ailleurs, parce que vraiment transporter un homme entier sans carriole c’est … »

L’intendante l’arrête d’un geste, arrachant un sourire amusé à sa tante. Elle prenait souvent un malin plaisir à farcir leur discussion de détails, sachant pertinemment que la jeune femme l’écoutait avec attention, malgré son apparente nonchalance. Se redressant de sa table d’examen, Fugu s’étire longuement en faisant craquer son dos endolori par la position assise. Pourquoi diable avait-il fallut qu’on se redresse au cours de l’évolution déjà ?
« Foutu impératif biologique de la course. » Murmure-t-elle pour elle-même avant de se retourner vers le plan de travail où elle avait abandonné son antipoison en court de préparation. « Laisse-moi le temps de régler notre petit soucis d’intoxication alimentaire et on se retrouve dehors pour les choses sérieuses, ok ? »

Délaissant sa tante, la plus jeune Kamiko présente dans la pièce se dirige vers la sortie, le seul son chantant de la voix de l’albinos annonçant l’arrivée providentielle du vrai remède. Pourtant, nul doute qu’avec la réponse du pauvre Tansei, rien que la promesse d’avaler une nouvelle mixture inconnue sortant tout droit des fourneaux de Fugu avait un effet placebo bien plus puissant que n’importe quel médicament. Alors que Raion ouvrait la porte, la silhouette de son secrétaire apparait dans son dos. Ni une ni deux, il s’engouffre dans l’ouverture que lui tenait malgré elle la jeune femme et déguerpit aussi vite que le lui permettait son pauvre corps meurtri par une bonne heure passée à vomir tripes et boyaux. Leur tante, totalement bouche-bée de voir son patient s’enfuir comme un malpropre, n’a que le temps de laisser échapper sa réprobation alors que Tansei disparait bientôt dans l’allée en claudiquant pitoyablement.
« Mais quel pangolin celui-là je rêve ! A qui vais-je donner ça moi maintenant ? »

Il est vrai qu’avancer à demi-courbé en se tenant l’estomac comme une âme en peine était compliqué mais le secrétaire semblait visiblement bien plus motivé à l’idée de mourir en paix chez lui plutôt que de rester une seconde de plus à subir la médecine expérimentale de son ainée. Raion, elle, ne peut plus que laisser échapper un éclat de rire monumental devant l’air courroucé d’une Fugu totalement en tort dans cette histoire.

*
« Dois-je te refaire un cours détaillé sur la nature du chakra ?
- Je pense que je m’en passerais, tatie. » Devant le haussement de sourcil dubitatif de l’albinos, Raion ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel. Décidément, elle aimait vraiment beaucoup étaler sa science. Peut-être même un peu trop à son goût. Après quelques seconde d’un silence gênant sous le regard inquisiteur de sa tante, la brune cède. « Si ça te fait plaisir.
- Je savais que tu en avais besoin. Alors, comme tu le sais, le …. »


Le sourire triomphant de la doctoresse se perd bientôt dans le flux ininterrompu de son exposé théorique sur le chakra dans son ensemble. Il ne lui fallut qu’à peine deux minutes pour commencer à divaguer sur les origines inconnues de celui-ci, après en avoir brièvement dépeint les cinq natures principales et les entrecroisements possibles. Totalement absorbée par ce qu’elle récitait, elle ne remarque qu’à peine la mine dépitée de la chef de clan qui regrette déjà amèrement sa gentillesse, alors qu’elle saisit l’un des papiers qu’on lui a mis à disposition. Le geste la ramenait des années plus tôt, lorsque ses premières leçons de kunoichi avaient commencé, sous la houlette paisible de sa grand-mère Ito. La vieille dame, toujours neutre, avait pourtant un timbre de voix chaleureux qui avait mis à l’aise très vite les enfants impressionnés par la présence de l’épouse du fondateur du clan. Le respect et la crainte s’était alors bien vite mu en un véritable flot de douceur et de gentillesse, bercé par une femme qui regrettait manifestement de ne pas pouvoir être disponible plus souvent.

Un vague air gai allume doucement le visage de Raion, tandis qu’elle frotte ses doigts contre la feuille d’évaluation. Elle hésite un court instant, le regard fixé sur le petit carré de papier de riz, soudainement incertaine de la marche à suivre. Comment devait-elle faire, déjà, pour parvenir à le froisser sans bouger ?

*
« Billevesée. »

La voix tonitruante de la vieille Ito anime la pièce déjà bien bruyante de la petite dizaine d’enfant qui s’y trouve. Le mot retentit encore, faisant rire certain d’entre par sa sonorité un peu étrange, alors que d’autre tentait de le répéter sur le même ton que leur grand-mère, espérant amuser la galerie et se démarquer un peu. Pourtant, une seule élève parmi ce joyeux bazar ne semble pas d’humeur à prendre part à l’amusement. Honteuse, la tête basse, une petite fille brune aux cheveux courts tortille nerveusement l’ourlet de sa robe, alors que la chef de clan la dévisage d’un œil dubitatif, elle et le résultat de son exercice. Le carré blanc froissé reposant dans la main d’Ito s’envole, avant de retomber habilement dans la corbeille, tandis qu’elle en saisit un neuf pour le tendre à sa petite fille.
« Recommence Raion, je te regarde. »

Boudeuse, la gamine s’empare du bout de chanvre et se laisse tomber sur son petit postérieur. La moue réprobatrice de sa grand-mère se reflète sur son petit visage de bambin, alors qu’elle fronce les sourcils au fur et à mesure qu’elle se concentre sur l’effort demandé. Elle n’avait pas triché, d’abord, qu’est-ce qu’elle y pouvait si son papier à elle ne tombait pas en morceau comme celui des autres ? En plus, celui de cette peste de Kaeru s’était non seulement désagrégé mais, en plus, il l’avait fait en s’effilochant comme une vraie technique du Kireji. Elle avait même vu la vioque lui faire un sourire fier lorsqu’elle était passé regarder ! L’injustice criante et la motivation égoïste de faire mieux que sa cousine parvinrent assez vite à rendre assez de carburant à l’esprit de l’enfant de dix ans, qui mobilise enfin son chakra dans le témoin qu’on venait de lui rendre. Sous le regard sceptique d’Ito, le papier se froisse une nouvelle fois, confirmant le premier résultat.
« Raiton. Comme ton père. »

Quelques « Oooh » impressionnés et des soupirs contrariés s’échappèrent çà et là de la classe, alors que la vieille dame faisait signe à la petite Raion de retourner s’assoir avec ses cousins. Trainant des pieds, elle se glisse à sa place et se met à bouder, contrariée de ne pas avoir eu ne serait-ce qu’une félicitation de leur professeur. Pourquoi était-elle toujours plus dure avec elle ? Mamie n’aimait pas Papa, peut-être. Elle les entendait souvent se disputer, tard le soir, quand ils pensaient qu’elle dormait. Mais quand même, elle n’était pas responsable, elle !

« Hey Raion ! Raion ! » Secouée par de petites mains, la brune tourne son visage grincheux vers le visage tout rond et surmonté d’une espèce de poireau blanc en pétard de son voisin. Son cousin, Kensaï, agitait devant elle son petit papier à lui, tout fier de son résultat. « T’as vu, moi non plus, il n’est pas Doton. Encore une fois la preuve qu’on est plus fort que les autres ! »


La tentative de réconfort, un peu maladroite, arrache un haussement de sourcil perplexe à la petite fille, qui finit par râler alors que son cousin continue à la secouer comme un prunier. Déridée, malgré qu’elle ne soit pas de meilleure humeur, elle se laisse emporter par la fierté étrange du gamin et célèbre bientôt avec lui, leur sacro-sainte différence sous le regard bienfaiteur d’une grand-mère fière de voir ses petits-enfants heureux. De la totalité de classe, il n’y avait que trois anomalies au milieu de l’omniprésence héréditaire d’un Doton que le clan chérissait avec amour. Il ne serait donc que trois, à ne pas profiter des cours de maitrise de leur affinité, faute de professeur disponible, leur laissant bien assez de temps pour faire ce que Raion détestait par-dessus tout : la cuisine.

Technique à apprendre:
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« Tu as cessé d’écouter au moment le plus important. »

La voix douce et mielleuse de Fugu résonne, rendue amère par la constatation déçu de voir son élève décrocher de son passionnant sujet. Plongée dans ses souvenirs, la Kamiko n’avait pas entendu sa tante cesser de parler, pas plus qu’elle ne s’était aperçu que cette dernière la dévisageait déjà depuis une bonne minute. Elle n’avait pas non plus réalisé l’utilisation de son chakra, dont la quantité avait non seulement bien froissé le papier mais aussi légèrement tracés quelques zébrures noires brûlées. Quittant sa catastrophe des yeux, la grande brune finit par reconsidérer son environnement avec un regard neuf, encouragé par le son familier d’un pied impatient martelant le sol. Sa tante, toujours debout, l’attendait, adossée à l’un des murs parcourus de lierre de sa charmante demeure, face à l’espèce de table de jardinage que Raion avait transformé en siège pour l’occasion. Les deux femmes se toisent et, après un instant de flottement pour repousser les quelques restes de sa réminiscence, la brune finit par briser le silence.
« J’imagine que manifester mon chakra était plus dur que ce que je pensais. »

Son sourire ironique fait soupirer de désespoir son mentor, qui se laisse tomber face à elle en attrapant une des bobines de fils qu’elle portait à sa ceinture. L’objet tourne et retourne dans ses mains, signe que Tante Fugu réfléchissait, avant de finalement les quitter pour s’envoler jusqu’à la jeune créatrice.
« Si tu commences déjà à patiner dans la semoule, c’est qu’il te faut plus de motivation ma cocotte. »

Une grimace accueille le tacle mérité, bien plus pour le surnom que pour la douce vengeance de la médecin. Cette dernière quitte le mur, faisant onduler derrière elle sa longue chevelure ivoirine, et sans crier gare, se met à marcher vers l’allée qui ramène les visiteurs vers le centre du domaine. L’entrainement était-il déjà fini ? Raion avait-elle abusé un peu trop de la gentillesse de sa tantine ? Un instant, la brune envisage de se lever pour la rattraper mais y renonce, lorsqu’elle la voit lever une main en l’air.
« Bouge pas de là, on va régler ça. »

Un au revoir factice, sur un ton goguenard, qui lui rappelait tant son père, par certain aspect. Parfois, Raion oubliait que Fugu, malgré sa trentaine discrète, était bien la sœur de son frère. Alors que la silhouette vêtue de rouge finit par disparaitre derrière les allées fleuries, la brune se demande si qui pourrait bien mal se passer, dans cette promesse implicite de vengeance à venir. Allait-elle chercher quelque chose ?  Non, sinon elle aurait disparu dans la petite maison en bois lézardées par les plantes. Quelqu’un alors ? Qui ? Sans raison, le cœur de la jeune femme se met à battre, alors qu’une fois de plus ses pensées s’envolent vers quelqu’un d’autre. La petite frimousse de ses deux élèves flotte quelques secondes au fond de ses pensées, avant qu’elle n’écarte cette possibilité avec un demi-sourire. Aucune chance que sa tante soit parti les chercher, faute de les connaitre, même si l’idée de voir ses compagnons la houspiller un peu ne lui déplaisait pas. Elle ne pouvait pas, sans arrêt, leur parler d’esprit d’équipe et s’y soustraire en permanence. Pensivement, la jeune femme fait tourner le fuseau qu’on lui a confié, apaisée. Une prochaine fois, promis, elle irait taquiner un peu les deux chunins, pour leur plus grand déplaisir. Pour l’heure, il était question de savoir pourquoi elle avait besoin de fil et, surtout, de quelqu’un d’autre que sa tante pour l’exercice.

La réponse ne tarda pas à lui parvenir sous la forme, déplaisante d’une seconde silhouette marchant sur les talons d’une Fugu à l’aura satisfaite. Petite et rousse, la jeune femme qui la suivait arborait un air dépité qui ne s’éclipsait que de temps à autre, lorsque l’oiseau qu’elle avait sur l’épaule décidait de remuer un peu. Il fallut à Raion le temps que ses deux compagnes d’entrainement arrivent pour finalement réaliser qui était l’espèce de puce rouquine et son horrible créature à plume. Kaede, maintenant devant la raison de sa venue, ne peut s’empêcher de renifler d’indignation lorsque leurs yeux croisent. Pupilles vertes contre grises, les deux femmes se toisent en chien de faïence, la rancune de leurs jeunes années réapparaissant soudain dans les airs.
« De toute les personnes disponibles, il a fallu que tu la ramènes elle ?
- Je suis aussi ravie de te voir, ô grande intendante et chef du clan Kamiko. »

La raillerie fait lever les yeux aux ciels à Raion, qui cesse de jouer avec l’objet qu’on lui a confié. Par tous les kamis, qu’est-ce qu’elle ne donnerait pas pour lui envoyer à la figure ! L’outrage aurait pu s’arrêter là si le perroquet, qui ornait l’épaule de la nouvelle arrivante n’avait pas rajouté son grain de sel. Caquetant fièrement le début de sa phrase, il avait cru bon de ponctuer, de temps à autre par ce que la lionne de Konoha imaginait être son prénom.
« Geronimo ? Pour un perroquet ? Tu n’as pas peur de tomber dans les clichés, cousine ?
- Si j’avais vraiment voulu la jouer ringarde, il s’appellerait Sacrebleu ou Raion. Mais nous ne sommes pas là pour parler de mes talents. J’ai entendu dire qu’on avait besoin d’un petit remorquage de dernière minutes sur les bases, madame parfaite ? Moi qui pensait que le prodige des Kamiko n’avait besoin de rien ni personne pour progresser, je suis surprise. »

L’oiseau de malheur scande la fin de la tirade vaniteuse de sa maitresse en répétant quelques un des mots qu’il venait d’entendre, ravi. Inconsciemment, la main libre de Raion se pose sur ses tempes, jugulant le début de migraine qui venait s’ajouter aux courbatures de la veille. Après le moribond à transporter vers l’abattoir, on venait de lui lâcher une harpie sur le dos. Mais fallait-il vraiment, en plus, qu’elle dispose d’un modèle réduit d’attaque ? Quel enfer. Elle aurait peut-être dû rester couchée, finalement. Alors que Kaeru continuait de fanfaronner sur les défauts de la jeune femme à qui voulait l’entendre, la brune se met à soupirer. Pourquoi les mécontents ne pouvaient pas juste rester silencieux et simplement respecter la décision du clan, plutôt que de lui en tenir rigueur à elle ? La situation était d’autant plus navrante que jamais, au grand jamais, Raion n’avait voulu le poste que son père lui avait jeté au visage devant témoin. La punition de ce jour maudit n’aurait pas pu s’arrêter là, non, il fallait que les gens jasent. Qu’ils s’en mêlent, qu’ils expriment une opinion parce que leur avis devait prévaloir sur celui de leur cousin. De cet égoïsme crasse et de l’ambition mal placé de la rousse, la jeune femme ne trouve rien de mieux à faire que de refuser de l’écouter et de lui tendre l’autre extrémité du fil qu’elle tenait, l’air las.
« Plus vite tu attrapes ça, plus vite on est débarrassé l’une de l’autre.
- Osé pour une personne incapable de réussir seule.
- J’aurais aimé ajouter une close pour te la faire fermer à ce fantastique deal, mais j’ai bien peur de n’avoir ce plaisir immense que pour tes funérailles.
- FUNERAAAAAAAAAAAAILLES. FUNERAAAAAAILLLLLLES.
- Maintenant par pitié, attrape ça, qu’on en finisse. »

Le fil de soie tendu entre les deux cousines s’alourdit presque aussitôt dans leur main, à mesure que la jolie petite rousse y infusait progressivement son chakra sous le regard de Raion. Bientôt, l’aura parfaitement calme de Kaeru envahit totalement la totalité de la bobine et, visiblement satisfaite, cette dernière ne trouve rien de mieux à faire qu’ouvrir son clapet.
« Vas-y, fais mieux que ça le génie. »

Elle la provoque, un sourire triomphant aux lèvres. Forte de son expérience personnelle, elle savait que le menu service que lui avait demandé leur tante prendrait quelques jours. De quoi lui permettre d’alimenter les potins de son salon de thé pour au moins un bon mois. Après tout, la si fière intendante et chef du clan Kamiko en difficulté sur une technique aussi basique de maitrise du chakra avait quelque chose d’infiniment risible. Raion, elle, était concentrée sur ce nouveau fil qui se tendait entre elle. Plus lourd, il avait cette sensation presque métallique au toucher sans en avoir l’aspect visuel, ce qui la perturbait bien plus qu’elle ne l’aurait voulu. La même technique que sa tante, donc, mais en Doton. Elle savait que le futon tranchant, le katon brulait et sans doute que le suiton devait mouiller. Mais que ferait le Raiton ?
« Finalement, on dirait que tu sais faire des choses utiles, Kaeru. Ça me surprendrait presque.
- Mesdames, quitte à vous crêper le chignon, faites-le utilement : pariez.
- Bien. Combien de temps as-tu mis pour maitriser ça ?
- Que de la gueule, comme d’habitude. Et si tu faisais vraiment preuve de talent, pour changer ?
- Je pense que tu as un sérieux soucis d’audition, cousine. Je t’ai demandé combien de …
- QUE DE LA GUEUUUUUULE ! QUE DE LA GUEUUUUULEEE !
- Quatre jours. »

Les yeux semi clos, un sourire de condescendance amusée ouvertement affiché, Raion dévisage la rouquine, bien décidée à en découdre. Il était hors de question qu’elle doive quoi que ce soit, à qui que ce soit. Le dernier service du genre lui avait déjà bien trop couté. Raffermissant sa prise sur le minuscule filament de soie, elle tente, une fois de plus, de se rappeler comment elle avait réussi à utiliser son chakra sur la feuille. Au bout d’une bonne heure d’essais infructueux, elle finit par obtenir, au bout de ses doigts, une faible étincelle dont le son de tonnerre la fait sursauter presque aussi haut que Kaeru. D’abord surprise, elle finit par se concentrer sur la sensation, créant aussitôt une deuxième étincelle qui vint briser brièvement le flux de chakra adverse, avant de s’envoler presque aussi vite que la première, sous le ricanement satisfait de son insupportable cousine. La route allait être longue, si longue, mais la perspective de se débarrasser d’une enquiquineuse de première était si douce aux oreilles de l’intendante qu’elle ne pouvait, décemment, pas lâcher l’affaire. Elle gagnerait ce fichu pari, juste pour le plaisir d’enfin être meilleure que la petite chouchoute de sa vieille peau de grand-mère.

*

Grignotant millimètre par millimètre le contrôle parfait de sa cousine, Raion redoublait d’effort pour que le Raiton prenne le pas sur le reste. Brisé, sectionné, le fil avait été remplacé plusieurs fois, allongé au fur et à mesure des progrès de la brune, malgré les railleries adverses. La persévérance et l’ego en carburant, les deux Kamiko se défièrent journées durant, jusqu’à ce que, au terme d’une douloureuse semaine de travail, l’entrainement prenne fin. Dépitée d’avoir échouer, la lionne jette son outil de travail au sol en grognant, alors que le visage satisfait de Kaeru couvre sa mauvaise humeur d’une chape de confiance en elle fraichement acquise. Fugu n’était plus là pour arbitrer, appelée au chevet d’un patient quelconque après s’être assurée que ses deux nièces n’en viendraient pas aux mains en son absence. Il ne restait donc que la petite rousse aux cheveux courts et son maudit perroquet pour profiter d’une victoire durement acquise, en exigeant enfin son dû.
« Admet que je suis meilleure que toi. »

Alors qu’elle se relevait pour épousseter sa robe, Raion suspend son jette pour dévisager sa cousine, confuse. Depuis quand Kaeru avait-elle besoin d’entendre à quel point elle était douée ? Interdite, le regard d’acier de la jeune femme passe d’une personne à l’autre, attendant la chute de ce qu’elle pensait être une blague, jusqu’à ce qu’elle voit la détermination étrange qui brillait au fond des deux émeraudes qui soutenait son vis-à-vis. L’incompréhension peinte sur le visage de la brune semble déplaire à sa compagne d’entrainement qui reprend, saisissant le bec de son animal de compagnie pour qu’il cesse de répéter ce qu’elle disait.
« Pas une seule fois grand-mère n’a cessé de te mener la vie dure, alors qu’elle posait à peine ses yeux sur nous et tu crois encore que tu n’es pas privilégiée ? » La révélation parait injuste à la Kamiko mais sa cousine ne lui laisse pas le temps de répliquer. « Depuis que tu es née, depuis les premières classes, toute notre génération savait que tu serais la prochaine. Pourtant tout le monde s’est entrainé pour avoir une chance d’être à ta place. » Elle haussait le ton, graduellement, alors que l’émotion s’emparait de la petite femme dont le visage commençait peu à peu à rejoindre la teinte chaleureuse de sa tignasse en bataille. « Et nous en sommes là, à avoir la chef de clan la plus discutable qu’on ait jamais eu à l’unanimité. Si encore tu avais eu une seule once d’intérêt pour le poste, mais non, tu nous fais un caprice. Gnia gnia gnia je ne veux pas être chef de clan, gnia gnia gnia vous m’embêtez avec vos requêtes… » Si Raion ne s’était pas attendue à ça, les larmes qui commençait à embuer les jolis yeux verts de sa cousine donnait à cette engueulade un étrange goût doux amère qui l’agaçait grandement. « As-tu pensé, un seul instant, à tous les efforts que nous avons fait dans l’espoir d’être à TA place ? »


Non. Elle n’y avait jamais pensé parce qu’elle n’avait, effectivement, jamais voulu le rôle. Elle l’aurait même volontiers offert à la petite furie devant elle mais les coutumes du clan les en empêchait. Bien pire encore, une unique raison l’empêchait réellement de balancer ses responsabilités au placard. Elle était habituée à faire tourner une partie de la maison en chef de branche, mais cela ne lui donnait qu’une infime partie de ce qui la faisait vibrer, au-delà de ses devoirs de kunoichi. Chasser du ninja était grisant, mais incomparable avec la sensation d’extase qu’elle éprouvait à nouer des partenariats. Renoncer à sa place de chef, c’était renoncer à son plan de toujours, d’emmener son art jusqu’à devenir l’unique fournisseur du Sekai entier. C’était aussi renoncer à Shirokuma et à la paix qu’ils étaient en train de tisser entre leurs deux villages, la première étape de ce fameux plan à l’assaut du monde dont elle avait tant rêvé.

La rancune de Kaeru lui était familière, pour la nourrir elle-même contre son clan qui avait suivi la décision de son père sans même le remettre en question. Mais l’avait-il vraiment préparé à sa succession, sans qu’elle le sache ? Oui, Ito n’avait jamais fait preuve de gentillesse envers elle, mais était-ce vraiment une preuve de sa « préparation » à la place qu’elle occupait aujourd’hui ? A cheval entre le déni et la considération d’arguments sonnant étrangement juste, Raion ne peut qu’assister sans rien dire au déferlement de colère dont on l’apostrophe, son visage rendu indéchiffrable par la réflexion. Le culot de la jeune femme lui paraissait odieux, de l’accuser d’avoir eu la vie facile, alors que pas une seule fois elle n’avait été considéré comme elle-même. La fille de Kenta devait être parfaite, n’avait pas besoin d’aide, devait faire mieux que les autres, parce qu’elle était la fille du chef. Toute sa vie, elle serait chevillée au corps par les attentes de tous et devrait les porter aussi haut que les siennes, quitte à les faire passer au second plan. Et elle était égoïste ? Elle se complaisait dans sa souffrance ?

Alors qu’elle repartait dans une nouvelle tirade, reprenant brièvement son souffle entre deux hurlements, la petite Kaeru était devenu rouge tomate. A l’instant même où elle ouvrit la bouche pour étaler un peu plus sa frustration, la main de Raion quitte son côté et s’envole à vive allure avant de s’immobiliser près de sa joue opposée. Du geste, il ne resta dans l’air que le son de la claque dantesque qu’elle venait d’assénée à son propre sang.
« Calmée ? » Le ton était froid, presque tranchant. Suffisamment pour dissuader la plaignante de recommencer. « Tu es plus forte que moi, félicitation, Kearu. »

Les larmes aux yeux, la rousse ne semble pourtant aucunement satisfaite par les mots qu’elle venait d’arracher à celle qu’elle prenait pour une rivale injuste. Elle qui en avait rêvé à de nombreuse reprise, ne pouvait que savourer des mots qu’elle trouvait vide et incomplet. Devant elle, il n’y avait rien d’autre que l’image traditionnelle de Raion dans toute la splendeur de son caractère de cochon et de son manque de tact pathologique. Geronimo, interdit, avait lui aussi cessé de chantonner qu’il était « plus fort que toi » et jetait un regard mauvais sur la brune qui venait de frapper sa petite maitresse.
« Je ne sais pas ce que tu as pu te dire pour te monter la tête, mais tu as plus de talent que moi et tu le sais. » Cette fois-ci, la jeune tête du clan fait mouche. La bouche de Kaeru s’ouvre puis se ferme de manière incontrôlable, alors qu’elle cherche quoi répondre à ce compliment inattendu et inespéré. « Ce n’est pas parce que tu ne l’as jamais vu que je n’ai pas passé mes nuits à m’entrainer pour maitriser les techniques que tu apprenais en moitié moins de temps. Alors éduquée pour devenir chef ? Ne me fait pas rire. Personne ne m’a « éduquée ». On m’a donné les mêmes bases que les tiennes et j’ai dû me débrouiller seule, puisque j’étais la fille de Kenta l’araignée loup. Après tout, avec un génie de terrain comme le sien, sa fille ne peut qu’être pareil non ? » Cette fois, Raion abandonne sa posture neutre, ouvrant bien grand les bras pour accompagner son ton railleur. « Et bien surprise ! Le fameux génie que tu jalouses n’existe pas. C’est une chimère que tout le monde m’a construit et à laquelle j’ai dû me plier jusqu’à ce que plus personne n’attend quelque chose. Père et Grand-mère n’ont pas fait de moi la chef du clan qu’ils ont toujours voulu, c’est les Kamiko qui m’ont choisi avant même de le savoir. »

Dévisageant la silhouette de la si sûre d'elle Kaeru en train de se recroqueviller sous sa mauvaise humeur, la brune ne peut s'empêcher de combler l'espace entre elle. La surplombant de leur vingt centimètres de différence, jusqu'à presque la toucher, elle reprend sa tirade où elle l'avait laissée.
« Alors oui Kaeru, je suis meilleure que toi. Et bien plus encore, parce que c’est mon devoir. Mais toi tu as le talent inné que j’ai dû vous faire croire en dissimulant mes heures de travail pour atteindre ne serait-ce qu’un centième de ce qu’on espérait que je fasse. Le résultat avant la méthode, pour peu que je sois ce qu’on attendait de la digne fille de l’héritier d’Engen. »

Un rire amère s'échappe des lèvres la jeune femme. Elle n'éprouvait aucun plaisir à répondre à sa cousine, mais le devait, ne serait-ce que par principe. Elle était Raion Kamiko, la prédestinée au rôle de chef de clan. Il était hors de question qu'elle se laisse marcher sur les pieds, peut importe qu'elle ait tort ou raison.
« Maintenant dis-moi, cousine, est-ce que tu es soulagée ? Ton ego est-il plus solide, puisque je t’ai dit que tu as du talent et pas moi ? » Un hideux sourire ironique barre le visage de la brune alors qu’elle se penche à hauteur de sa parente. « Qui de nous deux est vraiment la plus égoïste ? Moi j’ai bien une petite idée sur la question. »

Elle plante alors la jeune femme sur place, abandonnant le matériel d’entrainement derrière elle. Raion savait, en commençant son long monologue, que c’était la bonne chose à faire en tant que chef, mais pas en tant que famille. Elle venait, volontairement, de remettre une couche d’essence sur un feu déjà nourri, avec l’espoir que ça ferait réfléchir le feu avant qu’il n’ait tout consumé. Mais que pouvait-elle faire d’autre que faire réaliser à Kaeru que sa colère était absurde ? Expliquer, sans doute. Confronter, même, et c’était ce qu’elle avait fait quelque part mais le reste était au-dessus de ses forces. Elle ne pouvait pas penser à sa place, ni la forcer à voir les choses de son point de vue à elle. Egoïste. Geronimo piaillait dans son dos, répétant le mot comme une insulte, lui arrachant un sourire moqueur. Oh ça oui, elle l’était, de bien des manières, et elle n’avait jamais eu l’audace de s’en cacher. Elle épouserait un homme qu’elle aimait, elle réussirait ses plans de conquête commerciale du Sekai, elle tirerait les Kamiko vers de nouveaux horizons, jusque-là inespéré. Et si c’était cet égoïsme-là qui rebutait tant les siens, il faudrait qu’ils s’y fassent, parce qu’elle comptait bien les enterrer tous.


Technique à apprendre:
Lutèce Factory, Copyright
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Acte II -  Infestation