C’est l’odeur, délicieuse, du petit déjeuner qui tire Raion d’un sommeil bien mérité. Encore courbaturée d’avoir passé de longues heures assise en lotus, la jeune femme s’étire, chassant les derniers morceaux de rêves qui hantaient encore son esprit endormi. Roulant dans la couverture, elle fait volteface pour enfoncer sa tête dans l’oreiller avant d’envisager, seulement, de quitter son lit. Depuis combien de temps n’avait-elle pas pu prendre un peu de temps pour elle ? Etouffant un bâillement dans son coussin, elle lève à peine les yeux lorsqu’elle entend la porte coulissante de sa chambre s’ouvrir en grand.
« MA PETITE CREVEEEEEETTE. »
La tête, familière, de l’homme qui dépassait de l’ouverture, rendait le surnom bien plus gênant. De ses soixante-ans environ, une barbe de trois jours agrémentant son sourire hilare et la lueur amusée qui brillait dans sa prunelle sombre, Kenta Kamiko venait de faire son apparition. Les cheveux encore libre et l’absence de son traditionnel cache-œil gauche lui donnait cet air de chien fou pour lequel il était si célèbre depuis la guerre. Pourtant, plié en deux comme il l’était dans l’embrasure de la porte, habillé de son éternel kimono d’un violet
zinzolin flashy, il était loin, bien loin, de celui qu’on avait appelé l’araignée loup. Raion, elle n’avait jamais connu qu’un aspect bien plus simple de ce père héros de guerre, lorsqu’il n’était pas dévoré par la tristesse d’avoir perdu son épouse plus tôt que prévu.
« Arrête ça, tout le monde sait que tu le fais exprès.
- Le faire exprès ne rend pas l’expérience moins amusante, ma colombe. »
Grommelant, la jeune femme repousse ses draps et lui envoie son oreiller dans la figure, dans l’espoir vain qu’il cesse ses pitreries. Elle se relève lascivement, tandis que son envahisseur indésirable s’éclipse en riant à gorge déployée, satisfait de l’humour bancal dont il avait fait, depuis quelques temps, son nouveau
sacerdoce. L’inoccupation dont il faisait preuve, maintenant qu’il embrassait la retraite, le rendait bien plus taquin qu’il ne l’avait jamais été au cours de toute sa vie mais la Kamiko avouait volontiers préférés qu’il lui court sur le haricot de la sorte, plutôt qu’il reste enfermé dans son cafard toute la journée. Alors qu’elle s’extirpe enfin de sa chambre, les
vapeurs de cuisine s’empare de son odorat, avec bien plus de force qu’auparavant, faisant monter l’eau à la bouche de la jeune femme. Les pains à la viande qui l’attendaient sagement sur la table étaient, de très loin, ses préférés et elle fut agréablement surprise de constater la présence de la dernière théière en bon état à leurs côtés. Il s’était sans doute levé à l’aube, sans pouvoir réussir à fermer l’œil le connaissant mais il était rare qu’il se dédie à autre chose que trainer et dépenser ses ryos dans divers magasins de pâtisseries et autre salon de thé. Quelque chose devait sans doute le tracasser.
« Les cauchemars sont revenus ?
- Nope.
- Tu as été voir maman ce matin alors ?
- Non plus.
- Ne va pas me faire croire que tu as fait tout ça parce que tu avais envie de me faire plaisir.
- Il est possible que si. Et que ça n’ait même rien à voir avec le petit post-it que j’ai vu en rentrant à propos d’un entrainement en famille. Ca fait si longtemps que je n’ai pas passé de temps avec ma petite salamandre, autant fêter ça !
- Dit le père à l’origine de la fonte drastique de mon temps libre. »
La remarque, cinglante, arrache un sourire affable à son géniteur. La rancune tenace de sa fille n’aurait guère dû le surprendre mais il avait espéré que son mauvais caractère resterait tempéré par l’heure matinale. Un plan visiblement foireux, au vue du résultat, alors que la brune s’empare d’une des brioches fourrées pour y faire disparaitre une partie de sa mine vexée. Peut-être aurait-il dû attendre encore, avant de lui passer le flambeau. Pourtant, maintenant qu’elle s’était emparée du poste d’intendante, Kenta n’avait jamais été aussi sûr et aussi fier de son choix. Non contente d’avoir lancée une nouvelle dynamique à l’intérieur de son propre clan, elle avait saisi, au nez et à la barbe des plus anciennes familles ninjas du village, l’un des rôles les plus importants. Un exploit dont les Kamiko se souviendront sans doute longtemps, même si Raion n’était pas encore en mesure de s’en rendre compte, et sans doute l’un des nombreux qu’elle allait accomplir au cours de sa vie. Il n’avait jamais eu l’occasion de le lui dire mais, à chaque fois que son regard se posait sur l’ombrageuse brune qu’était sa toute petite fille, la fierté qui l’étreignait manquait parfois de lui faire verser quelques larmes.
Saisissant la théière devant elle, la jeune lionne de Konoha ignore le regard indescriptible de son père et se sert une longue rasade du liquide sombre qu’il avait préparé ce matin. Elle hésite, une poignée de seconde, humant l’odeur de sa boisson avant de la vider d’un trait pour finir de faire passer la seconde brioche qu’elle venait d’avaler presque entière. Reposant le récipient sur la table, elle ne réprime plus sa grimace d’écœurement.
« De tous les bons thés qu’on possède, tu as préféré du maté trop infusé ?
- Vu le nombre drastique de nuit courte que tu fais en ce moment, je me suis dit que tu avais besoin d’un petit excitant. Quelque chose de suffisamment fort pour le corps et l’esprit.
- Fugu n’avait pas dit dans un de ces courts que ça aidait à réguler la digestion et les douleurs chroniques ?
- Mais c’est que ma toute petite écoute en classe en plus ? Quel bonheur de voir ma petite pimprenelle être aussi …
- Arrête ton pipeau un peu. Dis-moi juste à quel point tu veux faire de mon lendemain un cauchemar, pour justifier un médicament pour les rhumatismes et les maux de tête.
- Rien d’offensif pour aujourd’hui, c’est une technique de bouclier. »
Immédiatement, Raion cesse de s’empiffrer, reposant la quatrième brioche à la viande dans l’assiette où elle l’avait prise avant de se resservir du thé médicinal. Rien d’offensif
pour elle, oui. Pour lui, ça allait être une autre histoire, pensa-t-elle en avisant du sabre fraichement entretenu de la matinée qui les attendait sagement, sur le pas de la porte qu’elle pouvait apercevoir de là où elle se trouvait. Voilà, la vraie raison de son réveil si matinal. Soudainement, la chef du clan Kamiko regretta son post-it nocturne. L’entrainement promettait d’être bien plus frustrant que le précédent.
*
Le repas le plus important de la journée conclue, père et fille s’éclipsèrent de la demeure familiale, aux faveurs des premières lueurs d’un soleil ravi d’illuminer cette matinée qui s’annonçait chaude. Les deux Kamiko se dirigèrent, sans un bruit, vers l’esplanade d’entrainement qu’ils connaissaient à merveille, l’un pour en avoir demandé la conception, l’autre pour y avoir user ses premiers shurikens dès lors que son entrainement de genin au village avait commencé. Bordée par les arbres fruitiers, l’endroit avait davantage l’air d’une aire de repos que d’un véritable lieu dédié à l’apprentissage du combat ninja. Pourtant, les quelques mannequins d’entrainements, éparpillés çà et là, portait les stigmates indélébiles des talents de chacun des Kamiko qui foulait chaque jour le sol meuble de l’esplanade. Raion elle-même se souvenait avec nostalgie des quelques leçons que lui avait donné son père ici, malgré le nombre impressionnant de bleu, coupures et autres menus dégâts que pouvaient occasionner un coup de fourreau sur des doigts maladroits. L’affable Kenta, une fois sorti de son domaine naturel et remis face à la réalité des assassins qu’ils étaient, devenait d’une sévérité sans pareil dans les messages qu’il pouvait faire passer à un élève en échec.
Plus vite. Tu es mort.
Vise mieux. Tu es mort
Anticipe. Tu es mort.
Chaque ordre venait bien vite avec son châtiment, pour ponctuer l’affirmation qui la suivait. Comme un
charpentier perfectionniste, l’ancien chef du clan et de la branche terrain façonnait ces quelques disciples à la force de ses mains et de ses leçons parfois bien trop punitive, motivé par le seul espoir de les faire survivre en terrain hostile. Un enseignement rigoureux qui contrastait avec son air quotidien de
chapelier extravagant et qui, l’intendante devait bien l’avouer, lui avait sauvé la vie à de nombreuse reprise en situation critique, qu’elle en réprouve la méthode ou non.
« Alors ? Quelle est la technique d’aujourd’hui ? »
Le grand gaillard dévisage sa fille, plantée devant lui, l’air nonchalant malgré sa posture clairement intéressée. L’image de l’adulte qu’elle était, butée et boudeuse, lui arrache un sourire attendrit alors qu’elle hausse un sourcil devant son enthousiasme. Aussi, plutôt que de devoir justifier ce brusque changement dans son attitude, Kenta décide de montrer à son petit poussin ce pourquoi ils étaient précisément là. Sans même que ses mains ne semblent bouger, les bobines de fils qu’ils portaient à la ceinture se dévident et, dans un ballet complexe, entame un enroulage progressif mais minutieux de leur manipulateur. En l’espace de quelques secondes, le joli kimono zinzolin se retrouve décoré d’une armure de liens épaisses, dont la nature solide ne semble faire aucun doute à la seule observatrice de l’esplanade.
Cette dernière, délaissant l’envie impérieuse d‘asticoter son père, lui tourne autour en avisant pensivement de son ouvrage. Si pas un seul instant la chef de clan ne doutait du bien-fondé de la technique, la raison pour laquelle son père l’avait choisie, elle et pas une autre, lui échappait totalement. A quoi avait-il pu bien pensé en entretenant la lame de Kireru à l’aube ? La réponse, encore une fois, lui échappait, faute de réussir à se détacher de ce qu’elle avait sous les yeux. Le jutsu lui rappelait certaines techniques de tissage utilisée pour produire la flanelle, mais n’était, en définitive, qu’un enchevêtrement de fils serré destiné à servir … de bouclier ? Passant la main sur le tissu, Raion se demande quelle épaisseur est nécessaire et, surtout, si la nature du fils utilisé influence la solidité mais la texture, familière, de la soie la fait douter. Reculant de quelques pas après avoir satisfait sa curiosité, elle replonge son regard dans celui, patient, de son père, avant de croiser les bras sous sa poitrine. Kenta lui adresse un drôle de sourire et, sans bouger, l’enjoint à se mettre en position de tissage.
« On commence par la reproduction statique, après on passe à la mise en situation réelle. »
Une nouvelle splendide qui ne manque pas de faire lever les yeux de Raion vers le ciel, consciente que la « situation réelle » impliquait un nombre incalculable de coup de pommeau et de bleu douloureux à venir. Encore une fois, pourquoi diable avait-elle demandé de l’aide à son paternel déjà ?
*
« Je t’ai déjà dit que le secret n’était pas dans le fil, jeune fille. »
La lame d’air fuse, implacable, massacrant l’ouvrage inachevée d’une Raion qui tentait tant bien que mal de se dépêtrer de ses fils en acier. Elle avait bien compris, au bout de la cinquantième tentative de la journée, que la nature de ce dernier n’avait rien à voir avec sa réussite, mais quel était la bonne réponse à l’insoluble problème qu’il lui soumettait dans ce cas ? Peut-importe la matière première, le kenjutsu de son père coupait dans l’armure comme dans du beurre, ne lui laissant rien d’autre que la réalisation, frustrante, d’un nouvel échec et de la reprise prochaine de l’exercice. D’un geste rageur, la grande brune jette à terre ses bobines et se laisse tomber au sol sous le regard hilare de son géniteur qui l’observe, toujours en position de iaido, non loin de là.
« C’est ça, moque toi. » Lancé d’un air boudeur, la phrase finit d’achever l’air amusé de Kenta qui se met à hâbler sans plus de retenue. « Cette technique n’a pas d’intérêt, de toute façon. Pas avec ça. Je ne vois même pas pourquoi je t’écout…
- C’est là que tu te trompes ma petite tortue. »
Comblant la distance, l’intraitable entraineur vient se poser à côté de son élève récalcitrante, déposant une main paternelle sur son épaule tatouée pour la faire basculer contre lui. Sans même y songer, il laisse sa tête descendre pour humer la chevelure de cette petite tornade sur patte qu’était sa fille, lâcher un soupir de satisfaction quelques peu étrange dans la situation.
« Je ne vais pas t’apprendre à toi, comment exploiter notre Kekkai Genkai. » Saisissant une mèche rebelle, il entreprend de la plaquer derrière l’oreille de Raion, concentré sur l’exercice. Son ton, jusque-là paternel, laisse bien vite place à celui, impérieux, qu’on connaissait tant pour l’avoir entendu à mainte reprise sortir de la bouche de la jeune femme posé à côté de lui. « En quoi sont fait les fils, Kamiko ?
- De la terre ils s’élèvent, cultivés, naissant des mains de ceux qui savent les tisser. De l’eau, seuls les plus vifs sauront en tirer sésame. De l’air pourtant, point ne pourrait en être filé.
- Je dois donc, à toi, te rappeler que pour une petite maligne que tu es, une armure de fils empoisonnée est une aubaine ? »
Le sourire dans la voix de Kenta achève de vexer la jeune femme qui le repousse comme une enfant voulant se débarrasser d’un parent un peu trop collant devant ses petits camarades. Elle se redresse alors, sautant sur ses pieds et ramassant ses fuseaux dans le même mouvement, comme si elle avait le diable aux trousses, avant de se remettre en position, prête à en découdre. Cette fois-ci, ce serait la bonne.
- Technique à apprendre:
Pour ce post ci :
Technique inventée Musuko shīrudo
【Bouclier de fils】
DOMAINE :
Kekkei Genkai Kamiko
RANG :
C
PORTÉE :
personnel
CHAMP D'ACTION :
personnel
DESCRIPTION :
L'utilisateur forme une armure de rang B à l'aide de ses fils sur son corps (sauf la tête) pendant deux tours. Utilisé avec le
Jiongu - ce qui consomme une utilisation de cette capacité -, la technique forme une armure plus solide de rang A.
Utilisable avec
jiongu.
CONSOMMATION DE CHAKRA :
Moyen