Les casse-couilles • ft. Tsume & Shun

Junko répondait poliment au préposé aux missions, lui assurant, entre autres choses, qu’elle avait totalement conscience de l’importance et du danger de la mission qu’elle réclamait. En réalité, elle prenait un ton clairement condescendant, pressée d’en finir avec cet individu qu’elle jugeait tout à fait désagréable et particulièrement irrespectueux – mais peut-être en avait-il simplement plus qu’assez de la paperasse et de tous ces shinobis en quête d’une mission et qu’il ne demandait qu’un peu de répit, désabusé. Toujours était-il qu’elle le trouvait relativement gonflé de la rappeler à l’ordre d’une façon aussi peu subtile – comme si elle ne prenait pas ses missions au sérieux – d’autant plus qu’elle emmenait avec elle deux Chûnins confirmés (même s’ils manquaient de maturité, il était vrai).
Non mécontente d’avoir trouvé de quoi s’occuper avec ses petits protégés, elle s’était alors rapidement éclipsée pour s’empresser de leur annoncer la nouvelle. A l’ordre de mission, elle ajoutait un petit message dans lequel elle les enjoignait de se présenter au port « le lendemain à 7h » – sous-entendu, à l’heure. Elle espérait qu’ils seraient tout aussi excités qu’elle à l’idée de fracasser quelques ennemis ; cela faisait longtemps. Et puis, c’était leur première vraie mission, contre de vrais méchants, en tant qu’équipe.

Le lendemain donc, un peu avant l’heure, elle rejoignait le port. Avant que ses coéquipiers n’arrivent, elle avait rendez-vous avec quelqu’un d’autre : un second-maître. De fait, cette mission les mènerait au large des îles d’Uzu, dans une crique autrement inaccessible et, paraissait-il, plutôt bien protégée. Il leur fallait donc un moyen d’arriver à proximité sans trop d’efforts – ils n’allaient clairement pas marcher jusque là-bas, et de toute façon elle aurait été bien incapable de marcher sur l’eau. Puisque le commanditaire de la mission était l’amiral d’Uzushio lui-même, il comprenait parfaitement bien le besoin de l’équipe de se procurer un bateau. Ainsi donc, ce fameux second-maître et les quelques membres de son équipage les accompagneraient et les largueraient non loin de leur destination (pour des questions de discrétion, évidemment).
Le bateau en lui-même n’était pas bien grand – il ressemblait assez à ces navires de surveillance qu’on pouvait voir passer, de temps à autre, au large d’Uzushio.

Ils seraient donc tranquillement en train de discuter de la situation, lorsque le reste de l’équipe les rejoindrait. Tout était prêt.
Quand tout le monde fut finalement présent – à l’exception de Senzo, mais ça les gamins ne le savaient pas encore –, elle leur annonça la nouvelle : « Le chef ne vient pas avec nous. Il est certainement prit sur d’autres missions… » Puis, s’éclaircissant la gorge, elle continua d’un ton un peu plus enjoué : « Je serai donc la responsable, en son absence. » Oui, clairement, elle jubilait. Ce n’était pas contre lui – elle aimait bien Senzo, malgré tout, il faisait son travail –, elle était simplement très contente de ne plus être sous les ordres de quelqu’un. Et sur ces bonnes paroles, elle se mit en route vers le navire. Ils auraient tout le loisir de discuter de la mission sur le chemin.

Entre Shun qui paraissait très peu serein quant au fait qu’elle serait à la tête de leur équipe et Tsume qui montrait bien trop d’enthousiasme à l’idée de torturer quelques esprits égarés, Junko sentit que cette mission allait être un régal, en tout point de vue. Très vite, elle repoussait sans ménagement le jeune un peu trop entreprenant – ce qui lui rappelait d’une façon très désagréable que lui et son cousin étaient des êtres très tactiles – et les embarquait donc vers le petit bateau qui avait été mis à leur disposition. Prenant place à l’intérieur, elle attendit qu’ils quittent le port pour dérouler le parchemin de mission et un plan approximatif de la situation sur place. Elle expliqua alors rapidement : « Deux de nos navires transportant armes et armures ont été détourné par une bande visiblement organisée et déjà bien armée. Les navires ont été localisés là, dans cette crique et plus précisément à hauteur de cette grande plage… » Tout en parlant, elle désignait un endroit sur la carte étalée devant eux. Elle paraissait sérieuse, tout à coup ; à vrai dire, elle ne doutait pas qu’ils allaient s’amuser, mais cela restait une mission de rang B tout de même et l’affaire était suffisamment inquiétante pour ne pas être prise à la légère non plus. Faisant glisser son doigt, elle montra un petit renfoncement dans le contour de l’île dessinée sur la carte. « J’ai discuté avec le second-maître, l’équipage va nous larguer par-là, à bonne distance du rivage et nous attendra ensuite au large. Nous rejoindrons cette petite baie en barque puis, de là, nous aviserons la situation. » Elle releva le regard vers ses deux coéquipiers. « Gardez à l’esprit que seul l’armement nous intéresse. Si on ne parvient pas à le récupérer, on fait tout sauter. Pour ce qui est des ennemis… Pas de quartier. » Voilà de quoi ravir le Kudo, n’est-ce pas ? Elle leur sourit ; un sourire malicieux. Elle avait hâte de voir ce que valaient les gamins au combat (et par combat, elle entendait bien des mecs armés jusqu’aux dents, et non les triples buses de la dernière mission).

Du reste, le voyage se déroula sans encombre. Les astres semblaient s’être alignés, au cours de la nuit, pour que leur périple se passe pour le mieux. Ils atteignirent rapidement les abords de la crique du cerbère ; sur le pont du navire Uzujin, la dame observait l’île silencieusement. Elle fit la moue. « Je ne sais pas ce que vous en pensez mais… Je n’aime pas trop ces falaises. Ils pourraient nous voir arriver de loin. » Mais elle ne voyait pas d’autre solution : ils n’avaient aucun moyen d’arriver à couvert jusque là-bas. Et, d’instinct, elle activa son sixième sens. Il y avait fort à parier que cela lui serait inutile avant qu’ils atteignent le rivage – et, là encore, si les ennemis étaient trop en hauteur, elle ne les détecterait pas nécessairement – mais cela pourrait peut-être lui permettre d’anticiper une attaque alors qu’ils étaient encore dans la barque, à ramer comme des damnés.

D’ailleurs, en parlant de barque, le second-maître lui indiqua d’un coup de tête que cette dernière était prête. Elle acquiesça, et transmit l’information aux deux jeunes. Il était temps de plonger dans la gueule du loup.

Ils ramèrent, donc. Et Junko aussi, contre toute attente – du moins, elle pensait que Shun serait surpris. Pour être tout à fait honnête, elle aurait bien laissé ses deux compagnons pagayer et se serait parfaitement contentée de fixer l’île debout tel un capitaine, mais elle n’avait pas envie qu’ils y passent la journée. Tandis qu’ils touchaient au but, elle fit claquer sa langue contre son palet et lança, avec un sourire mauvais : « Allons leur casser les couilles, comme vous dites les jeunes. »

Récapitulatif:

Non, Junko n’était résolument pas décidée à lui avouer qu’elle ne savait pas comment marcher sur l’eau… Il était son élève, son subordonné et d’au moins dix ans son cadet. Qui plus est, il ne résisterait certainement pas à l’idée de se moquer de la femme qui, jusqu’à présent, l’avait malmené et maltraité. Elle inspira donc profondément lorsque Shun lui proposait de partir à pieds jusqu’au rivage, tout en réfléchissant à la façon la plus ferme et définitive de l’envoyer paître. Contre toute attente, ce fut le jeune Tsume qui sortit la Jûnin du pétrin avouant, entre autres élucubrations, qu’il ne pouvait de toute façon pas marcher sur l’eau. Junko fit alors claquer sa langue contre son palet, et statua qu’ils n’allaient certainement pas laisser Tsume pagayer tout seul. « Monte dans cette barque et rame. » avait-elle répliqué au jeune orphelin. « Nous discuterons stratégie une fois sur place, quand on en saura plus sur ce qui nous attend. » Et, de toute façon, elle se demandait bien ce que pourrait voir un aigle, alors que la plage sur laquelle ils se rendaient était visiblement entourée d’une forêt dense. Ces bêtes-là, ça voyait loin, pas à travers la matière... Ce n’étaient pas des Hyûga, non plus. Etait-ce un peu de mauvaise foi de sa part ? Peut-être.

Ils arrivaient donc finalement sur une plage (la plage ambrée, de son petit nom) sans prétention et bien enclavée, de sorte que si leurs ennemis ne les avaient pas déjà repérés, ils seraient tranquilles pour un petit moment et pourraient élaborer un plan plus solide que « Tsume fonce dans le tas, on récupère les armes » – même s’il y avait de toute évidence de fortes chances pour que cela se termine de cette façon, compte tenu du caractère des uns et des autres.

Les lieux étaient déserts et il régnait un calme presque surréaliste. Était-ce l’annonce de l’apocalypse à venir ? En posant le pied à terre, la dame plissa les yeux, comme pour percer la noirceur de la forêt qui s’étendait devant eux. Impossible. Elle attendit que tout le monde débarque, et commenta : « Je ne sens rien. J’ai bien l’impression que nous sommes seuls ici… » Pas une seule âme à torturer, pas un seul renseignement à glaner auprès d’un éclaireur zélé. Et désignant l’orée de la forêt d’un signe de tête, elle ajouta : « Nous n’avons pas vraiment le choix, malheureusement. Ils doivent être quelque part dans cette forêt… Soyez sur vos gardes, cherchez des traces de leur passage, le moindre indice… Tu n’as pas un autre animal qui pourrait renifler partout, par hasard, Shun ? » Elle eut un petit sourire, mais sa demande était réelle – s’il était capable d’invoquer un aigle, pourquoi pas un chien, ce serait un véritable atout. De son côté, elle allait faire un premier scan des lieux, histoire de s’assurer qu’ils n’étaient pas déjà piégés. Exécutant rapidement quelques mudras, elle effectua un tour complet sur elle-même, le troisième œil ouvert, à la recherche de traces de chakra, de sceaux ou autres illusions – tout ce qui pourrait indiquer la présence d’un ennemi. Ceci fait, et dès qu’elle se serait assuré qu’ils étaient bien hors de danger, elle n’hésiterait pas à pénétrer dans la forêt.

Leurs ennemis pensaient peut-être qu’ils avaient l’avantage, ils pensaient peut-être qu’ils allaient piéger le trio imprudent… Ils se rendraient compte bien assez tôt qu’ils étaient en réalité les proies et non les prédateurs, dans cette histoire.

Carte de la Crique:

Deux écoles s’affrontaient ; d’un côté ceux qui voulaient pénétrer la forêt par la terre ferme, de l’autre celui – car il fallait bien le souligner, il n’y avait bien qu’un seul individu dans l’équipe qui le voulait vraiment – qui préférait invoquer un aigle et survoler la zone. La dame reconnaissait bien là la couardise de son apprenti : prendre de la hauteur pour éviter le conflit et l’embuscade. Malheureusement, s’il avait raison sur la forme (il était déjà arrivé, par le passé, que Junko elle-même tombe dans un piège alors qu’elle marchait dans une forêt – ou un marais lugubre, en l’occurrence), elle maintenait que la densité du feuillage ne leur permettrait pas d’y voir clairement et, pire encore, comme le soulignait Tsume, qu’il se seraient vus sans voir. Mais comme ils discutaient de ces choses-là, Tsume comme Shun émettaient la même idée : quelle que soit la solution retenue, il faudrait faire appel aux dons de senseur de la Jûnin. Monter sur l’aigle et sauter dès qu’elle sentait un ennemi… Elle regarda Tsume l’air interdite. Ah, c’était frustrant ! Elle croyait avoir un allié mais il changeait d’avis comme de chemise ! (Et venant d’un mec qui brûlait littéralement ses vêtements, c’était un euphémisme…)

Mais il s’emballait alors, leur parlant de choses absurdes, de surnoms, de… De coucher avec des ennemis ? La rage la saisit soudainement, avec violence, et elle dégaina promptement un kunaï d’une poche intérieure. « Arrête ça ! » dit-elle en haussant la voix, jetant furieusement son arme. La lame siffla, fendit l’air et alla se perdre un peu plus loin dans la flore. Elle posait un regard noir sur le jeune homme lunatique. Ce n’était pas lui qu’elle avait visé, même si l’envie ne manquait pas. A vrai dire, elle avait toléré beaucoup de choses, en arrivant dans cette équipe, mais bon sang elle aurait apprécié un peu plus de sérieux ! C’était une chose de ne pas être d’accord sur le mode opératoire pour mener la mission à bien, c’en était une autre de bavasser au sujet de noms de code ridicules et des plaisirs de la chair.

Que ce fût à cause de son arme ou parce que l’animal passait simplement par-là, cela fut à peu près à ce moment-là que le buisson se mit à bouger dans tous les sens. Se focalisant rapidement sur la menace, les capacités sensorielles de la belle la rassuraient immédiatement : il ne s’agissait que d’un lapin. Mais comme elle se concentrait pour identifier la source de chakra, quelque chose d’autre l’intrigua. Laissant de côté la venue du petit animal, elle reporta son attention sur une seconde source de chakra, plus lointaine, mais plus humaine. Elle ne pouvait pas encore présager de la nature du chakra qu’elle ressentait, mais pourtant elle avait le cœur net : cette forêt abritait un ennemi. Fronçant les sourcils, elle réfléchit à toute vitesse. Shun avait déjà invoqué son aigle, lui et Tsume semblaient partant pour une virée dans les airs… A vrai dire, cela n’était peut-être pas complètement stupide. Si l’aigle ne leur donnait pas la vision qu’ils espéraient, il pouvait certainement leur permettre d’atteindre leur cible beaucoup, beaucoup plus rapidement que ce que leur permettraient leurs jambes d’humains. Quant à la vision… Elle s’en chargerait.

« O.K. On fait ça. » dit-elle alors à Shun, ignorant totalement l’effet provoqué par la petite boule blanche qui sortait du buisson. Elle saisissait alors la main du jeune homme et grimpait derrière lui. « J’ai senti une présence par là-bas… » ajoutait-elle, désignant un point dans l’espace. « Je m’occupe de les localiser. Toi, tu fonces. » Et quant à Tsume… Bah, s’il n’y avait pas assez de place sur la bête d’encre, il n’avait qu’à faire un voyage accroché à ses griffes.
Sans plus attendre, Junko exécutait de nombreux mudra : la technique qu’elle allait utiliser n’était pas à la portée de tous. Il lui fallait une certaine concentration et beaucoup de chakra. Elle s’en remettait donc à ses deux coéquipiers pour qu’ils fassent en sorte que le décollage et le vol se passe au mieux.

Alors, à peine avaient-ils pris suffisamment de hauteur pour passer la cime des arbres que le ciel se couvrait légèrement et qu’une fine pluie s’abattait sur une grande portion (si ce n’est la totalité) de l’île. Tranquillement, l’eau s’infiltrait, s’insinuait, glissait le long des feuilles et des troncs, jusqu’à rejoindre le sol, inexorablement. Sur son passage, elle rencontrait l’une ou l’autre bestiole imprudente, se mélangeait à sa fourrure, roulait sur sa peau. Bientôt, toute forme de vie sur cette île serait touchée par cette pluie, si elle ne prenait pas ses dispositions. Mais les gouttes qui constituaient l’averse n’étaient pas faites que d’eau, elles étaient un mélange savamment dosé entre chakra et élément naturel, de telle sorte que la dame savait, en tout instant, la position de toutes les sources de chakra de la zone qui rencontraient le fluide.

Elle pointa du doigt une zone de la forêt. Des ennemis. Avec la vitesse et l’altitude, le groupe pouvait les prendre par surprise. Elle s’accrocha au plumage, prête à subir la descente en piquet que cela impliquait. Néanmoins, il faudrait que ses deux subalternes fassent leur part du boulot, car la technique qu’elle utilisait pour repérer leurs cibles l’empêchait de faire quoi que ce soit d’autre.

Ce ne fut pas sans soulagement que Junko constata, enfin, l’avancée du groupe, dans cette seconde mission d’équipe tout aussi laborieuse que la première.  Encore une fois, elle avait ignoré superbement son élève, Shun, lorsqu’il lui demandait si elle avait le vertige. Quelle idée ! Il ne devait décidément pas avoir beaucoup d’estime pour elle, à lui poser ce genre de questions… (Et quand bien même, croyait-il vraiment qu’elle était du genre à avouer une faiblesse ? Elle n’avait rien dit pour la marche sur l’eau…)

Rapidement, donc, ils avaient pris leur envol, survolés la zone et, alors que sa technique faisait effet, elle avait obtenu une image globale de la situation. Ignorant les sources trop faibles pour appartenir à leurs ennemis, elle décelait en revanche cinq de ces derniers, dans la direction précédemment indiquée. Faisant part de ses observations charkatiques à ses subalternes, Tsume était parachuté non loin, conformément au plan. En outre, la dame était loin de se douter de ce qu’il se tramait dans l’esprit du Kudo.
De fait, elle n’aurait jamais imaginé que sa pluie, fine comme elle était, puisse être l’origine du trouble. Le poison… Oui, Junko avait bien en tête les capacités spéciales de ses coéquipiers – et comment oublier l’incident tragique du nuage de poison dans le manoir d’Awashi ? – mais tant qu’elle ne voyait pas d’inconvénient direct à l’usage d’une technique, sur le coup, elle estimait que c’était aux autres à s’adapter à la situation, pas à elle à anticiper toutes les éventualités. Peut-être était-ce là la preuve qu’elle n’avait pas l’habitude des équipes – du moins, des équipes au niveau hétérogène. Jusqu’alors, les coéquipiers avec lesquels elle avait eu à travailler avaient toujours eu un panel de techniques assez large, suffisamment pour ne pas être contraints par l’une ou l’autre de ses techniques. Dans son entreprise, elle avait donc oublié que les deux jeunes gens avec elle n’étaient peut-être pas dans la même situation.

Cependant, si elle ne savait pas ce que Tsume pensait, elle ressentit – et vit de ses yeux de senseurs alors activés par la pluie – très nettement la technique qu’il employa, reconnaissant l’exécution comme l’une de ses propres techniques. Le Genjutsu Nehan Shoja : c’était redoutable contre de nombreux adversaires, et d’autant plus lorsqu’ils n’étaient pas prêts. Junko informa, par précaution, le pilote de l’aigle, afin qu’ils évitent d’entrer dans la zone d’effet, le temps que la technique se mette en place. Puis, après un certain temps, elle ajouta : « Bon, à l’évidence il n’y a qu’eux, descendons rejoindre Tsume, veux-tu. » Inutile de s’attarder dans les airs, elle avait vu ce qu’il y avait à voir. Elle attendait alors que Shun les conduise à bon port, en dépit de la météo peu clémente, et sauta sur la terre ferme.

Entretemps, la technique du Kudo avait fait effet de façon remarquable et Junko le gratifia d’un regard approbateur. « Beau travail. » Les cinq hommes que la Jûnin avait détectés paraissaient profondément endormis. Elle sortit un kunai et le fit tournoyer rapidement. « En temps normal, j’aurais proposé qu’on en interroge un, mais… » Elle désigna la grotte, ouverture béante, pas même dissimulée. « Je crois qu’on a même pas besoin. Autant se débarrasser d’eux, avant d’y aller. » Et elle adressa un sourire à Tsume. Voilà une proposition qui devrait lui plaire, non ? De son côté, elle sonda rapidement l’entrée de la grotte, vérifiant qu’aucun piège n’y avait été déposé.

Le mal était fait ; Tsume avait mis fin à la vie de ces hommes, sans ciller, le temps qu’elle vérifie de son côté que rien de dangereux ne les attendait à l’entrée de la grotte. Alors qu’elle revenait vers ses élèves, pour constater le travail bien fait du Kudo, celui-ci prit de l’avance sur le groupe et s’engouffra dans le trou béant. Junko profita de ces quelques secondes où ils étaient seuls pour plonger son regard dans celui de Shun. « Il a raison. Tu ne peux pas sauver tout le monde. » Bien sûr, cela ne suffirait pas à le convaincre. Il était têtu, ce minot. Elle continua alors : « Tu ne vois que l’instant présent. Oui, ce sont des hommes, là, inoffensifs parce qu’endormis. Mais que sais-tu de leurs motivations ? » Elle haussa les épaules. « Crois-tu que ce sont de bons pères ? Des gens comme eux, habitués à la violence et à la solitude ? » C’était dur à entendre, peut-être, mais il pouvait la croire, elle en connaissait un rayon au sujet des mauvais parents. Ceux qui abandonnaient leurs gamins, du moins. « Crois-moi, parfois, il vaut mieux être orphelin qu’avoir un parent pareil. » C’était bien connu, les gamins battus devenaient souvent violents à leur tour. Alors, oui, ça mettait peut-être des familles à la rue. Au moins ils crèveraient de faim avant de perpétrer eux-mêmes des actes répréhensibles – mais cette réflexion était un peu trop extrême pour être dite à voix haute, aussi s’abstint-elle d’aller jusque-là.

Leur conversation fut rapidement interrompue par les cris qui s’élevèrent des profondeurs. Tsume ! La jûnin fit volte-face, fonçant vers l’entrée de la grotte. Ah, sérieusement, il ne pouvait pas tenir en place ce gamin… Tout à l’heure, elle n’avait pas détecté de pièges, mais cela ne signifiait pas que la voie était totalement libre. A en croire l’écho qui leur était parvenu, ce n’était pas qu’un individu isolé. Difficile de dire combien ils étaient à l’ouïe, cependant. Dans sa course, elle utilisait donc ses capacités de senseur, se concentrant sur l’endroit d’où provenait les bruits. Cinq. Elle ressentait cinq sources de chakra ; leurs ennemis étaient donc quatre, si elle écartait Tsume du lot. Junko transmit l’information à Shun, alors qu’ils pénétraient l’obscurité des profondeurs terrestres. Qui plus est, compte tenu de ce qu’elle voyait, ces gars-là savaient faire usage de leur chakra. La signature n’était pas la même que celle des hommes endormis. Difficile de déterminer leur puissance, mais une chose était sure : c’étaient des shinobis. Elle jura intérieurement. Si quelque chose arrivait à Tsume, ça lui serait reproché, en tant que cheffe d’équipe. Elle accéléra, déboulant enfin sur les lieux du combat. Ils étaient en retard, les festivités entre le Kudo et ses assaillants avaient déjà débutées.