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Crazy Frog [Mission Rang D - Solo]

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Crazy Frog [Mission rang D]

La mission que j'avais choisi de réaliser ce jour avait été validée en bonne et due forme par Kamiko Raion, l'intendante fraîchement nommée du village. Aussi, lorsque je me présentais devant les portes de l'académie, là où j'avais passé une grande partie de ces dernières années, un des professeurs m'attendait sur le perron, les mains derrière le dos et la mine grave. Il remonta négligemment ses lunettes lorsque j'arrivai près de lui, sûrement pour m'observer au mieux. Ce que je fis en retour, sans me gêner outre mesure de l'impolitesse du regard que je lui lançais. J'avais l'avantage de pouvoir miser sur ma jeunesse quand il s'agissait d'être légèrement outrancier avec les autres. Ça marchait plutôt bien, même si c'était une astuce que je n'allais pas réussir à utiliser bien longtemps.

« Genin Kae, c'est ça ? Content de voir que notre requête a été approuvée par les hautes instances. C'est un...un véritable calvaire. », s'empressait de scander l'homme aux cheveux gris, en prenant soin de me regarder du haut de son mètre quatre-vingt. « Sûrement une frasque de l'un des gamins qui étudie ici, ou alors une vengeance envers notre académie. Quoiqu'il en soit, c'est une véritable invasion de crapauds et... ». Comme pour prouver ses dires, un batracien franchement peu ragoûtant vint se coller à sa chaussure, croassant mollement avant de continuer sa course en direction d'une des salles de classe. « Voyez par vous-même ! Nos élèves sont terrifiés, et les équipes de nettoyage n'arrivent pas à venir durablement à bout de ce fléau. ». Capturer quelques grenouilles, c'était donc au-delà des capacités de ces hommes ? Certes, elles devaient glisser un peu entre les doigts, mais il n'y avait rien de dangereux ou de particulièrement effrayant. « Et les jonins de l'académie, ils ne peuvent pas se servir de leurs connaissances pour exterminer vos nuisibles ? ». L'homme – que j'identifiais comme une sorte de secrétaire – sembla légèrement surprit par ma remarque. « Tu as toi-même été élève dans cette académie il y a peu, si je ne m'abuse ? » Je validais son affirmation d'un léger mouvement de la tête. « Tu as donc conscience de la masse de travail qui incombe à vos professeurs. Ils ont clairement autre chose à faire que de partir à la chasse aux crapauds. Mais toi, c'est une tâche qui ne semble pas te déranger, alors j'attends beaucoup de ta réussite. »

Un boulot ingrat pour les autres, mais pas pour moi ? C'était en substance ce que venait de dire l'homme, avant de prendre le large, repartant certainement s'asseoir à l'abri derrière son bureau. Il me laissait donc là, dans cette école vide de quasiment toute âme à cette heure tardive de la journée – la mission indiquait clairement les horaires possibles d'interventions, et j'avais choisi d'y aller après la fin des cours. Il fallait donc que je réussisse à capturer les batraciens tout en évitant de leur faire du mal. C'était pas spécifié dans la mission, mais je n'arrivais ps à me résoudre à faire du mal à un animal qui n'avait rien demandé. Après tout, ils n'étaient eux aussi que les sujets de cette mauvaise farce – enfin, moi, je la trouvais drôle cette blague pour être honnête – et je ne pouvais pas leur faire subir un sort horrible sous ce simple prétexte.

Je débutais ma lente navigation dans les couloirs de l'école. Je les avais arpentés tellement de fois qu'ils aussi familiers que ceux de ma propre maison. L'odeur âcre de la craie sur les tableaux noirs m'arrachait les narines, comme chaque fois que je passais devant une salle de classe. Ma hantise profonde que de retourner sur les bancs de l'école, moi qui n'avais jamais été un fervent adorateur des études. Dans le petit sac-à-dos que j'avais emmené avec moi en prévision de cette mission, j'attrapais des gants en latex rose. Pas vraiment glamour, mais c'était certainement la meilleure des protections contre la possible toxicité de certains des crapauds. J'avais piqué les gants à ma mère, qui s'en servait habituellement pour faire la vaisselle. Aussi, à mon retour, je risquais de subir les foudres de maman, mais ça valait le coup si je pouvais empocher quelques ryos en compensation.

« Crapauds, p'tits crapauds. Venez ici, les mochetés ! ». La provocation n'avait certainement aucun effet sur les animaux, mais je me baladais dans les couloirs en scandant quelques insultes à la volée, histoire de faire passer le temps. À certains moments, j'entendais en réponse quelques croassements, mais sans parvenir à clairement identifier l'origine. Au bout de vingt minutes de recherches infructueuses – hormis une tentative d'approche vers un crapaud qui avait élu domicile sur une fenêtre, mais que j'avais loupé à la volée – je décidais qu'il était grand temps d'essayer une autre stratégie. Un homme d'entretien – ou un gardien, quelques employés ayant changé depuis la fin de ma formation – qui passait par là fut l'instigateur de mon prochain mode d'action. « B'jour m'sieur, j'suis le chasseur de crapauds. J'pourrai avoir accès à la bibliothèque ? J'ai besoin d'me renseigner un peu plus en profondeur sur ces animaux si j'veux tous vous les attraper. »

L'homme en salopette bleue ne rechignait pas, certainement habitué aux excentricités des intervenants dans l'école. Il m'ouvrit la porte de la petite bibliothèque, dans laquelle je ne m'étais pas rendue souvent. Là, j'arpentais sans vergogne les étagères remplies de livres, en quête de mon précieux sésame. La section « Animaux & Flore » en vue, j'en explorais chaque étal jusqu'à trouver ce que je voulais. « Dictionnaire des sciences animales », selon ce qui était inscrit sur la tranche. Je m'asseyais à même le sol, mon postérieur heurtant les dalles froides de la pièce. Pour me concentrer, j'attrapais dans la poche de mon short une réglisse torsadée, que je me mis à mâcher frénétiquement pendant que mes yeux glissaient sur les pages.

Peu d'informations utiles, ou tout du moins que je ne connaissais déjà. Ce que je cherchais en priorité, c'était un moyen d'attirer les crapauds afin d'éviter d'avoir à les chercher un par un dans toute l'école, ce qui risquait de se révéler fastidieux et pratiquement impossible. La solution semblait être dans le régime alimentaire de ces animaux : mouches, araignées, mille-pattes, ver de terre. Autant d'insectes qu'il allait être compliqué de trouver dans l'immédiat, hormis le dernier.

Prévoyant mon plan sans être sûr de sa réussite, je sors des archives de l'école pour essayer de retrouver l'homme d'entretien qui m'a aidé quelques minutes plus tôt. Il est en train de nettoyer l'une des salles de classe, et chasse à l'aide de son balai un crapaud qui ne semble pas vouloir se laisser faire. M'en voulant de le déranger, je m'avance quand même, manquant de me prendre un coup de manche en bois sur le haut du crâne. Heureusement, mes réflexes me permettent de l'éviter sans trop de mal, et l'homme se morfond en excuses tandis que je lui souris maladroitement. Le crapaud, lui, prend la fuite par la porte de la salle. « Désolé de vous déranger encore une fois, mais j'aimerais savoir si vous avez une épuisette à me prêter ? ». Posant son balai, l'homme m'emmène à travers le dédale de couloirs, en sifflotant calmement. « On doit avoir ça, dans la remise. ». Il réussit à me trouver l'outil, et me le tend. Le filet est ancien, mais ça fera l'affaire. Je le remercie une nouvelle fois, lui promettant de ne plus le déranger dans son boulot, puis je prends la direction de la cours de l'académie.

Une fois à l'extérieur, je frissonne un peu. Il faut dire que je suis en short et en tee-shirt, et que la température n'est pas spécialement douce pour un mois de mai, surtout en début de soirée. Le soleil commence à tomber à l'horizon, aussi je m'empresse de me mettre à quatre pattes à même la terre, creusant de mes mains gantées dans le sol. L'humidité de ces derniers jours me permet de trouver rapidement ce que je cherche : plusieurs vers de terres, que j'attrape et mets dans une boite d'allumettes vide. Après en avoir attrapé un peu plus d'une dizaine, rendant la boite aussi grouillante qu'une assiette de spaghettis marron, je me relève, les genoux sales.

« Bien, la suite. ». Je retourne à l'intérieur du bâtiment, et je recroise l'homme qui m'a accueilli. « Ça avance ? ». Une condescendance que je peux que saluer à l'aide d'une grimace malvenue. Mais il ne m'en tiendra certainement pas rigueur, mettant sûrement cela sur le fait de l'ardeur que je mets à la tâche. Je lui passe devant, sans répondre à sa remarque, et je me rends dans le couloir principal. Là, j'y dépose mon butin de vers, en plein milieu du bâtiment, avant de partir me cacher à l'abri derrière une grande et large plante décorative, mon filet toujours à la main. J'ai également pris soin d'attraper une grande poche poubelle dans une des salles de classe.

Plus qu'à attendre. J'espère que mon plan va marcher. Il suffit d'un seul pour que... Bingo ! Un crapaud vient de pointer le bout de son nez au détour du couloir, sûrement attiré par l'odeur des vers de terres. Il saute mollement, veillant au grain de ne se faire surprendre par personne. Puis, il s'avance vers la boite d'allumettes grouillante, et commence à croasser un peu plus fort. Au bout de quelques minutes, c'est toute une myriade de crapauds qui se retrouve autour du repas fourmillant. J'en compte une vingtaine à peu près, ce qui est à la fois impressionnant et un peu dégoutant, je dois le reconnaître. Heureusement, j'ai compté sur l'aspect social de ces animaux, et j'ai eu raison : quand un trouve un festin, il appelle ses congénères pour se repaître tous ensemble.

Furtivement, usant de quelques de mes techniques de ninja apprises en ces lieux mêmes, je m'approche des batraciens et je les attrape rapidement à l'aide de mon filet. Une fois fait, je les mets dans le sac-poubelle, où ils s'agitent et croassent de plus belle. Tout ça, en quelques instants seulement, mu par mes instincts de soldat. Un travail rondement mené, qui ne m'a pas prit trop de temps au final.

Je passe remercier l'homme d'entretien qui m'a été d'un grand secours, en lui rendant ses outils et en lui montrant les résultats de mon travail. Puis, je passe voir le secrétaire aigri, assis derrière son bureau. Je lève haut la poche pleine de crapauds devant lui, un sourire satisfait sur le visage. « Voilà, c'est fait. Normalement, ils y sont tous. J'vous laisse la poche, charge à vous de les relâcher dans un endroit plus adapté. ». J'suis un peu nonchalant, mais ce mec m'a traité comme un moins-que-rien. Alors j'me venge un peu, sûrement. Ma mission accomplie, je rentre à la maison, où je suis prêt à subir les remontrances de ma mère.

Encore une fois, ça me rappelle que, même si je veux jouer les adultes, je ne suis qu'un gosse perdu dans un monde de grands.

Rappel de la mission:
Codage par Libella sur Graphiorum
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Acte II -  Infestation