Amanogawa : Les mots du maître - PV Yurikô

Quel sentiment étrange que celui du goût de la liberté retrouvée, bien qu'elle ne le devait qu'à un anonymat tout relatif et exceptionnel. Pourtant, depuis combien de jours et de mois n'avait-elle pas pu se promener si simplement ? Sans un regard, sans un murmure, sans la moindre retenue de la part de ceux qui l'entouraient... Enfin, en partie, car il était vrai que la jeune femme n'avait pas choisi l'apparence la plus passe-partout du tournoi. Grimée, Yuriko avait choisi une coiffure qui faisait illusion, dissimulant ses longueurs pour laisser croire à une coupe plus courte. Sa tenue était assez sommaire pour laisser entendre qu'elle était une participante du tournoi, tout juste élégant pour faire preuve d'un peu de coquetterie féminine et près du corps pour combattre plus facilement. Mais sa singularité reposait sur le masque qui recouvrait la moitié de son visage, rouge et avec des petites cornes sur le front, digne d'un yokaï, à travers lequel on ne voyait pointer que ses prunelles sombres.

Ainsi, il lui arrivait d'attirer un peu la curiosité, mais seulement pour quelques secondes avant d'être oubliée. Nombreux étaient les combattants sur l'île, et chacun semblait posséder son style, y comprit dans leurs allures. Son extravagance paraissait bien dérisoire à côté de certains, d'autant que la kunoichi ne fanfaronnait pas et restait mutique. Elle se contentait de passer son chemin. Cela ne faisait guère longtemps que la Nidaime était arrivée sur l'île, juste à temps pour être ajoutée au tableau des guerriers du Sekaï. Pour cette raison, elle n'avait pu se battre dans la première session des affrontements, les moines lui ayant annoncé que son adversaire serait choisi parmi un des vainqueurs. Cela pouvait se révéler autant une chance qu'un malheur, mais elle n'était que peu inquiète. Elle était venue pour se défier elle-même, alors qu'importait l'homme ou la femme qui se dresserait devant-elle.

Bien évidemment, il y avait aussi une autre raison à sa venue, plus modeste et protectrice, car deux de ses élèves s'étaient inscrits Uchiha Shishio et Hyuga Choko, deux graines pleines de promesse en qui la jeune femme avait foi. Ce tournoi représentait un défi pour eux aussi, et elle regrettait de pouvoir se montrer pleinement présente dans les tribunes pour les encourager. Mais ne fallait-il pas qu'ils volèrent de leurs propres ailes ? Ils avaient besoin de cette expérience pour grandir et prendre confiance en eux... mais Yuriko resterait dans leurs ombres, présente et prête à leur tendre la main pour les aider à se relever. Un guide et un soutien, elle espérait pouvoir les inspirer aussi bien que son frère l'avait fait pour elle.

Puisqu'elle ne participa pas au premier pool, la jeune femme en avait profité pour observer les combats de ses élèves, ou en tout cas, elle essaya. Il fallait dire que Choko et Shishio se retrouvaient dans des arènes assez éloignées et par esprit d'équité, elle divisa son temps en deux. D'abord la jeune Hyuga, puis enfin le timide Uchiha. Seulement, l'affrontement de sa jeune disciple aux yeux blancs fut de courtes durées... car son adversaire ne s'était pas présenté. Une petite déception bien vite oubliée quand elle profita du match de son autre élève. Si les coups donnés furent rudes, Yuriko avait affiché un petit sourire en coin. Shishio n'avait rien lâché de son combat, il avait tenu tête jusqu'au bout malgré la douleur et l'épuisement, preuve du chemin qu'avait déjà parcouru le garçon par rapport à ses débuts. Toutefois, Yuriko ne resta pas jusqu'à la fin de la victoire, non pas par ennui, mais parce qu'elle désirait que son élève lui raconta son expérience avec ses propres mots, une façon aussi pour elle de conserver un minima la surprise... même si elle finirait par connaître le score.

Elle profita ainsi du temps imparti pour se promener dans les halles du village qui les accueillait. Elle flâna modestement, parcourant quelques boutiques d'un simple regard, se demandait si elle pouvait ramener quelque chose mais... cela serait peut-être la trahir. Elle se contenta simplement d'effectuer quelques courses pour se faire quelques repas frugaux au sein du gîte qui l'hébergeait. Par simple précaution, elle avait fait le choix d'éviter les services de restauration pour le calme de sa chambre, une bonne manière pour elle aussi de demeurer concentrée et réfléchie tout au long du tournoi.

Toutefois, les heures passant, et sans doute porter par la douceur du climat, elle avait été gagnée par la nonchalance sans voir le temps s'écouler. Le combat de Shishio était fini, plutôt ou plus tard que prévue, elle n'aurait su le dire, mais quelle ne fut pas sa surprise de le croiser, son cher élève, épuisé et visiblement non soigné par les moines. Il lui fallut lutter intérieurement pour ne pas se ruer dans sa direction et le soigner rapidement, cependant, si elle faisait cela, sa couverture serait fichue. Il lui fallait rester dans son personnage et ce fut donc d'un pas tranquille, tenant son sac de course dans les mains, qu'elle se dirigea vers le garçon affalé contre le mur d'une habitation.

Elle apparut d'abord devant lui comme une ombre, lui cachant le soleil, puis un raclement de gorge comme pour chercher à signaler qu'elle était là. Naturellement, elle se baissa devant lui, masquée et cachant son inquiétude. Maquillant sa voix pour la rendre plus grave, elle tenta de le réveiller.

" Mon garçon... tu ne devais pas te trouver-là. Tu m'as l'air lourdement blessé. Pourquoi n'es-tu pas passer à l'hospice des moines ? "

La kunoichi se mit à soupirer.

" Si tu n'as pas la force de t'y rendre, je peux te porter sur mon dos et t'y conduire. "

Nul doute que si elle prodiguait les soins elle-même, Shishio la reconnaîtrait. Si elle lui faisait bien évidemment confiance, elle conservait le secret pour le protéger et éviter que son élève se mit plus de pression sur les épaules qu'il ne le faisait déjà.