[Mission Rang D] De quoi le maté [PV Kiraï]

L'improbable se joue souvent sur un pas grand chose. Un écart de conduite, une habitude que l'on change soudainement, le diable réside dans les détails et aujourd'hui, c'est la bêtise d'un intendant qui va jouer sur la plume du destin.

Une nouvelle journée qui s'annonce, sous le signe d'une mission pour le moins particulière. Ayant besoin de quelques finances pour finir un projet, le Tailleur s'est vu dans l'obligation d'accepter une mission des plus... stupide. Jouer les livreurs pour une vieille dame vivant du côté du Domaine Nozomo. « Décidément, tout tourne autour de ces deux frères dans ce village ! Moi qui espérait quelque chose de plus agréable, je me retrouve à jouer les mains-d’œuvre pour une ancêtre. Si cette blague était joué à un autre sans doute que j'en rigolerai. » Accompagné cette fois-ci uniquement par son ombrelle, le Tailleur s'avance vers la petite boutique de la commanditaire, parchemin en poche, prêt à en finir au plus vite avec cette besogne indigne de son rang.

« Sans grand étonnement, la devanture est d'un mauvais goût... C'est presque étonnant qu'elle ait les moyens de pouvoir se payer l'aide de shinobi... M'enfin passons, il est temps de faire bonne figure. »

Se recoiffant les cheveux vers l'arrière, il plis son ombrelle, la tenant telle une canne sans pour autant lui faire toucher le sol. S'avançant, il peut déjà entendre la vieille dame qui semble parler toute seule. « Génial, en plus d'être vieille elle est sénile... » pense-t-il alors que sa main se pose sur la porte, l'ouvrant en provoquant un fracas terrible d'une clochette qui ressemble plus à une alarme qu'autre chose. Cette dernière le surprend, baissant la tête brusquement à l'idée que quelque chose lui tombe sur le crâne, mais rien. Finalement, il avance vers la vieille dame, faisant abstraction de la jeune femme qu'il n'a même pas remarqué, présentant le parchemin de mission.

« Bonjour madame, Dakuwanda Kirai, je viens pour vous prêter main-forte concernant quelques livraisons. »

Visiblement, la vieille dame est plus que surpris alors que son regard se tourne vers la demoiselle, ce qui ne manque pas de laisser le Tailleur pantois. Très vite, son attention se porte sur la troisième personne, la dévisageant de haut en bas avec une petite forme de dédain qui se transforme en agacement lorsqu'il voit le parchemin de mission qu'elle possède également. Vu la tête étonné de l'ancêtre et le long silence qui s'installe, il n'en faut pas beaucoup pour que Kirai comprenne le problème, ce qui ne manque pas de l'agacer fortement.

« Je vois... »

Sa main se referme sur l'ombrelle alors que son attention se dirige vers la vieille dame, lui affichant un sourire visiblement jaune. « Visiblement il y a eu un soucis au niveau de l'administration du village... Il faut croire que l'incompétence est une redondance chez certaines personnes. » Son visage se fige vers la jeune femme alors que la pointe de son ombrelle frappe le sol. « Bien, je pense que nous n'avons plus besoin de vos services, si vous voulez bien nous laisser... »

« Oh mais non ! Quelle chance d'avoir deux shinobis pour m'aider ! C'est comme si j'avais Yukio et Hayato avec moi ! »

Soudain le visage du Tailleur se change du tout au tout, marquant un intérêt profond pour ce que viens de dire la vieille dame.

« Yukio et Hayato...Les frères Nozomos ? » Elle hoche la tête, occasionnant un épais sourire de la part de Kirai qui s'avance vers elle, posant ses mains sur ses épaules en se tenant à ses côtés. « Mais bien sûr ! Je ferais n'importe quoi pour eux et encore plus pour une personne que, sans doute, ils doivent beaucoup apprécier ! » « Oh moi ou le maté que je vends, parfois je me demande ! » dit-elle en ricanant alors que le Tailleur affiche un air, circonspect. « Du...maté... Intéressant... » « Oui ils en boivent tellement c'est impressionnant ! Grâce à eux, pleins d'autres personnes s'y sont mit ! Regardez, Honoka ici présente en boit aussi du coup ! » La réflexion est rapide, et le visage de Kirai se transforme. Deux connaissances de ces bouseux qui ont osé le menacer, le même jour, au même endroit. L'opportunité est bien trop belle pour ne pas la saisir. Délicatement, il se met à faire une révérence vers la jeune femme, récupérant sa main avant de s'approcher d'elle. « Mes excuses mademoiselle, si j'avais su que vous étiez une amie de ce charmant duo je n'aurais pas été si rustre, veuillez m'excuser. »

Un baise-main plus tard, il fait un pas en arrière et fait claquer ses mains « Bien ! Il semblerait que nous allons participer à cette livraison ensemble ma chère ! Oh et ne vous en faites pas pour l'argent ma chère dame, je veillerai à ce que ce soit le Village qui règle pour la petite bavure... Sur ce, nous vous écoutons ! »

Grinçante ironie, un comble pour l'orateur que peut être Kirai, le voilà binôme d'une personne ayant perdu l'usage de la parole. Un état de fait qui ne manque pas de lui faire porter son regard sur la jeune femme, une pointe de tristesse dans les yeux. Est-ce de la pitié ? Pas vraiment. Au sein même de ses proches se trouve un être ayant le même handicap et dont, pour beaucoup de raisons, le Tailleur évite de parler. Le grand problème des familles recomposées. Mais voilà qu'il n'a guère le temps pour s'étaler sur le sujet que la vieille dame commence à leur expliquer l'étendue de leur travail. Lui qui s'attendait à n'avoir que quelques sachets de quelques grammes, les voici obligés de se trimbaler avec des caisses entières ! Soupirant, le Fossoyeur est étonné de voir la jeune femme lui tendre un morceau de papier. D'un rapide coup d'oeil, il comprend le plan, l'analyse, et plis soigneusement la feuille avant de réaliser un tour de passe-passe qui le fait disparaître.

« Oups, veuillez m'excuser, une vieille habitude... Cependant... » Son regard se fige dans celui de la jeune femme, lui adressant un sourire qui se veut courtois, mais qui en réalité, met plus mal à l'aise qu'autre chose. Que cherche-t-il à trouver au fond de ses yeux améthystes ? Pas grand chose, peut-être une piste ? Finalement, ses paupières se referment alors que ses mains commencent à s'agiter.

« Préservez votre carnet pour les ignorants. Voyez-vous, j'ai un petit frère qui souffre du même mal. Mais passons, pour l'heure, je ne suis guère d'accord avec votre plan mademoiselle. Et puis, comment comptez vous prendre tout ceci ? À bout de bras ? Allons bon ! J'ai une meilleure idée qui, en plus, nous permettra de faire connaissance durant le trajet ! »

Sans d'autres paroles signés, le Tailleur se rend dehors, entre ouvrant la porte, ne manquant pas de s'arrêter à nouveau lorsque la cloche retentit avec fracas, bloquant un instant la vue sur la ruelle alors qu'il affiche une moue des plus agacées. « Laissons cette porte ouverte le temps de tout charger. » Poussant la porte, les deux femmes peuvent voir une sorte de chariots sur roues, à peine assez grand pour y poser toute la cargaison, mais dont les ornements ne manquent pas de rappeler l'ombrelle lugubre qui, peut-être l'auront elles remarqués ? A disparu.

« Voici notre moyen de locomotion ma chère, il n'y a plus qu'à charger tout ceci et nous pouvons partir. Il me tarde de faire plus ample connaissance avec vous Honoka-sama ! »

Délicatement, il s'incline, reprenant sa posture pour s'approcher des caisses, les regardant avec une pointe de dédain avant de finalement s'en emparer d'une, la chargeant sans grande conviction. Après quelques brèves minutes, voilà que le chariot est fin prêt pour la livraison. Ne manquant pas de présenter ses respects à la vieille dame, Kirai qui se trouve dehors, se tourne vers son binôme de mission, lui adressant un grand sourire.

« Bien ! Commençons par le plus près qu'en dites-vous ? Je connais peu le clan Kusuribe, mais il me semble qu'ils sont les premiers sur la liste ! Bien, et si nous avancions ? »

L'invitant dans une révérence, la jeune femme sera peut-être surpris de voir le chariot avancer tout seul. Un fait qui ne manque pas de faire sourire le Tailleur avant qu'il ne commence à parler. « Oh ne vous en faites pas pour cela, il s'agit d'un simple tour de passe-passe. Pour l'heure, ce qui m'intrigue, c'est comment une jeune femme telle que vous avez pu rencontrer Yukio et Hayato ? Je suis peut-être trop curieux, mais c'est un petit défaut que je reconnais promptement ahahahah... Alors ? Dites moi tout... »

« Voyez-vous cela... Ah, le travail de shinobi ne finit jamais vraiment n'est-ce-pas ? Ahah. Je trouve ça fort agréable de voir comment nous arrivons tous à nous entendre et nous aidons mutuellement à aller de l'avant... Une qualité qui n'était guère la nôtre fut un temps... »

Un élan mélancolique sur le temps qui passe ? Non. Une manière de noyer le poisson et de faire la discussion à cette demoiselle qui n'en dit guère long sur elle et les cibles du Tailleur. Mais à demi-mots, l'esprit de Kirai saisit différentes informations des plus importantes. Déjà, le fait que cette jeune femme les ai entraîné prouve que, malgré la place d'Hayato au sein du Village, ses compétences shinobi méritent d'être peaufiné et donc, ne sont pas parfaites. Et au vu de la promiscuité avec son frère, il en va sans doute de même pour ce dernier. Ne reste plus qu'à savoir un peu plus exactement de quoi en retournait ces entraînements. Quant à la deuxième partie de la phrase, même si elle n'évoque rien de particulier, le simple fait qu'ils s'entraînent de « temps en temps », évoque soit une appréciation du trio, soit des similarités en terme de connaissances martiales. Après tout, on ne s'entraîne pas avec quelqu'un qui ne peut pas nous faire avancer sur un domaine de compétence, sinon, c'est qu'on entretiens un lien affectif particulier avec lui. Et ça, l'Epouvantail l'a bien comprit au moment même où les mains de la jeune femme l'a signé.

Continuant leurs routes, la question que pose la jeune femme fait légèrement sourire Kirai. Après tout, lorsque l'on pose une question de la sorte, il faut bien s'attendre à la même curiosité en retour. Mais pour être honnête, le Tailleur n'a pas envie de mentir, ou du moins, il sait que les plus beaux mensonges sont ceux emplit d'une grande part de vérité. Ainsi, si des détails diffères mais que le schéma principale est présent, les gens pensent plus à un « original », qu'à un « menteur ». Ainsi, portant son regard dans les yeux de sa camarade de mission, il eut un temps de réflexion, bloquant littéralement sur la couleur de ceux-ci, n'arrivant à s'en détacher, tout en se disant qu'ils seraient parfait dans sa petite collection... Et alors qu'il aurait pu atteindre son âme, il cligne des yeux, commençant son récit avec toujours sa petite gestuelle un peu théâtrale.

« Et bien, voyez-vous, un jour j'ai eu besoin d'aide pour livrer une commande hors du village. Je suis donc allé m'enquérir de braves guerriers pour m'aider dans ma tâche. Et je suis donc tombé sur les deux frères ! Cependant, malgré une discussion des plus courtoises, nous n'avons pas su nous mettre d'accord sur le prix. Ma foi, c'est comme ça, mais cela ne m'a guère empêché d'apprécier fortement les deux personnages ! Mais si je dois avouer, que je trouve Yukio particulièrement... Brute de décoffrage, comme qui dirait ahah. Hayato reste plus pondéré, plus dans mon « style » pour tenir le même lexique ahahah. Qu'en pensez-vous ? Vous qui les avez côtoyé plus que moi-même devez pouvoir en dire long sur le sujet ahah. »

Mais alors que sa longue réponse arrive à sa fin, le duo arrive près du domaine Kusaribe. Étonnement, la jeune femme ne semble pas vouloir que Kirai s'y rende, ce qui ne manque pas de le surprendre en voyant que cette dernière préfère y aller seul pour lui « éviter des problèmes ». « Il est vrai que ce Clan est très portée sur le genre en terme de relation sociale néanmoins... » Il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'elle est déjà partie. Tant pis. Tranquillement, il patiente, se cachant à l'ombre d'un bâtiment, faisant le point sur ce qu'il a apprit, mais surtout, sur le peu qu'il a pu cerner de la jeune femme. Et c'est au bout de plusieurs minutes que cette dernière arrive, petit mot en main, qu'elle ne tarde pas à lui tendre, provoquant un léger rire de la part du Tailleur qui lit l'adresse avec un certain amusement avant de glisser le papier dans son manteau.

« Ahahah, toutes mes excuses pour cela. J'ai bien voulu le dire avant que vous partiez, mais vous avez devancé mes paroles. J'allais vous dire que j'étais en très bon terme avec ces dernières, malgré mon statut d'homme. Faut dire, que ces jeunes femmes adorent la qualité des tuniques que je leur confectionne ! M'enfin, nous n'allons peut-être pas parler chiffon !.. Quoi que... Allez, prochaine étape le Dragon Rouge ! »

Se remettant doucement en route, le Tailleur n'hésite pas à regarder la jeune femme sous toutes les coutures, se grattant parfois le menton avant de voir que son attention la rend peut-être mal à l'aise. Très vite, il affiche une moue amusée avant de lui expliquer qu'en tant que Tailleur, il cherche parfois des modèles pour quelques pièces et qu'en voyant la musculature mais aussi la morphologie d'Honoka, il se dit qu'il peut créer quelques beautés qui peut embellir la jeune femme tout en étant très pratique pour une sabreuse telle qu'elle. Lui expliquant qu'il ne la force en rien, il n'hésite pas à rebondir sur le fait qu'ils ont d'ailleurs étaient coupé lorsqu'elle devait donné son avis sur les Nozomos.

« Vous devez me trouver très bavard et un peu trop curieux, je suis vraiment navré. Il est si rare pour moi de parler avec de nouvelles têtes ! Bien que, plus je vous regarde, plus j'ai l'impression de vous avoir déjà vu... Ahhhh l'âge joue sur ma mémoire. Décidément il ne fait pas bon vieillir ahah ! »

Encore une fois, la jeune femme n'hésite pas à aller à l'essentiel, coupant littéralement la chique au Tailleur qui pourtant, reçoit les informations qu'il désire. Encore une fois, en les protégeant de la sorte, elle démontre une certaine affection envers le duo de guerrier. Comment ? Il faut simplement savoir qu'une femme n'a jamais dû mal à parler des personnes pour lesquelles elle n'a aucun affecte. Par contre, touchez à son cœur et vous verrez comme Kirai, que la rose possède de magnifique épines. Des piquants qui ressortent à travers des phrases cinglantes, tout à fait le même type qu'il avait reçu de Yukio lors de leurs rencontres. Tant de possibilités s'offrent à lui, cependant, il ne possède guère l'assurance de ces allégations. Sa seule certitude, c'est qu'elle les connaît et les apprécies et sans doute qu'eux aussi...

« Oh et bien je me disais qu'ils seraient un bon sujet pour briser la glace ! Il est tellement compliqué de nos jours de discuter avec des personnes qui veulent bien échanger avec vous... »

Ou plutôt, des personnes capables de comprendre votre langage, votre manière de voir les choses ainsi que ce qui vous motive à aller de l'avant. Le Tailleur le sait bien, nul encore ne lui a prouvé être capable d'écouter et non d'entendre mais surtout de regarder plutôt que de voir. Ainsi, la suite du chemin fut simplement entrecoupé par quelques autres phrases cinglantes de la jeune femme qui visiblement, ne tends pas à apprécier Kirai qui, même s'il aurait été bête, eut pu ressentir l'animosité cachée de la jeune femme. C'est une bonne chose, pense-t-il pour lui-même, pourtant, dans le fond, cette dernière n'a pas si tort. Jetant un œil rapide au chariot, il ne peut qu'acquiescer cette vérité que bien souvent, en présence de personne n'étant pas capable de répondre, on finit par se perdre dans le flot de ses propres paroles...

« Vous pensez ? Pourtant je pensais que nous avions une discussion... Me voilà bien chagriné. »

Vraiment ? Pas tellement. Ce n'est pas comme si, dans le fond, il y a un autre intérêt à cela qu'à connaître un peu plus les personnes pouvant lui faire du mal. Car oui, il est question de ça. Connaître les faiblesses des personnes qui peuvent ébranler la quiétude du Tailleur a toujours été une priorité et pas seulement chez ce dernier. Qui après tout, ne se bat pas lorsque quelqu'un menace son train de vie, ses habitudes ou même sa tranquillité ? Aussi vieille que le monde, le désir de puissance est avant tout une envie de paix.

« Ma pauvre … Cela n'a pas dû être évident de perdre ainsi tout ses souvenirs... »

Trifouillant dans sa mémoire, rien ne lui revient. Pourtant, plus il la regarde, plus renaît la sensation de déjà-vu. Il ait des visages qui ainsi vous marque, et bien que ça soit le cas ici, rien ne semble vouloir guider l'Epouvantail vers le moindre souvenir la concernant. Sans doute n'est-ce qu'une ressemblance avec quelqu'un de sa connaissance. De vieux fantômes ? Allez savoir. Se laissant à quelques réflexions, l'enseigne du Dragon Rouge se dessine devant les deux shinobis. Comprenant que cette fois-ci c'est son tour, Kirai se charge de la livraison. Rentrant dans l'établissement, il se laisse aller à quelques discussion avec les tenanciers avant de disparaître comme il est apparu, sans doute trop hâtif à l'idée de retrouver la jeune femme et ses petits secrets.

Mais alors qu'il ressort, il la voit, glanant autour du chariot, la traitant de « machin », avant de dire le mot qu'il ne faut surtout pas dire en sa présence. Se figeant un instant, il la regarde, dessinant un sourire inquiétant sur son visage avant de poser sa main sur la sienne pour l'enlever du chariot. Toujours ce rictus ancré, il se retourne vers elle, adoptant une voix légèrement plus... Inquiétante.

« Il est des arts en ce monde qui dépasse l'entendement de certains esprits. J'entends que vous êtes donc une marionnettiste... Une Shirogane je présume ? Sans doute une autre âme égarée que le Clan a recueilli aux confins du désert, ou dans un sombre trou recouvert d'excrément et de sang ? Ce... « Machin »... N'a rien à voir avec ça. »

Légèrement éreinté ? Oui. Il y a des sujets qu'il vaut mieux ne pas aborder avec le Tailleur qui prend une grande inspiration avant de reprendre un air plus, enjoué, plus, dans la continuité de comment il agit depuis qu'ils sont parti. Montrant la voie à la jeune femme, il n'en oublie pas pour autant la mission et sa petite quête de connaissance, se disant que peut-être, malgré l'incommensurable désir de lui faire du mal, il y a quelque chose à tirer de cette situation.

« Pardonnez mon changement soudain de comportement. J'ai... Quelques soucis à ce qu'on touche mes affaires... J'ai perdu un enfant et une femme, il y a de cela plusieurs années et... Je crois m'en être jamais vraiment remit... Depuis j'ai certains tocs... Je présume que nous ne sortons jamais vraiment indemne de cette existence n'est ce pas ? »

Il lui laisse la parole, arborant un regard légèrement triste et à la fois plus « humain » qu'il n'a pu le paraître. Est-ce un jeu ? Un nouvel acte dans cette pièce de théâtre voué à finir en tragédie ? Ce qu'il y a de sûr pour lui dorénavant, c'est que cette jeune femme, il sait d'où il la connait, ou du moins, où  il a pu l'apercevoir. Une information qui peut avoir son importance si jamais elle vient à donner son nom. Il faut dire que, dans le milieu, les anciens savent son prénom, préférant l'oublier que le confronter.

« Du coup, vous êtes une Shirogane... J'ai longtemps travaillé avec quelques familles, peut-être est-ce là que nous nous sommes croisés ? Puis-je connaître le nom de votre Maître, cela pourrait peut-être m'éclairer et qui sait, cela ferait un autre point commun ! »

Enfin, ils arrivent à la maison du premier civil qui n'a commandé qu'un sachet. Montrant la voie à la jeune femme avec un léger sourire, le Tailleur la laisse se rendre sur le lieu de la livraison, reposant sa main sur le chariot avant de prendre une grande inspiration. Il fallait qu'il se calme, et que, quoi qu'il arrive, il ne s'en prenne pas directement à elle, ni ne se fasse dévoiler.

En temps normal, le Tailleur n'aurait guère apprécié le manque de réponse à ses questions, voyant cela comme un pur manque de courtoisie, mais cette fois-ci, le silence qu'impose la jeune femme est des plus salvateurs pour lui. Il lui permet de remettre son esprit sur de bonnes voies, de remettre les choses à leurs places tandis qu'ils avancent vers le but premier de cette collaboration contre nature. Secondes après secondes, ils finissent par arriver chez un des civils, puis, à la maison des Akabe, se délestant de la dernière caisse pour alléger le chariot qui continue à les suivre doucement. Cependant, plus ils avancent vers leurs objectifs finals, plus l'esprit de Kirai se dit qu'il n'a guère été judicieux d'attaquer ainsi sa camarade. Une supposition qui arrive soudainement à une apothéose des plus violentes lorsque enfin, Honoka finit par délier ses mains pour offrir une réponse des plus courtes et pourtant, des plus simples.

« Votre...vieux... » Par tous les diables, qu'elle est ce langage. Cherchant à faire fit de ces familiarités, l'Epouvantail reste silencieux, alors que la suite devient de plus en plus compliqué à gérer pour ce dernier, voyant dans cette attaque un magnifique prétexte à se saisir de ces pupilles améthystes. Cependant, il lui faut prendre le problème dans son entièreté et si l'envie de lui couper les mains effleurent de plus en plus son esprit, il reste là, statique, lisant les signes qui, sans demi-mots, expriment bien le fait qu'elle ne l'apprécie pas.

« Sans offense bien sûr. » répond t-il avec un léger sourire en coin. Mais alors qu'il s'attend à une nouvelle salve, la tournure des événements prend une toute autre ampleur. Finissant sa cigarette, la jeune femme plante son regard dans le sien, lui intimant de façon assez direct qu'il est temps de jouer carte sur table. Avec une précision ahurissante, elle lui explique avoir percé à jour son petit jeu, mettant en avant son intérêt pour les deux frères et le manque pour sa personne. Un constat qui fait doucement sourire le Tailleur dont la curiosité se remplit à vu d'oeil concernant ce petit bout de femme dont il en ressort quelque chose de... différent.

« Ahahah, parce que vous pensez que tout ce que je vous ai dis ne sont que des mensonges ? Allons bon... Je ne crois pas avoir cacher mon intérêt les concernant, et quant à vous, je dois bien avouer que si j'avais un manque cruel d'intérêt vous concernant au début, cette petite balade m'a donné envie d'un peu mieux vous connaître. De mon temps, nous faisions ça entre partenaire, mais il faut croire que d'autres temps apportent d'autres mœurs. » À ces mots, il claque des doigts, provoquant la frénésie du chariot qui s'élève dans les airs avant de tournoyer sur lui-même, créant un méli-mélo des matériaux dans un chaos des plus abjectes, alors qu'après quelques secondes, ce dernier prend la forme d'un faux immense que le Tailleur saisit, alors qu'au bout de la lame, gît le dernier sachet. « Seulement, permettez-moi de vous donner un petit conseil, Honoka. Bien que votre... nonchalance, soit des plus vivifiantes, faites attention cependant aux personnes avec qui vous usez de véhémence... » Il plonge son regard dans le sien, posa sa lame juste au dessous de sa gorge. « Qui sait ce quel tourment il pourrait vous arriver à vous et à vos proches... En parlant de ça... » Il se relève brusquement, mettant une petite distance entre eux. « Je suis étonné que votre « père » ne vous ai jamais parlé de celui que l'on appelle le Croque-Mitaine... Voilà une histoire bien connu chez les Shirogane pourtant...»

Affichant un sourire carnassier, son regard se porte alors derrière elle, affichant une moue à la fois désolé et amusé, recréant le lien entre leurs yeux, avant de placer ses bras derrière lui, usant d'un unique mudra tout en la quittant pour faire la livraison, alors qu'une fois l'arche de la bâtisse passé, il lui lâche : « Vous devriez faire attention, à derrière vous... » Puis disparaît dans la maison, faisant sa livraison pendant que dehors, surgissant d'une ruelle, la plus grande peur d'Honoka magnifié se présente à elle, avançant d'un pas lent, avant que son regard ne plonge sur elle, bloquant un instant sur sa proie, avant de fondre sur elle.

Pendant ce temps, le Tailleur se laisse aller à quelques courbettes auprès du dernier client, laissant la pauvre jeune femme qui aurait très bien pu se cacher dans la bâtisse, mais qui, si elle ouvre la porte, ne tombera que sur un mur de pierre l'empêchant de fuir sa plus grande peur. Un geste peut-être déplacé de la part de Kirai, qui ne manque pas de le faire rire intérieurement alors qu'il finit par sortir par une fenêtre, sautant de toit en toit jusqu'à la boutique de mamie maté, lui expliquant qu'Honoka a malheureusement eu un empêchement, mais qu'ils ont bels et bien réussi à finir leur mission. Récupérant le solde, le Tailleur sort du magasin, s'étirant longuement avant de prendre la route jusqu'à son antre.

« Comme j'ai hâte que nos chemins se recroisent ma chère Honoka... »