La Promesse [Mission rang C]

« Etrange mission que voilà... Plus ça va, plus j'ai l'impression que les personnes du bureau des missions ne nous aiment pas ma chérie. »

Il avance lentement dans les couloirs, parlant tout seul, ou du moins, en apparence. Maintenant comme à son habitude son bâton hors du sol, le Tailleur continue de marcher en lisant une fois encore le parchemin de mission qu'on lui a donné.

« Ai-je vraiment la tête d'une nourrisse pour m'occuper de pareille broutille ! S'il veut être ninja, il n'a qu'à le devenir ! Rah les parents... »

Sa voix porte et pousse à l'incompréhension les shinobis qui le croise. Etonnant personnage que voilà, se disent-ils, alors que d'autres, dans les ombres, donnent vie aux rumeurs qui tournoient comme des corbeaux sur le dénommé Kirai. Des fadaises dont il n'en a cure, préférant se concentrer sur l'objectif de cette immonde tâche à accomplir.

« Décidément, je n'ai pas de chance moi. La prochaine fois, je demanderai quelque chose de plus intéressant... »

Faire peur, voilà une chose aisée pour l'épouvantail de Suna. Mais justement, c'est là où se situe le problème.

« Facile... beaucoup trop facile... »

Son attention n'est pas dans le moment présent. Son agacement est perceptible. D'un pas lourd, il se dirige vers chez lui pour se préparer, mais l'envie n'y est absolument pas.



La porte de l'Atelier s'ouvre sur le Tailleur qui s'avance et referme derrière lui, replongeant la pièce dans une lumière tamisée. Une fois ses yeux habitués à nouveau à l'obscurité, il se dirige vers son établit, posant délicatement son bâton et le parchemin de mission devant lui.

« Le fils de Jebena Uniyosta, un caravanier aisé, est admiratif des ninjas et rêve d'en devenir un. Mais du haut de ses quinze ans, ce garçon qui n'a jamais combattu ni maîtrisé le chakra est bien trop téméraire et a dernièrement manqué de se faire tuer en attaquant de front un bandit en croyant pouvoir copier le maniement du kunaï observé chez un shinobi. Rencontrez le jeune garçon et montrez-lui que la réalité du ninja est moins belle qu'il ne le croit. Faites-lui peur ou dégouttez-le suffisamment pour qu'il ne se mette plus en danger de la sorte. Qu'il abandonne son rêve serait beau, mais veillez surtout à calmer ses ardeurs. Que son fils ne meure pas d'actions irréfléchies. Et en bas de parchemin... Il s'agit d'une mission de rang C, cependant, un ninja avec de l'expérience est recommandé. hm...tout ça pour cent trente ryos? Très bien... Par contre je le trouve où ce Unichose ? Ah ! Il y a un papier... Vous trouverez votre commanditaire dans les appartements que le Conseil de Suna lui a offert pour l'occasion... Pfff, bande de lèche bottes décérébrés ! Tout ça parce qu'il est plus épais en ryo que l'égo des Nozomos ! »

D'un geste rapide, il déchire l'ordre de mission et s'enfonce dans son large fauteuil. Bougon, il regarde autour de lui, cherchant, scrutant la moindre parcelle d'idée génialissime que son esprit machiavélique peut créer, lorsque soudain, c'est l'épiphanie ! Ses yeux s'ouvrent en grand alors que sa main se relève pour ponctuer la beauté de son idée. « Mais c'est bien sûr ! » pense-t-il. « Je dois aller voir Mana... »

Aussitôt, il se lève, empoignant son bâton avant de sortir de l'atelier à vive allure, ou du moins, plus rapidement qu'à l’accoutumé. Très vite, il arrive à l'hôpital et se dirige tout naturellement vers la morgue, où la belle Mana officie depuis quelques temps maintenant. « Oh excusez-moi Mana-san, comment allez-vous ? M'oui... Je suis là car j'aurais voulu savoir si vous aviez un corps dont je pourrais disposer ? Rien que quelques heures... Figurez-vous que j'ai reçu une mission où je dois éduquer un apprenti shinobi sur l'anatomie humaine, mais vous comprendrez que... oui... non... d'accord... très bien je comprends... Au revoir... »

Le point serré il se retourne et part de l'hôpital visiblement agacée par sa discussion avec la jeune femme. « Rah ! J'y crois pas ! Me refuser un corps ! Comme si les morts avaient encore besoin de ça non mais t'imagines ! Je fais quoi moi maintenant hum ?... » Avançant visiblement éreinté par le refus de la kunoichi, le Tailleur continue à marcher, cette fois-ci vers le lieu de résidence du commanditaire. Le visage fermé, il retrouve leurs chambres, se présentant de manière peu courtoise et explique qu'il est là pour la mission et qu'il apprécierait qu'on le laisse seul, avec l'enfant. Une demande qui dans un premier temps, intrigue l'homme qui n'apprécie guère l'idée de laisser son fils unique avec une personnalité aussi singulière que peut l'être Kirai. Une offense de plus pour l’Épouvantail qui commence à être fortement très désappointé.

« BIEN ! Comme vous ne me laissez pas le choix, nous allons faire la chose différemment... »

« Pouvez-vous appeler votre fils s'il vous plaît ? » demande-t-il au Commanditaire au prénom imprononçable.
« Je suis là. » répondit un jeune garçon dont l'allure ne témoigne pas grande disposition à quoi que ce soit.
« Bien. Je m'appelle Kirai. Et toi jeune homme ? »
« Tanjiro monsieur. »
« Bien. Tanjiro, on m'a dit que tu voulais devenir ninja c'est bien ça ? »
« Euh... Oui monsieur. »
« Parfait ça ! Cela t'intéresserai que je t'apprenne deux trois choses sur ce qu'un bon shinobi doit savoir ? »

La proposition fait grincer des dents le père de famille, tandis que le jeune Tanjiro sautille de joie sur place.
« Je suis prêt à tout pour ça monsieur ! »
« Ah bon ? Vraiment à tout ? Seras-tu prêt à faire la moindre chose que je te demande, sans réfléchir, ni douter, avec la même ferveur que les shinobi de Suna ? »
« Oui monsieur ! »
« Bien... Dans ce cas, commençons. »

Le Tailleur claque soudainement des doigts et les volets des fenêtres se referment, provoquant un brouhaha terrible qui fait sursauter tout le monde, avant de plonger la pièce dans le noir le plus absolu. L'inquiétude de tous se fait sentir, tandis que des plaintes jaillissent à différents endroits. À quoi peut bien jouer Kirai ? Soudainement, une lumière apparaît au plafond, illuminant la table de la pièce où se trouve une dame d'un certain âge, ligoté aux chevilles et aux poignets. Elle tente de se débattre en vain, alors que le Tailleur et le jeune homme se retrouve de part et d'autre de la table.

« Bien ! Commençons alors ! Sais-tu que notre corps est fait de nerfs, de muscles, d'os et de beaucoup d'autres choses ? Et bien vois-tu, parmi tout ça, il y a ce qu'on appelle, des artères ! Des gros tubes de sang qui, une fois coupés, cause une mort lente remplit de souffrance à la pauvre victime. Tiens, prend ce poignard. C'est un cadeau ! Ca vient de l'armurerie des Nozomos, c'est de la bonne qualité ! » dit-il en tendant l'artefact au jeune homme apeuré. « Maintenant, avant d'attaquer les artères, on va sectionner quelques nerfs tu veux bien ? »
« Mais monsieur Kirai... »
« Hm ?... »
« Je peux pas faire ça... »
« Ah bon ?... Pourquoi ? » demande-t-il dans l'incompréhension la plus totale.
« Je vais pas faire de mal à ma maman... »
Soudainement, le Tailleur tombe son regard vers la pauvre femme bâillonnée qui tente de hurler tandis que la voix du père fait entendre ses contestations dans les ténèbres.
« Ah... Bon, changement de programme alors. » il claque des doigts et les ténèbres reviennent, un autre claquement et la lumière revient. Cette fois-ci c'est le père qui est attachée sur la table.
« Donc ! Comme je te l'ai dis, le mieux étant de sectionner le talon d'Achille, comme ça ta victime ne peut plus s'enfuir ! »
« Mais je vais pas faire mal à mon père monsieur Kirai ! » dit le jeune homme terrifié.
« Bah, pourquoi pas ? J'te rappelle que de base, j'ai été missionné parce qu'il ne voulait pas que tu deviennes shinobi ! … Bon, très bien ! De toute manière si on le tue je serais pas payé... Bon. »
Une nouvelle fois la lumière laisse place aux ténèbres puis reviennent alors que c'est le jeune Tanjiro qui se retrouve ligoté à la table.
« Du coup, maintenant que tu es ligoté, je me permet de te montrer directement là où couper. Comme ça, tu sauras l'effet que ça fait... »
« Sale monstre ! Lâchez mon fils immédiatement ! Prenez moi à sa place mais laissez le tranquille ! » s'égosille le père, provoquant l'agacement du Tailleur.
« Faut savoir à un moment donné ! Je vais à la morgue, on me dit non, je demande à être seul avec votre fils, vous me dites non ! Et je peux utiliser personne pour lui montrer comment dépecer un homme ! À un moment donné je dois faire quoi ? Lui dire que c'est pas bien d'être shinobi ? » Il plante la dague à quelques centimètres des yeux du jeune garçon qui commence à lâcher quelques sanglots. « Merde à la fin ! Je ne mentirai pas à ce pauvre gamin qui a tout à fait le droit de savoir ce que ça fait que de déchirer la peau d'un être humain. » Il récupère sa dague, faisant glisser la pointe sur son corps frêle alors que la peur s'insinue en lui. « Entendre le doux son d'un cri de désespoir lorsque la lame s'insinue dans un corps, que l'on touche un muscle, ou un organe, provoquant des gerbes de sang incontrôlables... » Il récupère le visage du gamin dans sa main, présentant la lame à quelques millimètres de son œil. « Retirer, percer ou déchiqueter une partie de son adversaire et le voir souffrir, je crois que c'est ce que je préfère le plus... Car c'est ça être shinobi mon garçon. » il repose la dague, ramenant son visage prêt du sien, laissant glisser sa langue sur sa joue. « C'est désirer la mort de l'autre et se délecter en lui offrant. Que cela soit un homme, une femme ou un enfant... » Il se retire récupérant sa tête entre ses deux mains. « Alors mon petit... Tu veux toujours devenir shinobi ? » La pauvre victime bouge la tête pour lui dire non. « Toujours ? Bon, je vais devoir passer à la manière forte... »

Les ténèbres s'engouffrent dans la pièce, laissant Tanjiro, seul, dans les ténèbres les plus obscures. Il tremble, il a peur, les traits de son visage sont marqué par son horrifique rencontre avec le Tailleur de Suna. Il n'ose pas bougé alors qu'autour de lui, rien n'est là pour le rassurer, si ce n'est le néant qui lui ouvre ses bras.

« Aloooors, mon petit Tanjiro tu passes un agréablement moment ? » dit le Tailleur, sa voix se répercutant dans les ténèbres dans un écho confus.
« Monsieur Kirai, s'il vous plaît, arrêtez... J'ai peur. » bégaye le gamin en se recroquevillant sur lui-même.
« Peur ? Mais tu es shinobi ! Les shinobi n'ont pas peur des ténèbres. C'est dans les ombres qu'ils avancent... » Un présence presque fantomatique apparaît pour mieux disparaître, occasionnant un sursaut de l'enfant. « chassant paisiblement leurs proies... » une autre apparition. « prêt à les tuer à la moindre occasion. » encore une. « Jouant de la mort et de la peur pour finalement arriver doucement, mais inéluctablement, vers la fin. »

Il apparaît soudainement derrière Tanjiro, un kunaï sous la gorge, prêt à la trancher. Le pauvre enfant se met à pleurer, sentant contre sa peau le froid de la lame prêt à mettre un terme à sa vie.
« Quoi ? Je pensais que ça te plaisait d'être shinobi... »
« NON ! Ca me plait plus monsieur Kirai ! Arrêtez s'il vous plait ! PAPA ! MAMAN ! AU SECOURS ! Promis je serais sage maintenant, s'il vous plait ! À l'aide ! »
« C'est une promesse ? » demande-t-il en relevant le visage du gamin vers lui, plongeant ses yeux dans les siens.
« Promis, je vous le jure, sur ma vie jamais je ne chercherai plus à devenir shinobi ! »
« Bien... Dans ce cas ouvre les yeux ? »
« Hein ? »

Incompréhension totale pour le jeune homme qui se retrouve dans la pièce, assit à la même place qu'il l'était au tout début de l'entrevue. Tout le monde regarde autour d'eux, comme s'ils se réveillaient d'un mauvais rêve. Le Tailleur lui, est assit dans un fauteuil dans un coin, les mains liés en dessous de son menton, fixant Tanjiro dont le visage suinte la peur.
« Qu'est ce qui s'est passé ? » demande-t-il apeuré.
« Tu m'as fais une promesse, jeune Tanjiro... Une promesse sur ta vie. » dit Kirai en se relevant, récupérant au passage son long bâton. « Et une promesse avec moi, n'est guère à prendre à la légère. » continue-t-il en s'approchant du commanditaire, récupérant une bourse posé à ses côtés, avant de la sous-peser, puis de reporter son attention sur le gamin. « Et soit sûr que si jamais j'apprends que tu as tenté de devenir ninja, malgré notre promesse... Tout ce que tu as vécu cette dernière heure ne sera, rien, en comparaison de ce que je te ferais... »

Son regard se fige intensément, il ne rigole pas et toutes les personnes présentent dans la pièce en sont consciente. Mais alors que la tension est à son comble, un grand sourire apparaît soudainement, alors qu'il fait sautiller la besace dans sa main.

« Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai de la paperasse à faire moi ! Si vous voulez bien m'excuser ! »

Ainsi parti l'Epouvantail de Suna...