Cette citation, sûrement d’un bien sage ninja ou juste d’un type qui avait vécu assez pour savoir ce genre de chose, me frappa alors que je lisais un parchemin dans le salon de l’appartement que je partegais avec Hayato. Trois mois que j’avais survécu à cette mission dans les montagnes, soignant mes blessures et ravalant mes maux au profit de combats et de nouvelles missions, plus fructueuses et avec moins de morts. Le souvenir restait, impérissable. La mémoire est parfois la meilleure des armes, surtout quand elle nous frappe, nous même.
La nuit, c’était le plus dur. Je me réveillais en sursaut, persuadé que j’étais sous une attaque. Revivant des moments hasardeux de l’attaque puis de la traque, dans les reliefs. Le matin venu, je ne me rappelais plus de mes rêves, mais une part de ma conscience, enfin… mon inconscience, travaillait pour moi. Mon esprit était mon propre ennemie, alors je vivais.
Vivre, avancer ? Oui, je m’entraînais pour que cela n’arrive plus, mais voilà que frappait une pensée, fugace, innocente, … « Si j’avais su faire ça, j’aurai pu les sauver ». Alors je m’arrêtai dans mon geste, stoppé par un mal trop grand… Une peine trop intense. Je ravalai aussitôt les flots de ma propre haine, reprenant mon souffle.
Et je continuai.
Je ne savais rien faire d’autres : Parler ? À qui ? Pour quoi ? J’étais un ninja, ils étaient des ninjas. La destination finale dans notre métier, c’était le cimetière. « Pas eux, ils sont encore dans les montagnes ». La grande arrivée, c’était la mort. Alors je fermai ma gueule, ça je savais faire. Frappé, humilié chez les Nozomo, j’avais tenu le choc : À quoi bon ? Pleurer ou crier, râler de ma souffrance, qu’est-ce que ça allais changer ? Avouer un constat d’échec, avouer la miséricorde d’un destin dont je ne croyais même pas : J’étais vivant, ils ne l’étaient plus. J’aurai pu... j’aurai dû y aller. Dans mes réveils nocturnes, je ne pleurai même pas : Hayato tout proche, je ne pouvais me laisser aller.
Il fallait être fort. L’étais-je vraiment ? Incapable d’affronter mes sentiments, ils se nourrissaient de la pourriture de mon âme pour grandir et grossir.
« Il y a deux loups en chacun de nous, l’un qui symbolise la tristesse, la colère, la haine et l’autre, la joie, l’optimisme et la générosité. Ils s’affrontent chaque jour, et celui qui gagne est celui que l’on nourrit ».
C’était bien beau, cette fable, mais je n’aimais pas tant que ça les loups : A vrai dire, dans le désert ce n’était pas légion. Cette histoire avec des Tanuki, cela aurait moins de gueule. ____________________________________________
Le coup vint avant que je comprenne, bien sûr j’avais entendu les pas rapides, le souffle court et les petits gémissements annonciateurs de larmes, mais je n’avais pas compris. Oui, le pire châtiment était le remord, sauf qu’un coup de pied dans les côtes sans se préparer à endurer le choc, c’était pas mal dans le domaine. Avant de pouvoir esquisser le moindre geste ou prononcer le moindre « pourquoi », il y eu l’explication formulée sous la forme d’un crachoir dur :
- Tu as tué mon frère ! « Ah ! Saisho avait une sœur ». Les traits carrés, les yeux tirés et la couleur de cheveux ne trompaient pas. Ma rencontre avec la mère de mon chuunin mort m’avait amené des acouphènes pendant quelques jours, elle n’était pas ninja, mais sa claque était digne d’un combattant. Je n’avais pas eu occasion de rencontrer la frangine, il fallait un début à tout.
En pleine rue, alors que j’étais en livraison pour mamie-maté, c’était pas le plus commode. Me retournant, faisant face à l’agresseuse, je pus observer que les habitants de la rue guettaient ma réaction. Des fenêtres, de derriére les étales, certains se cachaient derriére des chariots, espérant voir du point le plus proche, sans être pris à parti. La scène était comme un cadavre, et eux ils étaient les mouches. Pullulant, cherchant à se nourrir.
- Je suis désolé d’avoir conduit au décès de Saisho… Un discours poli ? Une phrase toute faites ? J’étais devenu ce type-là Las de s’expliquer, je me réfugiai derrière un parloir.
Pour toute réponse à mes excuses, une gifle. « Elle n’a pas visée l’oreille, c’est déjà ça ». La brûlure était présente, mais cela irait.
- Si tu n’es pas capable de protéger tes subordonnés, ne fait pas ninja ! Elle était jeune, moins de vingt ans. Frêle et fragile, mais cachait une grande force, sous la forme de sa colère dont j’étais devenu l’objet. Peut-être qu’elle couvait cette fureur depuis trois mois, peut-être que je réalisais enfin que les blessures ne se réparent pas avec le temps.
Certaines s’enveniment.
- Je… Oui, j’y ait pensé... Entre autres. Écoutait… Elle n’écouta pas, se rapprochant de moi elle me frappa encore et encore : Dans les côtes, dans le torse, son poing vint me cueillir sous le menton.
Je restai solide, debout, subissant l’assaut en fermant les yeux. Serrant les dents, tentant de la retenir comme une ultime garde d’un bastion. Quel bastion ? Ma fierté ? Déchue. Je n’avais encore raison de rester stable devant elle, sauf l’intérêt de ne pas tomber. Immobile, j’attendis qu’elle finisse : De me frapper, de souffrir… De la haine, il ne restait que des vestiges, devant une tristesse insondable. Sous ces maux qu’elle couvait, il y avait autre chose : Des larmes ? Elles coulèrent, mais la jeune fille ne colla pas son front contre mon torse, comme on pourrait l’imaginer à cause de ces parchemins romanesques. Elle préféra prendre de la distance, cachant son visage derrière son bras et reniflant discrètement.
Je voulus ouvrir la bouche, pour parler, mais à quoi bon ? Ouvrir mes écoutilles ne me permis que de prendre une respiration et la décision de rester devant elle, malgré tout. La colère était passée, mais elle devait extérioriser le reste : Peut-être à moi ? Peut-être pas. À elle de décider.
- … Pourquoi ? Je fixai ses doigts, un sur deux était vernis, elle n’avait pas le temps de tous les faire, mais voulait donner l’apparence qu’elle prenait soin d’elle. Si on ne regardait pas vraiment le bout de ses membres, cela pouvait faire illusion. Ici, son physique était la dernière chose intéressante dans la scène. Pourquoi il est mort ? Question compliquée, voulait-elle une réponse pragmatique ou philosophique ? Elle développa. Pourquoi vous faites ce métier ? Et lui ? Vous n’y gagnez rien !
Soufflé, je fis un pas en arrière. Le soleil du désert me sembla d'un coup plus froid, je sentis même un courant glacial serpenter dans mon échine.
- Je… Je ne sais pas. J’ai toujours fait ça, mon clan m’a formé alors… Je suis le chemin tracé. Elle retira son bras qui cachait ses yeux, ceux-ci marbré à cause du gonflement des canaux lacrymaux exprimaient une peine incommensurable, une incompréhension devant un fait nébuleux. - Saisho trouvait ça cool d’être ninja, il voulait être utile. Il l’a été ? « Non, il est mort et nous avons échoué la mission ». - Non. En prononçant ses mots, j’eus le sentiment de délivrer un coup à cette fille. À son tour de reculer, reprenant son souffle. Mon plan a échoué, lui et un autre chuunin sont tombé et rien n’a été réalisé ensuite. J’ai fui, car j’étais seul contre une cent… - Je m’en fou ! De la colère. Je m’en fou de vos états d’âmes, de la suite de votre mission de merde ! En hurlant, elle rameutait une population issues des rues voisines. Elle se ravisa, cette jeunette était vidée : Plus aucune force pour s’avancer et me punir, même plus assez pour crier. Je venais d’entendre ses dernières vocalises. Comment c’est possible de vous envoyer a trois contre autant de monde ? Un ton vide, la discussion touchait à sa fin.
Je ne pus rien dire, ce n’était pas mon rôle de critiquer le bureau des missions. La faute était sur le chef d’équipe, moi. Une pierre sur mes épaules, un rocher plutôt. Assumer, c'était parfois dur...
- Je ne sais pas. C’était vrai, tout était brumeux. Cette mission avait eu des allures de test, de punition … Rien ne semblait cohérent. Elle me fixa, jugeant mes quelques mots en les comparant avec mon langage non verbal : Mes yeux, mes expressions, … Pensait-elle que je mentais ? - Vous ne savez rien… « Oui. »
Elle partit, sans doute mieux, sans doute pire qu’à l’arrivée. C'était trop beau si j'avais pu aider ma victime indirecte, je n'avais rien formulé de nouveau : Répété des excuses, prononcé mon ignorance. A mon tour de me sentir vide. Un échange peu courtois, riche en animation, mais qui avait ravivé une douleur plus cruelle que quelques bleues. Mon esprit me sommait de fuir, mon corps restait fixe. Les gens murmuraient, interrogatif devant mon indifférence.
« Putain, rue de merde. Population de merde ». « Vie de merde ».
Sphinx. Yukio 021
Shirogane Honoka
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Parfois, je me demandais si les coïncidences faisaient juste bien les choses ou si c'était un jeu du destin, si nous étions des pions sur un échiquier invisible et que l'on était prédestiné à certaines rencontres et pas d'autres, ou bien tout simplement à nous trouver à certains moments et pas un autre. J'étais de permission, un peu de temps libre où je m'étais dit que je pouvais aller voir la grand-mère des Nozomo pour acheter du maté. Depuis que Yukio m'avait offert son bidule à infusion, je n'avais pu prendre le temps de l'essayer... et puis je savais pas du tout comment ça marchait. C'était pas trop le genre de boisson qu'on trouvait chez moi, si tentait que j'avais pas sifflé tout le reste. Elle était belle ma petite caisse de bouteilles de saké vide. J'étais au sommet de mon art en matière de décoration.
Tout ça pour dire que du coup, je mettais rendu chez la vieille commerçante. Lorsque j'étais entrée dans son établissement, elle m'avait pas toute de suite reconnue. Pour l'anecdote, j'étais fringuée comme une civile et en kimono en plus. Du coup, pas de bandeau de village, pas d'armes sur moi, les cheveux détachés... On avait pas l'habitude de me croiser ainsi vêtue et pour cause, je le faisais quasiment jamais. C'était pas une journée spécialement exceptionnelle, c'était juste que j'avais plus rien à me foutre sur le dos que ce que je portais là. Ce kimono reposait tranquillement plié dans le tiroir d'une commode, conservé uniquement pour la forme ou une éventuelle grande occasion. Comme une neuneu, j'avais oublié de faire ma lessive et j'avais dégueulassé tout le reste donc...
Pour en revenir à nos moutons, j'étais venue acheter un sachet de maté pour tester et surtout lui demander des conseils d'usage du machin que m'avait fabriqué Yukio. Vous auriez dû voir son œil briller quand je lui avais dit qu'il m'avait fait ce truc en cadeau ! Genre c'était une première. J'avais quand même calmé mamie en expliquant que c'était juste un gage de remerciement suite à nos entrainements, et peut-être aussi une façon de lui faire gagner une cliente ni vu ni connu puisque c'était la seule à vendre du maté à Suna. Elle avait semblé presque déçue, mais elle m'expliqua sans peine ce que j'avais besoin de savoir et l'art technique de faire du maté, tout en me vantant le produit. Personnellement, je verrais surtout au goût, je me fiais jamais trop à ce que racontait les gens. Je me ferais une opinion par moi-même en essayant. Dans la foulée de notre petite "conversation" orale et écrite, elle m'indiqua qu'elle trouvait drôle que l'on parla de Yukio puisqu'elle venait de l'envoyer assurer une livraison pour elle. Drôle en effet. Je m'étais dite que je le croiserais sans doute en chemin et c'était le cas... en quelque sorte.
Après avoir quitté le magasin avec mes courses en main, je pris le chemin du retour pour me rendre tout simplement chez moi. J'avais un petit deux pièces, tout con, tout basique au dernier étage d'un quartier pas terrible, un endroit où j'étais assez certaine qu'on me ferait pas chier et où je pouvais monter sur le toit de temps en temps pour profiter de la vue sur le village. Pour m'y rendre, fallait que j'empruntasse l'artère principale du centre-ville qui d'habitude était bondée en grande période. Mais pour une fois, il y avait quasiment personne. Quasiment. Parce qu'après avoir commencé à faire quelques pas, j'avais entendu une gamine se mettre à gueuler et brailler de colère.
Le plus logique et le plus simple pour moi aurait été de m'embarquer dans une autre ruelle, faire le tour, tracer mon chemin parce que les disputes maritales, je m'en foutais royalement. Sauf que je reconnus la silhouette de Yukio. Même si je le connaissais, je voulais pas m'en mêler, c'était pas mes affaires et il avait droit à sa vie privée - bien que je ne pus m'empêcher de penser qu'il aimait les petites jeunes le coquin. Pourtant, quelque chose me gênait. C'était dans sa posture, dans son maintien. Il y avait un truc qui clochait. C'était une grande gueule et je m'étonnais de pas le voir réagir. Je secouais la tête en me répétant que c'était pas mes oignons, prête à dévier ma route mais.... je vis la gamine se barrer et les badauds curieux commencer à murmurer, le regarder en biais, accusateurs.
Des vautours.
Ces regards-là ces sifflements de serpent, je les connaissais bien. Mais personnellement, ça m'empêchait pas de garder la tête haute juste pour les emmerder et continuer mon chemin parce que je les emmerdais carrément. J'aurais cru que Yukio aurait été fait de ce même bois, mais il demeura prostré, je ne pus détourner mon regard de son dos qui me semblait porter toute la douleur du monde. Un curieux sentiment... mais je finis par tourner le dos. Un pas. Deux pas. Trois pas. Fais chier. Je me mis à soupirer lourdement d'agacement avant de virer de bord pour marcher dans la direction du Nozomo, ne portant aucun regard aux passants. Arrivée à sa hauteur, sans un son, sans un sifflement, sans aucune manifestation particulière de ma part, je lui pris la main. Je continuais à marcher droit devant moi sans ralentir, je l'emmenais simplement dans mon sillage, sans lui demander quoique ce soit, sans le regarder non plus.
Les murmures reprirent de plus belles, mais le thématique changeait parce qu'ils se demandaient qui j'étais. Du coup, ça donnait lieu à d'autres commérages. Toutefois, je contentais mon chemin pour l'emmener loin de là, des sifflements, de cette rue, de ces charognards dont la vie était si insipide qu'ils se permettaient de juger celles dont ils ne savaient rien. Libre à eux de nous cataloguer, mais s'ils pouvaient s'adonner à leur passe-temps de commères, c'était bien parce que des shinobis les protégeaient. Les humains étaient bien cons, n'est-ce pas?
Je demeurais bien évidemment mutique, sans pour autant lâcher sa main ni spécialement changer l'allure de ma marche. Où j'allais ? Bah chez moi. C'était pas parce qu'il était au milieu de chemin que mon objectif serait inchangé. Je l'emmenais, c'était tout. Après, il ferait ce qu'il voudrait. Il rentrerait ou il irait voir mamie. Ou bien il lui faudrait juste un peu de temps pour reprendre ses esprits. En tout cas, s'il y avait bien un endroit où on le chercherait pas et où on le ferait pas chier, c'était bien chez bibi. Personne ne venait chez moi sauf mon vieux. Au bout d'un certain temps, on parvint dans le quartier où je résidais et je le fis monter naturellement jusqu'à l'étage où se trouvait mon antre. Je lui ouvris la porte, l'invitant à entrer. Je lui fis un signe un peu autoritaire, celui de poser ses fesses dans le canapé avant de me diriger vers la cuisine pour poser mes courses, puis lui chercher un verre d'eau. Lorsque je revins, je lui tendis avant de poser mon postérieur à moi sur la table basse devant lui. Je croisais les jambes, posait mon coude sur mon genou et plantait mon regard dans le sien.
" Parle. "
Nozomo Yukio
Suna no Jonin
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Dieu sait que je m’en suis pris des coups de pied dans ma vie, et pas des métaphoriques… D’abord, le fameux exercice de gainage où l’instructeur te met des frappes dans les côtes pour te forcer à rester tonique. Tonique, mon cul... L’instruction par la violence, quelle plaie ! Des gens pensaient vraiment qu’on apprenait des trucs aux enfants en leur tapent dessus ? L’erreur fait grandir, mais pas celle qui conduisait à se prendre des coups. Comment grandir dans la peur ? On se fait une raison. Je m’étais fait une raison, oui. Les Nozomo étaient pas tendres, j’avais pris ma part de beigne…
Malheureusement, mes expériences avec la voûte plantaire d’étrangers ne s’arrêtait pas que là. En combat, il arrivait qu’un expert du taijutsu s’amuse à me refaire le visage, c’était rigolo avec du recul. Moins dans l’action. La plupart du temps, c’était surtout moi, par terre, et des mecs qui s’acharnaient sur ma carcasse. Des côtés cassées, ça oui j’en ai eu… Je pourrais mentir et dire que j’aimais ça. Les gens le pensaient, que j’aimais me battre, a la limite du masochisme, mais finalement était-ce vraiment le cas ?
La bagarre, les combats, les duels, le danger… C’était peut-être pour me sentir vivant ? Sortir de la torpeur, accélérer mon pouls et devenir autre chose que cette ombre dans la nuit utilisée pour des missions. Souffrir, c’était être moi ? Mais dans ces moments de souffrance, je me déconnectai. Étrangement, allongé sur ventre pendant que des soûlards me rossaient, je n’étais plus vraiment là. C’était fou alors de s’imaginer que je recherchai cela, pour fuir de mon enveloppe quand cela venait. Une limite, j’avais une limite. Comme tout le monde, je voulais boire sans me noyer. Manger sans me bourrer.
Vivre sans être totalement vivant ?
Devenu faible, à la merci de quiconque, mon esprit vagabondait dans une brume, une vapeur… Derrière un voile accueillant me promettant que tout irait bien. À la fin, était-ce ça que je cherchai ? La sécurité dans cette zone de ma conscience ? C’était quand même un peu trop… Cette partie de moi me faisait, honnêtement, un peu peur. Face à une falaise, j’étais de ceux qui s’approchaient pour regarder. Une distance, un vertige. Une envie de sauter ? Pour quelle raison ? Pousser toujours plus loin, me prouver des choses, montrer que je pouvais le faire : Fer de lance, blessé puis cicatrisé. La tête brûlée, le sauvage, celui qui agite son sabre de partout.
En fin de compte, le plus dur coup de pied que je m’étais pris dans ma vie, c’était quand Ishi était mort… Jusqu’aux chuunins. Avançant, j'avais parut passer outre.
Je pourrais mentir et dire que j’aimais les choses comme ça. ____________________________________________
La sœur de Saisho était partie, mais sa marque était bien présente : Par la scène qu’elle avait créée dans la rue et le ras de marée en moi. Les parasites qui se délectaient de ces visions ? Disparus. Du blanc, un écran face à moi. Des voix au loin, bien sûr, mais à vrai dire je ne savais pas si j’entendais la réalité ou si tout était dans ma tête. Moi ? Je hurlai dans ma tête, un déluge d’insulte à mon égard, à celui des autres, au monde. Mon corps ne bougeait pas, ma bouche restait close. Une totale dissonance cognitive, je devenais prisonnier de mon corps alors que mon esprit perdait son pied dans le réel. Une partie de ma conscience, peut-être la pire, me faisais comprendre que ce n’était pas normal… Pas du tout. « Qu’est ce qui m’arrive ? » Perdre la tête, c’était une chose, mais le savoir : Voir clairement dans la défaillance, c’était peut-être le plus horrible. Je me concentrai, pour retrouver un peu les couleurs de mon cadre, mais plus je voulais retourner dans le monde où j’étais née plus le voile face à moi prenait de la distance. Je me sentais en sécurité, mais je savais que j’étais toujours dans une rue, à Suna. Immobile.
« Je vais devenir un épouvantail, à force ». Les murmures s’intensifiaient : Bien sûr qu’un adulte qui restait les yeux fixe, statique, c’était étrange. Surtout après le spectacle de guignol que j’avais dispensé à la commune. Abandonnant ma tentative pour retrouver mes sens, je m’orientai vers un plus petit effort : Bouger un muscle, même une phalange, reprendre le contrôle. Une impression étrange, comme si je me pinçais. Je réussis à bouger mon doigt, c’était pénible, mais ma main restait bien loin de mon emprise. « Bon... »
Faire le vide dans ma tête, oui, mais avec ma propre voix qui faisait un monologue, c'était compliqué… « Mais ferme là un peu ! J’essaie de me concentrer ! » Comme si j’avais un jour écouté quelqu’un, alors moi-même… Ma voix s’arrêta, pour former un genre de râle, comme si je pleurnichais ou que j’agonisai. Sans l’image, difficile de se faire une idée. Quoi qu’il en soit, il fallait essayer de me calmer. Mon état était proche de la catatonie, je refusais le réel. Je fuyais dans cet univers blanc pour ne pas affronter la réalité, ma vie ? Mes actes ? Les conséquences de mes actes ?
Je fuyais…
Comme si mon esprit guidait mon corps, je sentis ma jambe se relever, puis l’autre… Une curieuse sensation dans ma main droite, un contact ? Mon bras était tendu devant moi. Je courrais la main devant moi ? Le blanc reprit des couleurs, d’abord du bleu pour le ciel, du beige pour les bâtiments. Une forme colorée déambulait devant moi, de nouveau du beige relié à celui de main. « On me tire ? » On va encore me frapper ? Je soupirai, enfin… mon esprit imaginait que je soupirai. On ne pouvait pas me laisser un peu de répit ?
- Laissez-moi… À peine audible, je demandai qu’on me lâche. Pourquoi toujours vouloir me tirer ? Je ne me suffisais pas à moi-même ? J’avais besoin d’un répit. De dormir, de ne plus penser.
Du blond ? Des cheveux qui suivaient le mouvement d’épaules ? Pas très hostile comme présence. «Vous me voulez quoi ? » Pas possible de parler, cette fois. Mon moi physique avançait, alors je devais traverser le voile. La forme ne semblait pas me vouloir du mal, je pourrais toujours revenir si besoin… « Ou alors je pourrais affronter ? Le plus dur est passé… Je crois ».
Soutenant mon effort, je transperçais le drap blanc laiteux pour reprendre le contrôle de mon corps : Du bruit désormais plus du tout étouffé par la distance cognitive, des halètements et mon cœur qui me disait : « Ah bah tiens ! Je te cherchais ! » La terre sous mes semelles, des brefs coups de talon de la personne devant moi… Honoka ? « Et merde, comment je vais expliquer ça ? » Elle était habituée à un gars actif, me voila devenu un épouvantail qu’il faut tirer. Un genre de mollusque… « Ça ressemble à ça un mollusque, j’en ai jamais vu ? »
Bon… Comment faire pour relever le niveau ? « Allez Yukio, ne montre pas que tu viens de te déconnecter littéralement de la réalité ».
- Eh ! Honoka ! Comment ça va ? « Étrange, mais continue » Tu penses que j’ai pris du poids que tu me pousses à faire du jogging ? C’est plutôt à Hayato que tu devrais proposer. Ma voix était pâteuse, elle me semblait irréelle. J’avais ce timbre ? Cette intonation ? « Bon, on verra plus tard ». J’avais à peine repris le contrôle de mes membres, je ne pouvais pas m’arrêter. Une partie de ma conscience me soufflait de continuer, plus je m’éloignai de la rue maudite plus je prenais confiance. Fuir… Mentalement ou physiquement. J’ai une livraison pour Mamie tu sais ? Je ne peux pas m’entraîner.
Les rues défilaient, mon corps répondait de mieux en mieux et je me risquai à jeter des petits coups d’œil autour de moi. J’essayai de me souvenir des lieux : Me trouver dans la ville, me situer géographiquement… peut-être était-ce la voie pour reprendre totalement pied dans le réel. Des couleurs, ouf, mais au fond de moi le voile restait. Proche, trop proche. Tout était trop clair, cette impression de fiction me collait à l’esprit : « Peut-être suis-je toujours immobile, comme un con dans la rue ». Les gens avaient dû se lasser, ils étaient partis. « Non, je cours, je sens mon cœur qui marche ».
- Tu m’amènes où ? Manger ? Il est l’heure de manger ? « Ok, parle, mais dis pas non plus de la merde ». J’ai envie de maté. « Débile ». Ma vision se précisa, et avec elle notre position : On allait chez les Shirogane. Pourquoi tu m’amènes dans le domaine de ton clan ? Tu veux que je devienne une marionnette ? « Tu en es déjà une ». Tu sais, normalement on me paye à manger avant de m’amener chez soi ? Un petit rire, comme un grognement, sortit de ma bouche, c’était incroyable ces possibilités de paraître plus stupide que je ne l’étais.
Un virage et l’atelier de la muette ne fut plus la destination. Un enchaînement de bâtiment, puis Honoka ouvrit une porte pour monter des escaliers, je suivais comme un petit chien. Une nouvelle porte et elle me balança sur le canapé. Mon atterrissage ? Catastrophique. « Garde une contenance ». La tête haute, le regard fixe, je vis la belle se mettre devant moi, sur la table basse. La voyant croiser les jambes, je voulus faire une blague, mais elle coupa toutes mes velléités en s’exprimant avec ses cordes vocales endommagée : « Parle ». Il fallait paraître clair.
- Très joli Kimono. Ma voix paraissait presque convaincante, en tout cas elle me semblait m'appartenir. Détournant les yeux pour ne pas voir la suspicion dans le regard de ma partenaire, je promenai mon regard sur l'appartement. C'est pas mal, je connaissais pas ce quartier de Suna. C'est bien fréquenté ? Oh ! tu as une carte du Sekaï ? Le regard de ma camarade me présenta son avis sur ma tentative de diversion. Secouant la tête, je mis ma tête dans mes mains. C’était juste une dispute au sujet d’une mission, le frère d’une fille s’est retrouvé blessé et elle vient régler ses comptes avec moi. Elle a le sang chaud et a voulu me taper, je l’ai laissé faire : Elle n’allait pas me faire grand-chose ! J’essayai de rire, mais le son était roque. Mon sourire connaissait des turbulences, des petits spasmes sur le côté droit. De l’autre côté, ma main gauche tremblait.
Je remontai la pente, mon corps se reconnectait gentiment à ma tête, mais avec ce retour à la réalité précipité j’allais souffrir du contre-coup : Rien n’était réglé. La fuite devant un coup physique, ça marchait, mais la catatonie ne préservait pas des blessures du cœur. Le mal était là, tapi en moi. Essayer de me relever pour partir ? Mes jambes répondaient à peine et Honoka n’allait pas me laisser partir, si ?
- Ce n’est rien, vraiment ! Mais merci pour la petite course. Je me tapotais le torse. Mon palpitant est à un bon rythme là ! J’avais choisi la main droite pour ce mouvement, mais celle-ci trembla également. « Trahi par les deux ». Les yeux de la muette suivirent ma main, j’étais grillé. Dis rien à Hayato, il se fera des soucis. « Putain, je suis dans la merde ».
Je pourrais mentir… encore ?
Sphinx. Yukio 021
Shirogane Honoka
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Des embobineurs, j'en connaissais des tas. C'était même plutôt courant dans le métier, savoir noyer le poisson, dire que ce qu'on voulait dire, rediriger une conversation pour obtenir une information... C'était en soit assez basique pour un shinobi, bien que certain fût meilleur que d'autres, que cela soit dans la pratique ou bien dans la manière de reconnaître le mensonge. Est-ce qu'autrefois j'étais bonne à ce jeu ? Je serais incapable de le dire, incapable de m'en rappeler vraiment. Par contre, j'avais pu découvrir avec quelle facilité les gens pouvaient s'ouvrir à une femme qui ne pouvait pas parler. J'étais une oreille naturellement attentive parce que je n'avais pas le choix et je ne pouvais pas vraiment interrompre une conversation à moins de me barrer ou faire physiquement fermer sa gueule à mon interlocuteur. C'était déjà arrivé. Cela arrivait souvent même à moins que cela eût un quelconque intérêt d'écouter, je tournais le dos.
Yukio semblait avoir immergé lorsque je l'avais pris par la main et embarquer avec moi, tentant de me raconter des banalités maladroites à laquelle, bien entendu, je ne répondis pas. Pourquoi je l'aurais fait d'ailleurs ? Il se donnait de la contenance et j'allais pas participer à cette mascarade après le spectacle qu'il venait de livrer. J'allais pas faire semblant. C'était pas trop mon délire. Alors pourquoi je m'embarquais là-dedans ? Pourquoi j'avais pas tourné les talons comme je m'étais apprêtée à le faire ? Peut-être parce que la scène que j'avais vu avait un arrière-goût de déjà-vu déplaisant. Parce que je connaissais le poids de l'enclume qui nous tombait sur le sommet du crâne avec les reproches.... même si dans mon expérience, l'échos avait été différent. Je ne me rappelais pas la raison des reproches, je me rappelais pas des visages, je me rappelais pas de la raison de mes échecs. Mais je connaissais les chuchotements, les regards, l'isolement. En tant normal, je supposais que Yukio aurait pu aisément compter sur son frère pour agir, mais il n'était pas là. Le hasard m'avait amené à être sur cette route et ce même hasard avait fait que je le regardais à ce moment-même droit dans les yeux alors qu'il se tenait sur mon canapé.
Lorsqu'il me déclara que j'avais un joli kimono, mes yeux se plissèrent. Vas-y mon gars, tu pouvais continuer tes mensonges mais on me la faisait pas. Il me donna d'ailleurs raison à l'instant même où il se détourna de mon attention, mais je demeurais statique, toujours accoudée sur ma jambe et mes yeux posés sur sa silhouette décomposée. Il était à fleur de peau, je le sentais ou le pressentais, je ne saurais le dire. Il ne lui en fallut pas plus pour craquer, m'expliquer la raison de son problème. J'aurais pu sourire avec ironie si la situation s'y prêtait puisque son histoire entrait un peu en résonance avec la mienne. Je supposais aussi qu'on était certainement pas les seuls shinobis de Suna à posséder des histoires similaires.
Lentement, mes yeux se posèrent sur sa main. Elle tremblait, elle trahissait le mensonge. Je relevais mes yeux accusateurs vers lui tandis qu'il me priait de ne rien dire à son frère, avant de soupirer en guise de simple réponse. Je décroisais alors mes jambes avant de commencer à lui parler en langage des signes.
" T'as fini de me raconter des bobards ? Lorsque je te demandais de parler, c'était pas pour connaître les raisons de la colère de ta petite amie. C'était pour que tu me parles de ce que tu ressens. "
Si mon regard affichait généralement une expression triste ou blasée, je supposais qu'il brillait à cet instant d'un peu d'empathie.
" Tu devrais savoir que je ne suis pas le genre de femme à faire du grand déballage, et si quelqu'un devrait avoir une conversation avec ton frère, ce serait toi. Pas moi. "
Je n’étais pas une balance, tout comme généralement je ne me mêlais jamais de la vie des autres. La mienne était assez bordélique pour me permettre de fouiner ailleurs, déjà que je ne le faisais pas pour moi. Alors pourquoi ? Depuis quand je faisais preuve de sensiblerie ? Depuis quand je me mettais un pied dans l'existence des autres ? Depuis que j'étais sortie du coma, j'avais pourtant parfaitement compris que je n'avais rien à attendre des autres, ni de moi-même. Je ne pouvais pas me sauver moi-même de mes propres démons, je les nourrissais. Je ne voulais pas redevenir celle que j'étais, je voulais avancer. Je ne voulais pas me rappeler parce que la douleur me ferait éclater. J'avais pas les tripes pour le supporter, pas les soutiens, pas l'envie. J'étais lâche, je faisais l'autruche. Je préférais dévier de ma route plutôt que de passer par-dessus le mur. Je n'étais pas capable d'affronter plus, ni même de supporter tout ce que j'avais pu perdre.
Mais Yukio, lui, avait plus de courage que je n'en aurais jamais. Il était jeune, il avait un frère attentionné, il avait des capacités. Il avait plus que ce que je n'avais jamais eu. Peut-être que je surestimais sa force et son mental, c'était pas impossible. On avait tous nos limites... mais il avait un entourage, des mains qui lui seraient tendues pour le soutenir dans sa quête de lui-même. Je ne parlais pas de celles qui pourraient se manger dans la figure, bien que parfois cela remettait les idées en place.
" Tu te souviens que tu m'avais demandé si je dirigeais une équipe ? J'en avais eu une autrefois, quand j'ai été jonin. Aucune de mes équipières n'a survécu et je porte les stigmates de cet échec. "
D'une main je soulevais les mèches de cheveux qui me cachaient un peu les cicatrices de mon visage, de l'autre je pointais les bandages sur ma gorge.
" La seule différence par rapport à toi est que je ne me souviens de rien. Je ne me rappelle pas de leur visage, et je ne me rappelle pas de leur nom. Je ne me rappelle pas de ce qu'il s'est passé et je suis incapable de savoir qui est coupable. Moi ? Elles ? Nos adversaires ? Ou bien un tout ? "
Je me redressais alors un peu, j'étais mal assise sur cette table.
" Je suppose que tu dois penser que ça serait mieux de pouvoir tout oublier, que ça doit être plus simple et que ça te bouffe pas. C'est techniquement pas faux mais contrairement à toi, je peux pas savoir ce qui a merdé. Je peux pas tirer de leçon, je peux pas me faire évoluer pour devenir une meilleure kunoichi. Je peux pas soulager les familles parce que je n'ai aucune explication à leur donner. Je ne peux pas les aider parce que je suis indifférente à leur douleur. Mais toi Yukio... tu sais. "
Je finis par me lever pour m'assoir à mon tour sur le canapé, j'en avais marre de me tortiller d'inconfort. Sans gêne, je me permis de saisir sa main et de tirer dessus pour qu'il me regardât.
" Ton mal va pas se soigner en l'enterrant. C'est un boulet que tu dois accepter de traîner. Le temps le rendra peut-être un peu moins lourd, les rencontres aussi. Tout ce que tu peux faire, c'est devenir un meilleur shinobi pour que la même erreur ne se reproduise pas deux fois. "
C'était aussi con que ça... même si c'était toujours plus facile à dire qu'à faire, et qu'il était impossible d'avoir de l'emprise sur tout. Mais bon... j'étais mal placée pour être une donneuse de leçon en fait.
Nozomo Yukio
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J'avais tout ce que je voulais, mais pas ce que tu pourrais croire. Et si j'étais honnête ça aurait pu être un cauchemar pour quiconque s'en soucierait. J'ai cru que je pouvais voler, alors je me suis jeté de la muraille... J'ai fait un rêve. J'avais tout ce que je voulais, mais quand je me réveillais, je voyais toi, avec moi, et tu disais "Aussi longtemps que je suis là, personne ne pourra te faire du mal. Je ne veux pas mentir, mais tu peux apprendre à le faire. Si je pouvais changer la façon dont tu te vois, tu ne te demanderais pas pourquoi tu es là, ils ne te méritent pas". J'ai essayé de crier, mais ma tête était sous le sable. Ils m'ont appelé "faible", Comme si je n'étais pas le frère de quelqu'un. Ça pourrait être un cauchemar, mais j'avais l'impression qu'ils étaient là. Tout me semblait si proche. Je voulais que personne ne le sache, puisque tout deviendrait réel. ____________________________________________
Mon cœur arrêta un petit peu son office quand je vis les mains de Honoka s'agiter. Mon cerveau déconnecté, il y a peu, trembla quand il se mit en branle pour autre chose que me mettre des bâtons dans les roues : Je saisissais une histoire de bobards, puis tout devint clair. Elle voulait que je parle de ce que je pouvais ressentir. "Ahah ! Ce que je peux ressentir..." Un sourire doux à mes lèvres, qui ne réchauffait pas pour autant l'ambiance, j'écoutai... Enfin, je décryptai les gestes. C'était plus simple de lire les signes que d'entendre une sentence irrévocable : Oui, je devrais avoir une discussion avec Hayato. "Si je le pouvais." Le problème n'était pas l'écoute de mon aîné, mais ma propre faiblesse.
Hormis ces quelques passages, disons "gênants", ma vie pouvait continuer sans que je sois trop troublé par cette catatonie, par cette plaie ouverte en moi, mais il fallait se résigner : A l'image de la peine de la sœur de Seisho, je profitai d'une large ouverture dans mon être qui ne faisait que s'élargir. Une blessure que je n'avais que bien trop tardé à panser, caché sous une épaisse couverture j'hésitai à la découvrir... Pour voir quoi ? Le pue, la pourriture, peut-être l'os rongé ? "Non, ce ne serait pas beau à voir". Rien que d'y penser, un pli de la mascarade commençait déjà à se retirer. Je remettais mon esprit dans la bonne direction, ce n'était pas aujourd'hui que j'allais avoir la force de contempler tout cela. Le temps de ma réflexion, Honoka avait continué. Mes yeux, a demi-ouvert dans une expression de perdition, assommés par quelconque substance envoyée par ma tête pour pallier certaines choses, s'ouvrirent devant la mention de l'équipe de ma camarade : Des coéquipières, mortes, pourquoi ? Elle ne le savait pas, son coma et ses blessures avaient effacé sa mémoire, mais subsistait une autre forme de poids que celle des souvenirs... L'incertitude de sa responsabilité, mais la réalité de l'absence. Sans doute, la muette avait eu l'occasion de souffrir de même scène que moi. Ces filles devaient avoir une famille, qu'importe leur âge. Un bref instant, j'imaginai sa situation et cela me parut peu enviable... Bien sûr, chacun avait sa pierre sur ses épaules. Relativiser, oui, mais quoi ? "Ta peine contre la mienne ?" Le vide en moi proposa un peu de colère pour remplir le tout, mais je refusai de céder à ça : Honoka n'était pas ce type de femme, la leçon était ailleurs. Celle-ci vint bien vite.
Ma partenaire de Kenjutsu me dit alors, en quelques gestes, que la mémoire : Ce poison qui m'empêchait de dormir, parfois, et qui venait tel un poignard me picoter les côtes, à défaut que cela soit un bon coup de pied, était une raison pour avancer. Faire que cela n'arrive plus. Pour toute réponse, je produisis un petit rire, tellement spontanée que c'était plutôt une toux si on regardait bien. Honoka s'assit à mes côtés, me prenant la main : Un contact doux, cette fois on pouvait dire que c'était chaleureux. Avais-je besoin d'être touché ? Le contact ne me déplaisait pas, mais ne provoquait pas chez moi un réconfort évident. Je n'étais pas une personne tactile ? Pas que je sache.
Non, Honoka ne voulait pas me faire relativiser ou avancer sa blessure pour minimiser la mienne. Elle "profitait" de sa propre situation, comme si on pouvait profiter un jour de cela, pour m'accompagner, être un soutien. Cela se traduisit par son action de me lâcher les doigts, qui reposèrent mollement sur le tissu de son kimono. "On n'en a fait du chemin depuis qu'elle m'a touché le bout des doigts". Pour m'annoncer que cacher mon mal n'allait pas le soigner... Que c'était un poids, seulement résorbable par l'effort pour devenir un meilleur ninja. J'enlevai ma main, quelque peu déçu de la tournure, pour faire face à la table basse. Pensif, je ne voyais pas comment faire. Il fallait que je parle ? Soupirant, j'essayais de faire le meilleur de moi-même pour répondre en langue des signes.
Mes mains continuaient à avoir la tremblote, j'avais réussi à calmer quelque peu la gauche quand ma partenaire me l'avait saisi, mais tout revenait comme si de rien n'était. Mon cerveau faisait des connexions, le voile se résorbait petit à petit et je pouvais presque me dire que tout était arrangé : Bien entendu, rien n'était réglé. "Renferme tes problèmes sous une chape de plomb, quand ils remontent en surface souvent la peur te paralyse. Alors l'angoisse frappe comme une lame de fond". Le spasme de ma bouche avait presque totalement disparu, je reprenais le contrôle, enfin. "C'est pas trop tôt". Pivotant d'un quart, je faisais face à la muette pour me lancer, mais sur quoi ? Me livrer ? Faire l'étalage de mes douleurs ? Honoka l'avait un peu fait, ça m'aidait à pouvoir faire de même. Étais-je prêt ? "Serais-je un jour prêt ?"
"Je..." Mes gestes étaient hasardeux, j'avais de nouveau un bon contrôle sur moi-même, mais j'étais au niveau d'un petit pataud. "J'essaye de m'améliorer." Essayons alors de commencer avec des faits : "J'ai été missionné pour une mission, dans les montagnes, avec deux chuunins. On devait s'occuper d'un groupe de bandits, mais... Je vais résumer l'histoire : Ils sont morts, à cause de ma précipitation. J'ai réussi à m'en sortir, de justesse." Je n'allais pas montrer mes cicatrices, on n'était pas là pour ça. "On ne fait pas un concours de celui qui a le plus morflé, sans doute qu'elle gagne, madame j'ai perdu la mémoire et le genou en miette".
- Comme quoi, on peut dire ce qu'on veut du désert, mais au moins là-dedans tu ne risques pas de te faire prendre dans un guet-apens. Ma voix avait résonné pour essayer de détendre l'atmosphère, bien sûr... J'étais incapable de me livrer sans essayer de faire passer une pilule imaginaire avec quelques blagues.
Je regrettai automatiquement ma boutade, encore une façon de fuir : Gagner du temps, pour quoi ? Le silence m'assourdissait, mes oreilles bourdonnaient du trop plein de sérieux dans l'air. La langue des signes n'était pas assez développé chez moi pour faire une blague, cela devait passer par l'oral et cela créait un décalage qui rendait ma présence encore plus problématique dans un lieu privé où j'étais convié seulement, car j'avais joué les épouvantails en pleine rue. "C'est bien ma veine".
Soupirant, je décidai de faire le grand saut... Pas que Honoka habitait très haut dans le village, une chute d'un étage n'était pas à prévoir. Je pensais à parler plus précisément de mon état. Calmement, je mettais mes mains devant moi pour les joindre et lancer la transcription :
"Il y a dix ans" Je faisais un geste pour montrer que c'était environ en faisant virer ma main, ce n'était sans doute pas un geste homologué. "J'ai eu pitié d'un ennemi, il en a profité pour me repousser et foncer sur mon partenaire. Il est mort. Il s'appelait Ishi. Je me suis promis de ne plus hésiter, mais c'est cette répugnance à prendre un temps de réflexion qui m'a conduit à faire..." Je cherchai le mot pour "Merde", cela ne me venait pas. Qui avait dit qu'on apprenait les insultes en premier dans une langue ? Pour représenter cela, je mettais mon pouce vers le bas, espérant que Honoka comprenne. J'aurai pu parler pour dire ce simple mot, mais j'imaginai mal un observateur imaginaire voir la scène pour que le type qui gesticulait prononce juste "merde" au milieu de son spectacle de mime. "J'ai l'impression d'aller d'erreurs en erreurs, comme si je tournais en rond. Si ça concernait que moi je pourrais faire avec..." Encore une fois, je prenais un temps pour réfléchir. Pas au signe, mais à ce que je voulais dire... Ce que je pouvais, aussi. "... Mais je suis responsable de la douleur de familles."
J'en restai là pour mon explication, je ne voulais pas rentrer dans le mélodrame ou dans l'introspection : Effectivement, au point où j'en étais je pouvais sans doute le faire, mais une pudeur en moi m'en empêchait. La mort de Ishi, tout le monde la connaissait autour de moi puisque c'était la première fois que j'avais perdu quelqu'un dans ma "carrière" de ninja, mais personne ne savait que j'étais indirectement responsable... Alors, comment imaginer que je me sentais totalement responsable ? Pour tout. Honoka était la première à le savoir, Hayato n'en avait aucune idée. Riche idée de garder pendant dix ans ce genre d'information, c'était sans doute la pièce débutant le puzzle de mon mal-être. "Toujours commencer par le cadre, avant de remplir le centre".
Non, il fallait continuer. Ne pas parler me permettait de ne pas mettre de mots, vraiment, sur ça : Les gestes me paraissaient impersonnel, comme un exercice pour apprendre, pas une réalité que je mettais à jour :
"J'essaye de m'améliorer. Je fais que ça, je passe mes journées à m'entrainer... A amplifier mes performances, à enrichir mon panel de technique. J'ai même appris le genjutsu." Je lâchai la pierre, une petite culpabilité que je trouvais mal placée... Les Nozomo n'aimaient pas les illusions, Hayato non plus, j'avais reçu l'enseignement d'un petit vagabond que j'avais pris sous mon aile, en lui mettant des coups de pieds au cul. Tout était un secret, un nouveau. "J'ai l'impression que c'est pas assez, que je suis pas assez bien... Pas assez performant, qu'a tout moment ça peut mal tourner." Je respirai, laissant la situation prendre un peu de hauteur, pour reprendre : "J'ai du mal avec la vie de ninja."
Je ne pouvais pas en dire plus, j'avais surestimé ma capacité à me mentir à moi-même : Bien sûr que la langue de signes était une façon de m'exprimer, quel con de penser que j'allais esquiver toutes mes limites. Sans nuance, ma dernière phrase pouvait tout et rien dire... Je me laissais vaguer contre le canapé, la terre vers le plafond en soupirant.
- Tu crois que mamie aurait une place pour un vendeur de maté ? Je rigolai, ça me faisait du bien de dissiper ce nuage de morosité que j'avais créé comme on ouvrait la porte après une douche brûlante.
Est-ce que je voulais arrêter ? Non, je ne pouvais pas. J'étais fait pour être un shinobi, qui pourrait seconder Hayato ? Je n'avais pas d'autres compétences que la guerre et l'assassinat. Tant d'effort pour apprendre une autre nature, développer le Kenjutsu, pour arrêter ? Je n'imaginai pas ma vie sans ça. "Oui, mais ça va finir par me détruire... Si c'est pas déjà fait". A l'image d'un verre ébréché, je continuai à être utilisée faute de mieux. Peut-être même que j'étais une charrue réparée par quelques broches qu'un agriculteur utilisait en attendant que je pète. "Et si je devenais agriculteur ? Non, dans le désert ça a l'air compliqué... A part si toute la journée je veux retourner du sable." Fermant les yeux pour m'imaginer un peu la scène, moi avec un semblant de bob et une salopette, essayant de faire pousser des plantes dans le sable. Je ricanai... "Putain, je suis con". J'étais épuisé, tout me semblait dur : Physiquement en mentalement. Me tournant vers Honoka, je posai une ultime question :
"Pourquoi tu es ninja ?" La soeur de Seisho m'avait posé la question, je n'avais pu que bégayer. La réponse de Honoka pourra peut-être m'aiguiller sur ma propre réponse, enfin... Une autre que "Bah, j'ai toujours fait ça".
Et Hayato ? Et tout le monde ? Suivions-nous tous une voie tracée par les autres ? Et ces autres ? Pourquoi ils suivaient celle-ci ?
Du ninja ou du traumatisme, qui est arrivé en premier ?
Sphinx. Yukio 021
Shirogane Honoka
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Je ne savais pas si mon regard était lourd lorsque je le posais sur lui, est-ce que c'était pénible de lui donner l'impression d'attendre qu'il m'en dit plus. Toutefois, lorsque l'on avait pas de mot pour demander, pas de mot pour s'exprimer ou tenter de nuancer nos réclamations, on faisait qu'avec ce qu'on avait. Moi, c'était mes yeux et mes mains. Dans un cas comme dans l'autre, je ne portais jamais de jugement. À son rythme, Yukio tenta de m'expliquer le début de son affaire, ce qui semblait causer tant de tourment à la gamine et qui le rongeait aussi. Je ne fis bien évidemment aucun commentaire, je me contentais de l'écouter. Simplement l'écouter. Je le laissais me dérouler les petits bouts de son histoire comme cela l'enchantait, sans l'interrompre, sans le couper dans son élan pour qu'il ne puisse pas reculer. Ses paroles devaient s'écouler comme de l'eau, bien qu'il tentât des traits d'humour comme un coude pour ralentir le débit du torrent. Dans ces moments-là, j'affichais simplement un regard un peu blasé, mais il comprenait de lui-même que c'était inutile d'essayer de fuir.
Il continua, il continua jusqu'à ce que le doute de la vie qu'il menait lui était apparu. Est-ce qu'il y croyait au fait qu'il avait du mal avec la vie de ninja ? J'eus un simple sourcillement. J'y croyais pas trop, puis il prit son air de grand penseur avant de se tourner vers moi pour me demander les raisons pour lesquelles j'étais shinobi. Petit malin, tu détournais la conversation hein ? Je soupirais comme si je fus vaincue par son regard de chien battu avant de m'enfoncer dans mon canapé. Je laissais planer un petit silence si on pouvait dire les choses ainsi. Je ne savais pas par où commencer. Je finis par tourner mes yeux vers lui et je commençais à signer.
" Il n'y a jamais eu de pourquoi dans mon cas parce que dans la famille dans laquelle je suis née, tu n'as pas de choix ou d'alternative. Tu vis ou tu meurs. Tu te bats ou tu te sacrifies. Dès que tu es en âge de marcher, on te met un kunaï dans les mains. "
Autant dire que l'enfance était assez raide, et encore j'étais gentille. J'avais peut-être le père le plus tordu du clan ou en tout cas, un qui méritait d'en gagner la médaille. Mes yeux d'améthyste se perdirent quelques instants dans ses prunelles avant d'agiter encore mes doigts.
" Avant de devenir une Shirogane, tu te doutes bien que j'avais un autre nom. Je me nommais Kaigan Honoka. "
Je lui laissais quelques secondes pour "digérer" l'information. Je ne savais pas si cela lui ferait quelque chose ou bien s'il en aurait rien à cirer, mais c'était ma façon de dire qu'il y avait plus looser dans la vie qu'un Nozomo déconfit.
" Le vieux Yukio a tenté de m'offrir une autre vie ou tout du moins, il aurait aimé. Mais j'avais déjà la cervelle gangrénée par cet instinct de combat et de survie. J'étais formatée. Quand il a compris ça, quand il a compris que je pourrais jamais vraiment être autre chose, il m'a simplement proposé d'autres options et une manière de me battre différente, une autre philosophie. "
Je m'enfonçais à nouveau dans mon siège.
" Il m'avait simplement dit que le pourquoi était pas une question qui se posait, mais qui se découvrait, genre une sorte de révélation que tu pouvais avoir. "
Je ponctuais cette réponse par un haussement d'épaule. Je ne savais pas trop quoi penser de son charabia pour la simple raison que je n'avais jamais vraiment eu d'objectif. Je m'en fixais, mais ce n'était que des petits plots à atteindre pour continuer à avancer, aucun n'était une finalité, aucun n'était une conviction. Je pouvais toujours prétendre que je me battais pour défendre ce village, mais est-ce que j'en avais réellement quelque chose à foutre ? Est-ce que je le faisais pour moi-même ou pour me dépasser ? Clairement pas. Je n'avais jamais été dans la guerre de l'égo, ni dans celui de l'altruisme. C'était sans doute ce qui me manquait, ce but à atteindre.... mais on était pas là pour causer de moi et je ne tardais pas à le rappeler à mon camarade.
" Mais revenons-en à toi. "
Je me redressais à nouveau un peu pour me tourner plus directement vers lui.
" Le premier truc qui m'a frappé quand t'as parlé, c'est que tu as dit "j'essaie de m'améliorer". Essaie pas. Fais-le. Si tu n’es pas convaincu que tu peux t'améliorer, tu n'y arriveras jamais. C'est comme ton histoire avec ton pote Ishi. Tu te blâmes pour une erreur de gosse ? À l'époque, si cela a foiré, c'était sans doute que tu n’étais pas prêt. Ishi non plus. Regarde pas cet évènement comme si tu avais été un enfant parfait et infaillible. T'étais un jeune shinobi qui apprenait le métier et ses risques. "
Mon regard ne le quitta pas et je ne lâchais pas le morceau pour déballer ce que j'avais à dire.
" Si t'es toujours flippé aujourd'hui, c'était parce que dans ta tête, t'es toujours ce gamin qui a pas réussi à passer autre chose. Pourtant, quand je te vois combattre, je vois un type qui pourrait être bien plus grand que ça. Tu brides ton propre potentiel parce que tu flippes des conséquences, mais ce que tu oublies, c'est que tes partenaires sont aussi des shinobis. Coopérer avec l'autre ne signifie pas devoir prendre des décisions à sa place. Ishi aurait dû être plus prudent ou t'engueuler de pas faire ton job. Il ne l'a pas fait. C'était pas "ton" erreur, c'était la vôtre. C'est exactement le même schéma avec l'autre gars. "
Je m'arrêtais quelques instants pour soupirer et secouer la tête de droite à gauche comme s'il me désespérait un peu... puis je finis par avoir un sourire en coin.
" Yukio, t'es le seul maître de ton destin. T'es responsable de tes choix, pas de celui des autres. Ce serait vachement prétentieux le cas contraire. Tu peux pas empêcher les autres de se foirer et tu peux pas être non plus responsable de leurs emmerdes. Pas quand t'es shinobi en tout cas. Et si un jour on est amené à faire une mission ensemble, t'as pas intérêt à t'en vouloir si je venais à claquer. Je me sentirais insultée. "
Je ne pus m'empêcher d'avoir un nouveau petit sourire en coin. Ouais, en espérant avoir une mort un peu digne quand même, fallait pas déconner.
Nozomo Yukio
Suna no Jonin
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Enfant, je me disais : "Quand je serai plus âgé, je serais un marin en pleine mer." Mais à présent, j'avais la tête sous l'eau et ma peau était plus pâle qu'elle ne devrait l'être.
J'étais à nouveau assis. Rêvant d'un temps et d'endroit, où toi et moi restions les mêmes après tout ce qui c'est passé. Pouvions-nous faire semblant ? Il semblait de plus en plus que tout ce que nous faisions, c'était de voir jusqu'où ça pliait. Avant de se briser en deux et ensuite nous nous pliions à nouveau. "Je suppose que je me suis fait prendre au milieu de tout ça. Oui, on m'a appris, mais sans doute que j'ai un peu de ça dans mon sang, ou non..."
Je suis toujours une victime à part entière, mais je suis le méchant à mes yeux. _____________________________________________
Honoka n'avait pas pipé mot ou signé pour m'arrêter, juste écouté. Par contre, elle semblait un peu perdre patience face à mes quelques ajouts sonores. D'un regard désolé, je fis une petite moue pour exprimer que j'étais fait comme ça... Désamorcer une bombe en moi par l'intermédiaire de petits commentaires ? Comme si ça soufflait la mèche. Tout était couvert d'un drap, on ne sauvait rien en rigolant. J'avais toujours été ainsi : Il fallait rire, avant d'en pleurer. Quand est-ce que j'avais pleuré, la dernière fois ? Aucun souvenir, cette manie de faire pleuvoir les yeux faisait perdre du temps. De plus, c'était une preuve de faiblesse ! "C'est vrai que faire une crise de catatonie et exposer tes pensées et ton histoire devant ta camarade Sunajin c'est une preuve de force."
À ma question concernant le "pourquoi être ninja ?" Honoka prit un temps pour répondre, moi je regardai inquiet, mais rassuré : Elle pensait sérieusement à ma quête. Elle n'écartait pas l'interrogation. Certains l'auraient fait, je l'avais fait plus tôt dans la journée.
Elle décida enfin de signer pour me répondre : Pas de pourquoi, c'était comme ça. Une question de famille, où il n'y avait pas d'alternative. Une histoire commune à beaucoup de mondes, Hayato et moi étions dans ce cas-là… Une génération définit par le passé, une de plus. Nous aurions pu être tellement de chose. Honoka avait eu un kunaï trop tôt dans les mains, nous un katana... Former la jeunesse commençait très tôt, trop tôt. À peine constitué, nous étions brisés puis remaniés pour devenir une chose autre : Des tueurs, des guerriers, des soldats... La question de sacrifice ne me fit pas tiquer sur le moment, je voyais ça comme une métaphore sur la survie.
Je voulus répondre pour étayer le propos, exposer mon point de vue, mais ma camarade continua après un long contact visuel en lâchant une bombe : C'était une Kaigan.
Je pris un petit temps pour observer la situation : Elle blaguait ? "Non, Honoka ne blague pas." Bien sûr, j'imaginais qu'il y avait d'autres orphelins recueillit dans le village, et si elle était dans ce cas-là, c'était une fille de nomade... Il me manquait beaucoup d'informations pour bien comprendre comment elle était passée de Kaigan à Shirogane, mais une grande question se pressait à mes lèvres : Avait-elle la capacité héréditaire des ennemis de Suna ? Je ne l'avais jamais vu l'utiliser durant un entrainement, ce n'était de toute façon pas le moment où utiliser ces techniques. J'imaginais déjà que c'était un secret, au sein du village le plus agressif du sekaï, être apparenté au Kaigan n'était pas le bon plan. Tapotant mes doigts sur le tissu du canapé, j'essayais de mettre en ordre les pièces de l'histoire de mon amie. Pour toute réponse, puisque je ne pouvais rester de marbre et silencieux devant la nouvelle, je fédérai mes pensées vers la seule chose que je savais faire :
- Cela sonne mieux Shirogane Honoka. J'émis un sourire, je savais que Honoka n'était pas de ces sauvages qui vénéraient un dieu sombre au point de faire des sacrifices humains.
Ce n'était pas le patrimoine génétique qui faisait la personne, Hayato n'était pas un Nozomo pur jus et pourtant il valait mieux que la plupart de ces types. Ma vis-à-vis était née quelque part et d'une façon ou d'une autre elle avait atterri ici. Dans ma tête, elle était plus Shirogane que tout autre chose.
Elle m'expliqua ensuite que son père adoptif avait essayé de la mettre sur une autre voie, mais que c'était trop tard : Formaté ? "C'est le bon mot, nous sommes devenus ce qu'ils voulaient". L'intelligence du vieux Shirogane avait été de lui montrer autre chose : Adapter sa nouvelle nature pour qu'elle soit plus propre à Honoka, mais était-ce le cas ? Une partie de moi se disait que c'était encore formater quelqu'un. Se battre, c'était se battre. Avec marionnette ou avec un sabre, le résultat était le même. "Bats-toi, mais comme lui le fait". D'un autre côté, Il y avait-il autre chose à faire ? Ma voisine du canapé avait eu le choix, elle avait embrassé l'art de la marionnette. Son rapport avec sa famille de naissance avait changé avec cela, sans doute. Cette idée d'être formaté me pressa un peu trop sur la conscience : Avais-je aussi cet instinct de combat ou de survie ? Question à suivre. Pour finir, Honoka me donna plutôt la réponse de son père : Le pourquoi venait comme une révélation, ce n'était pas l'objet d'une réflexion.
"Curieuse façon de penser".
Je n'avais jamais pensé à cela, attendre ? Au bout d'une vingtaine d'années, je n'avais pas eu le déclic. Ma partenaire, plus vieille que moi, ne semblait pas l'avoir. Il fallait que j'attende encore vingt ans avant de déceler la nature de la chose ? "Autant de temps pour quelque chose qui risque de me décevoir". Peut-être l'avais-je depuis longtemps, mais que j'attendais plus ? Je pouvais dire que je me battais pour mon frère, pour avancer avec lui. Pour le clan, afin de me montrer digne de la vie qu'ils m'avaient donné. Je promenais ma main sur ma cuisse, pensif. Ils m'avaient donné cette vie comme les Kaigan puis les Shirogane avaient donné la sienne à Honoka. Se battre pour eux était-il une fin ? La sensation de n'être qu'un pion grandissait de plus en plus. "Sois reconnaissant pour t'avoir brisé et rebâtit". D'une grimace, je laissai la réponse en suspend, alors que ma secouriste revenait sur mon cas.
Elle se tourna vers moi pour signer : Analysant ma phrase, elle me dit que je devais juste m'améliorer, pas essayer. "Fais-le ou ne le fait pas, il n'y a pas d'entre-deux". Elle avait sûrement raison, mais mes doigts se serrèrent un peu sur le tissu de la banquette alors qu'elle continuait. "Une histoire de gosse..." Bien sûr, elle voulait surtout me montrer que j'avais le droit à l'erreur, elle ne niait pas totalement les choses. C'était surtout pour m'aider, alors pourquoi cela me mettait en rogne ? "Elle tape dans le mille ?" Une tentative de psychanalyse, liant mon comportement actuel avec ces traumatismes passés : Elle avait raison, bien sûr que cette "histoire de gosse" avait interféré dans mon développement, c'était une base de mon moi actuel. La culpabilité ? Le désir de pouvoir faire plus ? "Sur-protecteur ?" Je ne pensais pas. Je voulais faire ma part, on n'avait perdu des types Hayato et moi, mais je ne m'étais jamais senti aussi responsable que pour Ishi puis Seisho et Banme. L'un, car j'aurai pu éviter tout cela, les autres, car ils étaient sous ma responsabilité.
"Je sais pas, je suis comme ça".
Je desserrai le poing. Si je ne parlai pas de tout ça avec Hayato, c'était pour ne pas faire l'étalage de ces choses, mais aussi pour ne pas me voir appliquer l'étiquette : Gamin, enfant, faible... Recevoir une morale, même bienveillante, tapait dans mon égo, mais je ne voulais pas me battre ni me disputer. J'écoutai simplement Honoka, de profil à elle. La tête orientée vers le mur. Je n'avais pas la force de la contredire, si ça me créait ces sentiments contraires, c'était que sans doute elle avait raison et ma conscience ne voulait juste pas admettre que j'étais bloqué quelque part. "Le voile". Cet endroit n'était pas juste une histoire de gamin, ou alors j'avais créé de toute pièce ma propre souffrance ? Cette envie d'autodestruction, c'était pour ne pas voir les choses en face ? Pour m'interrompre dans mes spéculations, la marionnettiste sourit pour me dire que j'étais le seul maitre de mon destin, responsable de ma vie et pas celle des autres. En mission avec elle, je ne devais pas me faire du mal si elle claquait. Une histoire d'insulte...
J'éclatai de rire. En même temps, une larme coula de mon œil opposé à Honoka. C'était quoi la formule ? "Oeil gauche, malheur, œil droit, bonheur ?" Étrange d'être heureux alors que mon amie parlait de claquer en mission. Je l'essuyai discrètement avant de signer, me mettant face à elle :
"Je ne pense pas que c'est purement une "histoire de gosse", il doit y avoir un tout qui fait cela, dont je suis conscient ou non..." Je pris un temps pour faire le point rapidement. "Mais je vais réfléchir à ce que tu dis." Pouvais-je vraiment laisser la conversation ainsi ? Non, sans doute pas. Elle avait fait un effort pour me révéler certaines choses et même pour faire un peu d'humour, je devais faire un pas, même minime. Aprés un petit temps, le doigt en l'air pour manquer ma réflexion. La tête de basse, je continuai : "On était des migrateurs, en tout cas c'est ce que Hayato m'a raconté". Je fus trés souriant en formant des petites lunettes avec mes doigts pour nommer mon frère. "Le clan a fait un raid sur notre famille biologique, pour survivre nos parents ont voulu nous échanger contre la vie sauve. Les Nozomo ont pris les gosses, mais n'ont pas laissé les marchands d'enfants vivre pour autant". Pour nommer mon clan, je mettai ma main en tranche pour brasser l'air. J'espérais que Honoka comprenne mes balbutiements. "Nous voilà Nozomo". Je repensai à ces années au domaine, enfant, et je secouai la tête pour évacuer ces pensées. "C'était pas facile, mais j'imagine que chacun à sa propre histoire tragique. Je veux dire, ici, qu'on partait de base sur une tout autre route, avant de nous faire attraper. Formatés ? hein ? Je pense qu'on est devenu ce qu'on est maintenant par l'éducation, les évènements, je ne suis pas plus nomade que tu n'es Kaigan, en vérité. Si cela a vraiment un sens. On suit toujours une voie, pas forcément la notre de base, plutôt celle que les autres nous ouvrent : Faut juste l'accepter ?" Je n'aimais pas l'idée d'accepter sans résister, même si j'étais le pro pour dissimuler à moi-même les choses et avancer.
Je pris un temps pour me gratter le menton, rassemblant mes idées et définissant ce que je voulais dire : Le silence, toujours le silence, moins assourdissant. Je m'étais rétabli. Sans m'en rendre compte, évoquer ces choses et parler, même en signes, avait éloigné un peu la blancheur spectrale. "Tant mieux".
"Je ne suis pas vraiment maitre de mon destin, en tout cas je ne pense pas. Je ne sais pas si je suis formaté, comme tu dis, mais je ne peux pas laisser Hayato seul." Devais-je faire une blague ? "Il a besoin d'être un peu moins sérieux, le pauvre. Sans moi, il serait dépressif !" Un rictus aux lèvres, je repris peu à peu mon sérieux. "J'aurais aimé avoir un autre avenir, avec lui : Marchand, marin, peut-être même nomade m'aurait convenu. Un truc moins dangereux, pour nous. Comme toi, maintenant on a un truc en nous : Par l'éducation, puisque niveau gène ça va. Aprés toutes ces années, monter les échelons, enchainer les missions, nous entrainer... Comment faire pour dire "stop" ? J'ai envie de dire que ce serait possible, mais je suis persuadé que quelque chose me manquerait. On est foutu ! On sera ninja toute notre vie ! Je ricanai à cette idée, mais c'était un peu triste, au fond. En rire ne réduisait pas le fatalisme de ma sentence. "Je n'ai pas l'illumination, comme dit ton père. Est-ce qu'on pourrait un jour l'avoir ? Je vois mal cette épiphanie arriver en mission ou en plein combat. C'est très mystérieux, mais il doit l'avoir eu, lui."
Je laissai mes bras reposer contre mes jambes et le canapé, c'était fatiguant de signer à longueur de discussion : C'était un travail sportif, mais aussi de la concentration pour bien former les phrases. Ce n'était pas naturel chez moi comme ce l'était chez ma condisciple. Soupirant, je repris bien vite :
"On a ça en nous, ça et bien plus. Des choses dont on a conscience, et d'autres qu'on voit à peine. Je pense que j'ai..." Je ne pus continuer à signer, pas qu'il me manquait le vocabulaire, mais avouer était déja assigner à ma conscience la réalité de la chose. "Un petit problème. Je me perds, parfois, quand j'ai trop mal. Je ne sais pas comment l'expliquer, c'est même la premiére fois que je le dis à quelqu'un... C'est sans plus facile d'en parler avec mes mains qu'avec ma langue" Je souris, tristement, qu'est-ce que j'étais en train de faire ? "J'ai ça depuis quelques années, quand c'est trop violent... extréme. Je pars. Loin. Mon corps reste içi, alors que je ne suis plus là."
Je soupirai, je regrettai déja d'avoir mentionné ceci... Comment m'échapper de la conversation maintenant ? Il n'y avait pas vraiment de blague pour réchauffer l'ambiance ou de pirouette. Comment esquiver ce qui se passait dans ma tête maintenant que j'en parlais ? C'était réel, maintenant comme avant. Fermant les yeux, j'attendais comme un animal qui guette le coup pour l'achever.
- Si tu veux, je peux partir. Je laissai la porte ouverte à Honoka pour esquiver tout cela, une façon pour elle d'esquiver comme pour moi de fuir. Les yeux fermés, je me dis tristement :
"Une tête brulée qui passe son temps à fuir".
Sphinx. Yukio 021
Shirogane Honoka
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C'était un drôle de sentiment que de l'entendre dire que "ça sonnait mieux", Shirogane Honoka, moi qui ne pouvais même plus me présenter à émettant un son véritable. Je ne savais pas si je devais être satisfaite ou non. Je supposais que oui, puisque je me voyais chercher cette reconnaissance au travers des yeux de mon père. Parmi les rares souvenirs que je possédais et qui étaient aussi clair que de l'eau de roche, il y avait celui du jour où le vieux Yukio m'avait officiellement annoncé qu'il m'adoptait et que je devenais une Shirogane. J'avais chialé comme une fontaine sans trop savoir pourquoi. De joie bien entendu, mais ce n'était pas un sentiment qui m'était très commun. Je supposais qu'à cet instant, inconsciemment, les propos de mon camarade me faisaient aussi plaisir. Un peu comme dans ce vieux souvenir.
Cependant, je n'avais pas extirpé mon camarade de sa torpeur pour parler de ma gueule. On s'en foutait royalement. C'était lui qui semblait avoir des doutes et des appréhensions. Si d'habitude je ne me mêlais jamais de la vie des autres, j'osais partager de mon temps avec Yukio. C'était une manière pour moi de lui faire part aussi de ma gratitude, ou peut-être simplement de tuer un peu le temps, égoïstement. Il fallait pas se leurrer, j'étais pas une femme altruiste, c'était à peine si je me définissais plus humaine que la norme standard. Plus proche du pantin que de l'humain, et pourtant je vivais de tous les excès de ce dernier. Ironique. Finalement, je n'étais qu'une paumée parmi tant d'autres. Mais ne l'étions-nous pas tous quelque part ?
En tout cas, je n'aurais jamais imaginé que les mots que je tentais d'échanger avec le Nozomo lui causerait une telle hilarité. Je me grattais légèrement la tête à ce moment-là alors qu'il finit par se tourner vers moi pour me répondre qu'il réfléchirait à mes propos. Je me contentai alors de hausser les épaules pour lui signifier que de toutes les manières, il était le seul qui pourrait véritablement régler le problème. Puis au bout d'un petit moment de silence, il fit le choix de commencer à se dévoiler un peu plus. Telle une spectatrice attentive, je m'enfonçais nonchalamment dans le canapé alors que je ne le quittais pas du regard. Je supposais que cela pouvait faire bizarre, d'avoir constamment des yeux posés sur soi, mais je n'avais malheureusement pas trop le choix lorsque l'on me parlait par signe, et avec le temps, c'était devenu une habitude aussi comme un réflexe. Dans tous les cas, il me conta le schéma général qui l'eut amené à finir chez les Nozomo. Hayato, son frère, me l'avait déjà dévoilé lorsqu'il était passé me voir à l'atelier. Cette fois-ci, j'avais la version du jeune frère et son ressenti. Je n'arrivais pas à savoir s'ils étaient amer ou non de cette situation. Je notais une certaine aversion pour leur clan d'adoption ou tout du moins leurs méthodes, et d'un autre côté, ne seraient-ils pas morts sans eux ? Une seconde chance imposée en quelque sorte.
Pour moi, c'était surtout un coup de bol. Malgré tous les évènements qui avaient traversé ma vie, je n'étais pas habitée par la haine ou la colère. Je n'en voulais pas aux Kaigan malgré la rudesse de la courte vie que j'eus mené avec eux. Je n'en voulais pas à mon père de ne pas avoir pu m'offrir une autre vie que celle d'une shinobi. Je n'en voulais pas aux Shirogane qui se méfiaient de moi à cause de mes origines. Je n'en voulais même pas aux hommes ou aux femmes qui m'avaient brisé moi et mon équipe. Je n'en voulais à personne. Qu'est-ce que cela m'aurait apporté après tout, de perdre mon temps à haïr ? Parfois, je me surprenais à me demander si je savais seulement comment faire, ce que cela signifiait. Si je ne savais pas haïr, je ne savais pas aimer non plus. Si je ne savais pas rire, je ne savais pas réellement pleurer. Je pouvais mimer, je pouvais tenter de toucher les choses du bout des doigts sans véritablement atteindre l'objectif et si j'y parvenais, si je m'en approchais, on me l'arrachait. C'était comme approcher ma main de la flamme d'une bougie et au moment où on commençait à sentir sa chaleur, un souffle balayait la flamme pour refaire tomber l'obscurité et le froid. Alors pourquoi perdre son temps à vouloir éprouver des choses douloureuses ? Et pourquoi voudrais-je m'en souvenir ?
"Faut juste l'accepter ?" La question de Yukio demeura en suspens. Je supposais que lui ne le voulait pas, et moi étrangement je m'y étais résolue. Lorsqu'il m'expliqua par la suite qu'il ne pouvait abandonner son frère parce qu'il était trop sérieux, cela me fit sourire. C'était pas faux. L'aîné était pas le genre de bonhomme qui brillait par son sens de la déconne et pourtant, il semblait porter en lui autant de fardeau que son cadet. Ils étaient frères, ils étaient proches et pourtant, ils étaient deux pièces bien distinctes. Ils avaient chacun deux visages et présentaient au monde l'opposé de ce qui les habitait au fond d'eux.
Me réajustant dans mon canapé et croisant les jambes, je finis par reprendre le dialogue en mimant quelques mots lorsqu'il mentionna mon père.
" Je sais pas s'il faut prendre les paroles de mon père au pied de la lettre. Il a toujours aimé faire croire qu'il ait été un philosophe. Après, je suppose qu'il voulait simplement dire qu'il avait fini par trouver un but qui le dépassait ou qui lui parut limpide. "
Penchant légèrement ma tête sur le côté, je réfléchis quelques secondes à ses paroles antérieures.
" Après, tu dis que toi et ton frère vous serez des shinobis toute votre vie. Si ça te semble si horrible, il te suffit de faire en sorte de pas simplement te définir comme tel. C'est pas comme si tu ne pouvais pas faire d'autres choses à côté. Tu peux toujours devenir un grand chef, un père, un professeur, ou le roi du maté. "
Il existait de nombreuses portes en vrai, mais fallait-il encore vouloir les ouvrir, ou en avoir l'ambition. Moi, je m'étais contentée de rester dans la pièce noire qui résumait ma vie à celle d'une marionnettiste. Je ne voyais pas les autres parce que je ne voyais pas l'intérêt d'aller de l'autre côté ou simplement que j'estimais ne pas en avoir le droit - ou le mériter.
Sur cet échange, Yukio finit par s'ouvrir un peu plus, se surprenant lui-même de me parler autant. Son malêtre était sans doute plus profond que les apparences le laissaient suggérer et il ne savait absolument pas comment le gérer. Alors qu'il ferma les yeux et qu'il me lança qu'il pouvait partir, je me mis à soupirer avant de me relever. Je vins à nouveau m'assoir sur la table basse pour être pile en face de lui, et là, je lui donnai une pichenette sur le front en le regardant avec des yeux semi-blasés.
" Je t'ai fait entrer pour causer, c'est pas pour te foutre dehors maintenant que tu le fais. "
Je secouais la tête comme pour lui dire que c'était un crétin de tenter la fuite mais je repris là où il s'était arrêté.
" Je pense être la personne la moins bien placée pour t'aider à comprendre et pour t'aider à savoir gérer ce qui te ronge, mais le plus logique serait que tu acceptes cette douleur pour l'exorciser. Plus tu charges la mule, plus tu risques de la voir s'effondrer. Je te dis pas de tout lâcher d'un coup, mais essayer de faire un petit peu chaque jour. Lâcher du lest. Après, savoir comment on fait, je suppose qu'il suffit de rencontrer les bonnes personnes. T'as l'art et la manière d'approcher les gens, doit bien y avoir quelques-uns dans le lot qui te fait te sentir plus léger et avec qui ça passe. "
Je fis une petite moue alors que je réfléchissais comment formuler la chose.
" Exprimer ses désirs ou ses émotions, c'est pas une faiblesse, mais il y a un moment pour tout, et une ou des personnes particulières à qui les exposer. Si tu veux pas que ton esprit se barre au loin dès que ça part en vrille, il te faut simplement trouver... une ancre. Un truc qui te forcera à garder l'esprit clair malgré la douleur. "
Je finis par reposer mes yeux sur lui et afficher un petit sourire en coin.
" Tout à l'heure, tu as dit que tu pouvais pas laisser ton frère tout seul. Fait de ton frère l'ancre qui te retient. Dès que tu as mal, pense à lui et le fait que vous voulez mener votre barque ensemble le plus loin possible. Genre un rêve qui vaut la peine d'endurer l'innommable pour lui. "
Une raison de se battre qui dépassait l'entendement.... c'était peut-être pour ça que j'avais une gueule cassée... je n'avais jamais trouvé la mienne.
Nozomo Yukio
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Je pensais avoir trouvé un moyen. Je pensais avoir trouvé une issue, mais elle s'en va à jamais. "Je suppose que je dois rester maintenant." J'espérais un jour que je m'échapperai d'ici, même si cela prenait toute la nuit ou une centaine d'années. J'avais besoin d'un endroit où me cacher, mais je n'arrivais pas à en trouver un près d'ici
Je voulais me sentir vivant, dehors je ne pouvais pas combattre ma peur. Je marchai. Je cherchai un meilleur endroit. Quelque chose faisait son nid dans mon esprit. Toujours dans ma tête.
Quand j'en avais assez de lutter contre toutes les peurs que j'avais cachées, tu me donnais un souffle et me disais de me reposer. Vague après vague, je ne faisais que sombrer. Tu n'étais jamais partie, tu m'aidais à me relever de mon sentiment de honte.
"Je ne serai plus jamais le même, aujourd'hui je peux affronter n'importe quelle situation". Alors que la pluie tombait, je me permettais de me demander : Etais-ce seulement possible ? "C'est à ta promesse que je me raccroche : Tu dis que je suis fort, je continue à tenir bon." ____________________________________________
Tapant le rythme sur mon genou, j'attendais la réponse de Honoka... Bien sûr, je n'allais rien entendre puisque la muette avait bien du mal à formuler un discours avec ses cordes vocales endommagées. La sensation de légèreté sur le canapé me fit ouvrir les yeux : Découvrant la muette face à moi, reprenant place sur la table basse comme un oiseau dans son nid. "Elle doit s'asseoir continuellement sur le meuble au lieu de son sofa." Repensant à ses mots sur se définir shinobi, je me dis que c'était bien la seule chose que je savais faire :
"Je devrais devenir autre chose, c'est tout ce que je sais faire, mais ce n'est pas forcément tout ce que JE suis."
Quelle était ma finalité ? Vivre et mourir en outil ? Je me dirigeai vers cela, même si cela me dégoutait. Je saisis alors le blocage : Je ne voulais pas être défini par le fait de faire le ninja, mais je devais concentrer l'ensemble de mes efforts sur ce fait pour ne pas faire d'erreur et ne perdre personne... "Enfin, en théorie, en pratique, j'ai quand même échoué." J'étais piégé ? Mes propres ambitions... ou névrose, se confrontaient à mes interrogations. Être pleinement un ninja m'apparaissait comme la meilleure solution pour devenir le plus fort possible et perdre de moins en moins de camarade, mais cet état de fait amenait que je me perdais en chemin.
Effarant. Me perdre...
Les rôles disponibles m'avaient fait rire doucement : Un grand chef, je me voyais mal diriger qui que ce soit... Pas que je n'avais pas une petite ambition, Hayato me rabattait les oreilles avec le clan. Je ne savais pas si j'étais fait pour être un leader, dans notre duo je n'étais pas celui qui faisait les plans. Un exécutant, un combattant, oui. Le reste, moyen ? Avoir envie, même un peu et être fait pour, c'était différent. Être un père, je devais bien un jour me fixer avec une fille et jouer au papa, mais encore une fois, à quoi bon se reproduire pour faire de la merde ? Mon gamin pourrait être comme moi, je ne savais pas comment me gérer, alors un double de ma personnalité... Espérons que cet hypothétique bambin tire plus de la mère. Des enfants dans ce monde, est-ce vraiment une bonne chose ? Il faudrait peut-être le changer avant de penser à perpétuer quoi que ce soit. Cela ne se ferait pas à ma génération, sans doute pas à la sienne. Sa naissance serait un pari ?
"Grandis, fais ce que tu veux, mais change les choses... Et dis-le à ton fils, hein ?"
Si j'avais un fils, bien sûr, je pouvais tout aussi être père d'une chialeuse. Qu'est-ce que je foutrais avec une fille, moi ? Pas que j'étais sexiste, mais je savais gérer un mec, pas une fille. La pensée de tyranniser son futur petit copain me fit ricaner, mais bien vite je repris le cours de mes pensées. Un professeur ? Oui, ça je pouvais le faire. Ce serait un premier pas vers le changement, j'avais connu la violence comme institutrice, mais j'étais persuadé qu'il y avait d'autres moyens. La clef était la répétition, pas les baffes pour l'accompagner. Transformer les Nozomo passait par la nouvelle génération, et quoi de mieux pour la faire muter que de passer par l'éducation ? Oui, ça je pouvais sans doute le faire. Enfin, le roi du maté... Un commerce ? Devenir connu dans le Sekaï entier pour mes dégustations ? Faire des tournées pour gouter des variantes régionales ? Ce serait drôle. "Un jour, à la retraite ?" Un ninja, avait-il déjà atteint une forme de retraite ?
"La vie est longue, je peux devenir ce que je veux ? Enfin, jusqu'à la prochaine mission."
Honoka s'agita enfin, ses mains faisant des signes que je comprenais le mieux possible : Accepter la douleur pour l'exorciser ? Le danger de trop prendre sur moi, au risque de m'effondrer sur moi-même. Il faudrait alors que je puisse alléger mon fardeau ? Petit à petit, avec les bonnes personnes ? Je fronçai les sourcils. J'avais songé à cela, mais je ne voulais pas embêter les gens. Pour qu'ils ne me répondent que des choses connus ?
"Tu es un ninja, c'est le quotidien."
C'était bien ça le problème, étais-je fait pour être un shinobi ? Ou alors je faisais partie de cette catégorie de mec qui deviennent des ninjas, car ils ne savent rien faire d'autres, ils suivaient une voie tracée pour eux sans remettre en cause. Acceptant leur destin. Un questionnement quotidien à ce propos, aggravant un peu plus mon mal interne.
Se poser la question, c'était déjà répondre un peu ?
J'étais entre les deux : Résistant à l'intériorisation de mon devoir, mais pas assez pour ne pas être ébranlé. Une maison qui tenait debout, mais qui secouait fort... Au risque un jour de s'effondrer. Je devais alors me reposer sur des gens ? Ces "bonnes personnes" ? Mon amie muette continua en parlant d'une ancre. D'un sourire, je signalai que j'appréciais le champ lexical de la mer... Cocasse pour un sunajin. Avant même que je pus répondre, elle cita Hayato comme une possible ancre...
Une raison de me battre ? Une raison de tenir le coup ?
- Oui, c'est sûrement ça qu'il me faut. Doucement, je me levai pour rejoindre la fenêtre. L'appartement de la marionnettiste était de taille réduite, quelques pas me conduisirent à l'entrée d'air. Regardant au-delà de la vitre, vers la rue et l'ambiance du village, je continuai. Il a toujours été là pour moi, même quand je suis le pire des petits frères. Il est patient, tu sais ? C'est ça qui m'énerve chez lui. La patience, la compréhension. Je pivotai pour lui jeter un regard. C'est vraiment une tête de con. Si j'en suis là, c'est pour lui.
"Seul, j'aurai déjà sombré".
Je tapotai la glace, écoutant les légers bruits d'impacts. "Oui, c'est bien une des seules choses qui puisse me faire tenir le coup." Me retournant pour faire pleinement face à mon hôte, je m'adossai au rebord de la fenêtre.
- Tu as raison, j'ai bien fait de tomber sur toi pour me ramener sur le droit chemin. Je souris vaguement, dans le registre pathétique de ma vie, on se tenait là. Tu vois, par exemple, une des personnes avec qui je me sens bien, c'est Hayato, naturellement, mais toi tu pourrais faire partie de la liste. "C'est mal dit." Qui aurait dit qu'apprendre le Kaï allait me conduire à me faire sauver en pleine rue ?
C'est drôle le destin.
- On rencontre des gens et ça change un peu les choses. Je murmurai à ma propre personne. J'ai des petits égarements, car je garde trop de choses pour moi. Je vais réfléchir à ce que tu me dis, on ne change pas un comportement d'une dizaine d'années d'un seul coup. Jetant un coup d'œil derrière moi, je discernai le voile qui se rétractait dans mon esprit.
"Oui, ça va prendre du temps."
Je ne savais plus trop quoi dire, je regardai autour de moi pour chercher une piste : Je n'avais pas l'habitude de me révéler autant, c'était une partie du problème effectivement. Même proche d'une fenêtre, avec Honoka, dès lors que j'avais entamé la conversation je me sentais piégé : C'était ça faire face à ses émotions ? "Un truc de merde, ça." Je n'étais pas à l'aise à l'idée de parler de moi : Me plaindre, rigoler, combattre, ça je savais faire, mais dire "je ressens ça", c'était inconnu. Néanmoins, j'avais réussi à passer la barrière de la vocalise : Exprimant à haute voix ce que je ne pouvais ressentir avant. "On avance, alors que le vide recule." Comment cette conversation allait prendre de l'importance avec le temps ? Avec mes efforts pour changer et devenir plus... Léger ?
- Tu ne le sais pas, mais tu viens peut-être de sauver quelqu'un et pas juste de se taper la honte en faisant l'épouvantail dans une rue. Des mots simples, que j'avais prononcé sans y penser, sans trop regarder la belle. Je devrais peut-être me calmer sur les vocalises. "Les plus grands bateaux ont deux ancres, Honoka."
Une ancre "secondaire" pouvait-être larguée du bateau , pour hâler un bateau échoué, l’orienter dans une direction particulière ou le maintenir dans un courant. On retrouvait souvent celle-ci pour manœuvrer lorsque le vent était tombé et déplacer les navires vers une position plus favorable, s'il y avait suffisamment de main d'œuvre. Elle ne faisait pas tout, mais elle aidait énormément.
- Tu aurais une clope ? Une demande comme une épingle dégonflant l'ambiance un peu lourde. Je ne fumais pas, mais parfois je me résignais à partager un moment avec Hayato. Pourquoi pas le faire avec Honoka ? Le tabac faisait toujours un drôle d'effet, rendant la pesanteur un peu moins lourde. De temps en temps ne va pas réduire mon cardio ! Je ricanai, non, il n'y aurait aucun effet. Tu parles d'ancre, mais tu as déja pensé à faire moussaillon ? On pourrait partir sur un bateau tous les trois. Un grand sourire, suivit d'un éclat de rire.
Le voile ne pouvait plus venir si je gardai à l'esprit ces gens. Mes ancres ?
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Shirogane Honoka
Suna no Chunin
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Est-ce que j'avais tapé dans le mille ? Est-ce que j'avais utilisé les "mots" qu'il fallait ? Je n'en étais pas moins sûre. Si je savais écouter, je n'avais jamais eu la prétention de savoir "parler", de trouver les bonnes paroles. J'avais plutôt la sale manie de taper là où cela faisait mal, par provocation ou par défi. Quand on était muette comme moi et qu'on ne pouvait prononcer que quelques sons, il fallait apprendre à faire mouche. Bizarrement, c'était toujours plus facile pour emmerder les gens que les réconforter. Je savais pertinemment que je ne pouvais pas me mettre à sa place, ni faire le travail pour lui. Je n'avais pas la moindre idée de si cela lui avait été utile ou non mais au moins, il était revenu dans le monde des vivants. C'était déjà pas mal. Comme quoi, avoir été suivi par des médecins, ça aidait peut-être. Cette blague.
En tout cas, mes propos semblaient le faire cogiter assez pour le pousser à se lever du canapé, m'obligeant à me tourner sur ma table basse pour l'apercevoir zieuter par la fenêtre. Quand j'eus désigné son frère comme étant un pivot de son petit monde, je savais que je n'avais pas tapé trop loin. Pour les avoir observé tous les deux, il était évident qu'un lien indéfectible les serrait. Si l'un perdait l'autre, je ne donnais pas cher de leur peau. Je ne pouvais pas prédire qu'ils sombreraient mais cela les boufferait. C'était le prix que l'on payait quand on tenait à quelqu'un autant que sa propre peau. J'avouais par contre que cela me fit sourire quand il traita son aîné de tête de con... tout comme je trouvais assez révélateur qu'il indiqua qu'il était arrivé là "pour" lui, pour ce frère et non pour lui-même. Curieux.
La suite me surprit un peu plus cependant. Alors qu'il tentait d'afficher une esquisse normale sur son visage, il indiqua que je pouvais faire partie de sa "liste" de bonne personne. Je ne pus m'empêcher d'arquer un sourcil en réaction. J'avouais que j'avais bien du mal à me configurer comme étant une bonne épaule, j'étais même plutôt celle qui enfonçait les autres dans la débauche. Je leur faisais rarement remonter la surface... enfin la plupart du temps. Alors quand il rajouta un peu plus tard que je lui avais métaphoriquement peut-être sauvé la vie, j'eus un petit rire.
" Je crois que tu me surestimes. Je n'ai pas fait grand-chose à par écouter. "
Je le voyais comme ça en tout cas. Lentement, je finis par me lever et lui faire face de ma position.
" Je ne suis pas certaine non plus de mériter l'estime que tu me portes. Je suis plutôt une mauvaise fille, tu sais. Je guide pas les gens dans le droit chemin. "
La potence peut-être... ou les emmerdes. Tout dépendait des individus et de ma manière d'étendre mon voile de la malchance. Ou de mon égoïsme.
" Mais si ce que j'ai dit a pu t'aider, alors je pourrais me féliciter d'avoir fait ma bonne action de l'année sans l'avoir fait exprès. "
J'eus un petit sourire en coin plein d'ironie. Ce fut à ce moment-là qu'il me réclama une clope. Nouvelle surprise. Je l'imaginais pas fumeur. Si cela se lut quelques instants sur mon visage, mon étonnement s'effaça bien vite quand je sortis ma blague à tabac de sous mon kimono - fallait bien que je le glissasse quelque part, y avait pas de poche à ce machin. Je me saisis en premier lieu du cendrier qui était posé sur la table basse avant de m'avancer en direction de Yukio. Là, je posais le vide cendre sur la table de la cuisine. Malpolie que j'étais, j'allumais en premier ma propre clope avant d'en tendre une à mon camarade avec une allumette. Le laissant le soin de se servir, je me mis à réfléchir à ses paroles alors que je me tenais appuyée contre la table, à côté du cendrier.
" Je suis pas certaine d'avoir le pied marin, mais un voyage en mer, ça doit être sympas. "
Je me fis l'étrange réflexion de me demander si j'avais déjà été sur un bateau. Sans nul doute que j'en avais eu l'occasion, peut-être même que j'avais fricoté avec un marin qui savait.... seulement je m'en rappelais pas C'était con de se rendre compte qu'un truc aussi banal, j'étais pas foutue de me rappeler de l'avoir fait ou pas. Mais aussitôt, je finis par poser mon regard sur Yukio avant de recaler ma cigarette dans ma bouche pour signer.
" Tu veux partir mais ça serait quoi la destination ? "
Si c'était une manœuvre pour fuir à nouveau, c'était râpé. Les problèmes, on les trainait avec soi comme un boulet et ce, qu'importe si on allait jusqu'à l'autre bout du monde. Mais j'allai pas casser l'ambiance.
" Tu veux boire quelque chose ? "
Je pointais alors mon sac de course du doigt.
" Quand je suis tombée sur toi, je sortais de chez ta mamie pour acheter du maté. Je voulais tester le machin que tu m'as offert. "
Je l'avais rangé dans un placard pour qu'il ne prit pas la poussière, ne serait-ce que le temps que j'achetasse ce qu'il fallait et qu'on m'expliquât le fonctionnement.
" Sinon j'ai du saké ou du jus de fruit. Un peu tôt pour le saké je pense. "
Bien que je supposasse que le plus surprenant dans mes propos était que j'étais capable de boire autre chose que de l'alcool de riz.
Nozomo Yukio
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J'ai essayé de bien faire, en vivant une vie froide. J'ai dormi là, à la place. J'ai dormi dans mon lit. Alors, pouviez-vous me montrer tout ce que je rate ? "Je veux savoir où est ma place."
Je traversais le désert, connaissant la voie comme ma poche. Je sentais le sable sous mes pieds et m'assis à l'ombre d'un rocher. Cela me combla. "Les choses simples, où sont-elles passées ?"
Je devenais vieux et j'avais besoin de quelque chose sur quoi compter. "Alors, quand partons-nous ?" Je suis fatigué et j'ai besoin de quelque part où commencer.
"Ceci pourrait être la fin de tout, alors pourquoi n'allons-nous pas à un endroit qui n'appartient qu'à nous ? Fuis avec moi, soyons des Âmes perdues dans les festivités. Déchaînés et libres."
Deux enfants. ____________________________________________
De ma place, à la fenêtre, j'avais une vision particulière de l'appartement et de son occupante : Tout me semblait à sa place, même Honoka sur la table basse. Tout désignait un foyer sommes-toute standard, mais cosy. On était loin du capharnaüm de l'habitat naturel des frères Nozomo. "Deux garçons créent toujours du bordel ? C'est une loi naturelle ?" Mon incartade un peu sentimentale avait paru étonner Honoka, qui désamorça bien vite la situation en prétextant avoir juste écouté... Je baissai la tête, un peu gêné. "Comment on dit déjà ? Se refermer comme une huitre ?" Comme le mollusque, je me remettais dans ma coquille, alors que mon amie disait ne pas mériter l'estime que je lui portais et que c'était bien la seule bonne action qu'elle pourrait faire de l'année. D'un sourire, en réponse au sien, je ne pus que marmonner :
- Si tu le dis, Honoka. Si tu le dis. Je n'étais pas convaincu que Honoka soit une si mauvaise fréquentation, pour l'instant, elle ne m'avait pas attiré de problème. Sans doute que je ne la côtoyais pas assez pour vraiment la connaitre, elle et son aura de malheur.
"Une ancre ?" Je m'étais peut-être un peu trop avancé, ou alors je tapais dans le mille. La fille pouvait dire et penser ce qu'elle voulait, aujourd'hui elle avait fait quelque chose de bien. "Qui avait-dit qu'il fallait être quelqu'un de bien pour qu'on nous aime ?" Viens alors la pensée gênante : L'affection nouvellement réalisée, était-il enraciné dans l'intérêt d'avoir quelqu'un pour me soutenir aujourd'hui ? Ou alors cela prenait source dans quelque chose sur le long terme ? "Je parle vite, aujourd'hui. La catatonie, c'est pas mal, si ça doit m'éviter de m'épancher pour un rien." Fixant la muette, je cherchais des réponses dans ses yeux. Sa levée pour m'apporter une clope perturba ma réflexion : Tant mieux, dans le fond.
Un sourire franc se dessina sur mon visage alors que je lisais l'étonnement sur le visage de Honoka, elle ne s'attendait pas que je propose une clope, même moi je m'étonnais : Je ne me levais pas en me disant qu'aujourd'hui, j'allais fumer. C'était extrêmement rare, peut-être un cadeau ? Si taxer un bâton de cancer était une marque d'affection, on tapait dedans ici !
- J'ai dû apprendre à fumer pour quelques techniques d'espionnage : Les gens sont toujours plus loquaces quand on leur offre une ou deux cigarettes, et les fumer avec eux ça crée un lien qui les poussent à s'épancher. Je n’aime pas ça, je n’aimerai jamais ça, mais le côté collectif : Fumer avec quelqu'un, c'est vrai que c'est vachement sympa. La main de la belle glissa sous son kimono, je levai un sourcil avant de la voir ressortir un paquet. "Malin ça." Un cendrier, une femme, assise à côté de moi, qui s'allumait son bâton et me tendit une allumette pour la mienne. "Avec une technique katon, je pourrais me passer d'un objet pour allumer." Rassure-toi, c'est pas une tactique ici.
Par la suite, Honoka répondit à ma question : Un voyage en mer, pourquoi pas, je fus presque déçu du manque d'entrain de la belle alors que je n'avais qu'une envie : Découvrir le monde. Prenant une grande bouffée de la cigarette, qui rendit un peu sèche ma gorge. Quelques étoiles brillèrent dans mes yeux alors qu'elle me demande qu'elle pût être ma destination, si je partais. Je m'empressai de répondre :
- Comme j'ai pu le dire, nos parents étaient des nomades. Ils voyageaient, restant que quelque temps à un endroit pour repartir aussitôt. Je ne renie pas ma vie de ninja, mais je suis certain qu'ils étaient plus riches de culture que moi : Il y a des coins du désert que je ne connais même pas, alors que c'est chez moi. Imagine à l'échelle Sekaï entier... Je n'ai pas de destination précise, mais je veux découvrir un peu plus du monde qui m'entoure. Je m'en fiche de la géopolitique, il doit y avoir des choses magnifiques à voir et à faire, là-bas. Du doigt, je désignai une direction au hasard, à travers la fenêtre. Ou là-bas. Une autre direction était pointée. Partir, découvrir, explorer, parler, manger, boire, ... Il doit y avoir des milliers de choses que je vais rater si je reste ici. Je n'ai pas la prétention de vouloir faire un tour du monde, et tout connaitre, mais juste pouvoir me dire que j'ai fait plus que jouer au petit soldat pour Suna, ce serait pas mal. Je réalisai alors que j'avais peut-être un peu trop insisté sur une volonté de partir, ce qui pourrait-être louche. Ici, encore, je parlais trop vite. Ce n'est pas pour autant que je vais déserter, il doit y avoir un moyen d'associer les deux : Pour des missions, j'ai pu dépasser le désert et dans le cadre d'une délégation politique j'ai pu aller bien plus loin. J'ai vu la mer.
Je fermai les yeux pour revoir, dans mon imaginaire, le bleu et les vagues : Déjà, ma mémoire me faisait défauts, car j'étais persuadé ne pas rendre justice à la beauté et l'immensité de la chose. Un instant, je me perdis dans les embruns, avant de rouvrir les yeux. L'odeur du tabac faisait très peu illusion : Les parfums marins étaient bien loin.
- Il y a un truc que je veux quand même faire avant de mourir : Naviguer, juste une fois, savoir si je fais un bon marin. Je me mis à rire a gorgé déployée. Peut-être que je vais avoir le mal de mer et que ça va complétement niquer mes plans. "La tuile." Il y a des trucs qu'on n’a pas vus, des tas de choses. Certaines que personne n'a jamais pu contempler, alors pourquoi pas les chercher ? C'est dans mon sang, je pense.
Je calmai mon flot de parole alors que la muette signa pour m'indiquer qu'elle m'offrait à boire, elle pointa pour m'annoncer une nouvelle qui me fit ouvrir les yeux en grand : Du maté ! Je n'écoutais pas les autres propositions, pour me tourner vers mon amie :
- Oh ! Du maté j'aimerais bien, mais tu as qu'un seul contenant et je ne vais pas te piquer ta première lampée ! Je souris de toutes mes dents, la catatonie ? Oubliée. La vie de ninja ? Aucun problème. Il y avait du maté. "C'est si simple de se dire ça." Sinon du jus de fruit.
Tapotant l'encadrement de la fenêtre, j'attendis les actions de Honoka en fumant bien trop rapidement : Je ne voulais pas boire en aillant encore le bâton de cancer dans la gorge. Arrêtant le massacre de mes poumons, en mettant le cadavre de l'arme du crime dans le cendrier, je regardai les restes du côté de mon amie. Beaucoup, presque autant, peut-être, que Hayato.
- Pourquoi tu as commencé la clope, toi ? Pour moi, c'était un mal nécessaire pour les missions et quelques joies amenaient par le partage d'un moment. Une bière ou un duel amenait le même plaisir pour moi... Peut-être que j'avais un problème aussi : Le combat et la boisson, mis dans la même catégorie du plaisir. Je hochai la tête pour moi-même. "Oui, j'ai un problème." Tu vas voir, c'est super bon le maté !
Ogawa n'aimait pas, comme beaucoup de monde, mais l'éventualité ne me traversa même pas l'esprit.
Sphinx. Yukio 021
Shirogane Honoka
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C'était étrange de constater les visions différentes que l'on avait de quelques moments du quotidien. Lorsque Yukio m'étonna dans sa volonté de vouloir cramer une clope, je le fus tout autant de ses raisons, très professionnelles, d'avoir commencé... même s'il avouait qu'il n'aimait clairement pas cela. Je supposais que le "de temps en temps" était pour garder le côté naturel de la pratique s'il devait à nouveau jouer les faux fumeurs. Je trouvais ça presque limite amusant et un petit sourire en coin se dessina sur mon visage. Mouais... faire semblant, c'était pas trop mon délire. Il fallait dire que je n’arborais pas le visage le plus expressif du monde, un air patibulaire comme si la vie me lassait au plus au point. Mes jeux d'actrices étaient plutôt limités, faute de pas vouloir faire trop d'effort non plus.
J'aimais pas faire semblant, j'aimais pas que l'on en fasse des caisses non plus pour pas grand-chose. J'avais toujours préféré les gens honnêtes, avec eux-mêmes ou avec les autres, et franc du collier... ce qui était en soit assez paradoxal dans un métier comme le nôtre où l'on passait notre temps à mentir, à être dans le secret, à manipuler. Oh bien entendu, je savais faire tout ça. Tricher aussi. C'était d'ailleurs assez facile, peut-être même encore plus avec soi-même. J'étais pas le genre de personne qui réclamait à ce que l'on prit des pincettes avec elle, raison pour laquelle je m'embrouillais souvent avec mon vieux d'ailleurs. Je n'en prenais pas non plus avec les autres, des pincettes je voulais dire. Si on me gonflait, si je n'aimais pas quelqu'un, je le faisais comprendre. N'allez pas croire que j'aimais chercher les embrouilles, je préférais simplement jouer carte sur table, surtout avec les gens avec qui je devais bosser. Enfin... que ces gens en fait, je n'avais jamais eu vraiment d'entourage à part mon vieux.
Du coup, ça me faisait un peu bizarre de m'intéresser un peu aux autres, de Kalida aux frangins Nozomos, c'était clairement pas dans mon tempérament. Je me demandais même si je m'y intéressais vraiment ou si je ne faisais que suivre une sorte de schéma de conventions sociales pour être plus... acceptable. Je préférais cependant ne pas trop cogiter là-dessus au risque de me foutre la tête en vrac, je préférais laisser couler et venir, on verrait après. Pourquoi ? Parce que j'étais assez lucide pour savoir que ce n'était pas ma tasse de thé, que je ne savais pas comment faire et que cela me faisait clairement flipper. L'avantage de mon amnésie était que je n'étais pas capable de saisir toute l'importance de ce que j'avais perdu, de savoir si cela me manquait ou non, si cela devait me blesser ou pas. Difficile de ressentir une culpabilité réelle quand on l'on ne se souvenait pas de son forfait. Difficile de vivre un chagrin quand on se souvenait à peine d'avoir aimé. Et d'un autre côté, ne faudrait-il pas être masochiste pour désirer ressentir tout ça une seconde fois ? Je le pensais clairement. Me fallait-il pour autant satisfaire ma curiosité et refaire le même schéma dans ma nouvelle vie ? J'avais pas besoin de me rappeler pour savoir que cela me boufferait, suffisait de regarder le monde et ses gens, de les voir s'entredévorer par leurs sentiments, les refouler, se frustrer, s'empoisonner et chérir leurs douleurs. Je les pensais tous un peu dingo.... et moi je devais clairement passer pour une femme bien lâche. C'était peut-être pas faux et bien entendu, j'étais persuadée d'en avoir rien à cirer. C'était plus facile ainsi.
Seule, je l'avais toujours été et je pensais qu'au fond, on l'était tous. Pourtant, quand je voyais des types comme Yukio et son frère, quand je voyais l'indéfectible lien qui les poussait à se dépasser, je me surprenais à penser que ça devait pas être si mauvais de pouvoir s'appuyer aveuglément sur une personne. Cependant, j'étais entourée de tellement de fantômes que je ne me voyais pas avoir la place pour quelqu'un. J'étais noyée sous une épaisse brume, aux éclaircies si rares que cela ne paraissait être que des faits de mon imagination. Je ne tendais jamais la main vers la lumière parce que je me sentais incapable de l'attraper.
Je me mis à sourire alors que mes lèvres tenaient toujours fermement ma cigarette. Je savais Yukio capable d'enthousiasme, mais le voir parler de voyage et découverte semblait l'animer différemment. Je me rendais compte que personnellement je n'étais pas capable d'en faire autant ou que je n'avais pas trouvé de quoi m'animer de cette manière-là. À part mes marionnettes, je n'avais jamais nourri de rêves particuliers et je n'avais aucune aspiration véritable, me renvoyait clairement au pathétique de ma vie. Certains devaient se demander pourquoi je ne m'étais pas jetée du haut des remparts.
" Je pense que tu devrais le faire si c'est vraiment ce que tu veux. C'est pas comme si on pouvait pas avoir quelques permissions de temps en temps alors bon. Pars du principe qu'on peut claquer à tout moment et c'est trop con de se retenir. Tu veux naviguer alors fonce. Autant pas regretter quand on peut faire les choses. "
Sur ces paroles, j'enchainais pour lui proposer un truc à boire. J'avais oublié que son engin, c'était que pour une seule personne, mais je me voyais mal boire son maté devant lui sans lui en proposer. D'un autre côté, maintenant que j'en avais parlé, fallait peut-être que j'évitasse de lui faire affront à ne m'en servant pas... et à tous les coups, il aimerait sans doute savoir si j'appréciais ce machin. J'écrasais mon mégot de cigarette avant de me lever, me mettant en sortir tout ce qu'il fallait. Je remplis une casserole pour avoir de l'eau chaude et je sortis le sachet de plante du sac de course. Mais avant de m'atteler à faire la "cuisine", je lui servis son verre de jus de fruit en premier lieu. C'est à ce moment-là qu'il me demanda quand j'avais fumé la première fois. Je restais un peu conne.
" J'en sais rien. Je ne m'en souviens pas. "
Je froissais un peu du nez alors que je réfléchissais. Je savais pas si c'était à cause de mon amnésie partielle ou bien si je m'en souvenais réellement pas.
" Je pense que ça remonte à loin, sans doute avant la fondation du village. J'ai des réminiscences où je me vois déjà cloper donc par déduction... Je pourrais pas te dire si c'était pour me donner un genre ou si c'était parce que je cherchais à prouver quelque chose. Mon père te dirait que j'étais une ado bizarre... donc je faisais des trucs bizarres. Fumer devait faire partie du truc. C'était peut-être que de la curiosité. "
Je me mis à hausser les épaules. Fallait dire que j'étais une gosse aussi morne que ma petite Itori, la même gueule, même dégaine, un pantin en fait. J'obéissais et je faisais ce que l'on me disait sans prendre de décisions par moi-même. Mon vieux m'avait raconté que ça le saoulait et que d'un autre côté, il avait pitié parce que j'avais toujours l'air d'attendre quelque chose. Le côté "t'as envie, alors essaie, regrette pas", c'était de lui que je le tenais. À tous les coups, si j'avais suivi le truc à la lettre, j'avais dû lui donner des sueurs froides. L'idée me faisait marrer.
Sur ces quelques signes, je m'en retournais préparer ma boisson, tenant un bout de papier où la mamie du magasin m'avait fait une sorte de guide pour savoir quand mettre les feuilles, quand estimer que l'eau était assez chaude, combien de temps laisser infuser... Je pouvais être très scolaire pour certain truc. Alors que je laissais la magie opérer, je me tournais vers Yukio avant de m'approcher de la fenêtre contre laquelle je m'appuyais.
" En réfléchissant, je me rends compte que je me rappelle aucune première fois pour quoique ce soit. Première clope, première verre, première marionnette, première mission... Le trou noir. Je me dis que si c'est le cas, c'est que ça doit pas être si important. Pourtant, les gens semblent tous avoir un rapport nostalgique à ces instants de vie et s'enflamment de leurs souvenirs. "
Je tournais mes yeux améthystes vers lui. Notons que je pouvais signer sans regarder la personne, hein? Parce que jusque-là, je regardais le paysage de ma fenêtre.
" Tu te souviens de chacune de tes premières fois ? "
Je me foutais royalement de la normalité, mais ça m'interrogeait quand même. J'étais peut-être restée aussi bizarrement que dans mon adolescence.
Nozomo Yukio
Suna no Jonin
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Je me suis fait mal aujourd'hui, pour voir si je ressens toujours. Je me concentre sur la douleur puisque c'est la seule chose qui soit vraie.
Nous étions amoureux pour la première fois, alors nous allumions les feux. Le majeur en l'air comme un signe de paix. Quand avons-nous perdu notre route ? C'était plus facile de laisser tomber, alors on ne l'a dit à personne et personne ne le savait. N'oublie pas que c'était réel. Te souviens-tu de ce que ça t'a fait ressentir ?
Te souviens-tu des choses que tu as ressenties ?
Nous ne voulions pas croire, que tout s'en est allé, puisque c'était juste une affaire de minutes, avant que le soleil ne se couche. Nous avions peur de l'admettre, mais je sais que finalement, tu le sais aussi. Je restais là et je le voyais, le feu s'éteignait et on a plus aucune chance maintenant. Tu avais essayé de me retenir, mais je suis devenu un soldat. J'ai construit tous ces murs, alors comment les survoler maintenant ?
Il y a comme un océan, aujourd'hui, entre toi et moi. Nous avions dit "Pour toujours", mais maintenant nous sommes dans le passé ______________________________________________
Dans mon laïus sur les voyages, j'avais réussi à faire sourire Honoka : Une chose rare, mais pas impossible. Il fallait juste trouver les bonnes phrases et les bons sujets... C'était sûr que depuis le début de la journée, les sujets prêtant à sourire n'étaient pas légion. Le corps totalement récupéré de mon incartade dans le blanc laiteux de l'esprit, je sentais toujours suinter quelques pensées parasites. Rien de bien sordide, tout était passé. "Tout passe, en fin de compte."
J'aimais faire sourire les gens, c'était toujours mieux que pleurer ou ne rien provoquer chez eux... L'indifférence, c'était peut-être la pire chose pour moi. Mon passage dans la vie des gens devait avoir un effet, sinon à quoi bon ? C'était quoi la phase déjà ? "Il faut que ton absence se remarque" ? Oui, mais il fallait d'abord que ta présence fasse la différence... Enfin, je me perds. Souriant, j'avais répondu à Honoka :
- Je le ferais, un jour, quand j'aurai réuni un peu d'argent... Il ne faut pas croire, boire du maté tous les jours ça coûte bonbon ! Je ricanai, c'est surement pas ma consommation de liquide qui allait s'arrêter pour payer un voyage, multiplier les missions par contre... Ne pas se serrer la ceinture, mais multiplier les revenus. Je pouvais être un grand chef d'entreprise, si je n'étais pas ninja.
"On revient toujours sur ce type de phrase."
Au sujet du début du clopage de la muette, elle fit choux blanc : Elle ne savait pas, elle ne s'en souvenait pas. Je fis une petite moue devant la réponse, non pas que j'étais surpris, mais cela voulait dire qu'elle se foutait de la merde dans les poumons depuis des temps anciens... L'état de son corps, au final, laissait grandement à désirer. "Le cardio, la récupération..." De sales habitudes de professeur de sport, alors que je venais de me fumer un de ces bâtons de cancer. Très vite, la belle précisa son propos : Comme je m'en doutais, ça faisait un bon moment, depuis son adolescence et elle était plus vieille que Hayato et moi. À l'allusion à "l'adolescente bizarre", je ricanai.
- On a du tous être des adolescents bizarres, c'est le propre de l'adolescent. Hayato clopait aussi pas mal, moi j'étais du genre à me prendre trop aux sérieux alors que... Bah j'étais trop jeune, quoi. Un sourire en coin, je repensais à toutes ces choses. Je ne me préoccupais pas beaucoup des autres habitants de Suna durant mon adolescence : Les Nozomo ont mauvaises réputations et dans le clan même nous étions des parias à cause de notre adoption. Je faisais mes trucs dans mon coin : Mon regard était tourné vers nos ennemies dehors. Je me voyais le rempart de la civilisation contre les barbares, aujourd'hui j'avais un peu mis de l'eau dans mon vin. J'ai dû sortir du domaine seul quand j'avais une dizaine d'années, mais je ne suis vraiment sortie de l'influence conservatrice du clan que récemment, quand je suis parti m'installer avec mon frère, à l'écart.
Je sirotai lentement le jus de fruit que Honoka m'avait servi, la fraicheur me fit du bien, mais j'attendis avant de le vider : Elle devait boire son maté !
- Faut tester les choses, sinon on ne se rend pas compte de ce qui est bon ou mauvais pour toi. Tu faisais quoi d'autres pour être bizarre ? Une question innocente, cela me rendait curieux l'enfance et l'adolescence des gens : C'était sans doute révélateur de leur moi actuel.
La belle continuait à faire sa popote, je n'intervenais pas pour faire conseiller : Elle avait un papier de mamie-maté, donc elle était entre de bonnes mains. Je n'étais pas envahissant, je restai à ma place. "Un épouvantail quoi, on me prend et on me pose : La rue ou un appartement, quelle différence." Je me fis rire seul, bien vite Honoka revint pour me signer quelques choses : Première clope, premier verre, première marionnette, première mission... Rien ne revenait dans son esprit. Elle pensait alors que ce n'était pas important, mais elle côtoyait des gens qui s'en rappelaient, eux. En me regardant, elle me demanda si je me souvenais de mes premières fois... Je fixais ses yeux, perdu à la fois dans l'améthyste et les souvenirs.
Les premières fois...
Les souvenirs, les expériences, le fait de devenir adulte en tentant, ratant, réussissant. Le genre de trucs dont on se souvient ? J'osais penser que oui, certaines expériences devaient être marquée dans l'esprit pour l'aspect drôle, triste, les deux, ou même la violence. Mettant mes mains devant mon visage, en suspension, le pouce de la main gauche tenu par la main droite alors que la première recouvrait la seconde. Je tapotais mes doigts sur ma propre peau en réfléchissant.
- Certaines, oui, vaguement : J'ai dû fumer la première fois avec Hayato quand il avait commencé, peut-être avons-nous commencé ensemble ? Je t'avoue que je ne sais pas quand il a commencé lui-même. En tout cas, j'ai vite compris que c'était pas mon truc, trop peur de l'habitude et de la dépendance. À quoi que ce soit. Le premier verre ? Aucune idée, pour ça. Je devais être jeune, très jeune, volant une gorgée de bière quand personne ne regardait... Je passais volontairement les marionnettes, plus personnelle à Honoka, mais je choisis un thème plus proche de mon clan. Tu vois, je ne me souviens pas la première fois qu'on m'a foutu une arme dans les mains, car les Nozomo nous en mettent une très jeune entre les pattes... C'est effarant, quand je passe au domaine, de voir des enfants porter des sabres d'entrainement plus long que leur propre corps. Ils arrivent à peine à les porter et à les manipuler : On leur demande de faire des katas avec, mais c'est au final plus la cata qu'autre chose. Je ris rapidement. C'est devenu une habitude. J'ai un sabre, un point c'est tout. Il est à mes côtés depuis toujours et je me sens un peu nu sans lui. C'est peut-être ça qu'ils cherchent à installer dans l'esprit des gamins en les entrainant si tôt.
Je me tus, la première mission était marquante par contre... Première sortie du village doublée de la première expérience en groupe, c'était spécial.
- Pour la mission, on m'a laissé en arrière tout du long car on se méfiait de moi. Un Nozomo, c'est pas digne de confiance. Une pierre dans le mur entre les autres et moi, mais aussi une lourde blessure dans mon égo : Je voulais prouver que j'étais un bon camarade, mais aucunes possibilités à cet instant.
Toussant un coup, je pensais à tout le reste... Premier meurtre ? Oui, dans la violence à la suite d'une bagarre : C'était l'un des gardes de la cible, je m'étais chargé de lui avec difficulté de par mon âge et le sien. La lutte m'avait plus marqué que le poignard dans sa jugulaire, je ne me rendais pas compte à l'époque que se battre pour sa vie était aussi puissant... Sonné par l'adrénaline et la peur, j'étais resté un moment au côté du cadavre, avant de me relever et de continuer mon chemin. Il fallait continuer, la mission n'attendait pas. Aujourd'hui, avais-je toujours cette marque ? Tuer devenait un automatisme, lutter une pulsation dans mon cœur qui me procurait du plaisir... La mission avec le jeune Rokasu avait été une preuve de plus : Zigouiller les Kaigans fut fait rapidement et sans me retourner j'avais passé mon chemin. Insensibilité ? Habitude ? Parfois je me demandais si tuer pour le travail ne rendait pas flou une certaine frontière dans la conscience : Quand est-ce qu'on commençait à dédramatiser la mise à mort ? Quand allions-nous commencer à tuer par plaisir ou sans même y penser ? Je fuyais cette question, mais mon épisode du bar m'avait contraint à une certaine réalité : J'avais les compétences pour tuer, j'avais les outils sur moi quasiment constamment... Il me restait alors à avoir l'envie et l'occassion. "Triste constat".
Combien de mes pairs ont pété les plombs ?
Trés vite, l'image de Sona vint dans mon esprit. "Tiens, un moment que j'ai pas pensé à ça." Une jeunesse dorée où bien sûr il y avait d'autres premiéres fois, plus douce... Un amour, un premier, irréel car innocent, naïf. Le monde n'est pas fait pour ce genre de chose... Une civile, moi un shinobi. Avec les premiéres missions, les premiéres fois violentes, j'avais sombré dans la froideur de l'ombre... Préférant m'écarter plutôt que de l'inquiéter, incapable de parler de ce qui me troublait, comme toujours. J'étais trop jeune, trop fier, pour me rendre compte que sans doute elle pouvait m'écouter, à défaut de me comprendre.
J'avais tout gâché, comme toujours.
- Ouais, on était tous des adolescents bizarres... Trop jeune pour être adulte, trop jeune pour prendre des décisions d'adulte. Un mur entre les civils et les shinobi, entre le ninja et le reste du monde. Une protection ? Un rempart qui isolait plus qu'il ne protégeait. Bref, oui je me souviens de la plupart de ces choses... Aprés, en parler avec passions ? On est tous passé par là, pour la plupart. On test des trucs : C'est cool, c'est pas cool... Voila. C'est sans doute le contexte autour, qui rend toutes ces choses nostalgiques : C'est pas la premiére fois que tu t'es étouffé à cause du tabac qui compte, c'est la jeunesse et le moment où tu avais juste envie d'avoir l'air cool ou d'expérimenter.
Relâchant ma position, je continuai à tapoter le rebord de la fenêtre : La réflexion, toujours la réflexion. "Ces plaisirs violents ont des fins violentes. Dans leurs excès ils meurent, tels la poudre et le feu que leurs baisers consument."
- Il y a quand même des choses qui t'ont marqué dans ta jeunesse, ou même ta vie, non ? Pas forcément des premiéres fois, mais des secondes ou des troisiémes. Tout est différent.
Sphinx. Yukio 021
Shirogane Honoka
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Le vide et la douleur. C'était mes premiers souvenirs. Pas d'image autre qu'un mur blanc, pas un son capable de sortir de ma bouche déformée par un cri avorté, et la douleur qui brûlait mes veines comme des picotements empoisonnés. Mes premiers souvenirs... ceux de mon réveil... puis la réalité que l'on se prenait en pleine gueule sans être capable de la comprendre. Je n'avais pas de mots pour expliquer toute la violence que cela me demanda de respirer à nouveau, d'ouvrir mes yeux sur un monde qui avait décidé de vomir mon âme dans un corps meurtri, et ce sentiment de ne pas être au bon endroit. Le goût de rien. Cela m'avait habité de long mois alors que j'avais des infirmiers qui souriaient en pensant que je devais être heureuse de pouvoir être capable de manger, de sentir, de voir et de bouger. Mais qui avait dit que je n'avais pas été mieux ailleurs ? Dans cet ailleurs où je n'avais plus à me soucier de rien ? La question m'avait effleurée l'esprit, surtout quand plus rien ne vous attendait autour de vous, ni équipiers, ni fiancé, ni famille.
Ma vie était redevenue une page blanche, un carnet vierge où plus rien ne semblait annoté hormis quelques mots à moitié effacés. La première chose dont j'avais pu me rappeler, c'était mon père, le visage d'un type de trente ans qui me regardait de haut avec des yeux perçants, à contrejour du soleil, le jour où il m'avait trouvé dans le désert à l'agonie. Puis vint des images plus précises de lui, ses traits impassibles, mais dont le regard semblait illuminé d'une forme de pitié ou de peine. Puis d'autres encore qui finirent par me laisser entendre que cette personne était importante à mes yeux. Retrouver son nom ne fut pas immédiat, mais ce qu'il était me parut évident. Avec le temps, j'avais fini par me rappeler quelques bricoles, insignifiantes, anecdotiques, trop courtes, trop floues pour que j'en aie la moindre explication. Par contre, ma mémoire avait trouvé bon de remettre dans mon crâne des choses que j'aurais sans doute préféré ne pas savoir, des moments de vie Kaigan notamment... Même si parmi eux, il me semblait pourtant en trouver quelques-uns qui furent... heureux ? Mais je n'en étais pas certaine. Les médecins m'avaient expliqué que les vieux souvenirs étaient généralement les plus encrés, qu'il y avait aussi moyen que je me rappelasse chose que je refoulais... mais tout ce qui était assez récent n'avait pas eu le temps d'être solidement emmagasiné. Peut-être aussi que par survie, ma tête avait fait le tri pour moi.
J'écoutais avec étonnamment d'attention les propos de Yukio, avant d'afficher une mine pleine de réflexions quand il me demandait ce que je pouvais faire d'étranges à l'époque. À vrai dire, je ne pouvais que répéter principalement ce que mon vieux m'avait raconté. Peu-être qu'il avait aussi pas mal pipeauté. Le temps de cogiter, je me dirigeais vers ma préparation de maté pour me servir et je revins vers lui avec la mixture. Ce fut à ce moment-là qu'il me lista une partie de ces "premières fois". Certaines explications me firent sourire alors que je m'essayai à boire une première gorgée. C'était... amer. Son machin était amer, mais j'avais connu pire. Je posais ma "tasse" le temps de lui signer quelques mots.
" Personnellement, je ne te trouve pas bizarre, enfin tout ce que tu me racontes ne me le semble pas. En ce qui me concerne, je ne peux te répéter que ce que le vieux m'a dit. J'étais le genre de gamine qui ne prenait aucune décision spontanée, j'attendais qu'on me dit quoi faire jusqu'au jour où mon père m'aurait engueulé pour me pousser à faire des découvertes par moi-même. Je passais mon temps à observer et à attendre, à obéir. En partant de ce principe-là, je suppose que lorsque j'ai eu le déclic de vouloir expérimenter, j'ai dû me tenter à faire le bon comme le mauvais. Il a dû avoir des sueurs froides. "
Je me voyais très clairement ne pas avoir de limites de conduite, pas de gêne ou de morale qui purent me retenir. Tout à apprendre... comme après mon coma. C'était à se demander combien de fois je devrais recommencer ma vie pour finir par la rentre satisfaisante. Je finis par reprendre une gorgée de maté, finalement on s'y faisait à ce machin. J'en ferais pas des folies, mais bon....
" Je me rends compte que je t'ai peut-être pas donné une infos importante à mon sujet... T'avais bien compris que j'avais un lourd accident avec ma gueule... "
Je lui pointais aussi le bandage de ma gorge.
" D'après les autorités, c'est arrivé au retour d'une mission où j'ai perdu toute mon équipe. Moi j'ai fini dans cet état, mais avant ça, j'ai fait deux ans de coma. À mon réveil, je n’avais pas toute ma tête et par là, je veux dire mes souvenirs. J'ai paumé la plupart. Tout à refaire. D'où ma question sur les premières fois en fait. Cela m'interroge de temps en temps. "
Je haussais des épaules comme pour signifier que c'était pas important et à vrai dire, je l'avais toujours pensé ainsi. Je m'étais habituée à vivre avec l'absence et le vide, j'avais accepté que certaines choses ne seraient jamais comblées pour ne pas vivre dans la frustration... ça marchait pas tous les jours, mais je bataillais quand même contre moi-même et l'envie d'en savoir plus. Pourquoi désirer se rappeler une vie qui avait finalement si peu comptée.
" Je serais incapable de te dire si ce dont je me souviens compte vraiment. Tout ce qui concerne mon père sans doute. Il est la seule chose dont j'ai fini par me rappeler clairement, mais après.... "
Je soupirais un peu avant de tourner mon visage vers la fenêtre. Pour une raison étrange, j'essayais de repérer la hauteur des remparts du village, je m'y rendais souvent et inexplicablement, je m'y sentais toujours nostalgiques. Des souvenirs qui comptaient... je supposais qu'il y en avait un là-bas.... mais il était voilé.
" Je crois qu'il y en a un... mais je n'arrive pas à le voir distinctement... "
Je pointais alors mon doigt par la fenêtre pour tenter de montrer les limites du village.
" Je crois qu'on m'a demandé en mariage là-bas. "
Je m'en retournais pour siroter mon maté en laissant flotter l'information. Même moi je ne savais pas quoi en faire ou penser puisque je m'étais faite larguer et que je me souvenais même pas de la tête du type.
" Maintenant je peux ajouter mon premier maté. "
Je venais de finir mon verre.
Nozomo Yukio
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"Cher journal que je ne tiens pas, que je ne tiendrai jamais, comme si c'était si facile de savoir ce que je pense.
Aujourd'hui, j'avais prévu de m'entraîner, finalement j'ai passé ma journée à regarder le ciel. Je sais, ce n'est pas bien... Le péché de paresse m'amènera sans doute à ma perte, enfin, une fois de temps en temps ne va pas me tuer. En tout cas, ce fut instructif : On ne passe pas assez de temps à mater le ciel. On vit dessous, on est limité à son bon vouloir : Beau temps, pluie, neige... Même si je ne l'ai jamais vu, pour être honnête. Porteuse de vent et de sécheresse. On s'habitue au ciel, alors que c'est la chose la plus vaste que l'on pourra contempler de notre vie.
On parle de la mer ou du désert, oui, mais le ciel ? Une infinité de mètres carré à voir : Un vide remplit par quelques cotonneux nuages, rien de bien magnifique, mais dans l'idée, je trouve ça incroyable. Non, on ne regarde jamais assez le ciel... Je ne l'ai pas fait non plus.
À vrai dire, j'ai utilisé l'azur comme une toile de fond de mes pensées, de mes souvenirs... Je déambule entre les dédales de la mémoire. Ce nuage représente l'enfance, l'autre l'adolescence. Un différent tient la place des archives de mes souvenirs chez les Nozomo. Je double ou triple ces scènes, selon le point de vue. Entité plurielle, comme tout le monde, j'essaye de me rappeler et d'interpréter sous plusieurs angles : Le Yukio guerrier, le Yukio homme, le Yukio enfant... C'est douloureux, à vrai dire.
Je m'enferme dans quelque chose de malsain, cher journal, je ne sais plus parler. Comme un compte-goutte, je délivre parfois des fils de pensées, tenu, mais comment en faire une tapisserie de moi ? Impossible, je m'en assure parfois. Je ne veux pas que l'on me trouve, je veux rester derrière des murs épais. C'est rassurant de cultiver la surprise, de cultiver le secret... Un endroit à moi, c'est ma tête, mais je me retrouve piégé. Un voile, une cave, une anti-chambre : Rien n'est assez bien pour me protéger.
Un mécanisme se déclenche et je pars...
Je sais que je devrai faire quelque chose, cela ne peut plus durer. Je file droit vers l'autodestruction ou plus lentement vers le cynisme et la lassitude, qui sait ? Une longue agonie me prend parfois, ça grouille en moi : Les sentiments contraires, l'envie de crier et l'étreinte du silence qui étouffe tout cela.
Aujourd'hui, j'ai regardé le ciel. Je mets un point d'honneur à ce message dans ma tête, avant de le replier et le stocker quelque part dans les nuages... Ma mémoire n'est pas indéfectible, j'aurai oublié demain." ______________________________________________ Après mon petit speech exprimé, je me ravisai contre la fenêtre : Exprimer le plus facile, garder pour moi le plus complexe. Je le faisais et je l'avais fait avant... Comment casser une ambiance si douce ? "Yukio, le trouble-fête". Sans un mot, je regardai Honoka s'affairer dans la cuisine pour préparer sa boisson : Toujours une envie de l'aider, mais je n'étais pas là pour faire le thé et le maté. Sûrement qu'elle m'enverrait chier, sirotant mon jus de fruit, je la vis revenir avec le contenant et la bouche de bombilla qui dépassait. Je souris instinctivement, ce que j'aimais le maté.
La muette m'expliqua un peu pourquoi elle se considérait comme "bizarre" : passive, elle attendait qu'on lui dise quoi faire, mais une fois un cap passé elle avait pété les plombs et fait des expériences par milliers sans se soucier de la mesure, de la morale, ... Dans ma tête, cela me paraissait flou, mais j'imaginais que la clope et la boisson venaient de là. Le reste m'était inconnu, je ne connaissais pas autant que je l'espérais cette dame.
- Un manque de mesure, hein ? Je vois. C'était peut-être nécessaire, vu que tu as passé un bon moment sans trop tester par toi-même. Ça t'a attiré des problèmes ? Je voyais des vols à l'étalage, par envie ou des sorties hors des remparts en secret. Sans doute que je me trompais, je me trompais souvent quand je supputais quelque chose... Bien moins intelligent que Hayato. Si non, c'est que c'est parfait !
Une partie de la réponse vint ensuite, dans l'explication de la muette concernant un autre problème que physique suite à sa mission désastreuse : Un coma de plusieurs mois... deux ans, doublé d'une amnésie. Ainsi, elle ne pouvait peut-être pas se rappeler cette partie-là. Crispant ma main sur l'encadrure de la fenêtre, je prenais le coup : Je n'avais rien remarqué, elle faisait bien semblant... Ou alors, je ne voyais juste purement rien. Une autre réflexion arriva rapidement dans ma caboche : Vivre sans souvenir, quelle était la sensation ? Je n'arrivais pas à saisir. "C'est normal, tu as des souvenirs."
Comme si elle saisissait mes pensées, je la vis hausser les épaules comme je le faisais parfois : "C'est pas important", voilà le message. Suite à ça, la belle m'expliqua que seul son père avait retrouvé le chemin de ses souvenirs. Car elle était proche de lui au quotidien ? Soupirant, je pus exprimer un peu ma compréhension relative :
- Ouais, je comprends mieux tes questions. Je n’arrive pas à me figurer trop ce que ça fait. Je jetai un coup d'œil à la tronche lassée de ma compère. Tu as sans doute pu te rappeler ton père, car il était proche de toi, physiquement, à l'hôpital, à la sortie, ... L'exposition, quoi. À force d'avoir quelque chose sous les yeux, on finit par s'en rappeler.
"Tu enfonces des portes ouvertes."
La shirogane, elle-même soupira, et se tourna vers la fenêtre : lascivement, elle me désigna les remparts. Elle pensait avoir un souvenir là-bas, je me tournai pour suivre son mouvement et sa réflexion. Pointant son doigt, je suivais la courbure puis entendit sa déclaration : On l'avait demandé en mariage là-bas. Je souris, bien sûr qu'elle avait un fiancé sinon sa vie et son amnésie aurait été trop simple... Une histoire très complexe.
- Tu te sens comment devant ça ? Savoir si tu étais fiancé ou non ? Son haussement d'épaule, tout à l'heure, devait sûrement parler pour elle. Pas de souvenirs, pas de problèmes ? Si ce qu'elle trouvait au bout du tunnel était trop difficile à supporter ? J'imagine que si tu avais voulu te souvenir, tu aurais remué ciel et terre pour retrouver ce type et tout le reste de tes proches de l'époque.
"C'est ce que j'aurai fait ?"
Je n'en savais rien, dans la configuration de mon amie j'aurai sans doute repris très vite la conscience de l'existence de mon frère, vu qu'on était tout le temps fourré ensemble : Le reste ? Qui sait ? "Fuir, mais dans la vraie vie ?" Je hochai la tête pour chasser ces questionnements, ça n'avait rien à faire ici et rien à voir. Finissant son verre, Honoka annonça qu'elle pouvait ajouter son premier maté à ses premières fois. Je souris :
- Alors ? C'était comment ? Je ne me rappelai mon premier maté, c'était il y a longtemps... Beaucoup trop de liquide ingurgité. Laissant quelques instants pour qu'elle me donne ses ressentis, je continuai : Si tu veux, on a d'autres variétés si c'était trop doux ou trop amer !
Fuir les questionnements trop complexes par le maté ou l'humour, ça devenait récurrent ! Prenant mon courage à deux mains, je tendais une perche :
- Si tu veux... On peut essayer de t'aider à retrouver quelques souvenirs : Faire des recherches, on est des juunins alors on doit avoir accès à des trucs dans les archives, ou je ne sais pas quoi... Je me perdais. Peut-être que tu es bien comme ça, aussi, je propose... Juste. Frustré, je gardai la tête vers le sol.
Je voulais aider, mais elle avait sans doute fait le processus bien avant de me connaitre : Je ne voyais que les résultats, une stabilité qui me frustrait. Réfléchir aux problèmes, agir, ... J'arrivais trop tard.
Ridicule, je ne savais pas exprimer quelque chose de personnelle sereinement.
Sphinx. Yukio 021
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Des problèmes... lorsque Yukio me posa la question, je ne pus m'empêcher d'avoir un sourire au coin des lèvres. En écoutant mon vieux, je n'avais attiré que ça... des problèmes. Surtout pour lui d'ailleurs en fin de compte.... et quelques-uns pour moi. Lorsque l'on avait passé une jeunesse privé de beaucoup chose que l'on pourrait considérer comme normal pour une enfant, fallait pas trop s'étonner de toutes les conneries potentielles qui pouvaient la guetter. Mes premières embrouilles étaient surtout comportementales. Si quelqu'un avait le malheur de me toucher, même sans être agressif, je jouais facilement du kunaï. J'avais visiblement blessé plus d'une fois des gens qui n'avaient rien fait de si terribles. Lorsque l'on grandissait en vous racontant que la seule chose qui comptait était votre clan et ses idéaux, on vous martelait que le reste du monde ne valait rien. Si le reste du monde ne valait rien, alors son prix ne valait pas grand-chose. Pourquoi y aurait-il eu le moindre mal à s'en débarrasser ? Le vieux Yukio avait sans doute dû s'arracher les cheveux à devoir refaire toute mon éducation.
Pour le reste, je supposais que c'était des anecdotes plus banales, surtout si je découvrais de nouvelles sources de nourritures. J'étais quasi certaine que j'avais dû grimacer à mon premier verre, que mon père m'avait peut-être trouvé saoule et mis une déculottée. La cigarette, ça devait être pareil.
" Honnêtement, je pense que oui. Mais si je ne m'en rappelle pas, ça devait pas être glorieux à retenir. Comme quoi le cerveau peut faire des choses étonnantes. "
Lorsqu'il me parla de mon père et de son explication sur les raisons qu'il fut l'unique personne dont je me rappelais, j'eus un léger sourire en coin et je me permis de faire un rappel à notre début de conversation.
" Mon père est mon ancre... mais lorsque je me suis réveillée, on ne m'a pas permis de le voir pendant plusieurs semaines. Il ma fallu quelques jours pour que son image me revienne en mémoire. "
Un fait. Le flash était venu lorsque mon médecin m'avait parlé de lui en vérité. Son visage avait envahi ma cervelle comme une évidence, celle que j'avais quelqu'un qui m'attendait. Mais le Nozomo n'avait sans doute pas tort non plus. J'avais toujours été proche de mon père malgré nos prises de bec. Les liens comme ça, ça ne se brisait pas si aisément... quoique... Lorsque je regardais les remparts, je me sentais mélancolique. Je devinais que j'avais perdu quelque chose d'important pour moi et d'un autre côté je refusais de m'en rappeler parce que je n'étais pas certaine d'accepter la déchirure que cela représentait. C'était vraiment un sentiment curieux, de savoir que l'on avait aimé quelqu'un assez pour que cela laissât une impression de vide dans la poitrine. Mais ce souvenir était comme un mirage tremblant, je voyais un sourire, je sentais une émotion. Je supposais que dans ce que je pensais me rappeler, j'avais été heureuse comme une midinette. Cela me paraissait tellement éloignée de moi que j'avais dû mal à imaginer que cette scène avait pu exister. Un mirage oui... du passé....
Je me tournais vers Yukio, affichant un sourire qui laissait à deviner que j'avais abandonné l'idée de découvrir la vérité... ou peut-être que je ne désirais pas la connaître. Lâche. Oui. Je le savais. Je n'avais pas la prétention d'être sentimentalement courageuse. Bien au contraire, je me contentais du superficiel. Plus facile à gérer.
" Dans un monde idéal, je suppose que oui. Mais je n'ai pas cherché parce que j'estimais que cela ne servait à rien. Je ne connais pas le nom de cet homme, je ne m'en suis jamais souvenu. Ni de son visage. Ce que je sais, c'est que la seule personne qui m'eut rendu visite, c'était mon vieux.... sans compter que les fiançailles avaient été annulées quand ils ont compris que j'étais dans un coma profond et qu'on était pas certain que je repris connaissance. "
Je me mis à hausser les épaules.
" Je ne peux pas lui en vouloir, qu'importe qui il fut. C'est pas une vie de s'accrocher à une femme qui a un pied à moitié dans la tombe. Et puis mon père n'a jamais voulu me dire son nom. Il m'avait simplement dit qu'il s'agissait d'un vaurien. Pourquoi perdre mon temps à me souvenir... d'autant plus qu'il n'a pas cherché à me retrouver non plus à mon réveil. Il a dû se recaser. "
Personne ne m'avait attendu à mon réveil.... à part mon vieux. Est-ce que j'avais espéré quelque chose à ma sortie ? En vrai ? Oui. J'avais espéré. Pourquoi ? Aucune idée. Peut-être parce que l'idée que j'avais compté pour plus que ce que je valais aurait fait du bien à mon égo. Mais il n'y avait eu personne. J'avais pas besoin de me rappeler. Ma vie devait pas être si glorieuse que ça. Aucun intérêt de faire le moindre effort. On finit par changer subtilement de sujet pour parler de maté. Je savais pas trop quoi lui répondre, mais comme il me souriait, j'avais pas trop le cœur à lui dire que j'allais pas en faire des folies.
" J'ai pas l'habitude de ce genre de boisson. C'est... original. "
Je ne pus m'empêcher de tourner mon regard vers un coin de la pièce. J'avais un carton plein de bouteilles d'alcool vide que je n'avais pas encore jeté. N'allez pas croire que j'étais une poivrote, je n'étais pas dépendante, mais je savais apprécier. Le problème était que si je commençais, j'enchainais un peu trop. Puis ce fut à cet instant que Yukio me proposa son aide, mettre à profit son grade pour effectuer des recherches, des traces de documents ou des trucs dans le genre. Je ne pus m'empêcher de sourire alors qu'il baissait la tête. Je m'avançais vers lui et posais ma main sur son épaule. Lorsqu'il releva la tête, je fis un signe de la mienne.
" Merci. "
Puis je continuais ma route jusqu'à la cuisine pour déposer ma tasse de maté, m'apprêtant à rallumer une nouvelle clope. Avant ça, je me permis néanmoins de lui offrir quelques précisions supplémentaires. Signées, cette fois.
" T'as pas à te donner du mal pour un cas désespéré comme moi. Chercher serait une perte de temps. Pourquoi je voudrais me rappeler de gens qui n'en avaient rien à foutre ? Je préfère essayer de me construire des souvenirs nouveaux plutôt qu'à courir après les anciens. "
Ça, c'était pour la belle phrase. Le genre de truc qui sonnait comme une philosophie à deux balles et qui me permettait de justifier que je ne comptais pas faire d'effort.
Nozomo Yukio
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"Je ne suis pas une personne parfaite, il y a de nombreuses choses que je regrette d'avoir fait, mais je continue d'apprendre. Je n'ai jamais voulu faire toutes ces choses, donc je me demande si...
Je me suis trouvé une raison de changer celle que j'étais autrefois ? Une raison de recommencer à zéro ? Est-ce que la raison, c'est toi ?
Je ne me souviens pas du bon vieux temps. La vie était belle alors ? Je ne me souviens pas du temps où je savais ce qu'était le bonheur. Laissons ce souvenir vivre de nouveau. Les lumières du village semblent battre un avertissement fataliste. Je dois penser à une nouvelle vie ? Je ne dois pas baisser les bras ? Ce soir sera aussi un souvenir, après tout."
C'était ce que ressentait Honoka ? _____________________________________________
La muette m'expliqua qu'elle ne se souvenait pas tellement des problèmes occasionnés par ses expériences, bien évidemment. Avec son amnésie, il était évident que des choses futiles étaient passées à la trappe... Je me demandai quand même l'effet que ça faisait : Ne pas se souvenir qu'on avait fumé, mais avoir le réflexe de la clope. Prendre une gorgée d'alcool, aimer le goût qui évoque des choses, mais toujours trop loin pour nos neurones affaiblis et déconnectés du noyau mémoriel. Je ne savais pas, je ne comprenais... Tout ceci revenait à de la supputation.
Aider Honoka, c'était la comprendre ? Si oui, cela était impossible à moins de me faire assommer et d'oublier moi aussi.
Bien vite, la belle précisa que son père, ancre de sa vie, n'avait été présent à son réveil à cause de prescription du médecin. Écoutant, je hochai la tête : Ne pas faire paniquer la jeune femme qui n'allait pas le reconnaitre ? Se réveiller après des années, dans un espace inconnu, dans un corps inconnu et avoir un vide à la place des souvenirs... Terrifiant. Finalement, vouloir comprendre mon amie, c'était aussi comprendre le vide que l'on remplissait chaque jour avec des banalités. Quelques jours avaient suffi pour qu'elle remette le vieux Yukio, une bonne nouvelle. L'amour triomphe toujours ?
Pas toujours.
Le fiancé de la Shirogane n'avait pas été là, un point pour l'indifférence dans le combat quotidien qu'il livrait contre l'affection et les liens. Celle-ci jeta un dernier regard vers la muraille avant de se tourner vers moi et me sourire, je soutenais ses yeux d'un air grave. Cela ne servait à rien de chercher ce type : Pas de nom, pas de souvenir même d'un bref visage. Il n'avait même pas donné de son temps pour visiter la comateuse... Les fiançailles annulées, à cause de l'incertitude du réveil. J'enrageai de ce comportement, j'avais dû le croiser sans le savoir, peut-être elle-même l'avait croisé dans la rue et... Rien. L'indifférence, toujours. L'ancienne Kaigan ajouta qu'elle ne lui en voulait pas : "C'est pas une vie de s'accrocher à une femme qui a un pied à moitié dans la tombe." Pour elle, il avait dû se recaser, ce vaurien comme disait son père.
- C'est pas une vie de lâcher les gens comme ça... Je murmurai, plus pour moi-même. Toujours, je ne comprenais pas, j'avais lâché moi-même la seule fille qui m'aimais assez pour soutenir mes conneries. Je ne pouvais pas comprendre, ou alors je comprenais bien assez. J'étais sans doute un vaurien, pour Sona et sa famille.
Le sujet partit sur le maté, elle émit le constat que... C'était original, j'arquai mes sourcils. "Elle n'a pas aimé ?" Amenant une moue désolée, je contestai :
- La première tasse est toujours étrange, c'est pas un goût qui est commun pour nous les péquenots du désert. Je rigolai. Ça s'arrange avec la deuxième ou troisième tasse, si tu as le courage de te relancer dedans. Je haussai les épaules, elle faisait ce qu'elle voulait... J'avais tenté.
Après ma proposition pour l'aider, elle s'était avancée alors que j'étais tout penaud. Une main sur mon épaule, la muette me dit "merci". Elle allait refuser ? Retournant dans la cuisine, elle avança un peu ses pensées : Un cas désespéré, pourquoi l'aider ? Ce serait une perte de temps de chercher. De plus, elle s'en foutait... Le mec ne s'était pas pointé, elle voulait se tourner vers le futur. Mettant ma main sous mon menton, je réfléchis quelques instants :
- Tu as sans doute raison, c'est la bonne mentalité... J'aurai sans doute cherché le type juste pour lui mettre mon poing dans la gueule. Ce ne sont pas des manières ! Je souris, allégeant un peu l'ambiance lourde des révélations de l'origine Kaigan et de l'amnésie. Beaucoup de sujets abordés et si peu de temps pour tout démêler... Un sac de nœud, comme la tête de Hayato. Par contre, je ne pense pas que tu sois un cas désespéré, personne ne l'est... Ou alors tout le monde l'est. À toi de choisir. Regarde, toi tu es bien venu m'aider quand j'étais dans le mal, tout à l'heure.
Je me mis à regarder la fenêtre, j'allais essayer quelque chose... Exprimer ce qui se passait dans ma tête. Peut-être que j'allais tout foirer et me foutre un sacré ridicule sur la tronche, tant pis. J'ouvris la bouche, pendant un instant mes lèvres restèrent un suspens autour du trou, mais je me permis enfin à parler :
- J'ai une théorie, enfin une grosse pensée. On veut tous communiquer, se soutenir : Par exemple, tu voudrais soutenir ton père, si besoin. Nos proches, on veut les aider. C'est... Comme ça qu'avance le monde, on se réunit et on s'entraide. Je tapotai la vitre entre moi et le monde. Le village, les villages, en sont la preuve. Je laissai glisser ma main contre la paroi. Pourtant, il y a tout le temps des problèmes : Les rapports humains ne sont pas tous amicaux, de plus, avec la naissance de ces structures, il faut définir la zone de notre territoire, l'espace à défendre. Je me tournai vers Honoka. On veut se réunir, mais pas avec tout le monde et surtout, il peut y avoir des tensions, de la douleur, des blessures... Le village, les hommes. C'est un peu pareil, mais pas à la même échelle. Les clans se disputent le pouvoir et les fonctions, les sentiments contraires nous taraudent. L'homme veut autant se déchirer que s'aider, au fond.
J'essayai de chercher une bonne métaphore, me grattant le front, je trouvai encore quelque chose de bancal... Mais avec un sourire, cela m'évoquait mes réflexions désespérées dans la montagne lors de cette fameuse mission.
- Nous sommes des hérissons, ou des porcs-épics, un groupe cherche à se rapprocher afin de partager leur chaleur par temps froid. Cependant, ils doivent rester éloignés les uns des autres, car ils se blesseraient mutuellement avec leurs épines. Bien qu'ils partagent tous l'intention de se rapprocher, cela ne peut se produire, pour des raisons qu'ils ne peuvent éviter. Je souris. On est un peu tous des hérissons, sans doute. Je soupirai, il fallait conclure ? Alors on fait quoi ? On reste dans notre coin ? On aurait froid... Alors des individus se tournent vers les autres, peu importe les piqures, d'autres ne veulent pas se blesser ou blesser les autres, alors ils restent dans leur coin et font le minimum. Eux, ils ont froid.
Rigolant un peu, je mettais mes mains sur le front : J'étais bel et bien un hérisson, et du genre à m'isoler. Allongeant mes piques pour paraitre le plus dangereux, sauf que j'avais un peu froid. Des gens voulaient me tenir chaud, mais je refusai par peur de me blesser en me montrant vulnérable, était-ce la vraie raison ? Je ne savais pas, au fond. L'inné et l'acquis, le paraitre et le fond de la chose...
Aider quelqu'un, sans intérêt dans la chose, n'allait pas m'amener à me révéler, mais pouvait faire avancer la personne. Je pouvais gagner à m'ouvrir... À Hayato, à des tierces personnes. Un peu, essayer quoi ? Il me fallait seulement un peu de courage. Relevant la tête, je finis :
- Tout ce charabia pour dire qu'on est tous des cas désespérés en fait, mais s'aider ne serait pas une perte de temps, j'imagine... Toi comme moi. Tu te sens hérisson ? Haussant les épaules, je me dis que j'avais surtout parlé pour dire bien peu de chose... Flou, tout était flou finalement. Je réfléchis un peu trop, parfois, je vais me servir un jus d'orange, encore !
Une fuite vers la cuisine, pathétique ! Tellement humain, aussi, de se réfugier dans le foyer chaud de la bouffe et de la boisson.
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J'eus un sourcillement interrogateur, Yukio avait murmuré quelque chose, mais je n'avais pas entendu. Je supposais que c'était sans doute plus pour lui-même que véritablement adressé à moi, raison pour laquelle je ne le relançais pas. On finit simplement par changer de sujet, parlant boisson et maté. Je regardais ma tasse en m'imaginant en boire à nouveau... il y en aurait d'autres vu le paquet que m'avait vendu la mamie.
" Je sais pas si on peut parler courage, mais j'en reprendrais. Mamie m'a vendu un sachet où j'en ai pour au moins une dizaine de tasses, j'ai de quoi tester et m'y faire. "
Maintenant je n'avais aucune garantie sur le plaisir que j'en tirerais. Tentons simplement de faire confiance au Nozomo et puis si j'avais ça ne passait pas, je pourrais toujours le lui refourguer. On allait pas gâcher. M'afférant ensuite dans la cuisine, je ne pus retenir un léger rire lorsque Yukio m'indiqua qu'il aurait cherché le type pour lui mettre sa branlée. Cela lui ressemblait bien, plutôt sanguin comme garçon. Mais de mon point de vue, j'estimais que cela ne servait à rien pour moi de dépenser mon énergie à courir après quelqu'un qui n'en valait visiblement pas la peine. Peut-être que j'étais aussi confortée par l'idée que mon père m'avait semblé ne pas aimé la personne non plus... mais est-ce que mon vieux avait une bonne capacité de jugement ? Mouais.... peut-être que j'aurais pu fouiller uniquement pour savoir en quoi cette relation l'avait dérangée parce que le peu que j'avais déduis, c'était que ce n'était pas une magouille politicienne, c'était une proposition désirée. Donc il y avait vraiment un type à Suna qui avait demandé ma main et j'avais accepté. C'était peut-être ça qui m'étonnait le plus parce que je me voyais très mal dans ce genre de plan... ou bien j'étais radicalement différente de la femme que j'étais devenue. J'avais du mal à m'imaginer amourachée.
Perdue quelques instants dans cette réflexion, je finis par allumer la cigarette avant de revenir vers mon camarade qui m'exposa le fond de sa pensée, me faisant remarquer au passage que j'avais finalement pris la décision de l'aider. Devrais-je lui dire que j'avais tout de même longuement hésité ? Je m'étais toujours éloignée du problème des autres mais à la fin je finissais toujours fourrée dedans. Alors pourquoi je m'étais résignée à faire un pas vers lui ? Il regardait par la fenêtre, je me contentais de l'observer en écoutant et fumant. Il semblait vraiment cogiter sur la question, il me fit sourire à nouveau lorsqu'il parlait de hérisson. C'était vraiment une drôle d'image mais j'arrivais plus ou moins à comprendre ce qu'il tentait de me dire. Cependant, je ne pus m'empêcher de me demander si ces paroles s'adressaient véritablement à moi ou bien cherchait-il à se cerner lui-même?
Si je me contentais de ses métaphores et de sa question, je supputais que je faisais aussi partie de la catégorie des hérissons solitaires, mais je n'étais pas convaincue de le faire pour me protéger ou protéger les autres. Je ne me sentais simplement pas à ma place avec autrui, je n'avais pas l'impression de marcher sur la même route ni d'être sur les mêmes longueurs d'onde. Etrangère. Je me sentais étrangère à moi-même et au monde depuis que j'avais repris connaissance, je me sentais incomplète mais je n'avais le désir de retrouver les pièces du puzzle perdus pour redevenir celle que je fus. Je me cherchais, un nouveau moi, un nouveau sens à ma vie, ma survie même. Est-ce que seulement il y avait un sens ? Sans doute pas.
Je crachais quelques ronds de fumée le temps que Yukio se servit un nouveau verre. Il pouvait faire comme chez lui. Il y avait pas grand-chose chez moi de toute façon, aucun secret. Il n'y avait qu'un unique placard que je fermais à clef et c'était parce que c'était un petit autel de prière. Une éternité que j'avais pas mis mon nez dedans, ni brûler de bâton d'encens. J'attendis que le Nozomo se retrouna vers moi pour lui répondre.
" Si je dois être honnête, sache que j'ai hésité tout à l'heure. À intervenir. "
Je pris une bouffée de ma clope puis j'ouvris la fenêtre pour aérer.
" Si finalement je l'ai fait, c'est uniquement parce que je te connais. Je n'ai pas la prétention d'être une personne très altruiste. Quant au coup de l'hérisson... je suppose que je le suis, un de ceux qui se mêlent pas à la foule. Un hérisson étranger qui se pose en observateur, pas à sa place avec les autres. "
Mes yeux se posèrent avec une certaine mélancolie sur le paysage extérieur, avant d'avoir un petit sourire en coin. Je finis par me retourner vers Yukio, lui destinant la maigre chaleur de mon expression.
" Mais j'ai rencontré deux hérissons originaux depuis peu qui arriveraient presque à me faire croire que je serais capable de faire des choses bien pour une fois. Ils sont même arrivés à me faire boire un drôle de truc qui serait sain pour l'organisme. "
Je pris une nouvelle bouffée avant de signer à nouveau.
" Peut-être que finalement t'as raison et je suis pas un cas si désespéré que ça. "
Cela laissait songeur pour la suite. Je finis par écraser mon mégot dans le cendrier afin de refermer la fenêtre. Finalement, le froid je le ressentais plus que ce que j'imaginais.
Nozomo Yukio
Suna no Jonin
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Même si tu n'y arrivais pas maintenant... "Ne stresse pas, n'abandonne pas. Vas-y juste doucement, à ton propre rythme, en ayant confiance en toi." Dans ce monde, on ne pouvait pas toujours utiliser des méthodes classiques. C'est parce que "Dieu" a créé pour nous un test, c'est pour ça que c'est difficile.
Est-ce une sentence ? De la science ? Doit-on trouver la solution ?
"Toi, tu devrais réussir à t'en sortir, non ? Après tout, c'est ça, la vie, Alors pourquoi ne pas essayer sérieusement ?"
J'étais toujours complètement perdu, et je me posais souvent des questions. Je ne cherchais pas une seule réponse, et je chassais cette imprudence. Je cultivais ma faim avant d'idéaliser, je motivais ma colère pour leur faire tous comprendre, je grimpais la montagne, sans jamais en redescendre, puis, je m'enfonçai dans le contenu, sans jamais tomber.
Mes genoux tremblaient encore, comme lorsque j'avais douze ans. Je me faufilais hors de la classe par la porte de derrière. Un homme me criait dessus deux fois, mais je ne m'en souciais pas.
Attendre, c'est perdre son temps, pour des gens comme moi.
"Ne va pas essayer de vivre si sagement. Ne va pas pleurer, car tu as raison. Ne va pas sécher tes larmes avec des illusions ou des peurs, Car tu finiras par te haïr." _______________________________________________ La belle allait essayer encore quelques fois le maté, un petit sourire aux lèvres, j'acquiesçai : Un pub mobile, j'étais. "Je devrais peut-être demander une augmentation à Mamie ?" Oui, mais... Augmenter zéro ryos, c'est pas beaucoup. Au moins, j'avais de la marge... "Payé au lance-pierre par le village, pas payé du tout par la commerçante." Il y avait surement des lois pour ça... Subsister avec autant de boulot, ce n'était pas vivable ! Puis, je me rappelai que je passais la plupart de mon temps dehors à m'entrainer ou chercher la bagarre... Le temps, je l'avais, je le consacrai à devenir plus fort pour continuer à vivre une vie de misère, et de maté.
Ne pas mourir, c'est usant à force !
Devant ma sublime métaphore sur les hérissons, Honoka était resté de marbre, mais embraya en m'expliquant que son intervention dans la rue pour me sortir de ce guêpier avait été le fruit d'un petit doute sur son intervention ou pas. Je plissai les yeux, avant de commencer à comprendre. "Elle aurait pu me laisser comme ça ?" Bien entendu, je n'avais pas imaginé que quelqu'un allait m'aider... Le public me regardait, effaré, se demandant pourquoi je ne bougeais pas. Personne n'avait manifesté un intérêt pour ma condition autre que la vile saloperie du commérage. La muette avait bougé, prenant de son temps et de son énergie pour me tirer et me faire quitter ma torpeur. Baissant les yeux alors qu'elle allait fumer à la fenêtre, je lâchai un long soupire.
- Au moins, tu es honnête. Je n'étais pas fondamentalement quelqu'un porté sur l'altruisme, ni, tout simplement, un mec bien. Je ne m'attendais pas à une grande lumière sortant du ciel pour m'auréoler et me sortir de la noirceur de Suna et de la vie de ninja. "Alors, pourquoi ça me fait mal ?"
Une frustration maligne, ponctué mon estomac où s'aggloméraient déjà les remords et le mal-être. Mon hôte continua en dispensant que son acte était justifié par le fait qu'elle me connaissait. Bien sûr, c'était évident.
"À quoi je m'attendais ?"
Au fond, je ne savais pas... Je remettais ce questionnement dans un coin de la tête pour écouter, plus "apaisé" la suite du discours de ma camarade : Un hérisson spectateur, ne se mêlant pas aux autres. Hochant la tête, je voyais bien la marionnettiste dans ce poste-là. Avant que je puisse dire la moindre chose, elle se tourna vers moi avec un petit sourire. Deux hérissons, pour la belle, serait en train de l'amener vers du changement : Faire des choses bien, boire des liquides inconnues... Concluant ceci par une avancée, j'avais raison. Elle n'était pas un cas désespéré.
- Je vois bien Hayato en hérisson, un bougon. Que pouvais-je ajouter ? J'étais content ? Une partie de moi trouvait ça rassurant : J'avais, nous avions, un impact sur les gens que nous côtoyions. C'était logique, en même temps, vivre c'était interagir avec les autres... Alors, il fallait bien que cela compte. Soupirant encore, cette fois d'aise, je savais quoi ajouter : On n’est pas des gens biens, on le sera sans doute jamais. Par contre, on n’est pas non plus des gens mauvais... On est juste des ninjas, non, plus généralement, des humains. Dans un monde de merde. Lentement, je posais ma main contre la vitre pour tapoter le verre. C'est bien si tu sens qu'on t'apporte quelque chose de bénéfique, à l'inverse, c'est le cas.
"Je crois ?"
Qu'est-ce que j'en savais ? Pendant pas mal de temps, c'était mon frère et moi contre le monde. Aujourd'hui, venait s'ajouter la belle avec qui je parlais. Un trio ? Elle nous ressemblait : Une pièce rapportée, pas vraiment ici, comme pas vraiment ailleurs. Une histoire, triste et parfois sombre. Extérieure au village, peut-être même extérieure à elle-même... "C'est vraiment un monde de merde." Elle finit sa cigarette, fermant la fenêtre, alors que je restai fixe, guettant la suite et le fil de mes pensées.
- Si besoin, on est là. Je ne te promets pas qu'on ne doutera pas un petit instant. Une boutade, légère. Mais on risque d'être là. Ouais. Est-ce que mes mots avaient un sens ? Une utilité quelconque ? Je voulus dire certaines choses... Mais je me mis à retenir tout ça.
"On n’est pas dans un mélodrame, elle a autre chose à foutre que de vivre une scène clichée à souhait."
- Enfin, tu vois ce que je veux dire. Me grattant la tête, je repartais m'asseoir sur le canapé... Peut-être que c'était une erreur. Le choc était passé et la discussion partait des versants mielleux qui ne me sonnaient pas familiers. C'était trop pour aujourd'hui ? Le Yukio qui ne parlait pas des masses avait peut-être atteint une limite dans son débit de connerie...
C'est pas facile.
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Honnête. Cela me fit étrange de prononcer ce mot-là pour me définir. En vérité, je me demandais si je l'étais réellement dans mes intentions. Lorsque l'on était shinobi, après tout, on nous apprenait surtout à mentir sur tout et n'importe quoi. Parfois certains se perdaient dans leur propre mensonge. Mais est-ce que j'étais vraiment honnête ? Sans nul doute pas avec moi-même. Avec les autres, j'essayais. Cela compensait un peu dans la balance, même si je ne disais pas toujours des choses agréables et que je me moquais bien souvent des conséquences de mes paroles. Elles pouvaient être cruelles, mais je les estimais toujours vraies. Je n'étais pas une sainte et je ne faisais pas semblant de l'être.
Pourtant, j'eus comme l'impression de le décevoir un peu, dans la manière assez crue que j'eus de lui dire ou bien c'était autre chose ? Cela le laissait étonnamment pensif en tout cas jusqu'à ce qu'il avouât finalement que l'on était que de pauvres humains. Je ne pouvais certainement pas le contredire là-dessus, mais il me surprit par la fin de sa phrase. On s'apportait quelque chose de bénéfique ? Autant de leur part, c'était évident, autant de la mienne, j'avais du mal à capter. J'étais littéralement une femme de mauvaise vie et même si je n'étais ni meilleure ni pire qu'une autre, je ne voyais franchement pas en quoi je pouvais leur apporter quoique ce soit de bien positif. S'il y trouvait son compte... ou bien faisait-il référence au moment que l'on pensait ensemble à cet instant ? C'était peut-être un peu tôt pour juger de la positivité de mon influence, non ?
Mes pensées semblaient se perdre dans cet étrange questionnement alors que je fermais à peine la fenêtre. Il réitéra sa proposition en exprimant qu'ils seraient là, lui et son frère, si je venais en avoir besoin. Croyez-le ou non, mais je trouvais ça gentil, réconfortant même. Je n'avais pas l'habitude, mais cela me faisait... plaisir. L'idée qu'il existait une main tendue quelque part... même si je me connaissais assez, trop bête pour la demander, trop fière peut-être ou tout simplement résolue à ne pas pousser les autres à se foutre dans la merde par compassion pour moi, une compassion que je ne méritais sans doute pas. Toute la question était de savoir qui le méritait vraiment de toute façon.
Presque gêné, Yukio s'en retourna sur le canapé, clairement pas habitué à faire la parlotte à cœur ouvert. Je restais quelques secondes à le regarder, là, à côté de ma fenêtre, je réfléchissais encore un peu à ses paroles et le fait qu'il semblait tout d'un coup tout coincé. Il avait véritablement deux facettes bien distinctes : le mec qui s'exaltait au combat et le mec qui se tenait sur mon canapé. L'un était sûr de lui, l'autre beaucoup moins. Personnellement, j'avais l'impression d'être égale quel que soit le moment ou l'endroit, je me plantais peut-être. Après tout, je ne savais pas comment les autres me percevaient et ce n'était clairement pas comme moi je me voyais dans le miroir.
Je finis nonchalamment par venir aussi sur le canapé, mais par contre je pris clairement mes aises. J'étais chez moi après tout. Quand je disais mes aises, je parlais de m'allonger de tout mon long, posant ma tête sur les jambes de Yukio sans lui demander son avis. Il avait décidé d'investir le sofa, il devenait le sofa. Point. Je pointais mes yeux vers lui, fronçait quelques secondes les sourcils d'interrogation.
" Tu te prends vraiment beaucoup trop la tête. "
Moi peut-être pas assez.
" Tout à l'heure, t'as dit que je t'apportais quelque chose. Mais j'ai beau cogiter, je vois pas trop en quoi à part des bleus pendant nos entrainements et un t-shirt déchiré. "
J'avais pas oublié. J'avais pas remboursé non plus d'ailleurs.
" J'ai noté aussi que tu parles souvent en disait "on". J'ai un grand respect pour ton frère, mais tu devrais apprendre à dire "je" de temps à autre. T'es pas obligé de l'impliquer dans tout ce que tu fais ou envie de faire. C'est pas comme si ça pouvait vous séparer de toute manière. "
Les liens fraternels qui les unissaient péter aux yeux de tout le monde. Ils avaient beau s'envoyer des piques, c'était clair comme de l'eau de roche, ça sentait un peu le "à la vie à la mort". Mais quelque part, s'ils n'arrivaient pas à communiquer, le problème pouvait aussi venir de là. Ils avaient passé toute leur vie ensemble, ils avaient dû apprendre à cultiver leur petit jardin secret à l'abri de l'autre et maintenant ils se trouvaient comme des cons à pas pouvoir s'exprimer pour pouvoir en parler maintenant qu'ils s'en sentaient capable. Les types de nos jours, ça se prenait vraiment trop la tête.
Nozomo Yukio
Suna no Jonin
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"Je ne l'avais même pas demandé, pourtant le matin est là. J'ouvre ma fenêtre et je prends une profonde respiration.
Je ne peux stopper l'épine rouge qui continue de me piquer la poitrine. Chaque fois le vent change de couleur, ça me fait mal. Comme lorsque quelque chose disparait et quelque chose d'autre naît, les au revoirs font aussi partie de l'amour, c'est pour ça que maintenant, je crois aux rencontres que le hasard nous réserve dans le futur.
J'ai envie de devenir juste un peu plus fort demain, la prochaine fois. Tout en me disant que tout ira bien !
À chacun de mes soupirs, c'est une part de bonheur qui semble fuir. Le ciel que je regarde est très bleu, ça me donne parfois envie de sourire. Comme quelqu'un qui soutient toujours quelqu'un d'autre, Les rayons du soleil illuminent même la lune.
Selon les lois de l'univers, personne n'est jamais seul ! Vraiment ?" ______________________________________________
Assis sur le canapé, je cogitai pas mal... Je percevais clairement les limites dans mon introspection, en tout cas dans ce que je pouvais énoncer. C'était compliqué, j'imaginai, pour tout le monde de dire à haute voix ce genre de chose.
La tristesse. La frustration. L'affection.
Je n'avais pas l'habitude : Nous vivions dans un monde dur. À quoi bon présenter nos fêlures ? Il y avait des chances que nos ennemies frappent dans ces zones fragiles de nos êtres... Et nos amis ? Les proches avaient autre chose à faire que de jouer les béquilles.
Bien entendu, j'avais entendu les mots de Honoka sur les ancres, le soutien pour apaiser le poids sur les épaules... Au fond, elle avait raison, mais ce n'était pas réalisable chez moi dans un claquement de doigts. On parlait d'une habitude prise pendant une bonne vingtaine d'année. "Me déconstruire et me reconstruire, quelle plaie !" D'un autre côté, je n'avais pas à devenir un grand bavard qui parle énormément de lui... Il fallait juste que je me détende pour éviter de retomber dans la catatonie ou l'autodestruction. On ne devenait pas parfait en le voulant ou en travaillant énormément sur soi... Il fallait accepter que j'allais garder nombreuses de mes névroses.
"Des névroses... Heureux sont les simples d'esprits".
Quelle ne fut pas ma stupéfaction quand Honoka se pointa également sur le sofa et... S'allongeât. Sa tête sur mes genoux, me fixant de ses yeux en cherchant sans doute ma réaction ? Quelle était ma réaction d'ailleurs ?
"AH, ouais..."
On était chez elle, bien évidemment, son mobilier ses lois... Mais de là à ce que je devienne également une pièce de son appartement ? "Elle m'a fait signer un truc pendant que j'étais dans les vapes ?" Dans une autre situation, j'aurai pointé la chose et rigolant, exerçant ma compétence de sarcasme pour signaler l'inconfort et le malaise... Mais aujourd'hui, je ne le fis pas. Je n'étais pas à l'aise, mais je ne voulais pas forcément casser le moment. C'était relativement agréable, même si l'inconfort de cette proximité soudaine me faisais poser quelques questions. Je soutenais son regard, cherchant derrière ses prunelles une raison de son attitude : Qui sait ? "Elle."
La journée, assez peu avancée, avait déjà connu quelques retournements de situations... Beaucoup d'émotions, et ce n'était que le début ? La situation pouvait paraitre étrange pour un spectateur, pou moi ça l'était encore plus. Pourtant, je ne fis aucune remarque, même pas un petit hoquet de surprise. Je restai silencieux, cherchant la suite.
La belle déclara alors de ses petits doigts gracieux que je me prenais trop la tête. Je ricanai rapidement : "Je ne dis pas la moitié des choses qui me passent dans la tête". Jusqu'a ce qu'elle continue en me demandant ce qu'elle m'apportait... Et là, il fallait bien répondre. Une question directe. "Pas trop le choix."
- Eh bien ! Tu as un sabre, moi aussi. On s'apporte des mouvements et des savoirs techniques ! En disant ça, j'avais coupé le contact visuel. Pourtant, on savait tous les deux que ce n'était pas que ça... Reprenant le fil de mes pensées, comme l'accrochage aux yeux de la muette, je me permettais de répondre un peu plus sincèrement. On se ressemble un peu, en tout cas, je le pense. Nos histoires se ressemblent et même si finalement nos caractères ne sont pas similaires, je sens bien qu'on est fait du même bois. Quand tu apprends une technique, malgré les difficultés, tu te lances dans la chose... Et je trouve ça admirable. Malgré une difficulté physique, que tu as vite outrepassé, tu te lances dans des mouvements qui demandent beaucoup et tu t'en sors très bien. J'ai peur de me blesser un jour et de perdre beaucoup de choses qui font que je suis moi... Donc, en voyant comment tu fais je me dis qu'au final j'ai peur pour rien. "Je me prends trop la tête, aussi." Et puis, c'est cool d'avoir quelqu'un d'autres que cette tête de con de Hayato pour me suivre dans mes conneries. Parfois je ne pense plus en termes de duo, mais en trio...
Bien entendu, je ne pensais pas tout en termes de groupe... C'était la face visible de l'iceberg. Maladroitement, j'attrapai une mèche pour jouer avec. Je tapotai la vitre, je jouais avec ce qui me passait sous la main... un vrai enfant, je ne me rendais pas compte.
- Et puis, quand on se voit, je sais que je vais passer un bon moment. C'est plus calme quand tu es là, alors que j'active toujours les choses pour que ça bouge. Tu m'apportes un peu de calme, peut-être que j'en ai besoin. De plus, tu me montres que dans le village il y a des gens qui veulent bien de nous...
Très vite, Honoka me coupa pour me signaler que je parlais énormément de mon frère et moi. Assez peu de moi en définitif. Ce n'était pas complétement faux, je ne percevais pas ma vie autrement que proche de mon frère. Entre nous, c'était comme ça.
- Je... J'ai toujours été avec lui. Se faire kidnapper, ça forge des liens ! Acculé chez les Nozomo, mal vu par les membres de notre nouveau clan, on a dû se serrer les coudes. Ils ont bien essayé de nous séparer, rien qu'au début de nos carrières de ninja... Au final, on bosse ensemble la plupart du temps. Je laissais tomber ma tête contre le canapé. Je n'ai que lui de mon ancienne famille... Pour ce qu'elle compte vraiment. On se complète : Il est trop dans la réflexion intense, pas assez dans l'action. Un sac de nœud prudent et quasiment paranoïaque. J'ai besoin de sa tête comme il a besoin de ma lame... J'ai besoin de lui. Je serais mort une cinquantaine de fois sans son intervention. Un soupir, repensant à quelques exemples, puis je laissais aller les choses. Pourtant, je ne suis pas capable aujourd'hui de lui parler. C'est une première ce que je fais là, donc tu m'apportes actuellement quand même pas mal de chose. À toi de voir ce que ça représente pour toi... Pour moi, c'est déjà beaucoup.
De ma main libre, je grattai ma joue. Mal à l'aise, l'opération n'était pas non plus aisée...
- Je te remercie de m'avoir parlé un peu de toi, ça me permet de mieux te cerner... Moins d'entrainements, plus de parlote.
"Effectivement, beaucoup plus de parlote !"
Pourtant, est-ce que nous nous racontions ? La question était prégnante... Une timidité, une frilosité. Des petits hérissons qui se rapprochent sans vraiment se piquer l'un l'autre. Pourtant, niveau proximité on était déjà pas mal. Des yeux, j'observais la courbe de la racine de ses cheveux jusqu'à ses pieds m'arrêtant à quelques endroits : Allongée sur le canapé, elle prenait vraiment ses aises.
- T'es bien, là ? Un sarcasme, ou une vraie question ?
Sphinx. Yukio 021
Shirogane Honoka
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J'étirais mes jambes jusqu'à l'accoudoir de mon sofa, abandonnant d'ailleurs au passage mes sandales en les retirant habilement d'un coup de pied. N'oublions pas qu'aujourd’hui je portais la panoplie complète de la jolie demoiselle, kimono et accessoire assortis. Voilà le prix à payer quand on faisait pas sa lessive, on ressortait les vieux machin du placard. J'avais vraiment plus l'habitude de porter ces trucs. J'avais donc négligemment posé ma tête sur les genoux de mon camarade. J'estimais - peut-être à tort - qu'on avait de toute façon dépasser la frontière des manières. Il fallait dire qu'avec nos entrainements, entre les coups et nos gesticulations, les vêtements déchirés et autres joyeusetés, on était plus à une gêne près. On en était même venu aux confessions, non ?
Je voulus d'ailleurs satisfaire ma curiosité en lui demandant ce que je pouvais bien lui apporter, cela ne me sautait pas aux yeux. Naturellement, il évoqua nos échanges techniques. C'était un fait jusqu'à ce qu'il posât sur moi un regard étrangement plus sérieux. C'était la première fois que je remarquais qu'ils étaient verts, ses yeux. J'aimais bien leurs couleurs. De l'entendre parler de moi avec cette expression me faisait un peu bizarre. Fait du même bois ? Il parlait presque comme un Shirogane. Mais je ne pus me retenir d'arquer un sourcil lorsqu'il me définit comme étant admirable par ma détermination. Je n'avais pas l'impression de l'être, j'agissais souvent de cette façon par la force du désespoir comme je disais. Je n'avais pas le choix que de me relever et d'avancer, du moment que je le pouvais ou que je respirais. C'était comme avec mes pantins. Tant qu'ils n'étaient pas détruits, tant qu'il y avait des lames et des fils, ils se battaient. Tant que j'avais mes jambes et mes bras, je me battais. Pourtant, mon comportement pathétique semblait l'inspirer puisqu'il n'en avait pas la même interprétation. Pour lui, c'était du courage. Pour moi, de la désespérance. Devais-je briser son illusion ? Je ne m'en sentis étonnamment pas le cœur. Je me surprenais à ne pas vouloir le décevoir.... ou bien aimais-je finalement cette manière qu'il avait de me concevoir ?
Je finis par sourire lorsqu'il me parla de trio avec son frère. Un drôle de trinôme. Ils nous arrivaient que des conneries si on y réfléchissait, souvent drôle cependant. Un peu comme des gosses avec trois personnalités assez distinctes. Il me disait qu'il se sentait calme quand j'étais dans les parages, de mon côté, je supposais que je me sentais plus légère quand j'étais en leur compagnie. J'avais encore un peu de mal à vraiment définir les choses, comment je devais les percevoir : des amis, des frères, des hommes ou juste des partenaires shinobi. Je supposais qu'encore une fois, on avait dépassé le stade de la dernière option, que je le voulais ou non. Pourquoi l'aurais-je voulu ? Maintenir de la distance avec les autres, c'était s'en protéger comme les protéger eux-mêmes. Le fameux hérisson.
Il me parla de sa relation avec son frère, soupirant et balançant sa tête en arrière. Moi, je tournais la mienne pour l'observer de mon point de vue, silencieuse et à l'écoute. J'avais subitement l'impression de découvrir des évidences que j'avais sous le nez depuis le début pendant que je le regardais. Peut-être parce que c'était la première fois que je le voyais d'aussi prés. Je me rendis compte de sa jeunesse, mais aussi du poids de ses batailles internes aux travers de ses expressions graves. Toutes les conneries qu'il était capable de déblatérer étaient aussi une empreinte de son immaturité et pourtant, il avait parfaitement conscience de la lourdeur de notre existence. Il jouait l'enfant pour alléger le quotidien et se laissait bouffer de l'intérieur par l'adulte angoissé qu'il était devenu.
Je ne sus pas trop pourquoi, mais je ne pus retenir un sourire. Il me remerciait de l'écouter, de lui avoir parlé de moi, je trouvais ça cocasse. Alors quand il me demanda si j'étais bien, mon esquisse s'étira étrangement.
" Oui. "
Mais je ne pus m'empêcher de tirer un peu sur mon kimono dans lequel j'étais totalement engoncée, avant de me mettre à signer, toujours en restant allongée et la tête sur ses jambes.
" Ne me remercie pas de te parler de moi. Les conventions voudraient que ce soit moi qui te remercie de t'y intéresser un peu... même si on s'y assoit carrément dessus. "
Je finis finalement par croiser mes jambes.
" Si tu ne te sens pas capable encore de t'ouvrir à ton frère, tu peux t'entrainer avec moi. Il parait que j'ai un sens de l'écoute inégalée et je suis pas en position de t'interrompre. "
C'était un fait et une boutade en même temps. Moi aussi j'étais capable d'humour... d'humour de muet, mais bon. Humour quand même.
" Par contre, je te conseille d'en profiter vite. J'ai tendance à me foutre régulièrement dans les emmerdes. "
J'esquissais du coin de la bouche un petit sourire pour rappeler ma malchance évidente. La vie d'un shinobi était semée d'embûches, la mienne particulièrement.
Nozomo Yukio
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Tu n'as pas besoin de faire semblant d'être fort. Les fleurs que quelqu'un a dessinées sur le mur sont en train de trembler. Personne ne comprend ce qui les différencie des autres. Sur ce long chemin, tu perdras des choses, et en trouveras d'autres, même s'il y aura des jours où tu te sentiras seul et auras envie de pleurer.
Nous transformerons toutes les larmes et les souffrances en étoiles. Nous allumerons la lumière qui éclairera notre futur. Même si nous sommes un peu perdus, produisons tous les deux de la poussière d'étoile, et cherchons la très brillante éternité.
Tu voulais absolument savoir ce que sera demain. Tu cachais un petit couteau sous ta chaussure. Mais faire semblant d'être fort et mentir faisaient tellement mal. En vérité, tu as peur, mais tu continues de vivre. Tu es souriant et le vent te caresse.
Tu ne peux pas te concentrer, ton corps est toujours perdu. Tu trembles, ça ne s'arrête pas même si tu tentes de te contrôler. Ni le soleil ni la lune ne se tournent de ton côté, mais « je n'ai pas d'autre choix qu'essayer », c'est ce que tu te murmurais.
Tenons-nous par nos petites mains, Que ferions-nous si ce que nous croyions juste était en fait une erreur ? Si des choses tristes sont vraies, nous ne pouvons que les accepter. Je croyais l'avoir perdu, mais toi, tu le savais.
Je suis tellement content que tu sois là." ______________________________________________
Une main jouant avec une mèche de cheveu de Honoka, l'autre me grattant le visage, j'avais un peu éclairci le tableau qu'était Yukio... Enfin, en théorie et sur certains angles. Voilà que la muette me regardait intensément, suivant mes propos comme on suit un bijou précieux. Je me surpris, à la fin de mes explications, à soutenir son regard et je fus encore plus décontenancée quand elle sourit. Elle était bien sur mes jambes, dans une position assez étrange pour moi, peut-être pour elle.
Le malaise devait sans doute l'atteindre, car elle tira sur son kimono, habit que j'avais complimenté tout à l'heure alors que j'étais dans un état second et que j'essayais de fuir pour éviter cette conversation. "C'est raté, je crois." Évidemment, la Shirogane devait porter d'autres tenues que celle du ninja... "Moi-même je..." Non, pour un homme l'habit de travail et du loisir étaient quasiment proches. La veste exemplaire des gradés du village ? Je ne la portais pas, je ne la trouvais même plus. J'imaginais sans grands efforts qu'une dame veuille porter autre chose que des vêtements pratiques pour le combat... Enfin, je ne savais pas trop. Honoka me semblait plutôt du genre à s'en foutre... Je me rappelais, pour étayer mon propos, qu'elle portait des culottes rose. La féminité était toujours présente, même quand elle était une shinobi.
Dans ses jours de repos, elle devait sûrement profiter pour porter autre chose... Et elle avait bien raison !
Elle se remit à signer, m'indiquant que je n'avais pas à la remercier... C'était même l'inverse, que je m'intéresse à sa vie était plutôt sympa de ma part. Fronçant les sourcils, je ne comprenais pas bien :
- Tu m'as annoncé bien des choses, que je ne peux ignorer. Ton amnésie et ton origine font ce que tu es, donc te connaitre c'est savoir ça. Mais oui, pour le coup, tu t'allonges dessus même. Une boutade qui arrangeait bien mon affaire, jongler entre les remerciements ce n'était pas mon truc.
Répondant à ma boutade, elle me proposa de m'exercer à me confier comme si je parlais à Hayato, mais en lui parlant... Drôle de blague, mais effectivement elle n'allait pas m'interrompre. Voulais-je me confier ? Le pouvais-je au moins ? J'avais fait bien des efforts aujourd'hui, plus que beaucoup de mes journées n'en avaient compté... Dans un soupir destiné à moi-même, j'essayais de me plier aux directives, mais avant ça :
- Il est vrai, je peux tout te dire... Mais, pourquoi tu penses attirer les emmerdes comme ça ? D'un sourire, je posais la question. Je ne comprenais pas bien. Sinon, je vais essayer, après je pense avoir déjà fait pas mal pour sortir de ma coquille... Tu ne m'en voudras pas si je ne te délivre pas tout d'un coup. Un petit sourire alors que ma main qui me touchait la joue passa sous mon menton, supportant mon visage pendant ma réflexion. Un effet purement de style, purement esthétique, puisque mon coude ne reposait sur rien... J'ai... J'ai peur de le décevoir. Je suis supposé être la première ligne pour lui permettre de prendre des décisions et d'avoir le temps de les appliquer, mais je ne suis pas encore assez fort et j'ai peur de juste me foutre dans la merde et devenir un boulet plus qu'un mur pour lui. Je sais qu'il ne penserait jamais ça de moi, mais parfois je me fous dans la merde et ça finit souvent par lui retomber dessus. Je reposai ma main sur le canapé, ma réflexion était faite... Il maitrise l'arc et le taijutsu, il peut même combiner le fuuton avec... À distance ou au corps-à-corps, il est redoutable. Je... Je ne suis pas à la hauteur. Je suis, limite, une occupation pour fatiguer les ennemis avant lui. Je ricanai, un peu gêné. Je m'entraine sans relâche pour le rattraper, mais il y a toujours un temps de retard... Je sens bien que s'il se mettait à fond, il pourrait totalement se passer de moi.
Je m'arrêtais, un peu gêné. Parler de moi, ce n'était pas simple, surtout qu'on touchait un peu à la base de ma vie : Mon frère et notre coopération qui était, finalement, du vent. En tout cas, pour moi.
- Je sais bien qu'il a besoin de mon impulsion, mais j'ai au final l'impression de n'être qu'un interrupteur plutôt qu'un véritable soutien. C'était dur, j'avais l'impression d'être une pleureuse et que je faisais perdre du temps à la belle. Soupirant, je pris une grande inspiration. C'est pas facile, je sais bien que ça fait un bon moment que tu essayes de me tirer les vers du nez, mais on ne prend jamais l'habitude de parler de soi aussi longtemps. Un petit rire. Pourquoi tu ne me montrerais pas la voie ? Tu m'as parlé pas mal de toi, oui, mais il y a bien des trucs à ajouter non ? Tu dois t'endormir, allongé en train d'écouter un type parler de ses états d'âme puérils.
Une façon de changer de conversation, comme d'amener Honoka à parler d'elle... Parler uniquement de soi, c'était assez égocentrique. L'étais-je ? La preuve que non !
- Ce joli kimono, il a une histoire ?
Sphinx. Yukio 021
Shirogane Honoka
Suna no Chunin
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Je le sentais jouer avec une mèche de mes cheveux, un peu comme un enfant qui s'amusait à triturer un doudou. Me voilà femme poupée dans le sens le plus littéral du monde, quelle ironie. Cependant, pour une marionnettiste comme moi, cela ne posait pas de problème. Juste un peu curieux comme sensation, je me sentais comme Itori quand je la coiffais. Mes yeux fixés sur son visage, je me mis à secouer négativement la tête pour lui confirmer qu'il ne me parla pas plus était une gêne, mais je me mis moi aussi à réfléchir sur les raisons qui me faisaient dire que j'attirais que les emmerdes. Techniquement, c'était les faits qui parlaient pour moi. Après, je me disais que je devais juste avoir un karma bien pourri.
J'étais à deux doigts de me perdre dans les énumérations d'embrouilles qui m'étaient tombées sur la poire mais au lieu de ça, je me contentai d'écouter Yukio. Lui qui avait dit qu'il ne souhaitait pas m'en dire plus, voilà qui se mettait plus à nu que précédemment. Je me mis à sourire face à cette situation. Je le trouvais touchant en fait, même si je ne pouvais pas prétendre comprendre exactement ce qu'il ressentait. Je n'avais pas ce genre de relation ou de rapport avec un aîné, ni même avec mon vieux. Je l'admirais bien sûr et je désirais devenir une marionnettiste digne de ses enseignements, mais dans l'absolu, je ne cherchais pas la puissance. Peut-être une forme de reconnaissance ? Je ne saurais dire. Mon père ne m'avait jamais indiqué de l'avoir déçu... à part peut-être avec cette histoire de fiancé dont je ne me rappelais rien. Mais à part ça, je n'avais pas ce rapport et ce sentiment d'inutilité. Je n'étais pas dans l'excès de confiance non plus à vrai dire. Je me contentais de faire ce que je savais, et faisais avec ce que j'avais.
Quand il eut fini son discours sur l'état déplorable dans lequel il se sentait coincé, je poussais un long soupir avant de me redresser. Je me rassis confortablement à ses côtés avant de lui envoyer une pichenette sur le front.
" Tu peux parler autant que tu veux. Cela ne m'ennuie pas. "
Je me mis à soupirer de nouveau avant de le regarder, puis commença à lui répondre.
" Je ne ferais pas semblant et je ne te dirais pas que je comprends. Par contre, toi qui aimes les métaphores, je peux te dire les choses ainsi. Il existe une quantité d'arbres dans le sekai, aucun ne pousse à la même vitesse. Même entre eux. Cela peut dépendre des conditions météo ou le hasard. Va savoir. Pourtant, si tu vas dans une forêt, ils te donneront l'impression d'être tous égaux. Ils te sembleront grands, forts, puissants, respectables sauf qu'aucun n'est vraiment pareil et aucun n'a poussé en même temps.... mais ils sont tous arrivés à devenir grands, forts, puissants. "
Je laissai mes mains tomber quelques instants, je cherchais comment formuler le reste.
" T'es un arbre. Ton frère un autre. T'as pas à pousser à la même vitesse, t'as bénéficié du même terreau. T'as pas à souffrir de la comparaison. T'as pas non plus à être un complément à ton frère. Commence par te compléter toi. Ta voie n'est pas la sienne, et cela veut pas dire que vous serez séparé. Vous formez votre propre forêt et tu te tiendras à côté. Donne-toi le temps. "
En matière d'image, j'avais tout donné. Je n’étais pas certaine d'avoir été hyper claire, mais au moins, j'aurais essayé de partager le fond de ma pensée, pour ce que cela valait. Je finis par m'enfoncer dans le canapé, croiser les jambes avant de baisser mon regard vers mon kimono. Là, j'en caressais le tissu et le regardais un peu comme si c'était une découverte. C'était pas si éloigné de la vérité.
" Pour répondre à ta question de tout à l'heure, je ne connais pas trop l'histoire de ce vieux machin. Je le porte parce que j'ai oublié de faire ma lessive. "
J'eus un petit sourire à l'égard de Yukio.
" J'en ai trois autres dans ma commode. Je me souviens pas de les avoir achetés, ils étaient déjà là quand je suis rentrée chez moi après ma sortie de l'hôpital. Visiblement, j'aimais bien les yukata. Je crois que j'aime toujours ça, mais c'est pas pratique, du coup, je ne les mets quasiment jamais, j'ai pas de raison d'essayer d'être joli en kimono. "
Je me mis à hausser les épaules devant cette fatalité. Dans ma vie de shinobi, je n'avais pas trop le temps de jouer les donzelles élégantes, ni d'occasions. Les festivals, ça pullulait pas à Suna et puis si c'était pour finir saoule dans un bar...
" Si t'as une copine, je peux te les donner pour les lui offrir. Ils sont de bonnes qualités et ils passeraient pour neuf. "
Autant que cela serve à quelqu'un après tout.
Nozomo Yukio
Suna no Jonin
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"Toi qui te trouves là, tu n'es pas uniquement le « toi » de l'instant présent. Tu vis avec les joies et les peines que tu as ressenties jusqu'à aujourd'hui. Tu n'as pas besoin de dire à tout prix les choses qui te sont les plus chères. Le monde sait tout, que ce soit le ciel ou le bruit des feuilles dans le vent.
Tu m'as chuchoté tous tes secrets, ainsi qu'un baiser. Ce serait bien que les mots viennent tout seuls comme lorsque j'essaye de penser à tout... Je voudrais un peu plus de temps pour que nous puissions mieux nous connaître. Si les seuls qui ne te trahissent jamais étaient ta famille, ce serait trop triste.
L'amour ne demande qu'à être aimé, même si je sais que je serais heureux en arrêtant juste de croire...
Tu ne le vois donc pas ! Même si je demande des miracles et des souvenirs, je m'inquiète un peu. Si je fais semblant de m'être bien réveillé, c'est parce que j'ai peur d'être blessé. La célébration naît en se débarrassant de l'abandon et de la faiblesse. Je vais alors courir et battre les ennemis, en me dirigeant vers une nouvelle ère.
Vais-je créer un nouveau monde ? Le miracle s'ouvrira-t-il lorsque j'en aurai pris la décision ?
Le pouvoir de la volonté est une force qui dépasse toute force. Avec une vitesse qui permet même de franchir la barrière du temps, le pouvoir de la volonté de la lumière brûle plus qu'une flamme.
J'ai là une passion qui fera fleurir mes rêves ?" _________________________________
Devant mon petit discours, je sentais bien que Honoka n'était pas d'accord... Elle restait fixe, à me regarder. Au moins, elle ne me coupait pas la parole... Peut-être aurait-elle dû ? Je m'étalai, ouvrir les vannes ? Sans doute. Je me sentais un peu honteux, ce genre de pensée je le gardai souvent pour moi... J'avais confié une petite partie durant mon entrevue avec Kalida, pour me faire vite remettre à ma place.
"Connerie..." qu'elle avait dit.
Je me retrouvai encore une fois dans une situation où l'on allait me parler de vitesse et que je ne devais pas être comme mon frère, mais plutôt comme moi ? La réponse vint avec un long soupir, Honoka sortit de sa position, la tête sur mes jambes, pour se redresser et me mettre une pichenette sur le front. Le choc, quasiment pas douloureux, me mit froncer les sourcils. Cette réaction était pour mon commentaire sur l'intérêt de ma parlote : Je pouvais parler, ça ne l'ennuyait pas. "Simple politesse ? Non, elle n'est pas comme ça..." Reprenant le fil de la conversation, la belle utilisa une bien sublime métaphore pour parler de Hayato et moi, les arbres et leur croissance. Hochant la tête à ses mots, je comprenais bien le sens de son discours... Comme Kalida, mais en mieux amené. Au fond, c'était ce qu'il fallait attendre : Peut-être que c'était moi qui cherchais trop compliqué ou trop loin ?
Une légère frustration naquit dans mon estomac, pourtant j'écoutais patiemment mon amie. Je n'étais pas du genre à polémiquer : Sa réponse à mon discours ne souffrait d'aucun jugement, elle voyait juste les choses comme ça. Un point de vue un peu plus tolérant par rapport à ma force et celle de l'aîné de notre fratrie. Quelque chose me fit quand même répéter, de manière méditative, ses mots :
- Me compléter, moi... Peu et beaucoup de sens à la fois, je devais trouver ma voie ? Aller au bout de celle-ci ? Rejoindre les bouts de mon être ? Au fond, tout le monde le faisait, mais peu arrivaient à atteindre cette "plénitude". Comment on fait ? Tu as atteint ça, toi ?
Une question assez précise et sans doute très spirituelle, mais j'étais réellement curieux. Laissant le temps à la muette de me répondre, toujours en bougeant les mains, j'observais la langue des signes quand elle continua sur le sujet de son kimono.
Elle n'avait juste pas fait la lessive...
Moi qui espérais une histoire un peu rocambolesque ! Un héritage ou des péripéties autour du tissu... Raté. Pourtant, c'était une tenue qui datait d'avant... Avant la mission ratée et l'amnésie. Avant la Honoka que je connaissais, quand elle était une autre femme.
- Je vois, ça te va bien ! Je t'ai jamais vu ainsi, mais c'est clair que durant le travail ou le quotidien d'un ninja, tu as peu l'occasion de te faire chic. Je tapotai mon menton en regardant le plafond. Ton ancien fiancé avait bien de la chance, quel con de ne pas être resté !
Un compliment ou une occasion de taper un peu sur le pauvre bougre qui se barrait en laissant sa dame à l'hosto ? Qui sait ? En regardant la Shirogane, on voyait bien que c'était à la fois une femme d'action, mais la présence d'un élément aussi chic lui donnait une allure différente, qui me plaisait bien. Parce que ça coupait avec ce que je voyais habituellement chez elle ?
Pourtant, j'en avais vu pas mal durant notre entrainement mémorable à l'oasis... Mais bien entendu, ce qui plaisait à l'œil était surtout l'emballage, même si l'imagination n'avait plus vraiment sa place.
Il avait dit quoi Hayato ? "Elle est plutôt bien roulée…" Le Destructeur de Culotte était plutôt voyeur.
- Il faut bien séparer un peu le shinobi de la personne, même dans la tenue ! Pour un homme, je ne voyais pas vraiment de différence entre le Moi au travail et le Moi en dehors. Peut-être étais-je trop occupé à être un ninja ?
Bien qu'à l'appartement, je portais rarement des vêtements et jamais sur tout le corps... "C'est un signe ?" Il y avait donc un Yukio en dehors de sa tanière et un Yukio bien caché au milieu des clopes et des bouteilles par terre. Une flemme d'être civilisé ou un vrai comportement primate ?
Honoka me proposa de me passer des Yukata pour ma "copine", fronçant de nouveaux les sourcils, je ricanai un petit moment avant de déclarer :
- C'est gentil, mais je n’ai pas de copine... Hayato pourrait sûrement accepter d'en porter quand il est bourré. En ce moment, c'est ce qui se rapproche le plus d'une "copine". Je rigolai franchement à la blague. On n’a pas vraiment l'occasion de faire des rencontres dans notre métier, et souvent ce sont soit des clients qui sont pas du bon sexe, pas du bon âge, ou alors des gens qui veulent nous buter... Bien entendu, je me doutai que Honoka comprenait les prérogatives de la vie de l'ombre. Une relation avec une civile ?
J'avais déjà donné avec Sona.
Bien que la grande partie de la faute était de mon côté, je restai persuadé que le danger et le mode de vie qui accompagnaient la profession de shinobi ne permettaient pas... L'amour ? Comment aimer pleinement quelqu'un si cette personne pouvait disparaitre dans une mission, ou si nous-même pouvions mourir durant un contrat ? Subsistait alors les relations éphémères... Là, que cela soit civil ou shinobi, on pouvait faire ce qu'on voulait. L'attraction physique faisait toujours son action chez l'humain... Ici, également, la situation précédente m'avait bien plus et je regrettai déjà le changement de position.
Troublé ? Au fond, je savais bien que la femme en face de moi ne me laissait pas indifférent... Mais je n'étais pas un mort de faim, la vie faisait qu'il y avait des occasions et se rapprocher après avoir fait une crise en pleine rue n'était pas dans le manuel du petit dragueur.
- Tu vas devoir les garder pour ton copain ou ta prochaine conquête Un grand sourire.
Bien sûr que c'était orienté... Une occasion, ça se créait.