Le destin était chose inexorable, mystérieux, dont le secret échappait à tous les hommes, à tous les shinobis, même les plus grands. Au sommet de la gloire, puis abandonnés, brisés, fracturés … Du jour au lendemain, broyés dans l’engrenage d’un tableau qui dépassait l’individu en soi. Une réalité comprise, acceptée et enseignée, pourtant, fragment d’un tout si sombre qu’on n’en réalisait jamais l’entièreté. Et … Il n’avait fallu que d’une mission pour comprendre. Tout comprendre. Pour accepter et refuser, en même temps, le destin tragique du shinobi, son ultime sacrifice, son parachèvement.
L’air hagard, sa main se saisit de la tasse devant elle et en vida le contenu. Froid, c’était devenu froid à force d’attente. Attendre quoi ? Attendre que la douleur et le nœud dans sa poitrine disparaissent d’eux-même. Depuis quand n’était-elle pas sortie ? Son teint déjà blanc était désormais fantomatique. Sous ses pupilles argentées l’on apercevait de larges cernes violacés. Depuis quand n’avait-elle pas dormi une nuit entière ? Impossible de réellement dire, elles étaient, après tout, visitées par les visions d’horreur du monde dans lequel elle était immergée, par son destin qui venait toujours plus près, seconde après seconde. La mort la plus lente était la vie elle-même.
Mais si le destin des grands était de tomber, alors elle n’avait qu’à ne pas devenir ‘’grande’’ … Si seulement cette logique s’appliquait réellement. Si c’était véritablement son destin, quoi qu’elle fasse, la faucheuse allait tout de même venir à sa porte, impolie, et elle trouverait sans aucun doute son chemin jusqu’à elle. Rester impassible et inerte n’allait pas la sauver de l'inévitable, de la réalisation ultime de tous les shinobis. Honte à son clan, honte aux siens, elle n’apporterait que le plus grand des déshonneurs si elle s’adonnait à ce genre de laisser-aller.
Si elle devenait plus puissante, au moins, elle aurait le droit de mettre ses propres conditions à sa mort, comme lui l’avait fait …
Mais son corps était tellement faible … Bouger devenait un défi d’envergure et, pourtant, abandonner devenait encore plus insupportable que de s’y tenter.
Machinalement, la jeune femme, qui pour l’instant paraissait au moins une dizaine d’années plus âgée, se déplia, se campa difficilement sur ses pieds. Avec son mouvement, son corps entier avait crié, refusé. Sinistres craquements et muscles douloureux tentaient de la dissuadée. Mais depuis quelques jours, elle était devenue si bonne à ignorer les plaidoyers de sa propre chaire.
Des pas lents, d’abord chancelants, puis de plus en plus fermes, décidés la guidèrent au jardin où son père, désormais, avait prit l’habitude d’aller. Si Chiyo n’en connaissait pas la raison exacte, elle savait par contre que cela avait à faire avec les récents événements, avec son manque apparent d’envie d’être.
À peine fut-elle arrivée sur place, qu’elle le vit. La tête mollement appuyée sur une poutre, assis sur le parterre de bois où elle avait l’habitude de prendre une pause entre ses entraînements. Le corps ainsi relaxé, il devait être assoupi. L’espace d’une seconde, elle hésita avant de prendre la parole, mais elle ne pouvait plus restée sans rien faire, son esprit l’implorait de faire quelque chose, de changer de décors, de mentalité, d’effacer sa présence de ses souvenirs.
«
Père ? »
Il sursauta. D’abord paniqué, il observa les environs à la recherche d’une menace quelle qu’elle soit, mais ne vit rien sortant de l’habi … Ses yeux argentés s’écarquillèrent de surprise devant l’apparition subite de sa fille. Il l’observa de la tête aux pieds et des pieds à la tête, mordit sa lèvre retenant un commentaire, puis, d’un ton calme lui répondit enfin :
«
Oh, Chiyo, qu’y a-t-il ma tendre enfant ? »
Ce n’était un homme qui se montrait chaleureux à l’habitude, alors ses mots et son ton doux, inquiet laissèrent la jeune femme encore plus déstabilisée – si cela était encore possible.
«
Je … »
Un long silence, lourd chargé, étouffant vint écraser l’atmosphère. Il était pendu à ses lèvres, attendant, non, espérant qu’elle ait enfin décidé de s’ouvrir. Pourtant, encore une fois, il semblerait que Chiyo se soit parfaitement modelée à l’Hyuga typique. Aucun mot d’émotion ainsi un ton plat et résillé poursuivit :
«
J’aimerais reprendre l’entraînement.-
Tu n’es pas en état, tu ne te ferais que plus de mal qu’autre chose.-
Ça, père, se sera à moi d’en payer le prix, si tel est le cas. »
Un autre silence, cette fois-ci, il semblait encore plus oppressant que le précédent. L’homme semblait vouloir dire quelque chose, mais il n’était que trop conscient de marcher sur des œufs. Il ne voulait pas la revoir tomber dans cet état catatonique duquel elle semblait enfin être sortie, mais il ne voulait pas non plus la voir ruiner son corps avant même de luis avoir donné une chance de récupérer quoi que se soit.
«
Si … Si c’est réellement ce que tu veux …-
Oui. »
Il avait cédé devant le regard détaché et pourtant étrangement déterminer de son unique enfant. C’était une erreur, mais il sentait qu’il n’avait de toute façon pas le choix. Mieux valait pouvoir contrôler l’environnement que de la laisser à elle-même. Au moins, il pourrait tenter de réduire les risques au minimum.
***
Au final, le patriarche lui avait ordonné de se reposer pour la journée et de se préparer au lendemain. Ayant quelques faveurs qui lui étaient dues, il était parvenu à trouver un maître au sein du clan pour Chiyo, quelqu’un qui pourrait compléter son apprentissage de l’art des Hyuga.
Un homme à la chevelure blanchie par les années, au visage fripé par la vieillesse et dont le mouvoir était lent, sans vigueur. Il était, malgré tout, homme de savoir qui avait passé sa longue vie à cultiver l’art ancestral, à repousser les limites des capacités innées avec chaque année. Hyuga Shinwa était son nom et il n’était pas facile de parvenir à se faire enseigner par lui. Élitiste, il avait toujours favorisé la caste dirigeante du clan en plus de n’enseigner qu’à ceux qui pouvait suivre son rythme et raisonnement.
«
Chiyo-san, ton père m’a dit de nombreuses choses à ton sujet, j’aimerais savoir ce qui est vrai. »
Il avait un air de vieux sage avec sa barbe couleur neige et ses sourcils dont les poils semblaient aussi longs que ses cheveux, mais Chiyo s’abstint de commentaire – du moins lié à son apparence désarçonnante pour un Hyuga.
«
Je ne peux vous dire exactement ce qui est vrai, je n’étais pas là, mais je suis prête à répondre à toutes vos questions. »
La barbe s’agita remontant un peu sur son visage, un sourire ? Probablement.
«
Oh, ma chère, ce n’est pas des mots que je veux. Mets-toi en position et montre-moi ce que tu sais déjà faire. »
Bien qu’incertaine de ce qu’il voulait voir, Chiyo se positionna tout de même, prête à démontrer ce qu’elle avait acquis depuis qu’elle était genin. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque le vieux professeur se positionna également devant elle. Mais encore une fois, elle ne dit rien. Il devait savoir ce qu’il faisait, non ?
Rapidement, elle activa le pouvoir cacher dans ses pupilles laiteuses, puis prit position. Elle n’allait pas lésiner sur ses coups, son apprentissage en dépendait tout de même. Armant ses paumes de chakra, elle commença par échanger quelques coups de son juken qui n’avait rien à envier à celui des jonins du clan. L’homme ne tenta même pas d’esquiver. Est-elle allée trop fort ? Avant que la question ne franchisse ses lèvres, le maître lui ordonna de continuer. Alors, elle hocha la tête vivement – ignorant l’étourdissement qui voulu la prendre, son corps n’était pas encore entièrement remis, il semblerait – et poursuivit selon les instructions de l’homme. Joignant deux doigts, les chargeant de chakra, elle frappa un des tenketsu de Shinwa, mais alors qu’elle allait reprendre sa position initiale et baisser sa garde, il répliqua …
Plus vif qu’elle n’aurait jamais imaginé, plus adroit que le laissait supposer sa barbe et posture … Il prit la position des trente-deux poings du hakke et en commença immédiatement l’exécution. Jamais Chiyo n’avait été aussi heureuse d’avoir le reflexe rapide. Tournant sur elle-même, elle relâcha une sphère de chakra repoussant immédiatement l’offensive du vieux sage.
Il avait l’air satisfait, mais quelque chose le dérangeait encore. Il n’était pas convaincu, pas encore. Alors Chiyo décida de tout miser sur cette dernière offensive. Prenant la même position que le maître, elle amorça les coups. Un, deux, quatre, huit, seize, trente-deux … mais elle ne s’arrêta pas là, doublant le nombre de coups, elle atteignit sans grande peine les soixante-quatre tenketsu les plus critiques à la pratique du ninjutsu.
L’homme éclata de rire, un rire franc.
«
Je me souviens, il n’y a même pas deux ans, tu n’en avais rien à faire de l’entraînement et regarde-toi aujourd’hui. Une vraie Kunoichi. »
Ces derniers mots la firent réagir. Son regard se braqua sur le vieux maître Hyuga se durcissant.
«
Non. Pas encore. Je ne suis pas une vraie Kunoichi et je n’ai pas gagné le droit de prétendre l’être. »
En réponse, il caressa le bout de barbre, l’air pensif. Sa voix ressemblait maintenant davantage à un marmonnement qu’autre chose :
«
Ah … ton père m’avait bien averti de ça … »
Encore plus surprise Chiyo arqua un sourcil, mais Shinwa ne donna aucune explication supplémentaire. À la place, il se contente de passer à côté d’elle comme si de rien n’était.
«
Reviens demain, nous allons commencer ton entraînement. »
***
Il allait sans dire que Chiyo avait obéit au vieil homme sans poser de question et l’avait laissé pour revenir le lendemain, prête à apprendre sous sa tutelle. Elle avait rapidement découvert pourquoi il n’avait que très peu de pupilles. Un caractère qui ne laissait pas sa place, il traitait ses élèves en servants, mais Chiyo n’avait guère la force d’argumenter. D’un côté, bien que la situation lui déplût grandement, elle étouffait, à un certain point, l’inaction qui l’avait poussé dans un tel état. Si, normalement, son égo ne lui laisserait pas accepter cela, à cet instant précis, il semblait totalement inexistant.
Elle se pliait sans rechigner aux nombreuses contraintes du vieux sage. Bien sûr, elle ne voyait pas en quoi cela l’aiderait à apprendre quoi que se soit, mais ce n’était pas vraiment important pour elle, pas dans l’immédiat du moins.
«
Redresse ton dos, on dirait que personne ne t’a jamais appris à te tenir comme il faut. »
Instinctivement, Chiyo se redressa, lançant un regard surpris vers l’homme. Mais depuis quand avait-elle l’échine courbée ?
«
Lève la tête, on dirait un chien battu. »
Elle releva donc le menton et fixa son regard laiteux bien devant elle. Lorsqu’elle versa le thé, à la demande Shinwa, il lui envoya un coup de cane sur les doigts, la faisant échapper la théière. Mais lorsqu’elle la belle Hyuga ouvrit la bouche pour protester, elle remarqua à quel point ses gestes n’avaient rien de décorum. Elle n’avait ni élégance, ni grâce.
Se fut sans un mot qu’elle ramassa les morceaux de la poterie et qu’elle tenta de nouveau, cette fois-ci, prêtant attention à sa posture, à ses gestes, à son rendu.
***
C’en était assez ! Par tous les dieux, mais quel était son problème ? Elle n’allait tout de même pas laver le plancher en plus de tout ce qu’il lui demandait déjà ! Elle n’était pas une servante ! C’était à croire qu’il y prenait plaisir. Fronçant légèrement les sourcils et plissant les yeux, la princesse de la branche principale avait enfin décidé qu’assez, c’était assez. Elle se campa fermement devant le vieux maître, les mains sur les hanches, une colère évidente au visage.
«
Non, mais, c’est quoi votre problème ? Vous allez m’enseigner ou pas à la fin ? »
Un peu plus d’une semaine c’était écoulée depuis leur rencontre et c’était toujours la même chose avant – enfin, avant que Chiyo ne décidât finalement d’en avoir assez – et, à chaque jour, la demoiselle en devenait toujours un peu plus frustrée. Jusqu’à ce moment-là. Le vieil homme parut rayonner d’un coup, tout son visage s’illuminant, comme s’il avait enfin atteint son objectif. Il lui lançant un sourire un peu trop chaleureux au goût de Chiyo alors que sa main droite lui en indiquait de prendre place près de lui. Son regard perle des plus pénétrant vint chercher celui de la jeune femme et un air approbateur se pointa sur son visage.
«
Manges-tu un peu plus ces derniers jours ? »
Une autre question qui vint la prendre par surprise. Et même s’il lui fallut réfléchir un instant avant de répondre, Chiyo hocha lentement la tête repensant à ses derniers repas ; la soirée précédente, à sa grande surprise, elle était parvenue à terminer toute la portion qui lui avait été servie.
«
Parfait. Il te faudra toutes tes forces pour la suite. »
Et … Elle comprit. Shinwa avait bel et bien décidé de lui enseigner et il n’était pas simplement dans un délire de toute puissance, bien qu’elle y ait presque cru à un certain point. Non, il l’avait poussé à cesser de se refermer, à cesser de vivre sa colère derrière un masque inexpressif. Il avait attendu, poussant toujours un peu plus la note jusqu’à ce que Chiyo elle-même réalisât se qui se passait avec elle. Ce qu’elle avait accepté de faire, comment elle avait accepté d’être traitée simplement dans l’espoir d’apprendre, dans l’espoir de sortir de cet état catatonique dans lequel elle s’était retrouvée plongée.
Disgracieusement, sa bouche s’ouvrit, pendant à demi-molle, sous la surprise et la subite réalisation et Shinwa éclata d’un rire bien gras.
«
On peut donc commencer tranquillement à apprendre les bases de ce que je veux te montrer.-
Les bases ? »
N’avait-elle pas déjà des bases bien solides dans l’art des Hyuga ? Le visage toujours aussi doux, le maître prit la parole, d’un ton si calme, si en contrôle que c’était presque insultant pour Chiyo qui n’avait aucune idée de ce qui se passait.
«
Ce que je vais te montrer, bien que ce soit cousin avec certains éléments de notre poing souple, est tellement différent que tu ne peux en aucun cas l’approcher de la même façon que le juken, ou n’importe qu’elle autre technique que tu connais. »
La curiosité piquée à vif, Chiyo en avait même inconsciemment retenu sa respiration dans l’attente qu’il lui révèle le nom de ce dont il parlait, mais, à la place, il s’interrompit et jaugea la jeune pousse de kunoichi devant lui des pieds à la tête. C’était évident, il y avait un « mais. »
«
Je ne sais malheureusement pas si tu es en état ou en capacité, pour l’instant de réussir. Ces derniers temps, selon ce que ton père m’a dit, tu … disons que tu as maltraité ton corps et ton esprit. »
Oui, voilà, c’était exactement ce qu’elle redoutait d’entendre. Bien que ces paroles étaient logiques, elles ne restaient pas moins désagréables à entendre. Le visage maintenant bien sûr, Chiyo répondit :
«
Mais alors pourquoi essayer de m’enseigner quelque chose que je pourrais ne pas réussir ?-
Parce que tu pourrais aussi réussir. J’ai dit que je ne savais pas si tu allais réussir, pas que tu allais certainement échouer. Et puis, si tu t’entraînes diligemment, sans pousser ton corps au-delà de ce qu’il peut prendre, tu as de bonnes chances. Se ne sera pas aujourd’hui. Ou même demain. Ce ne sera probablement pas la semaine prochaine non plus, mais dans un mois, deux peut-être. Et si comble du malheur, tu ne réussis pas dans les prochains mois, tu es encore jeune, tu as des années devant toi. »
Ainsi dit, on ne pouvait nier que c’était motivant … et démotivant. Elle ne s’imaginait pas passer des années à apprendre une technique, surtout pas avec le rythme qu’elle s’était découvert depuis qu’elle était devenue Genin. Tout semblait tellement naturel que l’idée de trimer pour un apprentissage des années durant semblait surfait et clairement hors de ce qu’elle pensait pouvoir réussir. Mais, ce que disait Shinwa était vrai, ce n’était pas la norme que d’apprendre les arts les plus complexes en quelques jour seulement. Non, l’apprentissage pouvait durer des années, c’était l’œuvre d’une vie que de maîtriser un coup si puissant, car il devenait la botte secrète même d’un ninja des plus aguerris.
«
Alors, si vous êtes toujours d’accord, j’aimerais apprendre !-
Cela va de soi. »
Chiyo réajusta sa position un tout petit peu. Elle le sentait, la motivation qui naissait telle une petite flamme dans sa poitrine, qui s’enflammait et qui perdait le contrôle devenant un incendie presque impossible à arrêter. C’était revigorant dans un sens, un peu comme si les ténèbres des derniers jours se dissipaient.
«
Les Paumes Jumelles des Lions Agiles, c’est le nom officiel de la technique. »
Rien qu’avec le nom, c’était évident que ce n’était pas quelque chose dont elle avait l’habitude. Les techniques de l’école du poing souple ne portaient JAMAIS le nom d’un animal, mais faisant référence au Hakke. Alors, les Paumes Jumelles des Lions Agiles, ça devait avoir un lien avec l’animal dans un sens ou dans l’autre. Un nouveau rire vint briser les réflexions de Chiyo.
«
Tu n’as pas besoin de te casser la tête, je vais t’expliquer. C’est une offensive puissante qui s’en prend autant au corps qu’au système de chakra de l’adversaire. Les résultats sont dévastateurs forçant le corps à relâcher une bonne portion du chakra de la personne la subissant, en plus des blessures internes causées. On parle de lions agiles, car le chakra de celui qui l’emploie est tellement concentrer dans ses paumes qu’il est visible et ressemble à des têtes de lions. Je te laisse deviner pourquoi on les qualifie d’agiles, maintenant. »
L’art des Hyuga ressemblaient à une danse, le juken était doux, fluide, élégant et rapide. Si le concept général restait le même alors Chiyo pouvait comprendre la raison de ce qualificatif (bien que cela en faisait tout un nom à rallonge au final.) Elle hocha donc la tête, prouvant qu’elle avait compris.
«
Pour commencer, alors, nous allons travailler là-dessus. La vitesse de tes pas, la précision de tes coups. Nous ne toucherons pas au chakra tant que cela ne sera pas perfectionné. »
Cette simple condition était un présage de la difficulté de l’exercice, si la conversation ne l’avait pas déjà été. Il se leva donc, lentement, comme si l’agilité démontrée lors de leur pseudo affrontement n’avait été que mirage et, toujours aussi lentement, il alla se positionner au centre du dojo. Une fois rendu, il laissa tomber sa canne et campa ses pieds à la largeur de ses épaules, avançant le droit de quelques centimètres alors qu’il reculait le gauche de la même distance. Il ferma ses poings, paume vers le ciel, alors qu’il les plaça contre ses côtes. Paupières closent, il sembla se concentrer.
Et ce fut à ce moment qu’elle le vit, un chakra bleu, des flammes sans lumière, qui formaient la tête d’un lion sur chacun de ses poings. Et aussi rapidement qu’elles étaient apparues, elles disparurent. Il avait retourné les poings, présentant ses paumes vers l’avant, ses doigts s’étaient quelque peu ouverts et le geste, bien que Chiyo ne pût très bien voir, lui faisait vaguement penser à une patte d’animal (de lion, mais c’était probablement parce qu’elle était biaisée par le reste de la technique.)
«
C’était le résultat final, en soi le geste n’est pas complexe, mais il demeure que c’est un exercice de coordination. Tes poings doivent bouger comme s’ils n’étaient qu’un, frapper en même temps, sinon la décharge de chakra envoyée dans ton adversaire ne lui forcera pas à expulser le chakra de son corps et les dommages de tes paumes ne seront pas aussi dévastateurs. »
Donc, il fallait que tout son corps bouge que d’un seul geste, en parfaite synchronisation avec chacun de ses membres. Il était donc évident ce que le maître allait lui demander de faire, donc l’agile danseuse n’attendit pas qu’il le lui demande et prit place à ses côtés. Sans attendre, elle commença à imiter les gestes qu’il venait de faire. Mais elle manquait évidemment de tonus. Ses muscles étaient épuisés de n’avoir que très peu servi, ses bras et ses mains apprenaient un nouveau mouvement et étaient bien loin de vouloir coopérer avec leur contrepartie résidant de l’autre côté de son corps.
Si le geste semblait réellement simple, il demandait d’avoir été imprimé à même les muscles. Elle ne pouvait pas compter sur la vitesse, la force ou simplement sa déduction pour réussir ce qu’il venait de lui demander. Quelques répétitions plus tard, Chiyo se retrouvait déjà le souffle court, les bras en feu. Comme elle allait le regretter le lendemain lorsque ses muscles allaient lui implorer la clémence.
«
Pour aujourd’hui se sera tout, repose-toi bien et reviens demain. Ton père m’a dit que tu n’avais plus de responsabilité vis-à-vis de ton équipe … »
Oupsie. Peut-être qu’il n’aurait pas dû le mentionner, ça. La mine de Chiyo s’assombrit immédiatement alors qu’elle prit une inspiration tremblante. Puis, elle secoua la tête.
«
Lorsque se sera de nouveau le cas, nous verrons comment nous allons précéder, mais pour l’instant, nous pouvons, non, devons tenter de refaire ainsi tous les jours. Après tout, il a un vieux proverbe qui dit qu’avant d’être maître dans quoi que se soit, il faut le faire dix mille fois. »
Shinwa avait l’air amusé, beaucoup plus que Chiyo qui, maintenant le regardait comme si elle allait mourir. La barbe du vieil homme s’agita de nouveau, se releva, comme s’il souriait – c’était difficile à dire avec la moustache et la longueur du rideau blanc qui lui tombait devant le visage, mais ses yeux s’étaient également légèrement plissés, brillaient avec bienveillance – puis il prit la parole une nouvelle fois.
«
Je plaisantais, quoi que c’est quand même une possibilité … Avant de partir, j’ai remarqué quelque dans ta posture, ton pied gauche est bien trop vers l’arrière et ça force ton épaule gauche à être reculée … chose qui, comme tu l’as deviné – oui, oui, je le vois dans tes yeux – fait que tu ne n’arriveras jamais à réellement synchroniser tes mains ensemble. -
Pouvez-vous corriger ma position tout de suite ?-
Si je le fais maintenant, je sais que tu ne te reposeras pas assez, crois-moi, je sais quel mal qui t’accable et toutes les raisons sont bonnes pour l’ignorer. Je ne t’en donnerai pas une de plus. Nous regarderons cela demain. »
C’était l’avantage … ou le désavantage d’avoir un maître aussi âgé. Il devait avoir tout vu ce que le monde ninja avait à offrir et devait connaître presque toutes les façons (malsaines) de s’en défendre. De ce fait, il n’allait certainement pas travailler à l’encontre de ce qu’il souhaitait faire. Il lui fit donc signe d’y aller. Après tout, il se faisait tard et la soirée commençait à être bien entamée. Si Chiyo voulait voir la forme pour la suite de cet apprentissage, il fallait manger et dormir suffisamment, ça, Shinwa le lui avait bien fait comprendre.
Chiyo était donc rentrée et s’était afférée à justement faire cela ; manger et dormir. À ça, son père l’observa d’un œil inquisiteur, d’abord incertain, mais rapidement, il se permit de se relaxer. L’entraînement allait donc commencer (ou elle avait déjà commencé) et il ne pouvait s’empêcher d’être soulager de la voir ainsi. Après tout, les derniers jours, il n’avait rien pu faire d’autre que s’inquiéter de sa fille … sans jamais oser aller lui parler directement. Il ne savait pas comment, mais il semblerait qu’il était allé voir la bonne personne pour la guider vers un chemin moins sombre. Et simplement ça lui paraissait être une victoire.
«
Tout c’est bien passé ? Tu me sembles de bonne humeur.-
Oh, oui ! Shinwa-sensei va m’apprendre … attends le nom … Les poings des fauves … non c’est pas ça …-
Les Paumes des Lions Agiles ?-
Oui, exactement, c’est ça. Tu connais ça ?-
Un peu … j’en ai entendu parler, mais ça demande trop d’énergie pour moi, mais je crois que tu pourrais y arriver, avec le bon entraînement. Tu y retournes donc demain ? »
À cela, Chiyo hocha vigoureusement la tête avant d’avaler la dernière bouchée de son assiette. C’était l’une des plus longue discussion qu’ils avaient eu ensemble depuis cette mission qui avait tout changé.