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| | “C’est le sort des familles désunies de se rencontrer uniquement aux enterrements.*”
Triste coup du sort, que celui de devoir se rendre à l’enterrement d’un proche, que l’on a pu côtoyer la veille. Nous sommes en janvier et le ciel gris semble si chargé que je me plais presque à l’imaginer aussi triste que je puisse l’être moi-même. Si je garde mes yeux résolument rivés au paysage hivernal désolant qui s’étend et encercle le cimetière, c’est avant tout pour ne pas avoir à songer au corps froid de mon grand-père qui git dans son cercueil, déjà mit en terre. Mais c’est plus fort que moi, l’image s’impose d’elle-même et j’ai beau tout tenter je n’arrive pas à me l’enlever du crâne. Je finis par lever les yeux vers le ciel dans une ultime tentative, pour ne pas avoir à ressentir la morsure vive de la honte si jamais les larmes, qui mordillent déjà mes paupières, finissent par échapper au peu de contrôle qu’il me reste encore. S’il y a bien une chose que l’on nous apprend, très tôt, à nous autres futurs ninjas de l’époque actuelle ; c’est bien celle de ne jamais montrer nos sentiments. Encore moins en présence de l’ennemi. Et puisque nous ne pouvons guère savoir quand celui-ci apparaîtra, il est d’usage de dissimuler sa peine en tout temps. Voilà ce qu’on inculque aux gosses. Un ramassis de bonnes pensées, pour leur apprendre à être vaillants en toutes circonstances et aussi, quelque part, pour palier la dureté de notre réalité qui, certes, s’allège avec le temps mais ne disparait jamais complètement. Des pensées très métaphysiques, pas forcément des plus adaptées à la conjoncture de la journée, mais qui m’évite de perdre pied pour m’enfoncer dans ma tristesse personnelle. Parce que, même du haut de mes treize ans révolus, j’ai bien du mal à rester brave aujourd’hui. Pourtant j’essaye fort, en faisant abstraction de ce qui se dit présentement. Surtout durant la fin de la cérémonie, en remplaçant le tout par le souvenir du timbre chaud que mon grand-père utilisait pour s’adresser à moi avant, par exemple… Un détail que je redoute presque d’oublier avec le temps.
Un mouvement se propage dans la foule rassemblée autour de la stèle lorsque mon père clôt la cérémonie avec des mots doux et tendres, à propos de son enfance avec son père. Dès lors chacun s’avance pour déposer une gerbe de fleurs, puis vient le temps des condoléances à notre intention. Papa est revenu se poster près de moi, de telle façon que, dissimulée ainsi dans son ombre, j’en ressens presque le froid du fond d’air lorsque le vent commence à se lever. Les trois quarts des individus présents aujourd’hui appartiennent au clan Inuwashi, comme mon grand-père et mon père. Pourtant je ne suis pas capable de reconnaître la moitié des visages et réciproquement. J’ai donc naturellement le droit aux remarques ordinaires, aux désolations mais aussi à la surprise quand les yeux des plus âgés du clan – ceux qui sortent rarement de l’enceinte du domaine des Inuwashi à Konoha – se posent sur moi et me dévisagent… Si je ne me suis jamais vraiment sentie à ma juste place chez les Hyuga, je ne peux pas dire qu’il en soit autrement ici, perdue parmi cette myriade de visages inconnus. Pourtant, leur sollicitude et leurs sourires me réchauffent un peu le cœur malgré tout. J’en viens presque à me demander comment aurait pu être mon quotidien, si je ne m’étais jamais éveillée au Byakugan et si mes parents avaient fait le choix de m’élever au cœur du clan de mon père. Après tout, les Inuwashi sont réputés pour être plus ouverts au sujet des mixités du sang. Au sujet des bâtard, comme moi. Quoique comparé au clan Hyuga, on fait difficilement plus frigide, hormis peut-être le clan Uchiha, qui en tient lui aussi une bonne couche dans le domaine.
Je fais un gros effort pour rendre son sourire à une jeune maman, enceinte jusqu’aux yeux. Et je me dégoûte presque lorsque la rancœur vient chatouiller le fond de mon estomac à la pensée du futur accouchement – le signe avant-coureur du bonheur, une heureuse nouvelle. Je lui en veux presque, à elle, d’afficher son gros ventre sous mes yeux…. Sans doute parce que je ne suis pas ce qu’on pourrait appeler « une gentille fille ». Alors que mon papi à moi n'est plus là. Comme une tâche lumineuse, joyeuse, sur une peinture maussade. De la jalousie, voilà ce que c’est.
Une énième bourrasque de vent s’élève et en réponse je resserre autour de moi les pans du châle noir que j’ai passé par-dessus mon kimono sombre. Je sens dans mon dos ma mère passer une main réconfortante dans le creux de mes reins, un peu comme pour me murmurer de rester droite et fière. Mais je sais qu’il ne s’agit là que d’une déformation professionnelle due à son éducation digne d’une née Hyuga. Car le sourire peiné qu’elle me renvoie démontre bien à quel point elle compatit. Elle sait combien j’étais attachée à mon grand-père. J’opine du chef pour la remercier et j’en profite pour lui dire que je pars souffler un peu à l’écart.
« — Excellente idée, ne t’éloigne pas trop ma chérie. — Oui maman. »
Mon père, quant à lui, est bien trop occupé à ressasser les années glorieuses de grand-père pour se rendre compte de quoi que ce soit. Tant mieux quelque part, je crois que ça lui fait du bien. Je m’éloigne donc sur le sentier sinueux dessiné dans l’herbe au gré des foulées des habitants du village. Un peu plus loin, je repère un arbre dont l’ombre portée dans la direction opposée permet de rester au soleil tout en s’abritant efficacement du vent. Je jette donc immédiatement mon dévolu dessus et pars m’abriter. Une fois rendu-là, le bruit des discussions me parvient un peu étouffé et ce n’est pas plus mal ! Il me faut bien quelques minutes avant de me rendre compte que je ne suis pas la seule à avoir considéré ce spot comme idéal. Intriguée par le bruissement de vêtements froissés et celui d’une respiration régulière qui ne m’appartient pas, je me penche un peu pour passer la tête de l’autre côté du tronc et remarque aussitôt un homme au visage familier. Comme un lapin prit en plein phare, je reste pantoise une seconde dans cette position un peu ridicule, avant de me redresser. De toute façon, mes yeux ont déjà rencontré ceux de mon vis-à-vis, qui m’a vraisemblablement cramé dès mon arrivée. Il ne me servirait à rien de me cacher… J’esquisse quelques pas pour rejoindre celui que j’ai cru reconnaître comme étant le leader du clan Inuwashi, si mes souvenirs ne me font pas défaut. Lorsque j’arrive à sa hauteur, je m’immobilise de façon à utiliser sa carrure comme pare-vent – puisqu’il est si grand, autant en profiter – et du regard j’essaye d’identifier ce qu’il fixe depuis tout ce temps. Je crois qu’il s’agit de quelqu’un dans l’assemblée encore amassée à proximité de la tombe de mon grand-père, mais je ne saurais guère dire qui exactement. Une femme, peut-être ? Instinctivement j’essaye de trouver celle qui me paraît la plus attractive, celle capable d’avoir le plus de prétendants – avant de me rappeler que la beauté n’est qu’une notion subjective et qu’il se peut même s’agisse d’un homme en vérité, et pas d’une personne issue de la gent féminine. Je fronce les sourcils avec la sale impression que je ne réussirai pas à trouver la réponse à ma question. Cette femme enceinte, peut-être ? Lorsque je relève les yeux vers le visage du type prostré à côté de moi, je me rends compte qu’il a détourné les siens pour me fixer avec son air antipathique indéchiffrable – digne d’un bon chef de rang. Je me retiens in extrémis de l’interroger à propos de l’identité de sa possible cible dans la foule, de peur de passer pour la pire des impolies, et préfère embrayer sur une banalité histoire de casser le silence qui devient difficilement supportable à force.
« — C’est mon spot, ici. »
Puisqu’il ne semble pas réagir outre mesure, j’essaye autre chose :
« — Vous le connaissiez, mon grand-père ? Il était comment ? »
Pas que je ne le sache pas, je suis simplement curieuse d’avoir le point de vue de quelqu’un d’extérieur à mon quotidien, ayant peut-être eu la chance de le côtoyer depuis plus longtemps et plus souvent que moi.
* Citation de Michel Audiard, Les Barbouzes.
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| | | Le Roi Ailé devait aujourd’hui effectué le plus dur rôle qu’il peut se retrouver à endosser en tant que chef du clan Inuwashi… Il allait devoir mener d’une main ailée, la sépulture d’un de leurs frères tomber au combat, en effet il avait perdu contre l’âge. En effet, l’âge était une chose perpétuelle qui correspondait à la principale faiblesse humaine, il se retrouvait forcément d’une manière ou d’une autre à périr sous le joug de cet effet naturel. D’un simple geste, il attrapait la tenue particulière que le chef de clan devait se revêtir dans certains moments solennels. Le bracelet signe distinctif du clan se présentait sur son bras droit, une couronne de plumes des différents aigles des rois précédents se retrouvait à orner la tête de l’éphèbe. Un sorte de poncho blanc qui recouvrait l’ensemble de son corps avec des motifs de son clan. Une sorte de tissu qui recouvrait l’ensemble de ses jambes et des plastrons argenté qui se retrouvaient sur son torse.
la tenue de Sora
Une tenue particulièrement étranges et très peu idéale pour bouger, mais elle était utilisé simplement pour un côté conventionnel. L’arc se retrouvait dans son dos, il s’approchait du corps de la personne qui était morte. Ce clan avait décidé par sa coutume, que le roi ailé devait permettre à ses morts de retrouver le paradis tant aimé. Une flèche enflammé sur un corps qui partait en fumée, la fumée symbolisait l’âme de l’être perdu qui s’envolait vers les cieux. De cette manière, le disciple pouvait rejoindre son Dieu Ailé et finir sa vie entre les ailes de celui qui leurs avaient permis d’obtenir ce pouvoir particulier.
Sora se trouvait dorénavant sur une estrade en compagnie du corps et une multitude de ninjas Inuwashi commençaient à approcher pour venir se recueillir sur la dépouille avant que le rituel commence. Le Roi n’aimait pas forcément devoir se retrouver devant autant de monde, il descendait pour se poser un peu éloigné et laisser le deuil de la famille se faire, avant de diriger la cérémonie. Alors qu’il surplombait la foule, il s’était positionné sur une petite colline de manière à pouvoir observer son clan, sa famille…
Soudain, une petite tête se retrouvait à se cacher derrière l’archer. Au début, il n’effectuait rien, même pas un mouvement, il restait stoïque sans rien dire, car il pensait que la gamine s’en irait au bout d’un moment. Pourtant il avait tort, elle semblait bien décider à rester à cet endroit. Elle se mettait même à parler, le visage de Sora se mit à la regarder d’un air stoïque et un brin antipathique, il se demandait ce qu’elle pouvait chercher en cet instant. Elle expliquait que c’était son spot, l’intendant arquait un sourcil, il remarquait que cette jeune fille était sûrement la petite-fille du défunt. En effet, cette demoiselle possédait des pupilles d’un blanc particulier stigmates du clan Hyuga et il savait que récemment un membre de son clan s’était marié à une femme de ce clan et avait enfanté une descendance qui se retrouvait avec le Byakugan. Sora l’avait même rencontré avant qu’elle développe ses pupilles forçant les parents à basculer définitivement dans l’éducation des Hyuga.
Elle posait une question sur son grand-père, le chef de clan connaissait chacun de ses membres, mais il n’était pas forcément du genre à connaître leurs vies ou bien à s’attarder sur ce genre de chose. Néanmoins, l’avantage était que Tsubasa avait fait en sorte de lui faire un récapitulatif sur le défunt pour qu’il puisse faire un discours pour la crémation. Il répondait d’un ton neutre et solennel:
« - Bonjour, le code de comportement du clan Inuwashi voudrait que tu t’agenouilles et me salue avant de parler. Pour répondre à ta question, ton grand-père était un homme vaillant respecté de tout notre clan. Il avait fait partie d’une des meilleures équipes de traqueurs. Que veux-tu savoir exactement ? Pourquoi t’intéresses-tu à notre clan, tu es une Hyuga maintenant ? »
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Dès la toute première phrase qu’il m’annonça, les propos de cet homme, un peu étrange, ne me plurent guère. Je fis la moue en le dévisageant. Mais puisqu’il en faisait de même, de façon beaucoup plus austère que moi, je finis rapidement par détourner mes pupilles laiteuses vers la foule au loin.
« — Que veux-tu savoir exactement ? Pourquoi t’intéresses-tu à notre clan, tu es une Hyuga maintenant ? — Je ne sais pas moi-même ce que je suis… Hyuga, ou Inuwashi ? Sans doute même aucune de ces deux réponses… »
Laissai-je échapper sans vraiment peser le possible impact que pourraient engendrer mes mots. J’avais cru comprendre que le clan Inuwashi était plus ouvert aux étrangers, que tous les autres clans présents à Konohagakure. Mais à vrai dire, à cet instant, je n’avais pas du tout l’impression que cet homme puisse être différent des pontes – aux habitudes moyenâgeuses – qui pullulaient en masse dans les rangs des Hyuga. Je fis un pas de côté, pour mettre un peu de distance entre nous, avant que l’idée ne lui vienne de me forcer physiquement à plier genoux. Une bourrasque me cueillit aussitôt, puisque son corps ne faisait dès lors plus barrière au vent. Un frisson me parcourra à nouveau, que j’essayai vainement d’étouffer. Je passai mes bras autour de ma poitrine pour me frictionner à l'aide de mes mains par-dessus mon châle noir.
« — Toutes ces histoires de pureté du sang et d’hérédité, franchement… »
Marmonnai-je dans ma barbe imaginaire, fronçant les sourcils sous l’afflux du ressentiment que le sujet faisait refluer en moi. Pareil aux vagues, qui viennent lécher les roches des côtes… Immuablement. Je me raclai la gorge une petite seconde avant de reprendre la parole :
« — Je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de côtoyer la branche de mon père… de vous côtoyer… Vous tous. »
D'un petit coup de menton, je désignai la foule en contrebas. Puis je jetai un regard rapide à l’intention du chef de clan, pour m’assurer d'avoir encore pleinement son attention pour moi.
« — Parfois, je me demande ce qu’aurait été ma vie, si je ne m’étais pas éveillée au don héréditaire des Hyuga… Mais j’imagine que personne n’aura jamais la réponse à cette question. Pas même vous. »
Nouveau regard, plus appuyé celui-là.
« — Toutes ces plumes sur votre coiffe, elles ont une signification particulière ? »
Je penchai la tête sur le côté, comme pour appuyer mon interrogation. A y regarder de plus près, il n’y avait rien de « normal » dans la tenue qu’il portait. Mais il subsistait encore une incroyable quantité d'informations, à leur sujet, qui me restait depuis longtemps inaccessible.
« — Vous vous appelez Sora, c’est bien ça ? Votre enfance, à vous, elle était comment ? Au sein du clan, je veux dire. »
Après coup, j’eus peur que le fait d’avoir osé prononcer son prénom de vive voix, ou de le questionner sur sa vie personnelle, puisse être perçu comme des insultes. J'esquissai donc un second pas inconscient, sur le côté, de peur à nouveau d’essuyer des représailles de sa part. Je sais qu’on n'attend pas d’un chef de clan qu’il soit sympathique…mais…celui-là n’a vraiment pas l’air commode pour un sou. Nouvelle grimace de ma part, que je ne cherchai même plus à dissimuler à la longue. De toute façon, il devait avoir ressenti ma méfiance depuis les prémices même de notre conversation.
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