Quelques souvenirs et un futur!

La nouvelle s'était répandue telle une traînée de poudre dans tout le sekai, jusqu'à parvenir au domaine Nara. Konoha avait un nouvel Hokage. Ou plutôt une. C'est en rentrant de ta cueillette automnale de salvia, la dernière de l'année, avant que les premières gelées hivernales ne débarquent, que tu l'appris. Ranmaru, ton petit frère fut le premier à te le dire, puis après des investigations plus approfondies auprès de tes parents, tu pus identifier l'heureuse élue. Quelle ne fut pas ta surprise quand son nom fusa comme une réminiscence d'un passé pas si lointain. Pouvait-il vraiment s'agir de cette même personne que tu avais rencontré quelques années auparavant pendant le festival d'ombres et lumières? Cette femme en apparence si timide et peu sûre d'elle? Celle qui doutait bien plus que toi de ses propres capacités? Bien que l'idée te parut saugrenue, il ne devait en même temps pas exister des dizaines de Tadake Yuriko vivant à Konoha. Et après tout, ce que l'on demandait à un dirigeant de village caché n'avait rien à voir avec le fait de se mettre en scène et jouer de la flûte pour la populace.

A l'époque de votre première rencontre, tu n'étais toi-même encore qu'un shinobi errant au gré d'une  vengeance maladive et s'octroyant quelques moments d'oisiveté dès que l'occasion se présentait. C'est comme cela que tu t'étais retrouvé à Baransu, violon en main, pour embellir ton quotidien de quelques musicalités. Comme cela que tu avais eu le plaisir de faire cette belle rencontre. Pas sûr cependant qu'elle ait gardé, de son côté, un souvenir impérissable de tes simagrés, mais peu t'importait, tu étais bien décidé à aller à sa rencontre. Car, si depuis ton entrevue avec le Senkage tu t'étais préparé à rencontrer Cho pour parfaire les accointances politiques des Nara, l'idée d'associer à cet échange diplomatique le plaisir de retrouvailles avec une tête connue, était des plus réjouissante. Cependant, au contraire de l'entretien avec Meyo Tsuri, qui avait découlé de ta visite solitaire au village d'Uzushio pour assister à l'examen chuunin entre les deux villages, cette fois tu décidas d'emmener avec toi une petite délégation composée de deux personnes.

La première, qui s'imposa tout naturellement, était une femme. Manako Nara. Vingt-ans, dotée d'une longue chevelure brune et de grands yeux charmeurs aux teintes sombres, elle était une flûtiste émérite. Rêvant, depuis sa plus tendre enfance, de parcourir les routes du sekaï en devenant professionnelle dans la musique, sa famille l'avait soumise à l'enseignement des plus grands musiciens d'Inari, ainsi qu'à celui de quelques autres pointures du sekaï. Puis, avec le temps, rattrapée autant par ses obligations de Nara que par la difficulté de subsister par son art, elle mit la musique en retrait pour totalement s'adonner au métier de kunoichi, qu'elle réalisait fort bien en associant la maîtrise de son chakra à celle de son instrument.

Le second accompagnant ne fut autre que Denjiro Nara, membre de la cellule scientifique. Un garçon aux allures sérieuses, la plupart du temps engoncé dans une blouse blanche immaculée. Propre sur lui, une coupe de cheveux taillée sur mesure et deux petites lunettes rondes tenant en équilibre sur le bout de son nez, il était en apparence ton opposé presque parfait. Et pourtant, il n'en était pas moins l'un de tes plus proches amis, et s'il ne se départait que rarement de son air coincé, tu étais l'un des rares à pouvoir profiter des autres traits de sa personnalité. En plus de tout cela, il était un scientifique brillant, notamment dans la fabrication de potions à base de plantes.

Si Ranmaru tenta bien de s'incruster à plusieurs reprises pour rencontrer la première femme dirigeante d'un village, ce qui semblait l'émerveiller au plus haut point, tu considéras qu'un enfant de huit ans n'avaient rien à faire dans une telle situation. Vexé et en colère contre toi et la réticence de vos parents qui pour une fois étaient de ton côté, il n'hésita pas à argumenter en expliquant que tu n'étais mentalement pas beaucoup plus âgé que lui, ce à quoi tes parents ne trouvèrent rien à lui répliquer. Le petit con! Les vieux cons!

Le temps de prévenir Yuriko de ta visite, d'attendre sa réponse et de préparer sérieusement ton voyage jusqu'à Konoha, ce fut au milieu de l'hiver que tu quittas le domaine en compagnie de la petite troupe, violon et parapluie dans le dos, sans savoir si ta signature, apposée à côté de l'intitulé de ton statut, au bas de la lettre que tu lui avais envoyée, serait suffisant à la jeune femme pour qu'elle te remette. L'hiver, plus rude que d'ordinaire et marqué par des chutes de neiges abondantes, freina votre progression, si bien que vous mîtes deux journées entières pour rejoindre le village de la feuille. Les portes de ce dernier apparaissant à l'horizon à l'aube du troisième jour, alors que vous aviez préféré passer la nuit de la veille dans une auberge non loin du village caché, afin de profiter d'un moment de détente alcoolisé avant le grand jour, en partageant votre musique flûte et violon avec la population du pays du feu.

Sitôt votre arrivée, et après que les quelques types gardant la porte principale aient prévenu de votre présence, une garde rapprochée comprenant cinq konohajin vint à votre rencontre, avant de vous guider vers le centre ville, dans un restaurant réservé pour l'occasion. Manifestement Yuriko n'était pas férue des convenances, vu qu'elle ne te faisait pas venir jusque dans son bureau personnel. L'idée te plaisait. Tandis qu'on vous demanda de vous installer à votre guise en attendant l'arrivée de  la nidaime, tu sortis ton instrument de son étui en même temps que Manako en fit de même. Tu espérais bien que voir une camarade flûtiste serait de nature à charmer celle que tu considérais comme ton amie depuis que tu l'avais rencontrée. Et tandis que vous entamiez les premières notes d'un duo aux petits oignons, des cris d'enfant retentirent au loin.

-RRRRRRRAAAAAAAA, lâchez-moi bande de tortionnaires, sinon j'vais le dire à mon grand frère, c'est un chef de clan et il va vous casser la gueule...j'veux juste voir la madame kage, on m'a dit qu'elle était très belle...j'veux la voireuuuuuuh...

Cette voix! Tu le savais, c'était vraiment un p'tit con, qui malheureusement semblait suivre tes traces en prenant exemple sur ton effronterie. Lui qui était pourtant un enfant sage à la base. Sûr que ça allait encore te retomber dessus ces conneries. Tami, ta mère, trouverait encore une excuse pour te dire que son comportement était entièrement ta faute. Afin d'être sûr que tu ne faisais pas fausse route, tu demandas poliment à vos accompagnateurs si tu pouvais jeter un œil à l'extérieur. Ce qu'ils acceptèrent tout en demandant à tes compagnons de ne pas bouger et en te serrant de près. Ce que tu compris et acceptas sans problème. Tu ne te trompais pas. Il s'agissait de Ranmaru, en train de se débattre maladroitement entre les pattes d'un konhajin faisant le triple de sa carrure, tandis que dans la direction opposée, tu reconnue ton hôte. Elle s'approchait à grands pas pendant que ton petit frère continuait de hurler. Ne sachant plus où donner de la tête, tu observas d'abord la Tadake au loin et lui adressas un bref salut de la main accompagné d'un grand sourire, avant de tourner la tête vers l'homme qui maintenait Ranmaru.

-Euh...hum...veuillez accepter toute mes excuses...commenças-tu en t'inclinant respectueusement...mais euh...ce petit abruti insolent dit vrai...enfin du moins sur la partie où il expliques avec le plus grand irrespect que je suis son frère...euh...hum...je puis vous assurer que sa présence ici n'était pas prévue le moins du monde et que je me ferais un plaisir de le réprimander comme il se doit, mais s'il vous plaît, pensez-vous qu'il serait envisageable de lui rendre sa liberté? Puis un petit sourire sarcastique au coin des lèvres...quoique, si vous l'enfermiez quelque part le temps de mon entrevue avec votre Kage, ça pourrait aussi lui servir de leçon, mais bon, ce n'est qu'un enfant et manifestement, il faut croire qu'il n'a pas toute sa tête...

-Shikaaaaaaa...j'vais l'dire à maman si tu fais rien et tu sais très bien qu'elle me donnera raison...

Oh bordel. Franchement, quelle idée de faire des gosses! Yuriko n'étant plus qu'à quelques mètres, tu te tournas vers elle à nouveau, un sourire bienveillant, bien qu'un peu confus aux lèvres, tandis que dans la salle du restaurant, Manako poursuivait sa partition musicale.

-Coucou Yuriko chan...je vois que tu as pris du galon depuis notre dernière rencontre...t'entends ça, j'ai pensé à toi...enfin, je veux parler de la flûte hein, pas des braillements de ce mioche intenable ah ah...

Te massant l'arrière du crâne d'une main, un poil gêné par la situation, tu te dis que décidément, rien ne pouvait se dérouler simplement quand tu étais dans les parages.