Lorsque Kirei lui avait proposé d’unir leurs efforts dans l’organisation d’une fête traditionnelle de la Nativité à l’intention des plus démunis, Haruka ne s’était clairement pas représentée la chose de cette manière. Au lieu de l’ample kimono qu’elle s’était imaginée porter, elle se retrouvait affublée d’une robe parfaitement indécente que son amant lui avait vendu comme une « tenue typique des contrées de l’Ouest ». Il ne lui avait bien évidemment présenté l’étoffe que le jour même de l’évènement, coupant court à toute objection de sa part, qui se retrouvait sans rien d’autre à porter pour les festivités.
Non mais franchement, de quoi devait-elle avoir l’air, elle, l’ancienne intendante de Konoha et chef de l’ANBU, vêtue comme une vulgaire fille de petite vertu à peine entrée dans l’âge adulte !
Le visage entier de la jeune femme s’empourpra, tandis qu’elle se voyait ainsi exposée au regard de tous.
Et la suite ! La suite, par tous les kamis, ne l’épargnait pas davantage. S’ajoutait à ce tableau de cauchemar une chanson et une chorégraphie qui n’avaient rien à avoir avec les chants traditionnels qu’elle avait pu pratiquer dans sa jeunesse. De quel genre de culture, au juste, provenaient toutes ces coutumes malséantes ?
Si au moins elle n'avait pas été contrainte de les performer dans cet accoutrement, elle aurait pu s'en accommoder un tant soi peu par respect envers ces pratiques étrangères, mais tout de même !
Elle couvrit son visage de ses mains.
Un piège, tu m’as attirée dans un piège ! gémit-elle honteusement, la voix étouffée.
Kirei sembla faire bien peu de cas de sa gêne, manifestement obnubilé par son costume et amusé par la situation.
Je ne vous remercie pas ! lâcha-t-elle finalement, au comble de son irritation, en jetant également un regard noir à Kaizan.
Tout était de sa faute ! C'est lui qui avait importé ces habits grossiers et ces rites douteux de on ne sait où. Mais l'heure n'était plus aux regrets. Une foule de malheureux attirés par la promesse de ces festivités commençait déjà à se regrouper devant l'estrade où devait avoir lieu le spectacle.
De prime abord, Haruka essaya de s'enfuir à cette vision, mais les deux hommes lui barrèrent la route avec un sourire narquois sur leurs visages.
La kunoichi pesta, forcée de retourner à son triste destin.
Elle dévisagea alors les quidam amassés non loin du promontoire, d'abord avec crainte, puis avec compassion. Ils faisaient peine à voir, ce qui acheva d'éteindre sa réticence. Elle ne pouvait décemment priver ces pauvres âmes du peu de chaleur que pouvait leur apporter cette représentation. Que représentait un bout de sa dignité jeté en pâture à la multitude, comparé à une vie de souffrance et de privation ?
...
TOUT. Non mais honnêtement, en quoi leur misère pouvait bien la regarder ? Ils n'avaient qu'à embaucher une ribaude pour faire ce travail ! Pas la commandante des forces secrètes de Konoha ! En plus, à bien y regarder, certains de ces soi-disant démunis n'avaient pas l'air de l'être sur le plan
matériel...
Kirei la poussa gentiment dans le dos, l'incitant à gravir la première marche de l'estrade. Ce à quoi elle répondit par une œillade acariâtre.
Peuh ! Eh bien, elle avait au moins bon espoir que la plupart d'entre eux ne la connaissent pas, empêchant le récit de ce moment embarrassant de se propager à travers le sekai.
Bonjour à tous ! s'exclama Haruka d'une voix qui se voulait attendrissante en prenant place au milieu de la plateforme, sur recommandations expresses de Kirei.
La foule acclama son arrivée avec un enthousiasme certain, très probablement attisé par sa tenue plus que par sa personne.
Nous célébrons aujourd'hui la fête de la Nativité ! Alors servez-vous un repas chaud, du saké, et amusez-vous bien ! La kunoichi prit la pose, une jambe levée et deux doigts écartés en V face à l'un de ses yeux.
Le public sembla s'enflammer à la vue de cette posture. Aussitôt, ils brandirent les bougies distribuées à chacun d'entre eux pour l'occasion et commencèrent à l'agiter au rythme de la musique qui s'élevait dans l'air.
La Senju prit une profonde inspiration et, invitée à poursuivre par le petit orchestre qui l'accompagnait, chanta ses premières notes tout en entamant la chorégraphie qu'elle avait répété.
- Spoiler:
L'assemblée en délire reprenait avec ferveur ses paroles, qui souhaitaient une joyeuse fête de la nativité à tous et mentionnaient une secrétaire -ou intendante- prête à résoudre les problèmes de tout le monde.
Mais le clou du spectacle fut le final, qui paracheva cette hystérie collective.
Vous êtes prêêêts ? La foule donna son approbation, trépignant de savoir ce qu'on lui réservait.
Alors, Haruka chanta les dernières lignes de la chanson de la Nativité avant de composer des mudrâ qui passèrent probablement pour un élément de sa danse.
Joyeuse fête de la Nativité à tous !Sitôt ces mots prononcés, des branches de houx, de gui, et des sapins gigantesques jaillirent aux alentours, densifiant la végétation environnante de façon spectaculaire. D'autres shinobis, cachés, virevoltèrent alors autour de ces arbres nouveaux pour y accrocher des luminaires qui constellaient à présent le lieu de la fête.
Des "ooooh", "aaaaah", s'élevèrent au rythme effréné de cette mise en oeuvre.
Pour finir, des buissons appesantis de baies mûres éventrèrent la terre sur plusieurs kilomètres à la ronde, offrant à ces miséreux de quoi se nourrir à leur faim pour cet hiver, et peut-être même la saison suivante.
Une vague d'applaudissements et de rires s'empara de l'assistance, encore époustouflée par la performance qui venait de se terminer. Restait enfin à profiter dans la liesse des richesses qui leurs étaient proposées, chacun, invité à rejoindre les stands où des hôtes les hélaient afin qu'ils puissent leur servir à manger ou à boire.
Haruka quant à elle comptait prendre un repos bien mérité après avoir ainsi épuisé ses réserves de chakra
et de patience.