Et le loup souffla, souffla [TRAINING]

Je me tenais là, en plein cœur du terrain, essoufflée comme une damnée. Cela faisait deux heures à peine que je tentais d'apprendre une nouvelle technique de fuuton et j'étais claquée comme si cela faisait toute une journée. C'était sacrément pompeux en chakra cette connerie et je brillais pas par la réussite. Une vraie chienlit! Qu'est-ce que je foutais? C'était tout con : maîtriser le shinku renpa. Seulement, c'était imminemment plus galère que prévu. Les deux mains sur les genoux, la tête baissée, je devais faire pitié à voir, une vraie gueule d'asthmatique. Je pouvais pas m'empêcher de me demander où je merdais.

Et comme j'étais brillantissime, la seule chose qui me vint à l'esprit était d'allumer une cigarette quand je parvins à avoir un minimum de souffle. Oh bien entendu, une personne intelligente me dirait que c'était la cochonnerie que je tenais dans la main qui m'empêchait de gérer mon oxygène comme il le fallait. Et bien moi je lui adresserais un sacré doigt d'honneur et je féliciterais pas son génie. Quoiqu'il en était, j'étais aussi blasée que d'habitude et je matais le mannequin d'entrainement en face de moi. Je lui avais enfilé une protection solide afin de mieux mesure l'impact des lames de vents que réclamaient la chose cependant... pas une seule l'avait touché.

J'avais pas embarqué de bouquins ni de parchemins, mais dans mes souvenirs de lecture, il était clairement indiqué que je pouvais infliger des dégâts tranchants et exploser des grosses défenses. Là? Rien du tout. J'étais même pas foutu de diriger mes lames correctement et avec assez de puissance. Je malaxais pourtant mon chakra assez habilement - du moins je le croyais - et j'expulsais.... du vent. Bon ok, c'était pas des lames dignes de ce nom mais elles auraient au moins pu toucher la cible. C'était ce qui était emmerdant avec un élément aussi changeant. Le diriger, c'était une corvée, à moins d'avoir d'une sacrée minutie.

Je crachais une épaisse fumée, finissant ma clope avant d'écraser le mégot par terre avec mon pied. Je laissais échapper un petit "tsss" de désappointement avant de me baisser pour ramasser le filtre que je fourrais dans ma poche. J'avais une conscience écolo. Mais il me fallait reprendre l'entrainement et à peine j'allais m'y résoudre qu'un type débarqua. Assez grand, le teint mat, le regard un peu dédaigneux. Bref, ça sentait le Tomeï en fait. Fallait dire qu'en matière de gens qui avaient un peu trop la confiance, ils étaient au-dessus de tout le monde. Je le regardais de haut en bas et je me demandais ce qu'il me voulait. Il commença à agiter les mains.

" Ta façon de faire est pathétique et cacophonique. Tu ne maîtriseras jamais le shinku renpa de cette façon. "

Putain le con. Il parlait le langage des signes. C'était ce qui me choqua le plus. Ses remarques? Une belle jambe. Cela m'en touchait pas une avec l'autre. J'arquais simplement un sourcil. S'il était juste venu là pour me faire chier, j'allais me barrer.

" Je ne maîtrise pas cette technique mais je suis un fin manipulateur de ninjutsu. Je pense que mes conseils te seraient précieux. Je suis un homme magnanime et j'accepte de t'aider.  "

Putain le con. Second round. J'avais rien demandé. Alors que j'affichais toujours une mine déconfite, je m'attendais à une fourberie.

" Qu'est-ce que t'as à y gagner à m'aider? "

Mes signes étaient maladroits. Je ne connaissais que peu de personne avec qui dialoguer de cette façon, raison pour laquelle je me baladais toujours avec mon calepin. Il n'y avait que mon vieux avec qui je discutais ainsi et c'était pas tous les jours. On était pas de grand bavard sans faire preuve d'ironie.

" Je n'ai pas encore décidé. "

Je posais mes yeux améthystes sur lui, je le dévisageais encore une fois. Il était pas vilain. Pédant mais pas dégueu. Je haussais donc les épaules. Dans mon malheur, j'avais pas une fierté aussi exacerbée que les crétins de son clan alors ça ne me gênait pas le moins du monde d'être aidé. C'était juste... étonnant. J'avais plus l'habitude de me démerder en solo. Cela me changerait.

Ce type s'appelait Sabito Tomeï et je le connaissais ni d'Adam ni d'Eve. Mais aussitôt qu'il eut parlé il commença à me faire tout un discours sur le ninjutsu et le ressenti de ce dernier afin de le manipuler. Pour moi, c'était du blablabla et je soupirais la plupart du temps quand il causait. Cela l'irritait d'ailleurs et j'arrivais même à l'énerver un peu. Pourtant il ne laissa pas tomber. J'avais supposé qu'il avait quelque chose à se prouver à lui-même. Je me surprenais toutefois à appliquer ses leçons. Je me concentrais, je prenais une grande bouffée et je visualisais des lames de vent. C'était pourtant pas la mer à boire mais je me focalisais un peu trop sur la puissance. C'était ce qu'il me fit réaliser. Du coup, si ça prenait une gueule de lame de vent au début, l'énergie se dissipait et partait en sucette. Je n'atteignais donc pas ma cible. Un foirrage complet. Il fut cependant décider qu'on se retrouva demain au même endroit et à la même heure. Mais avant, je lui proposais de lui payer un coup. Je savais faire preuve de gratitude.... et il allait en avoir besoin s'il continuait à m'épauler.

A cet instant précis, j'étais dans ma cuisine et en petite tenue - un t-shirt informe avec juste un sous-vêtement. J'avais pas de décence particulière quand j'étais chez moi et puis l'habitude d'avoir chaud faisait que j'appréciais à être vêtue légèrement. Je tenais un pain dans ma bouche alors que j'avais les mains occupées à tenir des notes dans une et un verre de jus d'orange dans l'autre. Je déambulais en étant absorbée par ma lecture en direction de ma chambre, jusqu'à me laisser tomber en douceur sur mon pieu. Là, je tendis le verre sur le côté. Il y avait Sabito à moitié nu à côté, la tête enfarinée parce qu'il avait trop bu. Je vous ferais pas un dessin en vous annonçant que j'avais un peu trop exprimé ma gratitude et il ne s'en était pas plein. Mais qu'importait notre sauterie, l'objectif premier était pas abandonné : maîtriser le shunku renpa.

Les notes que je tenais dans mes mains étaient celles que j'avais pompé dans la bibliothèque du village et le Tomeï m'avait fait plein d'annotation pour comprendre un peu plus clairement l'apprentissage de la chose. On avait fait ça dans la soirée autour d'un verre avant de se prendre le chignon et finir... là où on était. Lui paraissait pas fier pour une fois, et moi j'en avais rien à foutre à vrai dire. C'était sympas mais on allait pas en faire une histoire. D'ailleurs, fallut que je lui mis les points sur les i. Je finissais de mâchonner mon quignon de pain et je commençais à faire des signes.

" Te prend pas trop le chou pour ce qu'il s'est passé ce soir. On est des adultes, on s'est fait un petit plaisir et puis voilà. J'en parlerais à personne si ça peut te soulager. "

Un petit sourire se dessina sur mon visage. il fallait noter la blague. Il grogna un peu mais but son verre de jus d'orange avant de commencer à se rhabiller. Mais au moment où il enfilait son futal, j'agitais mon papier devant lui.

" Y a un passage que j'ai pas saisi dans tes notes. C'est quand tu parles de la manière de malaxer les lames pour les rendre plus puissantes. "

Sabito se mit à secouer la tête comme s'il était désolé de ma stupidité. Quel enfoiré celui-là.

" Je t'expliquerais sur le terrain. Dépêchons-nous. J'ai des choses à faire de mon côté. "

Visiblement, il était pas du matin le type. Je haussais les épaules et me grouillait d'enfiler quelque chose de décent pour se rendre sur le terrain d'entrainement. Une fois sur place, ce que j'avais laissé était toujours là : le mannequin, l'armure. Toujours aussi horriblement impeccable. Je me fis craquer les doigts, un peu la nuque et m'étirait quelques instants avant de me faire engueuler de prendre trop mon temps. Je soupirais et me mettais en place.

" Tu n'es pas assez égale dans ton souffle. Il faut que tu visualises réellement des lames tranchantes sans pour autant de focaliser sur l'énergie que tu vas y mettre. En tout cas, pas pour cette séance. Une fois que tu maîtriseras la lame, tu pourras passer à l'étape de puissance pure. Si tu ne découpes pas la technique, tu vas échouer lamentablement comme hier. "

Je soupirais devant sa remarque et je roulais des yeux. Il était temps de voir si mon souffle allait pas déconner. Du coup, je me concentrais mais je fis le choix de pas me mettre à des kilomètres du mannequin. Je voulais pas avoir la frustration de le rater. Je voulais essayer de mettre en pratique les propos du Tomeï qui n'osait même plus me regarder dans les yeux. Ha! Il était pas si coincé la nuit dernière le cochon! Trêve de plaisanterie.

Je commençais à me concentrer un minimum, puisant dans mon chakra pour faire quelque chose de décent. Je visualisais mentalement des lames dans mon esprit. Si j'étais capable d'en créer en utilisant ma katana, le faire avec mon seul souffle semblait d'une autre dimension. Cependant, j'étais capable de beaucoup d'imagination donc c'était dans mes cordes. Je visualisais ma cible puis je pris une grande inspiration pour souffler violemment. Et Oh miracle! Je parvins en dégainer à ce qui ressemblait à une lame, sciant en long l'armure du mannequin. M'enfin... une seule, hein?

" Ne t'emballe pas mais c'est un début. Recommence. "

Je lui fis un petit signe militaire comme pour dire "oui chef", et je m'appliquais à recommencer. Comme il m'avait dit, j'essayais pas de la jouer puissance mais à m'approprier la forme des lames parce que bon, la technique indiquait qu'il fallait en lancer plusieurs et dans des directions différentes. Alors je m'y tentais. C'était clairement pas du gâteau mais au bout d'au moins cinq essais, j'arrivais à en générer deux ou trois, assez pour que cela ressemblât à quelque chose.

" C'est pas mal. Tu apprends plus vite que ce que je croyais, même si une personne de mon clan le maîtriserait déjà. Mais tu es loin d'être au niveau de ton apprentissage. "

" Tes encouragements me vont droit au cœur. Je suis émue. "

" Cesse de plaisanter et concentre-toi. La première fois que je t'ai vu, tu gérais ton chakra comme une vraie débutante. A croire que tu ne prends rien au sérieux. "

Je haussais les épaules en guise de réponse. Puis je me retournais à nouveau vers le mannequin d'entrainement. Tout son charabia pour simplement me signifier que ça manquait de rigueur. Je fis une grimace et je tentais de reprend un peu de mon sérieux comme il disait et autant vous dire qu'on déconnait pas chez les Tomeï. Il me fit souffler des lames jusqu'à ce que je me vidasse de mon chakra et que lui, fut satisfait. A croire que c'était pas moi qui apprenait.

Allez, c'était officiel. J'étais à mon troisième rendez-vous avec Sabito... de travail bien entendu. Vous emballez pas. Le bougre semblait vouloir à tout prix réussir à jouer les professeurs, même si je me disais qu'il y avait autre chose derrière, seulement il ne me l'avouait pas encore. Qu'importait ses raisons, de toutes les façons, ça me servait et je crachais pas sur la chose. Si le premier jour mes expériences étaient foireuses, le second après une belle cuite ce fut beaucoup plus satisfaisant. J'étais capable de balancer une saucée de lames de futon mais j'allais pas péter encore grand chose avec.

Mon dernier tour de danse consistait à maîtriser la puissance de l'attaque, ce qui signifiait que j'allais encore devoir jouer avec mon chakra et être généreuse avec celui-ci. Étant donné que j'avais l'habitude de jouer avec les limites, ça me causait pas grand soucis. Sabito, lui, affichait toujours son grand air dédaigneux alors qu'il tenait dans les mains un parchemin.

" Bon. Maintenant passons aux choses sérieuses. Puisque tu arrives à créer les lames, il faut maintenant que tu puisses les rendre tranchante au point de briser une protection de samuraï. "

Je le regardais et me mis en siffler comme pour dire qu'on déconnait pas. L'idée me plaisait. C'était pas pour rien non plus que je visais l'apprentissage de cette technique. Comme je me battais au katana, l'idée d'ôter la protection de mon adversaire me permettrait de plus lourdement lui enfoncer ma lame dans le buffet de ces derniers. Mais je n'étais qu'à la moitié de la maîtrise.

" Il faut que ta concentration soit double. A la fois dans la forme, mais aussi dans la quantité de chakra que tu vas insuffler dans tes lames de vents. Il faut qu'elle soit assez conséquente, dense afin de les rendre plus tranchantes tout en demeurant fines. Tu comprends?  "

J'affichais une petite moue avant de lui faire quelques signes.

" Plus ou moins. De toutes façons, rien ne vaut la pratique, n'est-ce pas? "

Trêves donc de blabla, et je me plaçais à quelques mètres du mannequin et je pris une grande inspiration. Je mentalisais mes lames de futon et lorsque je me sentis prête, je les expulsais en multiple. Là, ces derniers fusèrent dans plusieurs directions différentes, lacérants l'armure du mannequin. Mais j'allais pas me féliciter, je n'ai pas bien loin de la cible et puis... ce n'était que des lacérations qui pouvaient être nettement améliorer. Je tournais la tête vers mon "professeur", il avait les bras croisés et rien ne se lisait son visage. En gros, fallait que je recommence. Je m'y repris, une, deux, trois fois afin d'arriver à quelque chose de plus satisfait, jusqu'à ce que je fus obligée de changer l'armure du mannequin.

" Bien. Maintenant tu vas recommencer, mais en reculant de plusieurs mètres. Ce n'est pas une technique de contact à la base, prend tes distances et reprends. Tu verras que pour atteindre ta cible, tu vas devoir mettre plus de chakra dans tes lames. "

Je me grattais légèrement l'arrière de la tête, avant d'exécuter sagement ses recommandations. Une fois reculée, je repris mon entreprise : inspiration, lames de vent, je tranchais. La première tentative à la distance à laquelle je me trouvais n'était pas terrible, mais à la seconde ça partait mieux... la troisième, encore mieux mais j'en pouvais plus. Mes multiples tentatives avaient épuisés mes réserves au point que même Sabito m'indiqua qu'il fallait que je pris une pause. On en profita d'ailleurs pour échanger un peu.

" Tu vas enfin me dire pourquoi tu m'aides? Parce que je suis pas neuneu. Je sais bien que tu le fais pas par altruisme mais j'arrive pas à capter. "

Il s'était tû, le regard un peu plissé avant de prendre une grande respiration comme s'il allait m'avouer un truc énorme.

" Je voulais te jauger. Le fait de t'avoir croisé sur le terrain n'était qu'une opportunité pour me faire une opinion sur ton cas. "

J'arquais un sourcil à sa réponse alors que je m'allumais une clope.

" Je connais ta situation. Je parle de ta mémoire. Je te rassure néanmoins, jusque là, nous nous étions jamais rencontré mais je connaissais... je connaissais Hanae. C'était une de mes amies... proches. "

Si vous vous demandiez qui c'était, cette meuf faisait partie de mon équipe autrefois, celle-là même où personne n'avait survécu en mission, sauf moi et qui m'avait amené à finir dans le coma. Je me souvenais toujours pas d'elle, comme aucune des deux autres qui m'accompagnaient. C'était le trou noir total. Comme j'étais naturellement pas bien vue par la famille, vous vous doutez bien que j'avais pas eu l'occasion de me renseigner. J'avais plutôt droit aux insultes et d'être le bouc émissaire de leurs colères. Je dirais que ça devait être légitime puisque j'étais la responsable de l'équipe. En tout cas, je m'attendais pas à ce que ce type soit un de leurs proches.

" Alors? T'as découvert des trucs intéressants à mon sujet? "

C'était à cet instant qu'il se tourna vers moi pour me regarder droit dans les yeux.

" Tu es différente de ce à quoi je m'attendais. "

Je me mis à rire. A mes yeux, cette réponse voulait dire que dalle. C'était ni bon, ni mauvais. Les Tomeï m'avaient habitué à mieux. D'ailleurs, je le vexai un peu, au point qu'il m'engueula pour dire de reprendre l'entrainement, chose que je fis une fois que j'eus fini de fumer. Je repris les bases puisque ma petite heure de repos me permit de reprendre du poil de la bête. Face au mannequin, je reculais et préparais mon souffle pour lui envoyer la sauce.  Je ne saurais dire exactement le nombre de fois où je m'y repris mais plus je m'y tentais, plus je maîtrisais la quantité nécessaire à insuffler dans mon futon pour le rendre efficace et dévastateur. Parfois c'était trop, parfois c'était pas assez. C'est la répétition de l'exercice qui me permit de mieux en saisir les contours... et sans doute Sabito. Bon, je vous épargnerais la quantité de matériel qui avait morflé pour mon entrainement mais je dirais que je n'aurais pas à rougir d'avoir explosé les comptes du village.

Quand il apparut évident que j'avais saisi le principe de la technique et que finalement tout reposerait sur la pratique que je devrais répéter afin de la perfectionner, Sabito se décida enfin à mettre un terme à notre collaboration.

" Bon. Il est clair qu'à présent je ne peux plus rien pour toi. Il ne revinedra qu'à toi de perfectionner tes lames et ta puissance à partir de là. "

On se regarda pendant une longue minute dans le blanc des yeux - c'était un peu bizarre en fait. Le temps parut se suspendre comme s'il voulait me dire quelque chose mais il ne le fit pas. Je finis toutefois par briser ce silence pesant en tendant la main.

" Merci. "

C'était la première fois qu'il entendit ma voix. Il fut surpris mais je le vis sourire... enfin je crois. Difficile à dire, il faisait la tronche tout le temps mais on aurait bien dit que la commissure de ses lèvres s'étaient légèrement étirées.

" On se reverra de toute façon... Honoka Shirogane. "

Je haussais les épaules comme pour lui signifier que c'était comme il voulait, puis je lui souris légèrement alors que je me roulais une cigarette. Le temps que je l'allumais, il était parti. Je me retrouvais seule au milieu du terrain, avec un étrange sentiment. Si j'étais heureuse de me dire que je reprenais mes marques et de mes forces d'autrefois, plus le temps passait, plus je me rendais compte que je n'avais jamais été aussi seule. Étrange. Parce que jusque là, j'en avais rien à carrer.