Le Crépuscule des idoles, Chap 3 [Entraînement solo]

Miyamoto Hiro, fils de l'honorable Rokuro, père des genins Masaho et Masako, était un ninja respecté et respectable. L'étiquette avait pour lui une importance particulière et aucune tradition n'était boudée au sein de sa famille.

Comme tous les matins, donc, Hiro se leva aux aurores, fit sa toilette en silence, s'habilla, toujours sans un mot et sans verser une goutte d'eau dans sa bouche. Il fit ensuite coulisser la porte en feuille de riz et huma trois fois l'air frais du matin avant de s'incliner longuement en direction de l'est et de sa lumière naissante. Lentement, il descendit les quelques marches qui séparaient le jardin zen de la chambre parentale et ce n'est qu'après une heure de prière envers les ancêtres qu'il se permit de casser son jeune et son silence.

Ce jour-là cependant, même après ses cérémonies quotidiennes, il n'avait pas envie de parler. Depuis plusieurs jours, sa mère mourante semblait en proie à des délires, elle répétait sans cesse le mot "journal", comme si elle avait une ultime confession à faire avant son dernier souffle, mais, malgré tous les efforts du monde, plus aucun autre son ne sortait de sa bouche. Alors, Hiro avait décidé de mener sa propre enquête. Grâce à son grade et son statut au sein du clan, il avait un accès illimité aux archives secrètes du clan et voilà plusieurs jours qu'il fouillait dans les rapports et les comptes-rendus de sa mère pour tenter de comprendre ce qui la mettait dans un état pareil.

Le dossier 54 était un mythe au sein des Miyamoto. Un exploit accompli par sa mère et son acolyte Amane. Ensemble, elles avaient formé un des duos les plus redoutés sur-le-champ de bataille et ce rapport consignait la première pierre des deux kunoichi à leur légende. Il était question d'une lanterne légendaire, qui contenait les graines d'un arbre très rare et ancien. Après des mois de recherches en concurrence avec une centaine de mercenaires et autres chasseurs de trésors, le duo avait fini par mettre la main sur cette relique qui était venue s'ajouter à la collection de la famille, renforçant l'influence et le prestige du clan jusqu'à sa disparition pendant le schisme qui scinda le clan.

Hiro passa ensuite sur les différentes missions que sa mère avait effectuées pour le clan durant la période trouble du schisme. Rien ne lui semblait anormal. Bien entendu, il était question d'assassinats et de batailles sanglantes, mais que pouvait-on demander à des shinobis ? Il lu donc le tout avec un détachement qui aurait pu choquer jusqu'à ce qu'il tombe sur une anomalie qui l'intrigua. Comme tous les Miyamoto en service, Rokuro avait dû consigner ses missions pour les archives qui numérotaient chaque rapport. Mais il avait beau regarder, l'on passait du 94 à 96 sans la marque d'une page arrachée ou d'une réécriture par-dessus l'encre. Pourtant, la calligraphie restait sobre et lisible, aussi régulière que dans tous les rapports. Sa mère avait donc sciemment omis de mentionner cette mission, mais pire encore, les archivistes du clan, pourtant réputé pour leur rigueur, n'avaient pas relevé cette anomalie.
Hiro se leva pour interroger un ancien gardien des documents secrets du clan.

- Il manque un rapport de mission ici. Dit-il.

- Oui, cela peut arriver. Avec notre sédentarisation à Uzu, nous avons dû réécrire entièrement certains rapports, quelques professeurs de l'académie ont aidé dans la classification de nos archives

- Et ils ont donc "classifié" en oubliant des rapports ? Qui donc à classifié les rapports de Rokuro-sama.

- C'est le professeur Kawabata Yasunari, je crois, mais c'était le choix de votre mère. Cela relève d'une autorité bien plus importante que la mienne Hiro-sama.

- Très bien. Dit le vaillant épéiste en s'éloignant, insatisfait.

Hiro retourna à son étude des rapports de mission. Au fil de ses lectures, les souvenirs très lointains de son enfance lui remontaient en mémoire. Le chef du clan, Yoshitsune, aussi sévère qu'intraitable. Les forgerons du clan comme Maito ou Kiba qui lui laissait marteler le fer, les chants guerriers la veille d'une grande bataille, ses amis aussi, Hinae, Sakura et Nuriyaas, le fils d'Amane.
Au schisme, il les avait tous perdus de vue, sûrement mort dans une bataille fratricide ou un affrontement contre une bande de malfrats plus importante en nombre.

Après des heures de lecture, il dut se résoudre à l'évidence, hormis ce simple oubli, il n'y avait rien.
C'est donc avec cette seule question en tête que le vaillant gradé de la garde retourna auprès de sa mère mourante.

Il traversa le jardin d'un pas pressé, balayant les majestueuses feuilles du saule pleureur qui lui chatouillait le visage et entra dans la pièce où sa mère était alitée.

- Rokuro-sama ! Je dois savoir ! Quelle était la mission 95, celle qui n'est pas dans tes rapports de mission.

Par chance, la sensei de Sanada était dans une phase lucide et sans se faire désirer, elle raconta tout à son fils. L'ordre de mission qui l'avait guidé là où la légende du duo de guerrières était née. La certitude pour elle qu'elle devait tuer celle qu'elle aimait plus que tout au monde. Mais, même s'il s'agissait de son fils et qu'elle était à l'article de la mort, elle s'enfonça un peu plus profondément dans le mensonge qu'elle avait construit pendant des décennies et affirma qu'elle avait rempli sa mission ce jour-là.

Les moments où la matriarche Miyamoto était lucide se faisaient de plus en plus rare, c'était même la première fois que Hiro la voyait aussi "normale". Récupérant pour un instant son esprit aiguisé et son sens de la répartie.

- Pourquoi tu répètes le mot journal ?

- Journal ?

- Oui, quand tu as de la fièvre dans tes délires, tu répètes ce mot. Journal. Journal. Journal. Sans arrêt.

- Je ne sais pas..

- Maman ! S'écria Hiro en se levant, las de cette bienséance qui enfermait la parole comme l'amour. Dis-moi la vérité ! Qu'est-ce que Masako est allé chercher au juste ? C'est ma fille ! Par les ancêtres, Réponds-moi !

Mais la vieillarde était repartie dans la succursale de la mort, le regard vide, l'air hagard, elle regarda son fils comme si elle le voyait pour la première fois depuis longtemps et avait un sourire maternel.

- Hiro, mon enfant, tu devrais venir me voir un peu plus souvent.

- Oui Rokuro-sama. Dit respectueusement l'homme en s'inclinant.

Pour ce qui est des réponses, il allait de voir les chercher lui-même.

Sanada n'en croyait pas ses yeux. Devant lui, il s'agissait bien de la vieille dame qui avait disparu dans la vague explosive. Son regard semblait plus alerte, presque dément. Dans l'obscurité de la nuit, un son vrombissant éclata, tout près d'eux. Incapable d'anticiper ce qu'il ne pouvait voir, Sanada ralluma la torche à ses côtés et invoqua une lueur composée de chakra raiton qu'il éleva pour éclairer la scène.

- Le journal contre la lanterne ! Dit-elle avec un enthousiasme qui tenait de la folie. Donne-moi le journal ! Je le veux !

Il observa avec horreur la vieille dame manipuler l'eau, de ses doigts, elle semblait extirper une gigantesque colonne de l'océan. En quelques instants, la colonne se transforma en un immense serpent. L'animal ouvrit une gueule qui devait faire plus de trois mètres d'envergure et se dressa, dominant de toute sa taille le bateau uzujin qui paraissait bien frêle comparé à la créature aqueuse.

Dans un mouvement aussi rapide que dévastateur, le serpent sembla vouloir avaler le bateau entièrement. À la vue des tonnes d'eau tombant sur eux, Sanada eut à peine le temps de pousser Masako en dehors de l'embarcation. Il tenta ensuite de composer les mudras du corps de l'orage afin de limiter les dégâts, mais il était trop tard. La cascade de chakra suiton s'écrasa contre le bateau, le brisant sans mal. Sanada fut projeté avec une telle force qu'il perdit connaissance. Heureusement pour lui, il atterrit sur une large partie de la coque qui flottait encore.

Dans un coin de son esprit, il pouvait encore entendre le vrombissement des vagues et les rires d'Amane. Les cris de Masako aussi, contrainte de monter à bord de l'embarcation de la vieille folle sous la menace de clones aqueux. Puis l'océan s'apaisa, les rires s'éloignèrent, le silence de la nuit emporta définitivement le soldat des Cinq hors de la conscience.



C'est un picotement qui le réveilla, comme si Masako s'amusait à le pincer avec ses ongles. Mais pourquoi faisait-elle donc cela ? Ils n'étaient pas assez proches pour qu'elle se permette une telle chose, et pourtant, il sentait bien cette sensation désagréable.

Lorsqu'il ouvrit les yeux, il tomba nez à nez avec un corbeau qui, effrayé, s'envola en coassant d'agacement. Il n'allait pas pouvoir se remplir la panse cette fois.
Sanada tenta de se relever, mais tous ses muscles étaient endoloris. Il tourna la tête avec difficulté, sa nuque semblant ne pas vouloir bouger d'un iota, pour apercevoir la mer à perte de vue. Pourtant, il ne se sentait pas tanguer. l'eau mordante de froid le recouvrait régulièrement avant de laisser sa place au vent qui le glaçait encore plus. Serrant les doigts sur ce qui le maintenant hors de l'eau, Sanada comprit qu'il était sur une plage. Il faisait encore nuit. Il avait tellement envie de dormir encore. Fermer les yeux pour avoir moins mal.. Masako !

Les souvenirs jaillirent dans son esprit comme des coups. La vieille Amane, Masako, il fallait qu'il la retrouve. Il était prêt à parier que cette femme l'avait embarquée et qu'elle allait maintenant la rançonner contre le journal de Rokuro. Mais comment savait-elle ? Proche de Rokuro, elle connaissait peut-être son penchant pour les confessions intimes, ou bien elle avait des taupes au sein du clan puisque la rumeur de ce journal s'était ébruitée.

Il se releva, chaque pas était un effort incommensurable, le sable ne l'aidait pas. Ses pieds s'enfonçaient dans le sol meuble et mouvant, rendant l'exercice encore plus périlleux. Le chuunin parvint à peine à faire quelques mètres avant de retomber dans les pommes.

Cette fois-ci, il n'allait pas se relever de si tôt. Et, malheureusement pour lui, une autre surprise l'attendait au réveil.

Les yeux encore clos, Sanada sentait pourtant l'odeur du bois en train de brûler. Il sentait d'autant plus la douce chaleur qui se diffusait sur sa peau. C'était agréable. Il tenta de se relever, mais il avait encore trop mal. Après quelques hallucinations, il fut relevé et on le força à avaler une mixture gluante. Le jeune homme se retint de vomir. Il sentit son abdomen le heurter violemment à la contraction de ses muscles. La vue encore incertaine, il distingua d'épais bandages qui pensaient son flanc droit.

- Allom ! Talata liam tipki !

- Pardon ? Dit Sanada qui n'était pas certain de comprendre. C'était la voix d'une femme. Douce.

- Hush rigal. Lazem thighi naiim ala mahadonesa.

La douleur s'estompa presque instantanément. Pendant une seconde. Sanada se demanda si elle ne venait pas de l'achever. Il ne sentait plus rien. Plus aucune douleur ni sensation. Il se sentait totalement coupé du monde, comme hors de son corps tout en y étant prisonnier. Heureusement, cet état angoissant ne dura pas. Le jeune homme fut emporté par le cocktail de plantes tropicales et sombra dans un sommeil sans rêves.

Le bal dura ainsi deux jours et deux nuits. Quand le soldat des Cinq se réveillait, il sentait des mains le relever, le forcer à boire cette mixture gluante, puis il sombrait, enlacé par une couverture de fourrure et la chaleur des flammes du feu de camp.

Au troisième jour, il avait assez repris de force pour se relever tout seul.

Il regarda autour de lui et remarqua qu'il n'y avait personne. Il semblait être dans le repère d'une seule âme à en juger par le lit de paille et l'aménagement. Les murs de l'endroit semblaient ronds et faits d'une seule matière sans démarcation entre les planches ou les briques. Il n'avait jamais vu cela. Pour la première fois depuis des jours, l'uzujin se releva complètement pour sortir de la petite hutte. Il s'éloigna de quelques pas et regarda à quel genre de cabane, il avait à faire. À sa grande stupéfaction, il s'agissait d'une espèce de noix de coco géante qui avait été creusée de l'intérieur pour former une maisonnette somme toute coquette. Des petites fenêtres avaient été sculptées et des rideaux de feuilles de bananiers servaient l'intimité, accessoire dérisoire tant l'endroit paraissait inhabité à perte de vue. Jamais Sanada n'avait vu une habitation de la sorte. Jamais non plus une coque aussi grosse. Il leva les yeux avec crainte. Si c'était ce genre de noix de coco qui tombait des arbres, mieux valait ne pas trop rester en dessous d'eux.

L'esprit réveillé par l'air humide de la forêt tropicale, Sanada se décida à enlever son bandage. Une grosse partie de son flanc droit était couvert d'hématomes, sur plus de dix centimètres, une entaille semblait avoir été cousue et recouverte d'une mixture. À peine avait-il enlevé le cataplasme verdâtre que le sang se mit à couler abondamment de la plaie. Sanada regretta que la Sorcière ne soit pas avec lui. Elle était capable de soigner ce genre de blessures en quelques heures tout au plus.

- Baka lagtala ni tu siref ne defae ! Dit une voix perdue dans le feuillage touffu environnant.

Une femme apparut soudain. Elle avait des yeux bleus perçants, soulignés par un maquillage uniforme ocre qui lui recouvrait toute la partie supérieure du visage. Sur son front, un bandeau comportait des plantes séchées, des coquillages et des perles qui entouraient le crâne d'un oiseau. Sa coiffure mêlait véritables cheveux à des innombrables plumes dont les couleurs rappelaient l'ocre et le blanc de son maquillage. Malgré sa jeunesse, cette femme avait le port de tête d'une noble, une façon de se mouvoir agile et gracieuse qui jurait, pour Sanada avec l'image qu'il se faisait des tribus sauvages des îles. Lui-même ressentit de la honte à cette surprise, lui qui maudissait les préjugés, en était aussi victime.


- Je ne parle pas votre langue. Dit Sanada en s'inclinant légèrement à cause de la douleur.

- Toi. Non bouger. Moi Yasei. Toi ?

- Je m'appelle Sanada.

- Je m'appelle Yasei.

- Mais Yasei veut dire "sauvage"..

- Toi m'appelle Yasei. Toujours vous appeler Yasei.

Sanada compris que ce n'était pas la première fois que la jeune femme rencontrait une personne de son monde. Et sans doute, ses prédécesseurs lui avaient donné ce prénom. Sanada ressenti encore plus de honte à cette pensée.

- Moi Sanada. Toi ? Dit-il en montrant d'abord sa poitrine avant de pointer celle de son interlocutrice.

- Moi Yasei. Dit-elle d'un ton froid.

Elle força ensuite Sanada à s'allonger puis enleva le reste de cataplasme. La jeune femme sortit ensuite une petite boite contenant de grosses fourmis noires et en attrapa une entre deux doigts avant de la coller contre la plaie ouverte de Sanada. Le petit insecte referma ses mandibules par réflexe, recollant les deux pans de la peau déchirée, avant de se faire décapiter, laissant sa tête collée à la plaie.
Yasei continua ainsi pendant d'affreuses minutes. Cela faisait horriblement, mal, mais Sanada ne voulait pas le montrer. Avec plus d'une vingtaine de têtes de fourmis sur la cicatrice, celle-ci arrêta de saigner. La fille de la forêt recouvrit le tout d'un cataplasme puant et termina par bander le tout avec des feuilles souples.

- Toi dodo. Ji ela nitarefi. La hiya no tsatu.

Sanada se recoucha, non sans avoir allumé son calumet. L 'effet de ses plantes alliées à celles de Yasei eut un effet immédiat. Sanada s'endormit encore, mais cette fois-ci, c'était un véritable sommeil réparateur.

Le guerrier emballa ses affaires, le sabre qui l'avait suivi depuis son entrée dans l'École de l'Air, branche privilégiée de sa famille, puis demanda au port la réquisition d'un équipage. Bien que village shinobis, des hommes et des femmes sans maîtrise du chakra travaillaient pour la cité. C'était le cas des équipages de virvolteurs, des marins appartenant à Uzu et chargés du transport des ninjas ou de matériel important sans être primordial en mer.

Une escouade de ses fameux virvolteurs se présenta quelques minutes plus tard devant le Miyamoto en s'inclinant profondément. Malgré leurs aspects débraillés qui traduisaient le superficiel des vêtements brodés au cœur des tempêtes, les virvolteurs avaient une profonde connaissance de la hiérarchie du village et de l'étiquette des clans shinobis. S'ils pouvaient parfois rire avec un Fuma, les Miyamoto semblaient moins enclins à la rigolade. Et au vu de la mine sévère de cet homme, ils n'allaient sûrement pas se bidonner durant le voyage.

- Je me présente, Miyamoto-sama, on m'appelle Souris, chef cuisinier. Dit un petit homme mince qui avait les deux dents supérieures qui ressortaient à la manière d'un rongeur.

- Moi c'est Albatros, mais appelez-moi Al. Je tiens la barre et je trace les itinéraires. Dit-une femme aux membres anormalement longs, qui semblait de ce fait un peu pataude. Son visage en revanche était fin et noble, malgré les tatouages et les cicatrices qui bardaient chaque centimètre de sa peau.

- Baleine pour vous servir. Dit un immense marin avec un ventre si rond et volumineux qu'il ne semblait pas voir ses pieds. Je tire sur les écoutes et je m'occupe des cordages avec mes camarades.

Encore dans l'ombre, une fine silhouette apparut dans la lumière produite par une torche murale. Tout aussi débraillée que les autres, elle avait deux larmes tatouées sous l'œil droit, un visage magnifique et un teint hâlé qui trahissait sa vie au large. Vêtu d'un corset de cuir où était attaché de multiples projectiles, l'armure entourait simplement sa taille, le reste du buste étant couvert par une simple chemise de coton grossière. Une large ceinture retenait un cimeterre de belle facture, tenu par une main marquée d'une simple croix. Ses bras, eux, étaient couverts de symboles ésotériques au Miyamoto.

- Tout le monde m'appelle Skull. Je suis une shinobi affilié aux voltigeurs. Vous avez de la chance, notre équipage est libre. On ne fait pas dans le simple transport d'habitude. Nous larguerons les amarres quand vous le voudrez Miyamoto-sama. Termina-t-elle d'un ton où l'ironie ne pouvait être cachée.

Hiro n'avait pas le temps de pinailler sur la bienséance, surtout que le reste de l'équipage avait multiplié les marques de respect. Il lança donc un regard sévère à la jeune femme et monta sur le navire d'une quinzaine de mètre.

Le dénommé Baleine se mit à tirer sur une des cordes les plus épaisses avec une telle force que les poulies chauffèrent, laissant échapper par moment un léger filet de fumée. La grande voile bleu ciel fut hissée par la force de ce seul homme tandis que les autres semblaient avoir du mal à lever les petites. Al, elle, était à la manœuvre, enroulant ses trop longs bras autour du gouvernail tandis que Skull criait ses ordres aux marins pour que l'embarcation soit le plus rapidement au large.

La circulation dans le grand port de commerce était édifiante et pour un navire de la taille de "L'animalerie" comme l'avait surnommé l'équipage, c'était un exercice périlleux qui pouvait parfois prendre des heures. Il fallait donc profiter de la moindre accalmie pour quitter les immenses quais au plus vite.

- Bienvenue sur l'Animalerie ! Dit Skull entre deux lampées d'une bouteille aux odeurs du sud. Où est-ce qu'on va ?

- Cap sur les ruines de Takashiho.

Hiro avait un pressentiment guidé par l'ancêtre qui servait son pouvoir héréditaire. Tout avait commencé avec l'accomplissement de cet exploit pour Rokuro comme pour Amane, il était donc naturel d'y retourner.

Les premières lueurs de l'aube le réveillèrent, le jeune homme se releva avec bien plus de facilité même si son flanc droit le heurtait toujours.

- Bonjour. Dit-il à la jeune femme qui s'affairait devant le puissant feu d'une voix encore enrouée.

- Sita ! dit Yasei d'une voix forte. Toi dormir bien. Toi partir.

- Oui, je vais partir, mais tu peux me dire où je suis d'abord. Je suis à la recherche d'une jeune femme et d'une vieille qui l'a enlevé.

À ces mots, Yasei arrêta de dépecer le serpent qu'elle tenait entre les mains et regarda Sanada de ses yeux perçants. Elle avait bien vu un bateau de fortune se diriger vers le village des Hunshi, de terribles guerriers maniant la sarbacane et qui mangeaient le cerveau de leurs ennemis.

- Fille morte. Fille pas bébé couic ! Dit-elle en montrant successivement son ventre et sa gorge.

- Un sacrifice de vierge ?

- Fille pas bébé, couic ! Répéta-t-elle.

Pourquoi Amane amenait-elle Masako dans ce village ? Par pure vengeance ? Pour satisfaire la tribu ? Ou plutôt attirer le jeune homme dans son piège ?
Sanada n'avait pas la réponse, pas plus qu'il n'avait le choix.

- Je dois aller la sauver ! Dit Sanada en se levant.

- Toi pas bouger ! Répondit Yasei avec force.Fille couic grosse lune.

- Tu veux dire qu'ils vont la sacrifier à la pleine lune ?

- Oui. Toi mourir. Tribu plus fort que toi.

- Et toi qu'est-ce que tu fais là ?

- Moi fille pas bébé couic couic ! Mais moi faire serpent. Coule dans la mer. Moi pas couic. Moi pas mourir.

- Mais pourquoi rester ici alors ?

- Tiregima ni ! Ma asriky balla litbona ! Dit-elle soudain énervée en s'éloignant. Juste avant de disparaître dans le feuillage, elle se retourna vers le soldat des Cinq. Si toi sauver fille pas bébé, toi faire serpent. Serpent coule. Serpent coule dans la mer.

Incapable de comprendre parfaitement ce qu'elle voulait dire, le jeune homme se contenta d'acquiescer. Apparemment, elle voulait l'aider, ce qui était plus que bienvenu au vu de sa situation. Il était loin de la lanterne. Cette fameuse lanterne qui pourtant venait d'une légende qui n'existait pas. C'était à ne plus rien y comprendre. Comme si, quelles que soit ses actions et son dévouement, une partie de la vérité ne lui était pas destinée. Comme si la vérité n'était que des fragments éparpillés entre les mortels. Il fallait prendre sa part, mais la prendre tout entière comme disait un auteur célèbre.

Pour le moment son seul objectif était de sauver Masako et de pouvoir s'enfuir afin de remonter une expédition digne de ce nom. Rokuro allait-elle tenir encore des semaines ? Ce n'était pas certain. Son état de santé, mais surtout son état mental se dégradaient selon sa propre petite-fille. Cette même petite-fille qui risquait d'être sacrifiée dans une sombre cérémonie dans quelques jours.

De retour de chasse, Yasei invita Sanada sur la plage pour lui faire une démonstration du "serpent qui coule". Il s'agissait en fait de la même technique usée par Amane, la "Gueule du Serpent" un arcane ninjutsu de très haut niveau.
Si Sanada avait lu des chapitres entiers concernant ce parangon de l'animalité chakratique, jamais il n'avait pu être témoin, sans en être victime, d'une telle technique. La majestuosité du serpent et sa taille le frappèrent, mais encore plus, c'est la facilité avec laquelle Yasei exécuta cette prouesse qui le choqua. Sans aucun mudra, la jeune femme venait de sculpter un magnifique serpent de mer de plus de dix mètres de long. Elle l'envoya s'écraser contre des arbres au-dessus de la plage et à la grande surprise du chunin, une rivière s'y créa instantanément, laissant l'eau déferler des petits monts jusqu'à la mer.

- Toi faire serpent. Serpent mordre et coule.

- Mais tu n'as pas fait de mudras ! Si tu ne me montres pas les mudras, je peux pas le faire.

- Mudras ? Pas mudras, comme ça ! Dit-elle en sculptant cette fois-ci un requin sans une once de difficulté.

Sanada éclata de rire. Pour la première fois de sa vie, il croisait une personne sachant manier le chakra à la perfection sans même connaître le mot de chakra.

- Yasei, tu ne mérites pas ton nom, personne ne le mérite d'ailleurs. Je te renomme Mizuo, car tu es une princesse de l'eau ! Je t'appellerai Mizuo à partir de maintenant.

La jeune femme ne répondit pas. Le visage fermé, elle regardait Sanada avec calme, mais détermination.

- Tu attends vraiment que je fasse ce truc sans mudras et tout de suite ?

- Toi faire serpent.

Sans un autre mot, elle disparut pour rentrer dans sa maison si particulière. Sanada était au pied du mur et pourtant, il ne devait pas baisser les bras. Il attrapa sa besace qui était heureusement étanche, et vida tout le contenu sur le sable. Entre le gros grimoire de sa mère et ses effets personnels dont ses flacons d'herbes séchées, il fit le tri dans les quelques livres qu'il avait emporté avec lui.

Sur les trois bouquins, un seul parlait de ninjutsu. Et bien entendu, du suiton. Malgré cela, la formation académique du jeune homme le formatait suffisamment pour qu'il ne puisse commencer un entraînement sans une recherche théorique, aussi mince soit-elle. Il avala donc le bouquin et en ressortit une certaine quantité d'information et de théorie qui pouvait s'appliquer à la technique.
Ses premiers essais furent risibles et il remercia les cieux d'être seul.

Lui, qui se targuait d'être un spécialiste du ninjutsu, faisait pâle figure face à la jeune femme d'apparence sauvage qui faisait plier les flots d'un mouvement de la main, ou encore plus bluffant, d'une simple volonté de l'esprit.

Toute la nuit durant, Sanada théorisa la technique pour tenter d'en dégager des mudras. Maintenant qu'il avait un peu d'expérience et de connaissance en matière de ninjutsu, il se pensait capable de trouver les mudras par lui-même. Après tout, il avait déjà créé quelques techniques personnelles. Le seul problème est que dans le cas des techniques qu'il avait inventées, il avait mis des semaines à trouver les bons mudras, beaucoup trop pour le temps qu'il lui restait. À peine trois jours avant la pleine lune.

L'animalité chakratique avait toujours été une incarnation partielle de l'élément pour Sanada. L'eau pouvait ainsi être changée en méduse, en dragon, en serpent, ou bien même, pour les spécialistes de poisons, en moustiques guérisseurs. Il y avait une certaine logique à l'expression d'un pan de la nature en une forme animale. Une raison aussi.

La première journée fut entièrement consacrée à la création des mudras. Sous l'œil amusé de Mizuo, Sanada tenta d'abord les prémisses de toutes ses techniques d'incarnations chakratiques animales. Aux deux mudras, s'ajoutèrent deux autres, communs au dragon aqueux, technique qu'il maîtrisait depuis peu. Cet ensemble de signes incantatoires étaient à même de créer une certaine quantité d'eau assez chargée en chakra pour pouvoir être sculptée. À partir de cette base, il tenta de compléter la suite de mudras pour pouvoir concentrer une plus grande quantité d'eau tout en gardant sa propriété malléable. Enfin, il fallait compléter par un signe transmettant une fraction de sa propre conscience à la manière des clones ou de la murène d'orage. Ainsi, la création devenait indépendante du lanceur, pouvant traquer sa cible ou se transformer de son propre fait. Elle possédait ainsi l'autonomie nécessaire pour être un allié plus qu'un simple outil.

Il tenta de se remémorer l'image du serpent aqueux d'Amane pour le comparer à celui de Mizuo. Celui de la vieille Miyamoto avait une gueule triangulaire et un corps uniforme, d'un bleu assez foncé qui semblait composé de la couleur du fond des océans. Celui de l'insulaire était plus féminin. Fin avec des motifs ronds qui partaient du vert turquoise pour aller vers le bleu ciel en dégradé. Comme pour le dragon aqueux, la singularité de l'empreinte chakratique s'exprimait donc dans cette émanation. Cela semblait être une loi immuable. Comme la même partition ne donnait pas le même morceau selon les musiciens, chaque artiste martial avait une façon unique d'exécuter une technique, malgré la similitude des mudras.

Aidé de cette logique héritée de l'esprit analytique des Omura et de quelques prières mystiques. Le jeune homme réussit à obtenir les conditions nécessaires à la sculpture du serpent. La première étape était achevée. Le seul problème, c'est que le soleil pointait le bout de son nez. Il était exténué et son flanc droit le lançait en permanence. Il fallait qu'il se repose, mais il lui restait deux journées et une nuit. Moins de deux jours pour apprendre un arcane complexe et sauver la Miyamoto des griffes de la vieille Amane et du village de cannibales.

Malgré la lumière, Sanada s'endormit à l'ombre de la noix de coco géante qui servait de maison à Mizuo.

Pendant des jours, Hiro rechercha des indices sur ce lieu. Ancienne cité mythique à l'origine de la légende de la lanterne, c'était aussi un lieu cher à sa mère qui lui en parlait souvent quand il était petit. Mais un jour, brusquement, elle avait cessé d'en faire allusion. Il trouva quelques marques sous-marines d'activité shinobi. Quelques techniques suiton étaient ainsi gravées au milieu des symboles d'un autre temps, comme si quelqu'un les avait mis là pour ses contemporains.

C'est au quatrième jour qu'ils apparurent. Alors que Hiro, résigné de ne rien trouver de probant dans ce secteur, restait cloîtré dans sa cabine à relire les rapports de sa mère, il entendit une agitation inhabituelle sur le pont supérieur.

Il monta les escaliers biscornus de ce bateau vraiment pas comme les autres et tomba nez à nez avec un étrange convoi de plusieurs plateformes flottantes qui semblaient attachées les unes aux autres. Dans la lueur éclatante de l'après-midi. Le petit peuple qui se pressait vers le bateau ne réclamait qu'une chose, à l'unisson.

- De l'eau. De l'eau, s'il vous plaît !

L'animalerie disposait d'une belle réserve du liquide vitale et distribua sans peine ce qui lui restait. Le bateau allait repartir et avec leurs gourdes personnelles pleines, ils allaient pouvoir tenir durant les deux jours de voyage.
Hiro sauta sur le village flottant. Malgré l'aspect déplorable des bâtiments, il fut étonné de la stabilité des plateformes. Il marcha longuement dans le dédale puant et miséreux. Les habitants semblaient partagés entre la crainte et le respect pour ceux qui les avaient sauvés d'une mort certaine.

- Qui est votre chef ?

- Il nous a quittés, il y a de cela des semaines. Il va et vient entre ce village et le vôtre, je crois. Dit une femme qui allaitait un enfant squelettique.

- Comment ça ? Quel village ?

- Vous ne venez pas d'Uzushiogakure ? Demanda-t-elle les yeux remplis d'espoir. Il lui est peut-être arrivé quelque chose !

- Attendez, vous dites que votre chef est au village d'Uzushiogakure ? Pour faire du commerce

- Non, son cousin et sa mère y habitent, je crois. Je ne sais plus. Je suis si faible. Nous devons continuer la route. Sans lui, nous sommes perdus. C'est lui qui nous a rassemblés.

- Nous allons vous remorquer jusqu'à notre village. Là, les Omura vous soigneront et nous donneront de quoi vous sustenter. Mais il faut me parler en échange.

- Je vous dirais tout ce que je sais. Il nous a abandonné de toute façon !

- Non Hibi ! C'est pas vrai ! Jamais il ne nous laisserait. C'est lui qui nous as trouvé ! Il nous a donné une vie, un refuge.

- Il nous a abandonnés !

- Non ! Il reviendra !

- Comment s'appelle-t-il ? Demanda promptement Miyamoto pour tenter de couper court à l'affrontement qui couvait.

- Notre leader ? Nuriyaas. Répondirent-ils tous en chœur.

Les yeux de Hiro s'écarquillèrent de surprise. Nuriyaas, le fils d'Amane, était mort il y a des décennies, du moins, c'est ce qu'il avait toujours cru.

- Sanada ! Kôom ! Kôom ! Sanada !

La voix de Mizuo réveilla sa conscience. Elle était au-dessus de lui, la main posée sur sa bouche pour qu'il ne puisse parler.
Le chuunin comprit vite pourquoi. Au-dehors, des lueurs de torches lointaines et des voix se faisaient entendre. Peut-être qu'il avait été trop bruyant durant son entraînement. Ou bien Amane avait ordonné une chasse à l'homme.

- Village loin. Chasseur. Pas parler. Dit-elle. Elle avait éteint toutes les lumières de la charmante maisonnette. Des cadavres de fruits à coque géants parsemaient cette drôle de forêt tropicale, son habitation avait l'avantage d'être ainsi parfaitement intégrée dans le décor pour peu qu'on ne regarde pas de trop près.

Mizuo et Sanada restèrent immobiles et silencieux pendant presque une heure, laissant les voix qui parlaient un dialecte étrange qui ressemblait à la langue de Sanada s'éloigner définitivement.

Mizuo ne ralluma aucune de ses bougies en graisse de cachalot et invita plutôt Sanada à la suivre.

Presque remis de sa blessure au flanc, le jeune homme tint le rythme sans mal. Si la maîtrise du suiton de la belle était extraordinaire, le chunnin remarqua très vite qu'elle ne savait pas se déplacer aussi rapidement qu'un shinobi formé. Elle avait une grande aisance en milieu forestier et cela se voyait, mais rien qui ne dépasse les aptitudes d'un pisteur sans chakra. Elle remonta la piste des chasseurs pour les suivre et ils montèrent ainsi une montagne recouverte de forêt pendant plus de deux heures. La pente était si raide que plusieurs fois, Sanada failli tomber et il dut se résoudre, un peu honteux, à utiliser la technique de marche sur les arbres pour ne plus être gêné. Mizuo, elle, n'était certes pas très rapide, mais grimpait à une allure régulière, ne regardant pas ses pieds sans jamais trébucher.
Quand ils arrivèrent sur la crête, l'autre pan de l'île se dévoila. Le village était placé sur le flanc de la montagne. La raison était assez simple, si de l'autre côté le dénivelé était sinueux, il descendait jusqu'à la plage et à la mer. Ici, en revanche, le paysage semblait s'arrêter brusquement, comme si la montagne se terminait en falaise, la mer à plusieurs centaines de mètres en contrebas.

- Toi prendre la fille, toi Serpent qui coule ici. Dit-elle en désignant une grande rigole, sans doute vestige d'une rivière aujourd'hui asséchée.

Sanada comprenait ce qu'il devait faire, mais surtout, ce qu'elle avait fait pour fuir le village.
Il regarda le visage peint de la belle aux yeux azur et ne put s'empêcher d'éprouver de l'admiration.

Le corps enfermé par le village et son statut, l'esprit enfermé par l'apprentissage et la doctrine uzujin, il en avait oublié la richesse du monde qui l'entourait. Que le chakra était un fluide universel qui ne se souciait pas de l'apparence ou de la richesse. Plus il la regardait, plus il bénissait les dieux et la nature d'avoir des lois immuables, incontestables, que la plus grande tyrannie des hommes ne pouvait contester.
Pour maîtriser la gueule du serpent comme elle le faisait, il fallait retourner à la source du pouvoir. Loin d'une doctrine théorique basée sur une prétendue raison, l'esprit, temple de l'empirisme, n'avait besoin que du monde qui l'entoure et de la conscience de celui-ci en son sein pour développer un savoir effectif. Le ninjutsu avant d'être pensé, devait avant tout être pratiqué.

Ils rentrèrent en silence. Mizuo semblait, au contraire de Sanada, ne pas parler pour ne rien dire. Mais pour une fois, le jeune homme ne s'en offusquait pas. Il réfléchissait.

La leçon fut profondément gravée dans l'esprit du jeune homme qui commença à sculpter un immense serpent après avoir effectué les mudras qu'il avait mis au point. Le corps longiligne d'abord. Prélevant la matière à l'océan, il tenta de compresser une gigantesque quantité d'eau en une colonne, mais la masse était bien trop lourde et difficile à manipuler pour le chakra du chuunin.

Alternant les moments de repos afin de reprendre de l'énergie. Le jeune homme pratiqua la technique sous le regard attentif de Mizuo qui s'occupait de son petit potager ou coupait du bois pour la nuit. Quand elle partit se coucher, Sanada était toujours sur la plage.

Il avait sommeil, et pourtant, il devait continuer. Et puis comme aimait bien le répéter la Pythie, il avait bien l'éternité pour dormir.

Mizuo se leva avec le soleil. C'était le grand jour, elle espérait que cet étrange jeune homme qui s'était échoué allait réussir à sauver cette fille. Depuis son échappée miraculeuse des griffes de la tribu cannibale, presque six ans, elle n'avait pratiquement pas eu de contact humain. Elle avait d'abord été arrachée à sa tribu de nomades lors d'une attaque surprise des cannibales sur les flots. Incapable de résister, la petite troupe de marchands ambulants avait été massacrée. Seule la jeune femme, alors adolescente, avait survécue, attachée durant des semaines avant de devoir attendre une pleine lune pour être dévorée vivante dans l'étrange village de cette minuscule île reculée. Depuis, n'ayant nulle part où aller et craignant plus que tout la cruauté du monde des rares hommes du continent "civilisé" qu'elle avait croisé, elle avait bâti sa vie en ermite, malgré elle.
De par son éducation ouverte sur les autres, elle avait appris la langue de Sanada que ses parents maîtrisaient parfaitement. Mais il fallait bien se l'admettre, elle avait perdu la main.

Le jeune homme dormait près des braises, sa cape relevée sur sa joue, ne laissant dépasser que ses cheveux tressés et son front. Elle le trouvait étrange. Malgré ses habits, il ne ressemblait pas totalement aux hommes qu'elle avait croisés. Elle avait hésité sur son sexe lorsqu'elle l'avait traîné jusqu'à chez elle et n'avait été éclairer qu'après les soins qu'elle lui avait prodigués. Cela ne l'aurait pas dérangé qu'il soit une femme, elle n'en avait que faire. L'amour et l'attirance physique ne faisaient pas partie de son monde. Loin de le regretter, elle ne l'appréhendait même pas.

Lentement, elle posa sa main sur le front du jeune homme et chuchota à son oreille.

- Kôom Sanada. Kôom.

Le jeune homme avait sans doute veillé tard. La gueule du serpent était une technique complexe de ninjutsu, même si Mizuo n'y avait jamais vraiment réfléchi. Parfois, elle voyait des pirates s'affronter au large, usant du même pouvoir hérité de ses parents, ils usaient de techniques similaires, le suiton étant naturellement l'élément roi au milieu de l'océan.
Pourtant, le suiton que développait ce jeune naufragé était encore différent. Son analyse n'était que pur flair et instinct, elle, pour qui le suiton n'avait plus de secret, distinguait les infimes nuances des ninjas qui manipulaient l'eau. Dans le cas de Sanada, celui-ci semblait avoir plus de mal à manipuler l'eau salée que l'eau douce, comme s'il pouvait jouir d'une source d'eau artificielle depuis le début de son apprentissage du domaine. Pourtant, pour une création telle que le serpent d'eau, il fallait une telle quantité que l'emprunter à l'océan était une nécessité.

À peine une soupe de crabe avalée, Sanada reprit son entraînement. Il n'avait que quelques heures pour finaliser sa technique et avec l'énergie qu'elle lui prenait, il ne pouvait faire que quelques essais pour ne pas s'épuiser totalement avant la mission périlleuse qu'il allait entreprendre.

Il exécuta les mudras en faisant face à l'océan, de ses mains, il sculpta une colonne d'eau tournoyante si compressée qu'elle en était solide.
Peu à peu, la colonne d'eau abandonna sa forme artificielle pour gagner en souplesse, des formes géométriques s'incrustèrent dans l'eau, puis, la tête se forma, reptilienne mais large.
À la grande surprise de Sanada la transformation ne cessa pas et deux larges membranes d'eau d'un bleu plus foncé couronnèrent bientôt la tête de la créature.
Un magnifique cobra d'eau ondulait, soulevant de gigantesques gerbes d'eau par ses mouvements ondulatoires d'une force colossale. Malgré sa forme totalement achevée, le serpent semblait manquer de la pointe d'âme nécessaire à son individualisation. Les créatures d'Amane ou de Mizuo ressemblaient à de véritables monstres certes, mais ils en avaient aussi le comportement. Bien qu'aux ordres de leurs créatrices, ils semblaient totalement autonomes, tout le contraire du serpent de Sanada.

Le jeune homme prit une pause afin de tenter de comprendre comment insuffler ce souffle de vie. Si Mizuo n'avait pas besoin de penser le ninjutsu, lui devait tout de même se résoudre au strict minimum, quand bien même il voulait l'imiter.

Mizuo vint s'asseoir à côté de lui, toussant allègrement en passant dans le nuage de fumée qui enrobait le jeune homme.

- Serpent qui coule vivant. Lui vivant. Toi vivant, eau vivant. Tout vivant. un et un.

- Je ne comprends pas. Il est vivant ? Oui enfin, animé. Mais c'est pas vraiment un animal.

- Serpent qui coule vivant. Serpent qui coule enfant toi et eau. Eau vivant, toi vivant, serpent vivant.

- Tu veux dire que selon toi, il y a une "conscience" de l'eau et des éléments et qu'il faut que la mienne s'unisse ?

- Naehal tsarji bintabaletessi ! Toi parler compliqué. Toi faire compliquer. Toi penser simple. Toi faire simple. Toi vouloir croire. Non. Regarde.

Sans un autre mot, elle s'éloigna.

Sanada resta un moment assis, savourant son calumet en réfléchissant à ce que lui avait dit Mizuo. Il fallait regarder ? Mais quoi ? Unir un bout de l'essence de l'eau avec la nôtre ? Mais comment, l'essence de l'eau existait-elle seulement ?

Soudain, tout lui parut clair. L'eau était en lui, comme tous les éléments, il n'était qu'un autre élément de la nature et un de ses prismes. Le grand tout n'était pas juste fait pour être pensé, il était fait pour être vécu. C'était une sensation très étrange pour Sanada.
Pour la première fois de sa vie, il se sentait pleinement, entièrement ancré dans la terre des mortels. Les arbres, les pierres, les flammes qui bougeaient sous la mélodie du vent, tout lui paraissait familier, non pas comme lorsque l'on croise quelque chose d'habituel non. Le royaume qui l'entourait ne souffrait plus du filtre de son corps qui séparait artificiellement le monde de sa cathédrale intérieure. Pour la première fois. Il distinguait clairement son temple gardant son esprit au sein de la grande chapelle de la nature. La greffe lui avait donné les clés pour ouvrir cette porte, mais c'est Mizuo qui semblait l'avoir poussée.

Des frissons parcoururent le jeune homme. Rien ne semblait pareil. De la petite fourmi aux creux des vagues. Tout, tout lui appartenait autant qu'il leur appartenait.

Sanada s'approcha des flots et lança la technique sans y penser. Fusionnant avec l'océan, il ne chercha pas à le transformer, mais simplement à dévoiler la nature même de sa relation avec l'eau. Le corps longiligne se forma avec rapidité, la tête s'anima. La créature poussa un cri vrombissant en direction de Sanada qu'il fut le seul à entendre.
Le gigantesque animal ondula autour de son partenaire, dévoilant sa formidable puissance au jeune homme qui n'en croyait pas ses yeux. Il avait réussi.

- Sanada. Toi repos. Partir. Une heure.

Hiro avait laissé sa cabine à Hini pour qu'elle endorme son bébé avant qu'il puisse l'interroger. Il avait pris le soin d'aménager une table remplie de victuailles. Quelqu'un d'affamé qui mangeait était toujours plus enclin à la confidence. Mais Hiro n'avait même pas besoin de cela. Totalement inconsciente des enjeux de ce qu'elle racontait, Hini se confia sans préserver un seul secret.

"Je suis née dans une île au nord des Trois Soeurs. Chez moi, il y a des castes, et je faisais partie de celle des intouchables. J'ai vécu une vie de misère, encore plus que maintenant, et c'est possible, jte l'jure. Nuriyaas a débarqué il y a à peu près vingt ans sur mon île. Il parlait de refonder son clan par la destruction. Qu'il allait laver l'affront de sa mère qui avait voulu le tuer. Il maudissait sa passivité, son manque d'envie de vengeance. On a jamais trop su de quoi il parlait. Tout ce qui nous intéressait nous, c'était de changer. Oh, on savait que ce n'était pas pour notre génération. Mais avec sa semence, nous allions pouvoir créer un nouveau clan de shinobi. Tous les enfants que vous voyez ici sont de lui. Le renouveau du clan, comme il dit. On est pas manipulateur de je sais pas trop quel pouvoir nous, mais il a dit qu'il y avait une chance pour que les enfants obtiennent ses pouvoirs. Il a su nous convaincre. Il disait que nous allions établir un beau campement dans ces gorges, mais nous n'avons connu que plus de faim encore. Pendant des années, il a fait des allers-retours de plusieurs mois. Parfois, il partait un an pour ne revenir que deux ou trois fois pour nous engrosser avant de repartir comme un voleur. La plupart du temps, on savait même pas trop s'il était là ou pas. Il sortait parfois de sa hutte sans que personne l'ait vu y entrer. Mais c'est un ninja, il a des pouvoirs qui nous dépasse et ça nous étonnait pas. C'était comme ça depuis des années, jusqu'à ce qu'un duo de jeune Uzujins apparaissent il y a de cela quelques semaines. Nuriyaas est arrivée précipitamment au village flottant pour exiger notre silence et nous dire que sa mère allait enseigner à ces jeunes gens une façon de nous faire sortir. Tout cela faisait partie de la prophétie pour lui, pour nous. Il nous avait dit qu'un jour des shinobis d'uzujins allaient venir et qu'il faudrait garder le silence. Mais depuis que nous sommes sortis, il n'est pas revenu, ni lui, ni sa mère.”

Hiro n'arrivait pas à dormir, il relisait les notes qu'il avait prises durant l'entretien et ne pouvait pas en croire ses yeux. Nuriyaas était vivant, ce ne pouvait être que le Miyamoto qui avait disparu avec sa mère. Mais Amane avait été déclarée morte bien avant la création du village. Elle n'avait pas pu survivre tout ce temps sans éveiller des soupçons, ni elle, ni son fils. Comment Nuriyaas pouvait aller et venir au village sans être inquiété ? Toute entrée d'individu avec du chakra était surveillée. Tout cela ne faisait pas sens.

Soudain, en un éclair, une théorie germa dans l'esprit du Miyamoto. Et si la mission effacée de sa mère était en lien à la fois avec la légende et cette communauté. Pourquoi Rokuro avait choisi Sanada pour accomplir l'œuvre de son trépas. Et pourquoi choisir la lanterne ? Si tout cela relevait d'une histoire sombre, pourquoi sa mère voulait-elle la faire ressortir juste avant de partir avec les honneurs du clan et l'assurance de devenir un ancêtre invoqué par les prochaines générations ? Pourquoi se priver du plus grand honneur au-delà de la vie et de la mort ?

Malheureusement pour lui, il avait beaucoup plus de questions que de réponses. Pourtant la conviction que la mission visant à récupérer la lanterne n'était qu'un prétexte se renforçait dans son esprit. Hiro savait que sa mère était une kunoichi active du clan durant le schisme. Jamais elle n'avait dérogé à un ordre, et c'est ainsi qu'elle l'avait éduqué. Les ordres ne se discutaient pas en pleine guerre.

Mais si elle n'avait pas pu éliminer Amane, son amie, ainsi que son enfant ? Si elle avait laissé une communauté entière de Miyamoto séparatiste survivre dans le plus grand secret ? La trahison serait alors à la hauteur de son envie de repentance. Falsifier des documents officiels en déclarant la mort d'une personne qu'on avait épargnée était passible de la peine de mort au sein du clan. La trahison était le pire cauchemar des honorables shinobis.

Hiro ne pouvait se résoudre à croire que sa mère avait désobéi aux ordres. Après tout, à l'époque, elle avait tout pour être heureuse et l'avait toujours été depuis. Un mari certes sérieux, mais aimant et admirateur de ses talents, un fils dévoué qui était devenu une personnalité respectée du clan. Non, pourquoi donc aurait-elle épargné Amane ? Fut-elle son amie. Cela ne faisait aucun sens.

La passion était une chose étrangère au Miyamoto, pour une raison bien précise. Sa mère l'avait éduqué de façon à éviter totalement les élans du cœur. Elle ne connaissait que trop bien les cicatrices que cela pouvaient laisser ouvertes toute la vie durant. Hiro, incapable de véritable passion, ne trouva donc jamais la véritable raison de la trahison de sa mère.

La plus simple pourtant.

L'amour.

Le soleil se couchait à peine quand ils prirent la route montante vers la crête. Encore une fois, la route se fit en silence, Sanada sentait la tension monter, il avait certes peur pour Masako, mais il aimait aussi cette sensation. Jamais on ne se sentait plus vivant qu'avant un combat. C'est après qu'on regrettait, souvent.

Enfin sur le sommet. Mizuo s'arrêta net.

- Toi aller. Moi retourner maison.

- Mizuo. Viens avec moi ! Dit Sanada avec force. Dans mon village, il y a de la place pour toi.

- Plage et océan maison. Village pas maison. Sitarafi nio da kaopa Sanada. Dit-elle en collant sa main sur son front avant de l'apposer sur celle du jeune homme.

- Sitarafi nio..je sais plus. Répondit le chunnin en imitant le geste de celle qui lui avait sauvé la vie.

- Vite, soleil en bas.

- Merci Mizuo, je ne t'oublierai jamais. Dit Sanada en entamant la descente de l'autre côté de la montagne.

À peine avait-il fait quelques mètres que Mizuo l'appela.

- Toi Sanada. Moi Irin.

Le jeune homme eut un sourire. "Au revoir Irin, je ne t'oublierai pas". Dit-il pour lui-même. Il marcha encore quelques mètres avant de se retourner à nouveau, il voulait la convaincre de venir avec lui, mais elle avait déjà disparu.

Seul, Sanada évolua le plus discrètement possible entre les rochers et la végétation. Le village était tout entier construit sur les flancs de la montagne qui se terminait en falaise. Certaines habitations en bois étaient tout au bord du précipice abyssal. Sanada arriva à proximité sans se faire repérer grâce à la pénombre qui régnait maintenant. Il arriva juste à temps pour voir la morbide cérémonie se mettre en place. Sur une petite place ronde qui entourait le vestige de rivière, on avait placé un bûcher. Juste à côté, Masako et Amane semblaient attachées. Amane n'était donc pas venu de son plein gré. Mais quoi ? Comment alors ?

Sanada patienta un long moment, espérant que les prisonnières seraient déplacées ou que les gardes allaient quitter leurs postes. Il faisait face à une population habillée de feuillage finement tressé et affublée de ce qui semblait être des ossements humains. Certains portaient un crâne en guise d'armure. De gorille, de puma ou d'humains. Leurs lances semblaient composées uniquement de bois et de pierres. Une pierre noire, que Sanada ne connaissait pas, mais qui semblait aussi tranchante que le plus fin des katana Fuma. Enfin, à la ceinture, ils arboraient tous une sarbacane d'une trentaine de centimètres.

Il aurait aimé avoir Gintaro auprès de lui pour que celui-ci trace les éventuels manieurs de chakra. Il pouvait aisément s'attaquer à un petit village de civils, mais si un ou deux ninjas faisaient partie de cette communauté, ce n'était pas du tout le même combat.

Quand le bûcher fut allumé, tout le village sembla se rassembler sous une immense hutte. Regardant entre les tiges de bambous qui composaient les murs des habitations, Sanada observa avec horreur le village préparait fruits et légumes pour le festin à venir. Les villageois chantaient et dansaient allégrement. C'était une belle prise qu'ils avaient faite pour ce mois-ci. Deux sacrifices. La vieille allait être donnée aux plus faibles tandis que la vierge était réservée aux dieux et aux chamans du village. Pour une fois qu'il n'y avait pas que le clergé qui allait se régaler, c'était bien une raison pour fêter cela plus que de raison.

Profitant de la liesse, Sanada fonça vers les deux prisonnières.

Masako eut un large sourire en voyant apparaître le soldat des Cinq.

- Putain Sanada, je savais que t'allais venir me chercher. Merci !

- Dis plutôt merci aux dieux, j'ai échoué sur la même île. Comment êtes-vous arrivées ici ? Demanda-t-il.

- Cette petite pute m'a combattue sur le bateau et, on a fini ici. Dans ce trou. Maintenant, sors-nous de là !

- Pas toi. Tu restes là. Mais je reprends cette lanterne ! Dit Sanada en récupérant l'artefact nonchalamment posé à côté de la prisonnière. Il est vrai que vu de l'extérieur, ce fameux réceptacle à graines n'avait rien de transcendant.

- Tu ne peux pas me laisser là ! Tu peux pas ! Je dois me venger. La vérité doit éclater. Donne-moi ce journal !

- Qui vous a parlé du journal ?

- Sanada on ferait mieux de partir. Dit Masako en lui tapant l'épaule.

- C'est toi-même qui m'en a parlé.

- Tu mens. Tu es complètement folle sale vieille.

- Moi folle ? J'ai survécu ! Toutes ces années ! Je suis allé jusqu'à soumettre mon incapable de fils Nuriyaas pour qu'il suive la voie que j'ai tracé pour les véritables claniques, les véritables Miyamoto !

- Qu'est-ce qu'elle raconte ? Demanda Masako complètement larguée par cette conversation. Sanada qui est cette femme ?

Malheureusement, le jeune homme n'eut pas le temps de répondre qu'il sentit une douleur lancinante lui frapper le dos. Le cri de Masako confirma ses craintes alors qu'elle retirait la lance qui venait de se planter entre ses vertèbres.

Amane ria si fort qu'elle couvrit un instant les cris des villageois déchaînés qui étaient sortis de leur antre.

- On va tous crever ! La petite de Rokuro ! Qu'elle crève ! Qu'elle crève comme cette salope ! Dit-elle dans un rire dément accentué par la teinte oranger des flammes qui se reflétaient sur son visage ridé.

Sanada ne réfléchit pas, il effectua les mudras de la gueule du serpent, mais ne réussit qu'à former une colonne d'eau dans la précipitation. Sans se décourager, il laissa le premier essai s'écrouler sur lui-même en emportant les premiers assaillants qui tentaient de les tuer.
Il fit appel à son allié le plus précieux, le ciel, pour lui octroyer une aide plus que bienvenue.

Au deuxième essai, il déversa, grâce à la pluie battante, une immense quantité de chakra suiton. Un instant plus tard, le cobra se cabrait, haut de plusieurs mètres. Sans attendre une seconde, Sanada l'envoya pourchasser les villageois alors qu'il plongeait dans la rivière asséchée. Après un tour meurtrier, il convoqua le serpent d'eau pour qu'il relâche sa vraie nature dans la rigole naturelle créée par l'érosion de la rivière qui n'était plus. Le flot fut tel que Sanada et Masako furent immédiatement projetés avec l'eau dans la descente. Suivant les courbes du semi-cylindre en tentant de ne pas se faire expulser par la vitesse et la puissance des flots, ils dévalèrent ainsi tout le reste du village sous une pluie de flèches, de fléchettes et de lances. Soudain, l'eau s'estompa, la vitesse aussi, l'espace d'une seconde seulement.

Le fils de l'orage sentit son estomac remonter alors qu'il chutait du haut de la falaise. À cette distance, la mer paraissait encore si loin. Le vent lui chatouillait les oreilles alors qu'ils prenaient de plus en plus de vitesse. La sensation de chute, d'abord grisante, devint oppressante à mesure que l'immensité bleue se rapprochait. Conscient que la chute pouvait être mortelle, il attrapa Masako et la serra contre lui, tentant de devenir le plus fin et droit possible pour que les semelles de ses getas prennent tout le choc.

Ce ne fut que partiellement le cas. La jambe gauche de Sanada céda sous la violence du choc. Celui-ci s'évanouit. Sans doute épuisé par la formidable technique qu'il venait d'effectuer pour les sauver. Masako était seule, au milieu de nulle part, dans l'océan et en pleine nuit. S'ils survivaient jusqu'aux premières lueurs, ils pouvaient déjà s'estimer chanceux.

C'est le bruit des vagues qui réveilla Sanada. La jambe dans une attelle, il regarda autour de lui pour observer où est-ce qu'il avait atterri cette fois. À sa grande surprise, il était dans une cabine assez confortable si l'on omettait la décoration un peu trop rococo.

Claudiquant, il parvint à rejoindre le pont. C'était un navire Uzujin, vraisemblablement. Il salua l'équipage qu'il croisa jusqu'à trouver un capitaine qu'il connaissait de vue le célèbre Ryoma. Il était donc sur la légende des mers, le Mizushi.

- Ah, il est réveillé ! S'écria le capitaine avec un grand sourire en s'adressant à Sanada. Bon, nous avons les trois, on peut rentrer au village !

- Trois capitaine ? On était deux.

- Oui, mais ce satané Yasunari c'était mis en tête de vous retrouver. On l'a repêché quelques heures après vous un peu plus proche des côtes.

À ces mots, le professeur de ninjutsu apparut. Il avait l'air épuisé, lui qui gardait son embonpoint avait tout de même une tête émaciée, d'énormes cernes sous les yeux. Jamais Sanada ne l'avait vu dans un aussi piteux état.

- Professeur ! S'exclama Sanada! Vous allez bien ?

- Ca va, ne t'en fais pas. Je savais que vous étiez en danger, alors j'ai demandé l'aide du village pour vous retrouver et j'y suis presque parvenu mais une immense bestiole aquatique à détruit ma barque et j'ai erré des jours en pleine mer. Enfin, je crois.. L'important est que tout le monde soit sain et sauf.

- Masako va bien ?

- Oui, elle est vers la proue si tu veux la voir.

- J'ai quelque chose à lui donner. Dit Sanada d'un ton sérieux.

- La lanterne est pour la sépulture de Rokuro...

- Je ne parle pas de la lanterne professeur. Dit Sanada avant de s'éloigner.

Masako regardait l'horizon, ses cheveux fins volant avec le vent. Quand Sanada prit place à côté d'elle, les pieds dans le vide juste au-dessus des flots qui filaient à grande vitesse, il garda un long moment de silence.

- C'est appréciable le calme, surtout après la tempête. Dit-il en souriant.

- Oui. On a la lanterne. On l'a fait Sanada. Ma grand-mère va pouvoir reposer en paix.

- Oui...Répondit simplement le jeune homme qui n'avait, lui, pas eu les réponses qu'il était venu chercher avec l'artefact. Cette légende était donc vraie.

- Bien entendu, tout le monde la connaît dans le clan. La lanterne a été dénichée par ma grand-mère et son duo, Amane Miyamoto.

- Masako. Et si je te dis que la vieille de la vague, la vieille qui était avec nous chez les cannibales, c'est Amane.

- Amane est morte il y a des décennies. Une fresque dans un de nos dojos lui rend honneur.

- Non Masako, c'est elle. Tiens. Prends ce journal intime. C'est ta grand-mère qui l'a tenu. Donne-le à ton père, il saura quoi en faire.

- Mais...

- Non, ne dis rien, juste donne-le-lui.

Sanada s'éloigna pour s'enfermer dans sa cabine, il avait besoin de faire le point. Maintenant, qu'il avait le journal et la lanterne, Ammane ne pouvait rien contre eux.

Elle voulait se venger de Rokuro voilà tout. Mais pourquoi alors réapparaître il y a tout juste quinze ans ? Pourquoi pas avant ? Pourquoi Rokuro voulait-elle donc récupérer cette lanterne si ce n'était pas pour faire la lumière sur toute cette affaire ? Mais pourquoi le faire alors qu'elle allait perdre tout son honneur ? Rokuro avait-elle découvert un fait qui mettait en danger bien plus que son clan ? En rentrant, il avait beaucoup de choses à lui demander.

Il espérait juste qu'elle serait lucide à son arrivée.

- Tempête droit devant Hiro-sama, on ferait mieux de la contourner !

- Non ! On doit rentrer au plus vite à Uzugakure, il y a un intrus au village, depuis presque quinze ans ! On n'a pas de temps à perdre !

- L'animalerie n'en sortira pas indemne.

- Je vous ordonne de faire cap sur Uzu !

Skull savait qu'ils allaient au-devant de gros ennuis. Mais un ordre était un ordre. Comme mûs par une même force, les marins s'attachèrent les uns aux autres avec une corde robuste. C'était leur façon de résister à la force des vagues sans chakra. Malgré la peur, l'équipage avait traversé les mers par tous temps. Ils avaient tous confiance en leur navire.

La première grosse vague ne toucha pas le pont, mais attira le bateau dans un creux de plusieurs dizaines de mètres. Entre deux remparts d'eau, le navire prit de la vitesse, assez pour remonter la moitié de la vague qui s'avançait devant avant d'être finalement avalé. Des trombes d'eau inondèrent le pont. Hiro, peu habitué par un tel déferlement des éléments, ancra ses pieds grâce au chakra. Heureusement, car la force des eaux était imparable.

Tout l'équipage survécu au premier assaut de l'océan, mais à peine avaient-ils repris leurs esprits qu'une autre attaque des flots se préparait.

Cette fois-ci, la force de la vague fut si grande qu'elle emporta deux marins par-dessus bord. Grâce à la solidarité de leur chaîne, ils n'étaient pas tombés à l'eau et s'accrochaient tant bien que mal à des canons latéraux.

Hiro et Skull se précipitèrent pour les aider.
Le Miyamoto attrapa la cheville de la pirate qui s'était jetée la tête la première pour ramener ses marins. Avec l'aide de tout le monde, ils parvinrent à remonter les malheureux juste à temps pour pouvoir encaisser une autre attaque bleue.

Au bout de quelques heures. Les marins étaient non seulement épuisés, mais le peuple de la mer, protégé dans les cales du navire, était meurtri, ballotté de toutes parts. L'animalerie n'avait pas été épargnée par les ravages de la tempête. Et encore. À l'heure du bilan, le navire avait perdu ses deux mâts, le foc et le fin foc tenaient encore debout mais le convoi avait complètement disparu. Ce qu'il restait de voilures servait à l'avancée du bateau, mais à une allure dérisoire, et surtout, n'étant pas pivotantes, ils étaient maintenant à la merci du vent quant à leur direction.

Enfermé dans sa cabine, Hiro avait plongé sa tête dans ses mains. Il avait été sot de vouloir foncer dans le tas. Il n'avait pas respecté le principe des compétences. Maintenant, il était bloqué en pleine mer avec l'impossibilité de donner une alerte discrète pour qu'on débusque le Miyamoto infiltré. Hiro pestait, certes, mais s'il avait su ce qui était en train d'arriver à sa jeune fille, il aurait eu encore plus de raisons de s'en vouloir.

Aussitôt débarqué, Sanada fonça, aussi vite que sa jambe brisée le lui permettait, vers le quartier Miyamoto.
La maison de la vieille Rokuro était éclairée par des lanternes disposées par les membres de son clan voulant lui rendre hommage. Le jardin était ainsi magnifiquement mis en valeur sous le saule pleureur qui embrassait une partie de l'habitation.

Sanada pénétra dans le salon après avoir enlevé ses getas. Quelques serviteurs étaient sur place, mais il n'y avait aucune trace d'Hiro, le fils de Rokuro ou tout autre membre de sa famille.
Sanada tapa trois fois à la porte de sa première sensei et entra. Celle-ci le regarda entrer avec un air vide, comme si elle ne le reconnaissait pas.

- Rokuro-sama nous avons retrouvé la lanterne et j'ai découvert votre secret. Vous n'avez pas tué Amane. Mais pourquoi le divulguer maintenant ? Pourquoi révéler quelque chose qui va nuire à votre réputation d'ancêtre ?

- Je ne compte pas. Dit Rokuro d'une voix rauque. Je suis vieille. Je peux mourir maintenant. Mais je ne peux mourir comme ça. Non. Pas comme ça

- Pas comme quoi ? S'écria Sanada en s'approchant. Amane veut s'en prendre à d'autres personnes ? Elle veut détruire votre clan ? C'est ça ?

- Je ne peux pas. Non. Pas comme ça.

Pour toute autre réponse, la vieille femme tira la langue. Dévoilant un sceau du silence qui apparut furtivement.

- Quelqu'un vous faisait chanter au village ? Mais qui ? qui ? Dit Sanada soudain en proie à la panique.

- Il venait à peine d'arriver... Dit-elle en faisant mine d'écrire sur son journal. Puis, elle sombra dans un débit de parole qui n'avait plus de sens.

La réponse était dans le journal, mais où ? Soudain, dans un flash. Sanada eut l'aide des cieux. Un souvenir lui revint en mémoire. Les bribes d'une conversation.

“- Vous êtes un Miyamoto monsieur ?

- Non, je ne suis pas un Miyamoto, je suis arrivé au village il y a tout juste quinze ans.

- Pourquoi il était..Hiro-sama était là ?

- C'est un des gradés responsables de la sécurité du village et figure toi qu'il prétend qu'un carnet aurait été "dérobé" à Rokuro-sama.”

L'arrivée de Yasunari correspondait au début des menaces reçues par Rokuro, mais cela ne faisait pas sens, a moins que... à moins que..

Sanada se précipita dans le bureau de son professeur sans prendre la peine de taper. Il n'y avait personne, seul le bordel ambiant restait immuable dans cette pièce. Le désordre justement. Pourquoi La chambre de Yasunari était aussi bien rangée, avec deux lits, alors que lui même vivant tout le temps dans un capharnaüm ?

Sanada déplaça frénétiquement les piliers de livres et de notes qui jonchaient le sol et finit par trouver une trappe qui semblait fermée avec un système complexe de code. Juste en dessous de la poignée, huit petites fenêtres d'ivoires pouvaient pivoter à l'aide d'une molette de cuivre. Sanada les tourna toutes pour vérifier ses possibilités.
À chaque fois huit lettres, les mêmes. I . U. A. N . A. Y. R. S.

Sanada ne mit que quelques secondes à trouver Y.A.S.U.N.A.R.I et il peut entendre un clic annonciateur que le verrou avait sauté, mais quand il tenta de soulever la trappe, elle ne bougeait toujours pas. En regardant de plus près, il aperçut le mécanisme et distingua deux verrous. Il y avait donc un autre nom... Quand Sanada trouva enfin, il abandonna les notes qu'il avait prises en vrac pour ne trouver que l'horreur.

Une seconde plus tard, il était déjà dehors. Il fallait qu'il retrouve Yasunari.

- Avez-vous vu le professeur Kawabata ? Demanda Sanada aux gardes en patrouille proche de l'académie.

- Non, il n'est pas rentré.

Sanada se mit à courir de toutes ses forces vers le port. Une pluie battante s'était déclarée entre-temps, vidant les rues du village marchands. Sous le tumulte, Sanada interrogea tous les gardes en chemin jusqu'à arriver au quais. Là, il retrouva enfin la piste du professeur.

- Oh, il vient de repartir. Il avait une dernière chose à montrer à Miyamoto Masako je crois. Dit un garde de façon nonchalante.

La panique envahit Sanada. Sans réfléchir, il sauta sur le bateau le plus proche, un magnifique deux mâts qui semblait mal en point.

L'équipage sortit de leur cabine en trombe.

- On ne sort pas en mer, on vient de rentrer d'une mission.

- C'est un cas de force majeure.

- Désolé Shinobi, on n'a pas d'ordre des supérieurs.

- Je suis chuunin et je vous ordonne de larguer les amarres ! S'écria Sanada en menaçant l'équipage d'un kunai.

Baleine, Al, Souris, Skull et tous les autres se remirent donc au travail pour faire repartir l'Animalerie malgré les dommages qu'il avait déjà subi lors de la tempête. À peine étaient-ils sortis du port qu'une petite barque se distingua à l'horizon. Seules au milieu des flots, deux silhouettes semblaient voguer vers une presqu'île à quelques lieues du centre-ville.
L'endroit servait de chantier naval notamment, et à cette heure-ci, il n'y avait plus personne sur place.

- Rattrapez ce bateau. Vite ! S'écria Sanada en grimpant sur le mât pour ne pas perdre de vue son objectif.

La barque était amarrée à la plage et le chuunin, trop pressé pour attendre que le grand voilier entreprenne de manœuvrer pour se rapprocher, termina le chemin à pied, courant du plus vite qu'il pouvait sur les flots avec sa jambe cassée.

Quelques cris étouffés le guidèrent au travers du cimetière d'épaves. Sanada avait le souffle coupé, le cœur qui semblait vouloir littéralement sortir de sa poitrine.
Comment n'avait-il rien vu ? Comment le village entier avait-il été berné par cet homme ? Tout cela était impossible. Malgré l'évidence, il ne pouvait se résoudre à croire son professeur, celui qu'il considérait comme un ami, coupable.

Claudiquant, Sanada s'arrêta enfin tout au fond du cimetière de bateaux. Une énorme grange prenait toute la largeur de la presqu'île. Ses murs caressant le clapotis de l'eau des deux côtés de la bande de terre.

Ils devaient être là.

Désormais, il n'y avait plus d'échappatoires.

Remorqués par un navire marchand, L'Animalerie et Hiro débarquèrent avec précipitation dans le port d'Uzushiogakure, le Miyamoto se précipita dans le poste de garde principale situé en retrait des grands quais commerciaux pour y dévoiler ce qu'il avait découvert.

Selon plus d'une dizaine de personnes, un ninja entrait et sortait du village comme bon lui semblait, aux yeux de tous depuis plus d'une décennie. Les gardes eurent d'abord l'air interloqué mais ils ne bougèrent pas d'un poil.

- Allons Miyamoto-san. Dit le chef de la garde du port, un Fuma plus gradé que lui. Si un étranger allait et venait comme bon lui semble avec des intentions belliqueuses, nous l'aurions remarqué depuis dix ans, vous ne croyez pas ?

Pendant de longues minutes, Hiro tenta de convaincre son supérieur hiérarchique, en vain. Désespéré, il prit la direction de l'académie pour demander de l'aide à son ami depuis de nombreuses années. Kawabata Yasunari.

Le soleil venait à peine de se coucher et il régnait comme chaque fois à cette heure, une atmosphère particulière qui transformait légèrement les couleurs. Presque plus aucun élève n'occupait l'immense bâtiment, lui donnant une allure de cathédrale du savoir austère, presque récalcitrante au partage de son savoir. Le père de Masako se dirigea vers l'aile où le professeur de ninjutsu avait élu domicile, il arriva au fond d'un couloir assez sinistre, avec pour seul voisin un placard à balais, Yasunari aimait être tranquille, sans doute pour pouvoir développer ses théories.

Le Miyamoto frappa trois fois. Aucune réponse. Il réitéra son geste, mais toujours rien. Il se décida à entrer pour être certain que son ami ne faisait pas une sieste. Il mit du temps à rejoindre le canapé pour voir si le professeur y était allongé. Dans un coin, il aperçut une trappe relevée. Jamais il ne l'avait remarqué. Dans le bordel ambiant, il eût été difficile de trouver la moindre chose cela dit. Il s'approcha avec calme et détermination, la main sur son fourreau.

Peut-être Nuriyaas avait-il enfermé Yasunari. Mais pourquoi ? Pourquoi faisait-il tout ça ?

Lentement, le gradé descendit les marches, presque plongées dans le noir, il dut s'y reprendre à plusieurs fois pour allumer la pièce sous terraine. Il s'agissait plus d'un débarras au vu de sa taille minuscule. Des dessins représentant les gorges qu'il venait de visiter tapissaient la pièce. Au centre, un seul fauteuil trônait, dos aux escaliers.

Au-dessus du dossier, on distinguait une petite tête qui semblait fixer le dessin en face sans jamais bouger. Hiro alluma les torches une à une, découvrant chaque fois un dessin relatant une scène morbide. L'esquisse que regardait la silhouette représentait un homme assénant des coups de surin à une vieille dame.

Hiro s'approcha doucement.

- Yasu ? Qu'est-ce que tu fais là ? Yasu répond !

Le soldat des Cinq poussa la grande porte de bois qui s'ouvrit dans un grincement sonore. À l'intérieur. Il faisait complètement noir. Sanada invoqua rapidement une lueur chargée de son chakra raiton. L'orbe resta suspendu au-dessus de sa tête, éclairant les environs directs. Il ne servait à rien de se cacher. Plus maintenant.

- Oh le petit ninja qui boite ! S'écria la voix d'Amane à sa droite.

- Il faut le punir, il a tout gâché ! Mais il ne peut pas nous arrêter ! Dit une autre voix, celle d'un homme. Un timbre qu'il avait déjà entendu sans vraiment pouvoir y mettre un visage.

- Oh oui, on va lui faire goûter la puissance du sang pur des véritables Miyamoto ! Répondit Amane.

À chaque fois, le son semblait provenir d'un endroit différent. Et quand la voix du professeur brisa un nouveau silence, c'était encore autre part.

- Non , ils n'ont rien fait !

- Professeur ! S'écria Sanada. Professeur! Où êtes-vous ?

Soudain, la pièce s'éclaira, une torche, puis deux, puis trois s'illuminèrent pour dévoiler une Masako inconsciente attachée à une corde, la tête en bas. Derrière, dans une demie-pénombre, la silhouette imposante d'un homme qui n'était pas Yasunari ressortait.

- Qui êtes-vous ? Demanda Sanada en reculant inconsciemment de quelques pas difficiles.

- Oh, monsieur Sanada n'est pas si intelligent que Yasu peut le dire. Je pensais que tu aurais compris à ce stade.

La silhouette avança d'un pas en lançant des senbons que Sanada esquiva en se cachant derrière des caisses.

- Un peu con mais vif ! Dit l'homme qui continuait d'avancer. Sanada n'osait pas regarder. Toujours caché, il savait qu'il n'avait aucune chance contre cet homme et Amane. Et pourtant, il ne pouvait pas reculer.

Quand il se releva, il reconnut instantanément le leader du convoi, celui qui était apparu comme par magie après la sortie épique du village flottant en arguant qu'Amane n'existait pas.

L'homme plongea son regard dans celui de Sanada et éclata de rire.

- Miyamoto Nuryiaas. Pour te faire souffrir. Dit-il en s'inclinant de manière ironique.

Sanada voulu parler, mais il en était incapable. Lentement, l'entrepôt et Masako disparaissaient. Un nouveau décor prenait place. Une simple plateforme assez rudimentaire, au milieu des gorges de Takashiho.

Sanada tourna autour de lui. Il voulait se voir, mais il semblait ne pas avoir de main, ni de volonté propre. Il était comme projeté dans un corps, un corps qui n'était pas le sien.

- Nuriyaas. Viens mon enfant. Dit une voix maintenant reconnaissable. Sanada se releva pour aller en direction d'une Amane bien plus jeune et belle. Je vais te peigner avant que tu dormes.  Dit-elle avec un sourire.

La sensation était plutôt agréable et Sanada, toujours spectateur des actions, en oublia presque Masako et Yasunari. Mais alors qu'il allait s'assoupir, Amane le poussa dans l'eau.

- Cache-toi et ne dis rien. Dit-elle avant de se retourner.

Sanada grimpa une des tours de pierres, vestiges de la cité d'un autre temps, qui surplombait le village de Miyamoto dissidents.

Il fut témoin d'un massacre. Une dame, Rokuro, tranchait dans tout ce qu'elle voyait.
Sanada ressentait la douleur de chacune des estocades de sa sensei. La douleur sentimentale de perdre des êtres chers, des amis, des oncles, se mêlaient à la douleur physique, comme s'il était toutes les victimes à la fois. Contraint de subir leur torture tout en ayant le supplice de le voir.
Après ce qui lui parut une éternité. Seules Rokuro et Masako étaient debout.

Sanada parvint à s'arracher du genjutsu juste à temps pour tourner la tête afin d'éviter un shuriken. Il ne fut cependant pas assez rapide et l'étoile métallique lui coupa la joue.

- Bienvenue dans mon monde Sanada ! Bienvenue dans ce que ce village et les Miyamoto ont créé !

D'un appui surhumain, Nuriyaas se jeta sur Sanada, les poings en avant. incapable de bien bouger avec sa jambe, celui-ci encaissa le coup sans choir, répliquant par un flux de foudre pour contraindre son adversaire à ne pas trop s'avancer.

- Tu fais du genjutsu ?

- Chacun ses spécialités ! Pour Yasu et ma mère, c'est plus le ninjutsu leur délire. Moi j'aime les illusions et la castagne ! Tu sais pourquoi ? Dit-il en frappant Sanada plusieurs fois à sa jambe blessée. Parce que ce sont les deux choses qui me rappellent mon enfance !

Avec un rire dément, il continua de frapper le chunnin acculé.

- T'en veux encore ? Tiens !

Une fois de plus, le décor s'estompa complètement, laissant place à une maison sordide, au milieu d'un village tout aussi glauque. Encore une fois, Sanada se retrouva prisonnier d'un corps invisible qui n'était pas le sien. Il regardait par la fenêtre. Des mendiants et des malades faisaient la queue devant un hospice de moines Osmiétistes. Sans quitter la scène des yeux. Sanada écoutait une voix derrière lui, la vois d'Amane.

- ... C'est comme ça qu'on se vengera mon fils, tu seras l'instrument de leur destruction. Elle n'aurait jamais dû nous épargner, cette salope ! Je vais tous les tuer. Un par un ! Et toi, tu seras mon arme.

- Mais maman, on peut bien oublier tout ça et vivre. Oui, vivre pour nous.

- Ne dis pas des sottises. Tu es le dernier des véritables Miyamoto. Pas cette bande de bâtards qui acceptent tous ceux qui ont soit disant le don.

- Oui maman.

La scène fut un instant toute noire puis Sanada se vit transporter sur un lit. Il se regardait dans un miroir sauf qu'il n'y avait pas de visage.

Soudain, le faciès un peu rond d'un petit garçon apparut.

- Nury tu m'as appelé ?

- C'est ma mère, elle veut toujours se venger. Pourtant, j'ai fait tout ce que tu as dit. Je te le jure.

- Bon, on va tenter autre chose. Mais ne cède pas Nury, tu vaux mieux que ça. La vie est belle et douce. Ta mère est aveuglée par la haine. Toi, tu n'es pas comme elle.

- C'est vrai. Merci Yasu, ça me fait plaisir de te parler, d'ailleurs, tu aurais dû voir ce matin...

La porte s'ouvrit en trombe et une Amane furieuse apparut avec le fourreau de son épée dans la main. Sans une sommation, elle frappa violemment Sanada à la tête. Le coup le sonna alors que la matriarche arrachait maintenant ses cheveux pour planter son regard dans le sien.

- Je t'ai déjà dit de ne pas jouer avec ton don des illusions sur toi-même. Le Genjutsu n'est pas digne d'un véritable Miyamoto !

- Mais je ne joue pas maman. Je parle à mon ami.

- TON AMI N'EXISTE PAS !

Amane cria si fort que le fils de l'orage eut l'impression que son cerveau allait exploser.

- Ce Yasunari est le fruit de ton imagination, tu vas le comprendre ça ! Il te fourvoie, te détourne de la sainte voie.

- Et si c'était un ancêtre maman ?

- Un bâtard comme toi n'a pas de pouvoir hormis les illusions, une insulte à ton sang. C'est pour cela que tu peux être sacrifié à la cause. Des mioches, j'en ferai d'autres.

Aux mots succédèrent les coups de fourreau. Chacun visant une articulation ou un os avec minutie et précision. Sanada ressentait chaque éclair de douleur qui traversait l'enfant. Sous les effets de la torture et de la douleur, il put enfin sortir de cette nouvelle illusion.

- Alors ça te plaît ? Dit Nuriyaas toujours avec sa lueur démente dans les yeux qui semblait ronger les âmes et les corps.

Sanada était contre un mur, incapable de bouger. Regardant la lame qui fonçait droit sur sa gorge. C'est ainsi qu'il allait finir. Il regarda une dernière fois Masako, plus paniqué que jamais et voulu lui dire combien il était désolé de ne pas avoir compris plus tôt, mais aucun son ne sortit. Il ferma les yeux et attendit son trépas. La vie n'était qu'un passage et il n'avait pas rempli sa mission.
Peut-être n'était-il pas si spécial que cela après tout.

Hiro avançait, et plus la lumière qu'il tenait d'une main éclairait le fauteuil, plus il doutait sur l'identité de l'amateur d'art. Yasunari souffrait d'un embonpoint depuis qu'il avait arrêté les missions, quelques années auparavant. Il avait les cheveux gras et sales, tandis que ceux-ci, bien que grisonnants, semblaient soyeux, comme s'il avait été peigné et huilé récemment.

- Qui êtes-vous ? Je suis armé et shinobi du village ! Je vous somme de vous lever sans un geste brusque. S'écria-t-il dans un silence de temple.

Hiro posa la main sur le dossier du fauteuil pour forcer la personne à se dévoiler, mais quand la lueur de sa torche éclaira la femme assise, il eut un mouvement de recul tel qu'il trébucha, arrachant des dessins au passage.

Malgré les décennies qui le séparaient du dernier souvenir de ce visage, il la reconnut tout de suite.
Parfaitement conservé dans un embaumage de cire, comme si elle avait été empaillée d'une façon particulièrement minutieuse. Le cadavre d'une Amane cinquantenaire lui faisait face, les yeux grands ouverts et un air de stupeur gravé sur le faciès.

Comment ? Pourquoi Yasunari gardait ce cadavre sous son bureau ? Avait-il un lien avec Nuriyaas ?
Si vraiment, c'était lui, le village entier était en danger.

Il remonta les escaliers en trombe et eut la présence d'esprit de jeter un œil sur le bureau de son ami. Au milieu des centaines de feuillets concernant des théories plus ou moins fumeuses, une feuille froissée se distinguait. Deux prénoms avaient été écrits à la hâte et reliés par des flèches. L'écriture assez gauche et précipitée lui était inconnue.

Un coup d'œil suffit à Hiro pour comprendre l'ampleur de ses erreurs. Deux noms.


La feuille écrite à la va-vite s'envola derrière la course du Miyamoto. Si quelqu'un savait, un élève par exemple, il était en danger de mort.

Les yeux toujours clos, Sanada attendait la fin. Mais bizarrement, elle ne venait pas. Il rouvrit les yeux quand il sentit l'étreinte puissante de Nuriyaas se dégager. L'homme était replié sur lui-même, en proie à une douleur qui le tordait littéralement en deux.
Il se mit à changer. Son attitude devint plus passive, ses gestes paraissaient patauds alors qu'il titubait sur place.

Dans un Henge étrange, Nuriyaas disparut pour laisser la place à Yasunari, le professeur. Plus petit et rondouillard, une légère calvitie couverte de cheveux gras, c'était bien l'enseignant qui avait pris l'apparence du fils Miyamoto. Ou bien était-ce le contraire. Sanada fut assailli des flashs des attaques mentales qu'il venait de subir. Le massacre dans les gorges qu'il connaissait, la discussion entre Nuriyaas enfant et Yasunari. Tout devint clair, pour échapper à la cruauté du réel et de sa mère. Le jeune Nuriyaaas se lançait des genjutsus sur lui-même, créant un ami bienveillant et aimant. Il avait ainsi enfermé la bonne partie de son âme, ses élans d'amour et de compassion dans un personnage qu'il avait fini par incarner.

- Sanada, tu dois fuir ! Dit Yasunari en proie à la panique. J'ai mal attaché les liens enfermant Masako et je n'ai pas renforcé la corde. Un kunai suffira à la trancher.. Je vais essayer de les arrêter. Pars, le plus vite possible ! Il ne faut qu'elle ait le carnet de Rokuro !

Yasunari se tordit de douleur à son tour, mais comme s'il avait moins d'emprise sur son corps, il disparut bientôt au profit d'Amane, ou bien de l'image qu'avait son fils de la tortionnaire.

- Ce petit fils de pute vous a parlé ? Yasunari ! Je vais te tuer ! Te tuer ! Mais d'abord, je vais commencer par tes petits protégés !

À ces mots la vieillarde canalisa son chakra suiton pour créer un requin aqueux qui fonça sur Sanada. Épuisé, celui-ci ne pouvait pas faire grand-chose pour éviter l'animal chakratique qui fonçait dans sa direction. Il était en train de composer les mudras de la panthère de foudre pour qu'elle affronte le requin, mais Amane se mit à bouger de manière anarchique. Composant des mudras contre sa propre volonté, elle insulta les clones qui apparurent sous la forme du professeur de ninjutsu.

- Dégagez ! On te veut pas ! Tu as tout gâché ! Mon fils était une arme, tu en as fait un homme passif. La vengeance est notre vie. Ils doivent payer pour ce qu'ils ont fait !

Les Yasunari ne regardaient même pas Amane, ils se contentaient de pleurer en fixant Sanada, qui voyait trouble derrière le sang qui lui couvrait le visage.

- J'ai essayé de les raisonner Sanada. J'ai tout fait pour les convaincre de me laisser devenir professeur à Uzu. Je savais qu'elle voulait se venger. Mais Nuriyaas l'écoute, je ne peux rien contre elle. Alors je suis venu. J'ai obéi à leurs ordres tout en tentant de les retarder au maximum. Nous sommes ensemble à l'intérieur, mais quand l'un de nous prend le dessus, il a toute la conscience pour lui. J'ai essayé Sanada, pardonne-moi. Pardonne-moi...

- Professeur, c'est vous qui avez tué la véritable Amane ?

À cette question la vieille rugit avec violence, les yeux plantés sur Sanada en jetant tous les shurikens d'eau qu'elle pouvait dans sa direction. Un instant plus tard, elle était redevenue Nuriyaas et les clones avaient disparu.

- Où est Yasunari ? Cria Sanada.

- Il a projeté sa conscience dans un clone appartenant à ma mère selon ses dires. Je ne sais pas manier le suiton, il est tout naturel que la technique disparaisse donc ! Dit-il. Maintenant, écoute attentivement, je n'ai pas tué ma mère. C'est toi qui la fait.

Les sons semblèrent frapper l'âme de Sanada sans passer par le corps et il bascula dans la réalité étrange des illusions de Nuriyaas.

Toujours dans la maison miteuse, il regardait par la fenêtre, mais tout avait changé. Le temple avait disparu, les rues étaient désertes, il faisait terriblement chaud à l'intérieur. Sanada voulait enlever sa chemise, mais il n'avait pas de corps.

Spectateur de la scène comme toujours, il se retourna malgré lui pour faire face à une Amane qui ressemblait trait pour trait à la vieille que connaissait le chunin.

- Approche-toi mon garçon. Dit-elle avec un sourire quelque peu sadique. Approche-toi. Tu sais ce qu'il se passe ce soir ? Tu vas te couper la main. Je refuse que tu continues avec tes délires d'illusionnistes. On ne se jette pas des illusions, c'est contraire à l'honneur Miyamoto. On affronte la réalité nous. Si tu ne veux pas m'écouter. je vais devoir sévir, et si tu ne le fais pas, je m'en chargerai. Conclut-elle en tapotant son épée particulièrement affûtée. Je l'ai aiguisée rien que pour toi. Maintenant dans ta chambre !

Sanada monta les escaliers et se jeta dans un lit avant de sortir un bout de miroir cassé de la taille d'une main d'enfant. Il chercha son propre regard à l'intérieur puis distingua les traits d'un Yasunari toujours aussi potelé, mais plus grand. Il devait avoir une vingtaine d'années.

- Je vais la tuer ce soir.Dit Sanada.

- Non Nuri, tu peux pas faire ça, c'est ta mère. Laissons-là, partons. Tu peux la mettre sous une illusion. Elle ne nous retrouvera jamais. Jamais Nuri.

- Non Yasu, j'ai trouvé une autre solution. Une solution pour qu'elle survive en moi. Comme toi. Yasu.

- Non ! Non ! Ne fais pas ça ! Elle va nous manipuler. Nous allons devenir ses esclaves !

- C'est décidé. Rétorqua Sanada en posant le bout de miroir.

Quand il se réveilla, la pièce était dans une obscurité totale. En bas, il entendait les rires de sa mère exploser, trop contente de faire souffrir la chair de sa chair. Sanada descendit les escaliers avec un mélange de crainte et d'excitation. C'était aujourd'hui. Il allait enfin la faire vivre réellement. La sortir de cette enveloppe qui la rendait misérablement cruelle et vile.

Sanada mon enfant.

Le chuunin eut un mouvement de recul. Il ne s'agissait pas d'Amane, mais bien de la Pythie, de sa propre mère.

- Viens ici que je te coupe la main !

Sanada s'approcha, et posa sa main sur la table. Au moment où sa mère allait frapper, il sortit un surin qu'il avait fabriqué de sa poche et planta sa mère deux fois au niveau du foie. Celle-ci recula de surprise, le sourire sadique toujours accroché sur son visage.

Sanada aurait voulu crier, empêcher ce corps qui n'avait pas de substance d'asséner encore et encore des coups de surin au visage bien-aimée de sa mère et pourtant, il frappait, frappait et frappait encore.

- C'est pour ton bien. Tu vas vivre maintenant. Vraiment vivre Maman ! Disait-il avec joie.

Capacité Unique de Nuriyaas:

Le retour à la réalité fut brutal. Sanada mit quelques secondes à se rendre compte qu'il était une fois de plus tombé dans une illusion de Nuriyaas. Celui-ci nourrissait son art des traumatismes qu'il avait vécus et jamais Sanada n'avait ressenti une telle tangibilité d'un monde factice. Il avait combattu Akira, illusionniste parmi le plus doué et pourtant, le pouvoir, la folie de Nuriyaas possédait une puissance psychique sans commune mesure.

Sanada s'écroula sur le sol et vomit un mélange de sang et de bile. Il se sentait faible. Plus encore que son corps, son esprit était au bord de la rupture. Un premier coup de lame tomba, évité par le corps de l'orage qui rendait le soldat des Cinq intangible pendant un instant. Il se releva tant bien que mal, prêt à mourir, mais pas sans tout donner.

De son côté, Nuriyaas se transformait une fois de plus en l'incarnation cauchemardesque de sa mère. Amane.

Celle-ci reprit ses enchaînements suiton, ne laissant aucun répit au jeune homme qui parvenait à survivre en contrant les attaques de la Miyamoto avec le même domaine. Elle lança un nouveau requin qui fut repoussé par une vague du chaos de Sanada.

Le jet d'eau expulsa la bête au loin qui s'écrasa contre un mur dans un "splash" sonore. Une pluie de shurikens d'eau furent stoppés net par un miroir d'eau. Sanada en profita pour créer un clone d'orage tandis qu'il se terrait entre deux grosses caisses pour reprendre son souffle.

- Tu ne peux pas tout esquiver. Mon chakra est bien plus grand que le tien. Tu vas donc devoir mourir Sanada de mes deux.

La vieille femme sortit sa lame pour la première fois. Épée de couleur sombre, elle semblait émoussée et tachée de sang.

- Viens donc voir maman. Viens faire un câlin. Dit-elle en avançant vers le clone de Sanada qui feignait l'épuisement.

La lame s'éleva dans les airs, prêt à trancher la réplique du fils de l'orage, mais Amane semblait lutter contre une force intérieure. Elle était bloquée, les mains hautes comme si Yasunari tentait de la retenir de l'intérieur.

Un clone aqueux apparut sous la forme du professeur. Au même moment, la force qui retenait Amane sembla relâcher son emprise et la lame fendit l'air.

Yasunari se jeta devant Sanada à l'instant même où il allait être touché et tenta de le repousser. N'étant qu'un clone, le professeur passa au travers du jeune homme, mais fut tout de même tranché par la Miyamoto.

Le corps de Yasunari s'effondra sous un grand bruit. Le clone d'orage lui attaquait Amane qui avait été surprise par la supercherie.

Le véritable Sanada profita du combat entre le clone et Amane pour se précipiter vers son professeur qui coulait littéralement sur le sol.

- Sanada...Je suis désolé...J'ai essayé...

- Non professeur, il ne faut pas parler. Garder vos forces.

- Toujours aussi optimiste malgré ton déterminisme affiché ! Dit Yasunari, des larmes coulant sur ses joues, mais un sourire sur le visage.

- Professeur....non....s'il vous plaît....il faut tenir.

- Tenir ? Je ne suis pas vraiment réel Sanada, il est temps que je laisse Nuriyaas combattre ses démons seuls. Même si je n'ai pas d'existence propre, j'ai aimé ma vie, et j'ai aimé vous faire cours. Ne dis pas à Gintaro ce que je suis réellement. Ne le dis pas Sanada. Je ne suis pas comme eux.

- Pour moi, vous êtes réel ! Cria Sanada en voyant le corps de son professeur se liquéfier avant de disparaître complètement.

Les larmes du jeune homme nettoyèrent le sang et appelèrent la colère. Au loin, les nuages se formaient, tous les villageois attentifs pouvaient voir le phénomène se produire au-dessus de la presqu'île.

Profitant de la première ouverture qu'il avait pour libérer Masako, il lança un kunai sur la corde qui la retenait suspendue, mais du 'y reprendre à plusieurs fois. Elle chuta au sol comme un sac, toujours inconsciente.

Quand Amane se débarrassa enfin du clone, elle fit face à un Sanada debout, les yeux mi-clos, rangeant le calumet qu'il avait allumé.

Sans un mot, il lança une série de senbons de foudre enchaîné avec un orbe électrique. Si la vielle femme parvint à stopper les projectiles fins avec un mur d'eau, elle fut surprise par la sphère lancée juste après et fut expulsée à quelques mètres.

Sanada n'attendit pas son reste, il voulait venger son ami. La tuer. Faire disparaître ce monstre. Il convoqua une panthère de foudre qui chassa Amane. Une fois prise dans une morsure électrique, il en appela au dragon aqueux pour châtier la harpie. L'animal chakratique brisa les caisses et les murs, mais parvint à écraser Amane dans un coin. Sanada se servit alors de l'eau environnante et de la pluie pour former son cobra d'eau, aussi imposant que dangereux. Il laissa la bête dominer de toute sa hauteur la vieillarde acculée et le laissa la briser.

Le choc fut tel qu' Amane redevint instantanément Nuriiyaas. Celui-ci regarda Sanada avec des yeux pleins de peur et de remords.

- Elle l'a tué, n'est-ce pas ? Elle a tué le seul ami que je n'ai jamais eu. Dit-il en s'effondrant dans les bras d'un Sanada, aussi chamboulé que perdu.

- Votre fille va bien Hiro-sama. Ne vous en faites pas.

- J'exige de la voir ! Maintenant !

À l'entrée de l'hôpital du village, Hiro tentait de négocier son droit de visite pour sa fille. Il n'avait pas pu la secourir, il était arrivé juste après la dernière attaque de Sanada, accompagné d'un contingent de gardes.

- Et Sanada ? Je peux le voir ?

- Oui, il est conscient. Il n'a pas été drogué, lui.

Hiro avait eu la décence de rapporter quelque chose à Sanada. Il avait entendu dire par son ancien ami Yasunari que ce jeune homme ne buvait presque que des jus de fruits et avait donc apporté une bouteille de jus de poire de son propre jardin.

Après de chaleureuses salutations, Hiro posa la question qui le taraudait depuis des semaines.

- Mais alors, il existe ce fameux journal qui aurait prouvé la culpabilité de ma mère ?

- Je ne vois pas de quel journal vous parlez. Dit sanada avec un sourire. Votre mère mérite les honneurs. Elle a toujours respecté les traditions du clan. Si le fou vous dit l'inverse, c'est un fou.

- Je ne saurais donc jamais pourquoi ma mère a épargné Amane ?

- Personne n'est obligé de savoir que le cadavre dans le sous-sol de Yasunari est Amane. Personne n'en est même certain.

- Nous avons ouvert la lanterne. Elle est vide. Pas une trace de la fameuse graine.

- C'est une réponse que nous n'aurons jamais, comme bien d'autres. Dit le soldat des Cinq.


Sanada. Kôom. Kôom.

Le jeune homme se réveilla en sueur dans sa chambre d'hôpital. Il faisait encore nuit, mais il n'avait plus sommeil. Dans une conscience ankylosée, il patienta jusqu'à l'arrivée de l'astre solaire. Il allait faire doux, un temps que Rokuro aurait aimé pour son enterrement.

Le soldat des Cinq était aidé de Gintaro et Masako pour marcher. Dans la longue procession qui allait de l'hôpital où Rokuro avait été examiné et sa mort constatée, à son jardin, bon nombre de personnalités du clan et du village suivaient le cortège funéraire.

Devant le trou creusé, dernière résidence de la première sensei de Sanada, le jeune homme eut une prière pour son salut et déposa discrètement le journal qu'il avait récupéré sur une Masako inconsciente sous le tissu gardant sa première sensei. Le clan n'avait pas besoin de savoir. La vérité n'importait guère.

Gintaro, Masako et Sanada s'attardèrent un peu après la cérémonie, tous les trois assis sur les branches du majestueux saule pleureur. Ils discutaient de tout et de rien, mais cela faisait le plus grand bien à Sanada. Soudain, au détour d'une conversation, Masako expliqua l'histoire de ce saule, comme une réponse des cieux pour que Sanada soit enfin en paix.

- Je crois que ma grand-mère l'a planté avec Yasunari l'année de ma naissance. Il a poussé bien plus vite que tous les autres arbres de ce jardin.

- C'est normal. Dit Sanada avec sourire

- Ah ?

- Ce n'est pas un arbre comme les autres...