Si le devoir était l'une des pierres angulaires ayant formé l'homme que le Tadake était aujourd'hui, il aurait été naïf de le prendre pour un shinobi parmi tant d'autres, pour un guerrier de plus pour qui le devoir était toute sa vie. En vérité Kyoshiro était trop honnête et franc pour son propre bien aussi, incapable de mentir, il avait toujours fait comprendre à ses élèves et mentors que, pour lui, le devoir passerait toujours après la famille. Pourquoi ? Parce que sans sa famille, sans sa sœur ou sa femme, il ne serait plus en vie aujourd'hui, abandonné au fond de cette lugubre grotte de nombreux mois plus tôt. En réalité Kyoshiro appréciait de pouvoir se cacher derrière son devoir pour oublier la séparation d'une partie de sa famille mais, au bout du compte il n'était qu'un homme avec une quantité assez limitée de patience. Du jour au lendemain, le senseur s'en alla donc au beau milieu de la nuit pour s'en aller faire le trajet en direction du clan Yamanaka, dans le but de retrouver sa femme et son fils. Le séjour fut-il agréable ? Plus qu'il ne le crut possible en réalité mais, au bout du compte, conscient de ses propres responsabilités, l'aveugle ne put se permettre plus que quelques jours d'absence avant de devoir retourner à la maison...était-ce toujours sa maison, d'ailleurs ? La réponse était encore trop floue pour être connue du senseur. Quoi qu'il en soit, les deux shinobis connaissaient parfaitement le sens du devoir et, si le déchirement se fit sentir, aucun ne craqua car ils avaient tous deux parfaitement conscient de leur situation. Ils avaient choisi d'être ensemble, de créer une famille malgré la distance alors non, ils ne pouvaient s'en plaindre.
Dés le lendemain de son retour, ce ne fut pas la casquette de senseï mais de garde du corps que le senseur enfila alors qu'il se dirigeait vers la tour du Hokage, saluant chaleureusement sa sœur comme lui seul savait le faire. Il vint aux nouvelles afin de savoir ce qu'il avait pu rater, lorsque sa sœur lui lâcha sur la tête la plus violente nouvelle qui eut l'effet d'une claque fulgurante au visage. Son élève Akira était de retour après une longue absente, ou plutôt une longue disparition et...pour faire court il avait été malmené, plus que cela était moralement tolérable en tout cas. Les deux jumeaux étaient comme la lune et le soleil. La nouvelle Hokage était semblable à l'astre lunaire, calme, posée, réfléchie et semblant parfois froide tandis que son jumeau, de son côté, irradiait d'une chaleur qui ne pouvait être comparée qu'à l'astre solaire. Dire donc que l'aveugle vivait pleinement au travers de ses émotions était un doux euphémisme mais, lorsqu'il apprit ce qu'avait subi son jeune élève pendant son absence, la frustration de ne rien avoir pu faire figea son visage en une expression de fureur comme rarement vue chez le senseur.
Ni une ni deux, guidé par ses émotions et cette inquiétude naissante en lui, le shinobi d'élite se rua en dehors de la tour du Hokage et courut aussi vite que ses jambes pouvaient le porter, en direction des portes du clan Aburame où son élève résidait, selon les dires de sa sœur. Il n'avait pas tous les détails en tête, n'avait pas de nom de responsable à blâmer mais le plus important était d'être là pour lui car, après tout, loin ou non, Akira resterait toujours le premier élève de Kyoshiro.
Arrivé à l'entrée du clan, l'aveugle fit un effort conscient pour effacer ce masque de fureru et le remplace pour celui de la neutralité, alors qu'il approchait les portes du domaine.
« Je viens voir mon élève. »
Les gardes semblèrent se regarder un instant, sans trop comprendre la demande ou bien de quel élève le shinobi parlait. Prenait une inspiration pour essayer de maintenir la laisse autour des émotions qui faisaient rage en lui, Kyoshiro expliqua enfin la raison de sa visite.
Hako n’était pas là, Kagome, sa mère, était en train de faire à manger et pour ne pas être un mauvais hôte, je coupais les légumes. Pour ce qui était du père de famille, j’avouais ne pas savoir si il était en train de travailler ou non. Il était assez discret, assez invisible quand il le voulait. Quoi qu’il en soit je m’occupais, comme je pouvais, je me faisais même sans doute engueuler quand j’avais le malheur de laver et ça finissait souvent par une galopade de Yama dans les jambes, puis un asseyage de ce dernier sur moi histoire que je ne bouge vraiment pas. C’était animé, vraiment animé et ça faisait du bien sans doute, ça changeait, ca me faisait découvrir ce que ça faisait d’avoir une sœur, de rentrer dans une famille et d’y vivre chaque moment. J’allais d’ailleurs mieux, je savais rester debout plusieurs dizaines de minutes sans que tout ne me tire, je ne me réveillais plus toutes les heures et le traumatisme commençait lentement à se défaire de mes chairs, du moins tant que je ne voyais aucun Uchiha. Masaru avait d’ailleurs était le seul à venir, et c’était mieux ainsi. Même si il n’était pas facile de lui faire face, il semblait vraiment vouloir tirer cette histoire au clair, ce qui était rassurant.
Je venais de finir d’éplucher et couper une dernière carotte que quelqu’un tapa à la porte des Aburame. Révélant les yeux vers la matriarche, elle me fit signe d’aller ouvrir, ce que je fis après avoir lavé mes mains. La journée allait prendre fin, la nuit n’allait pas tarder à venir étendre son voile sur Konoha, ce qui rendait d’autant plus étonnant une visite. Derrière la porte se trouvait un des gardes du domaine, il y avait visiblement mon sensei à l’entrée du domaine et ne reconnaissant pas l’homme qui m’était attribué, ils n’avaient pas voulu le laisser rentrer. C’est donc sans trop savoir qui, ni pourquoi que je suivis le garde. Ils me protégeaient ici, plus que mon clan ne l’aurait fait et ce n’était donc pas très étonnant que ce dernier me garde dans son dos jusqu’à ce qu’on arrive enfin à destination et là… La surprise fut grande, déjà car il avait réclamé son élève ce que je ne croyais plus possible depuis que j’avais changé d’équipe, mais aussi car il était là tout simplement, comme si j’avais encore la moindre importance.
« C’est bon. » soufflais-je alors quand il fut question que je leur dise enfin si oui ou non il pouvait rentrer dans le clan. Les hommes s’effacèrent alors, lui indiquant qu’il pouvait rentrer et rester dans les abords du domaine. Je me disais que cette sécurité était bien, mais complétement obsolète face à des hommes Masaru qui n’avaient aucun problème à rentrer chez les gens, mais passons. « Il y a un problème ? » demandais-je alors inquiet, ne comprenant pas trop pourquoi il était là, pas plus que je ne comprenais ce que je pouvais faire pour l’aider. À la lueur du soleil couchant, je détaillais l’homme, ce père de famille qui fut un temps une ancre, un soutien. Pourquoi était-il là ?
Certains pourraient dire que Kyoshiro faisait trop facilement confiance aux personnes de son entourage, et c'était sans doute en partie vrai, mais il y avait une nuance à apporter dans ce sujet. En effet, s'il était homme à accueillir à bras ouverts les gens qui croisaient son chemin, rares étaient ceux assez proches pour connaître le Kyoshiro véritable, celui qui se cachait au-delà de son charmant sourire. Sa sœur, sa femme, son fils, Nikkou et, en dernier mais non des moindres, venait le jeune Akira qu'il était venu voir aujourd'hui. Pourquoi ? Parce qu'ils s'étaient rencontrés à un moment où ils étaient aussi perdus l'un que l'autre, parce que le jeune garçon avait vu son senseï dans le moment le plus vulnérable de sa vie et n'avait pas fui pour autant : ce simple geste, aussi anodin puisse t-il paraître, avait garanti que le jeune Uchiha aurait la confiance et le soutien de son mentor, à tout jamais. Le jeune Akira avait sauvé son senseï en acceptant que ce dernier le prenne sous son aile, sans doute n'en avait-il absolument pas confiance mais cela n'en restait pas moins vrai. Il avait redonné à l'aveugle le goût de la confiance en lui et de la réussite d'une certaine façon, c'était sans doute pour l'une de ces raisons que leur séparation avait été aussi douloureuse pour le senseur. Pourquoi n'était-il pas venu voir son élève, pour qu'ils s'expliquent ? Parce que tous les mots du monde n'auraient rien changé à cette décision, parce qu'il prenait cela comme un échec personnel et parce que, pour faire face à tout cela, il s'était noyé dans le travail pour éviter de trop y penser.
Il était encore temps de rattraper la chose, encore temps de faire comprendre au jeune élève qu'il n'était pas tout seul et surtout maintenant. Le senseur dû donc faire un effort intense et conscient pour ne pas fracasser les portes et rentrer de force dans le domaine clanique, essayant de garder son calme fragile jusqu'à ce qu'il sente enfin la présence familière de son élève. Cette seule sensation et le son de sa voix parvinrent à soulever une partie du poids qui écrasait les épaules de l'aveugle, mais la toute dernière phrase du Uchiha lui fit presque froncer les sourcils. Y avait-il un problème ?
« On peut dire ça, oui. »
Prenait-il son ancien maître pour un idiot, ou essayait-il de banaliser ce qui venait de lui arriver ? Quelle que soit la raison, Kyoshiro laissa son ego et sa sensibilité de côté, s'avança pour s'éloigner de l'entrée du domaine, tout en laissant retomber le silence. Comment pouvait-il poser cette question, sans trop mettre les pieds dans le plat ? Il s'autorisa donc quelques secondes avant de stopper son avancée, se tournant vers son ancien élève pour finalement lui demander :
« Tu n'as pas quelque chose que tu veux me dire ? »
Kyoshiro n'était pas là pour juger mais pour deux choses. La première était pour apporter son soutien à son ancien élève, de quelque façon que ce soit, et la deuxième était d'obtenir le nom de celui sur laquelle il allait déverser sa juste fureur, dés la fin de cette conversation.
L’angoisse était là, palpable, présente alors que l’homme affirmait qu’il pouvait y avoir un problème. Lui avait-on reproché quelque chose à mon sujet ? Il avait disparu promptement de ma vie et peut-être qu’au final, j’étais un nuage dans sa carrière ? Le suivant donc du regard, puis tout court alors qu’il avançait en silence, je m’attendais à à peu près tous les reproches, j’avais même peur que les souvenirs encore chaleureux de lui viennent à disparaître pour laisser place à la douleur. La séparation avait déjà été assez douloureuse, je n’avais que très peu envie d’en revivre une. Tête baissée, mon cœur se serra à l’instant où il me demanda si je n’avais rien à dire. On y était donc. Il savait, on lui avait dit et ça s’était mal passé ? « Je suis désolé. » soufflais-je donc précipitamment alors que j’essayais de trouver un plan, une façon de me défendre, une façon d’expliquer les complications qu’il avait pu y avoir, ce qu’on avait pu dire sur mon état et sur potentiellement les accusations que j’avais porté sur mon père, sur la honte que j’avais porté sur mes parents, sur mon clan. Il était évident qu’en ayant changé d’équipe, il aurait sans doute espéré ne plus avoir à faire à moi.
« Je sais pas ce qu’on a pu dire, mais je ne voulais pas ennuyer avec la situation. » déclarais-je donc sans trop savoir comment m’excuser d’exister et de causer encore des ennui à tout le monde. Naturellement, Hako m’aurait frappé pour avoir ce genre de pensées. Je n’étais pas un poids et il était naturel que je sois contre, que je me protège contre ce que les autres pouvaient dire et penser. On m’avait attaqué, on m’avait laissé pour mort, ce n’était pas normal, mais ce n’était pas non plus normal de polluer la vie d’une personne ne voulant plus avoir à faire avec moi. On avait partagé des choses, mais ce n’était sans doute rien face à ce que je représentais comme travail. Ca ne m’étonnait donc de moins en moins d’avoir fini avec Sora. Il n’avait pas de coeur, il ne s’encombrait pas de superflu. J’étais imparfait, faible, criblé de défaut pour lui et il n’avait aucune honte à le dire, là ou Kyoshiro devait sans doute préférer des gens avec qui il était possible de construire des choses, d’avancer, ce qui n’était pas mon cas.
J’étais un poids. « J’essayerais de ne plus faire de vague pour plus que ca remonte à toi. » ajoutais-je le regard baissé et perdu sur le sol. Je n’avais pas compris comment la situation avait-elle pu à ce point me dépasser, déraper et comment j’avais fini ici. Certes, Hako et Yume étaient préférables à Kaori et Chiyo, mais entre Kyoshiro et Sora, le choix aurait été vite fait, du moins si j’avais eu le choix, si j’avais pu choisir. Après aurais-je pu continuer à m’imposer ? Non, je devais accepter et laisser à l’homme une chance de passer à autre chose.
Si le jeune homme était connu pour trouver les bons mots et amener le sourire sur chaque visage qui croisait son chemin, par son charme mais surtout sa bonne humeur naturelle, il serait faux de croire que cette facilité était constante chez lui. En effet comme tous les êtres humains il était sujet à des émotions, certaines bonnes et d'autres beaucoup moins, aussi lui arrivait-il de ne parfois pas toujours trouver les mots. Ici, en arrivant aux portes du clan Aburame, le senseur s'était présenté sans trop savoir ce qu'il pourrait dire à son ancien élève. Pourquoi ? Parce qu'ils ne s'étaient pas éloignés en bons termes, parce qu'ils n'étaient pas restés en contact par la force des choses mais, surtout, parce qu'il savait que deux personnes pouvaient réagir de façon diamétralement opposées à un événement traumatisant. Guerriers peut-être, mais hommes avant tout. Son jeune élève avait toujours été écrasé par le poids d'une responsabilité qui ne devrait pas être la sienne, convaincu qu'il n'était qu'une gêne pour sa famille et, aussi, il n'avait pas la même force de caractère que son ancien mentor. Différentes épreuves, différentes vites, différentes personnalités. En revanche, même s'il ne savait pas que dire pour rationaliser cet événement ou panser les plaies du garçon, Kyoshiro ne pouvait pas faire la sourde oreille et prétendre de n'être au courant de rien. Comment pourrait-il donc se regarder dans le miroir, en sachant cela ? Certes il ne le pouvait pas mais...vous voyez où je veux en venir.
Il s'avança donc et, lorsque son ancien élève s'excusa, Kyoshiro ne tint même pas à relever cette phrase qui n'avait pas sa place ici. Akira s'excusait-il de ne rien avoir dit ? Cela ne faisait rien, mai en revanche ce fut la phrase suivante qui fit réagir davantage l'aveugle.
« Pardon ? »
Il ne voulait pas l'ennuyer ? PAS L'ENNUYER ? Dans quel monde pouvait-il penser que cela ennuierait Kyoshiro d'apprendre que son premier élève avait eu des ennuis ? Qu'avait-il bien pu se passer dans sa vie, pour qu'ils en soient revenus tous les deux au point de départ de leur relation ? Kyoshiro était un homme d'émotions comme j'ai pu le mentionner plus tôt, cependant il était aussi un homme de contrôle si bien que rares étaient les mots ou personnes à même de l'ébranler. En revanche les derniers mots qui sortirent de la bouche du jeune Uchiha, ceux qui témoignèrent de la fracture évidente entre les deux shinobis parvinrent à briser ce calme apparent et faire sortir le shinobi de ses gonds.
« PARDON ? »
Oh il ne levait jamais le ton mais ici, devant la violence de la claque qu'il venait de se prendre, Kyoshiro ne put que laisser exploser sa colère à pleins poumons. Ne plus faire de vagues ? Pensait-il donc que ne plus faire partie de la même équipe voulait-il que le Tadake devait donc sortir de sa vie, par la même occasion ? Avait-il donc une si piètre opinion de son ancien mentor, pour l'écarter de cette façon ?
« TU ES COMME... »
L'aveugle fit un effort conscient pour stopper cette phrase qu'il ne pouvait finir, pas avec cette attitude, pas avec ce ton, pas avec cette rage dans la voix. Les mots étaient puissants, peut-être même la plus puissante des armes et il ne pouvait hurler sur son élève alors que les pièces du puzzle se mettaient en place. Il ne voulait plus faire de vague pour que cela n'atteigne plus son mentor...non, son ancien mentor parce qu'ils ne travaillaient plus ensemble, parce qu'ils s'étaient éloignés l'un de l'autre et là, au beau milieu de cette tempête d'émotions, cela frappa l'aveugle. Ce dernier s'immobilisa et tourna le dos à son élève, baissant la tête et prenant plusieurs profondes inspirations, pour se calmer, avant de finalement parvenir à souffler :
« Bon. J'imagine que je l'ai mérité, puisque je t'ai laissé tomber. »
Il n'y avait pas d'autre façon de le dire. C'était facile de dire qu'il n'avait pas eu le choix car il avait agi en bon soldat, respectant les ordres de la hiérarchie, mais cela ne changeait en rien le résultat final. Se pinçant l'arrête du nez de ses deux doigts, essayant de ne pas s'accrocher au sentiment de perdition et de frustration qui prenait racine en lui, tout en faisant appel à ses mantras pour regagner sa concentration habituelle, non sans un intense effort. Gardant ses paupières fermées pour masquer la profonde tristesse qui illuminait ses prunelles immaculées, le shinobi releva finalement la tête avant de conclure par :
« Je me fiche de ce que les autres ont pu me dire. Je veux juste l'entendre de ta bouche. Parle-moi, s'il te plaît. »
Sa réaction me déstabilisa. En fait je ne savais pas quoi penser. Il semblait énervé, comme ayant perdu le contrôle et moi je reculais d’un pas. Il commença d’ailleurs une phase, me désignant comme étant quelque chose, mais il ne la finit pas. J’étais comme un poids ? Une honte ? Je n’arrivais pas vraiment à comprendre, j’étais perdu, toujours un peu plus. Et ce fut sans doute pire quand il jugea avoir mérité quelque chose puisqu’il m’avait laissé tombé. Que voulait-il entendre de ma bouche ? De quoi il parlait… « J’avais pas le niveau, ca devait être trop compliqué, c’est pas... » je ne voyais vraiment pas quoi lui dire, c’était… C’était étrange de lui parler, d’aborder des choses que peut-être j’aurais pu lui parler si je ne l’avais pas déçu lui aussi. Je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même et les mots de Tsumi ne tardèrent pas à se frayer un chemin dans mon esprit. Quoi que les autres aient pu dire ? Mon père était responsable de quelque chose que même ma faiblesse ne pouvait pas justifier.
« Mes échecs à l’examen ont fait honte à mon père et je suppose qu’il a voulu me tester un dernière fois, sauf que j’ai échoué, encore. » du moins à ses yeux, la vérité c’était lui qui avait échoué à me tuer, il m’avait sous-estimé. Je méritais de vivre et j’allais le faire, j’allais les battre et changer les choses, même si ca semblait ridicule pour certain. Pour moi ca ne l’était pas. « Après plusieurs jours de combat je suis tombé dan sun Genjutsu et je suis tombé dans un ravin, j’ai réussi à sortir de l’eau et après je suis remonté, mais j’étais trop blessé, fatigué et perdu pour réussir à revenir, du coup j’ai survécu là-bas tout seul pendant un mois. » et ca avait été plus facile, en réalité sans Tsumi je serais sans doute mort, mais je devais continuer à le protéger. Il était un ami, pas une cible, quoique j’aurais pensé il fut un temps que l’homme aurait pu l’entendre. Aujourd’hui je ne pouvais plus prendre ce risque, car je savais combien les hommes étaient motivés pour détruire d’autres. L’erreur ne viendrait sans doute pas de lui, mais bien des miens. « Alors oui j’ai déçu tout le monde à l’examen, j’ai pas su me battre contre Yume, j’ai perdu contre cette Uzumaki, mais je suis arrivé premier à l’examen écrit et j’ai survécu un mois dans l’Isthme de Gel. C’est pas des missions de haut réussi, mais je ne suis pas quelque chose dont on peut se passer juste car j’ai besoin de plus de temps. Je réussis à apprendre, je connais sans doute même plus de technique que tous les Chuunin du village ! C’est juste que pour moi, l’amitié, la fidélité, le respect et l’entraide est plus important que la réussite. C’est pas en écrasant tout le monde et en n'ayant pas de coeur que je serais meilleur ! » un peu essoufflé par la tirade, je réalisais combien le fait qu’il vienne me réclamer des comptes après m’avoir abandonné faisait mal. Combien je n’avais pas su passer l’éponge et combien encore aujourd’hui je ne comprenais pas. Pourquoi j’avais été évincé, pourquoi cet homme que je prenais pour un repère ne voulait plus de moi ?
« J’avais peur de sortir du village et pourtant j’ai pas réfléchi quand t’as disparu, je pensais que t’étais différent, mais y’a suffit qu’on te donne une autre équipe de génie pour que tu m’oublies et que tu disparaisses de ma vie. Je suis pas nul. Je suis pas un boulet, je ne suis pas un échec, je suis quelqu’un, je suis intelligent et je suis utile dans une équipe, je ne suis pas oubliable, je ne suis pas… T’as pas le droit de m’abandonner et de venir après ici me réclamer des comptes. » soufflais-je le cœur lourd, « Je suis sincèrement désolé que ma faiblesse continue à polluer ta vie, c’était pas l’idée, mais… Remuer le couteau était pas utile, je m’en suis sorti seul de cet enfer, je suis pas si faible. », je n’avais pas réussi seul, mais Tsumi m’était trop semblable pour le considérer comme un étranger. J’avais plus le droit d’être ignoré et j’avais pas à étouffer. Moi aussi je pouvais exploser sans doute, même si ça impliquait que je sois sur la défensive, à nouveau, comme un animal sauvage face à un homme. Je ne méritais pas d’avoir à rendre des comptes sur ce qui venait de se passer. Je ne pouvais plus m'excuser d'exister.
Il y avait des moments – de plus en plus nombreux – durant lesquels le jeune Tadake aurait aimé avoir le maintien et le calme de sa jumelle, où il aurait aimé ne pas ressentir aussi intensément toutes les émotions qui faisaient rage en lui. Cela aurait rendu bon nombre de rencontres et d’événements bien plus simples, comme cette rencontre d'aujourd'hui, mais l'aveugle avait appris depuis longtemps à accepter les cartes que la vie avait souhaité lui fournir. Il n'était pas le plus fiable ou le plus mentalement solide des shinobis, de son propre opinion en tout cas, mais il avait appris à travailler sur ce point durant les dernières années. Avait-il seulement le choix, de toute façon ? Après tout il n'était que la somme de ses propres expérience set, si elles n'étaient pas nombreuses, elles avaient au moins eu le mérite de laisser leur trace sur son corps et son esprit, tour à tour. Il avait été habitué au fait d'être jugé pour ce qu'il était et ce qu'il ne serait jamais, habitué à la mort, habitué à la frustration et au vide, habitué à l'absence, habitué à la culpabilité mais, depuis Tetsuo, jamais encore il n'avait eu l'occasion de laisser quelqu'un tomber de nouveau. Aujourd'hui, alors que Kyoshiro se présentait devant son ancien élève, il sentait ce sentiment d'échec prendre de nouveau racine en lui et, tout familier que puisse être ce sentiment, il fit tout son possible pour le combattre en sachant très bien où cela ne mènerait.
Dans un endroit sombre et humide, d'où il ne voudrait peut-être pas sortir.
Il se contenta donc d'écouter pour le moment, d'écouter que l'emprise du père Uchiha était toujours aussi puissante sur son fils et, si certains propos auraient pu faire sourire l'aveugle, cette possibilité fut écrasée par la gravit des événements contés. Être testé était une chose, cela permettait d'établir des limites à dépasser, mais abandonner sa chair et son sang à cause de quelques obstacles sur la route ? Cette seule idée révulsait le jeune père qu'était Kyoshiro à présent, mais il ne fit aucune commentaire, du moins pas jusqu'à ce que Akira évoque à voix haute ce que tous les deux avaient gardé en tête, depuis trop longtemps. Le senseur avait cru que son élève lui en voulait de ne pas avoir lutté davantage pour le garder, mais non, il était convaincu que ce changement était un choix, une volonté d'abandon de la part du Tadake et ces seuls mots vinrent enserrer davantage le cœur du concerné.
« Attends, attends, attends. Tu crois vraiment que j'ai demandé à ce que tu sois changé d'équipe ? Que j'ai demandé à me séparer de mon meilleur élève ? Ce n'est...»
Comment avait-il pu être aussi stupide, d'attendre aussi longtemps afin de mettre les choses à plat ? Comment n'avait-il pas pu deviner que quelque chose d'autre se tramait dans la tête du Uchiha ? Oh oui sur ce coup il avait été aveugle et pas qu'un peu ! En revanche ce fut le terme « rendre des comptes » qui parvint à le sortir de ses gonds, une nouvelle fois, bien malgré lui.
« Je ne viens pas réclamer des comptes, je me suis inquiété ! Bougre d'idiot ! »
Comment pouvait-il être aussi doué avec les mots, et aussi nul à expliquer à son ancien élève ce qu'il avait en tête ?
« Je... »
Je suis désolé ? Je suis le roi des cons ? Une multitude d'idées se bousculèrent dans la tête du Tadake, mais celui-ci les écrasé les uns après les autres, le temps de retrouver à nouveau un semblant de concentration, tout en reculant un peu au risque de s'emporter à nouveau. Pourquoi s'emportait-il aussi facilement, face à Akira ? Il le savait bien : parce qu'il ne pouvait contrôler ses émotions pour ce qui lui tenait réellement à cœur. Pourquoi le lui cacher, alors ? Pourquoi retenir ce qui était depuis beaucoup trop longtemps sur le bout de sa langue ? Se tournant vers son élève, le visage figé en une expression de tristesse profonde, l'aveugle laissa enfin éclate à pleins poumons ce qu'il avait sur le cœur, ce qui justifiait sa seule présence ici.
« Tu es comme un fils, pour moi. Tu comprends, ça ? Je t'aime comme mon propre fils ! »
Et il parlait en connaissance de cause, maintenant qu'il avait tenu dans ses bras sa chair et son sang. Seishiro était le fils qu'il avait choisi, Akira était le fils que la vie avait décidé de mettre sur son chemin, lorsqu'il en avait le plus besoin. En aimait-il un plus que l'autre ? C'était encore trop tôt pour le dire mais, pour le moment, Kyoshiro avait simplement l'impression de déclarer cet amour trop tard. À quoi bon ? Le mal était déjà fait, non ? Il aurait voulu prendre son élève dans ses bras mais, devant le fossé qui s'était établi entre les deux, il ne put que se redresser et faire demi-tour, en direction de l'entrée du domaine.
« Mais de toute évidence j'ai merdé de ce côté-là, une fois de plus. Je ne te dérangerai pas davantage, Akira. Je voulais m'assurer que tu allais bien, et c'est le cas. Navré de t'avoir perturbé par ma visite. »
Il ne pouvait pas réparer ce qu'il avait fait, mais il pouvait au moins mettre la branlée de l'année à celui qui avait blessé sa plus grande réussite.
M’énerver n’avait fait que me déstabiliser un peu plus lorsqu’il me demanda si je croyais vraiment qu’il avait demandé à me changer d’équipe. La réponse était assez évidente non ? Pourquoi se séparer de moi alors que clairement j’étais proche de lui ? Je m’étais trompé, sinon pourquoi dire que j’étais son meilleur élève ? Fronçant les sourcils, j’avais peur que cet abruti m’ait laissé partir sans prendre la peine de venir me voir, car clairement, là, il fallait être stupide pour pas penser que… La colère monta de nouveau, car de toute évidence, j’avais passé des semaines et des mois à me convaincre que j’avais déçu la seule personne qui croyait en moi pour rien, car il n’avait pas fait un mouvement et que… Oui j’aurais dû y aller aussi, mais… Mais j’avais beau avoir mille raisons d’exploser à nouveau, son désarroi et ses derniers mots me scièrent les jambes. J’étais comme un fils pour lui, il m’aimait comme un fils… La gorge brusquement nouée, le coeur battant, les barrières que j’avais de nouveau dressé entre moi et lui s'effondreraient les unes après les autres. Bien sûr, il pouvait mentir, mais pourquoi faire ? Il n’aurait rien à y gagner, si ce n’est moi ? Alors sans vraiment le contrôler, je m’élançais à sa suite quand il décida à de partir, attrapant son bras avec une main tremblante, avec tout autant d’incompréhension, « Pourquoi pas me l’avoir dit... » demandais-je d’une voix cassée. « Je croyais t’avoir déçu... » ajoutais-je tête baissé, conscient que tout ça n’était qu’une vaste blague. J’avais déconné, j’avais coupé la route à un allié par peur…
Cela m’étonnait ? Pas tant que ça. Je m’isolais, j’avais eu trop souvent l’habitude d’être seul et aujourd’hui… Aujourd’hui le vide de son absence me noyait sous un flot d’émotion toujours plus grand et plus fort. J’étais perdu, je ne savais plus trop quoi faire, ni comment me débattre pour sortir de l’eau. J’avais besoin de digérer tout ça. Le lâchant alors, j’abandonnais toute volonté pour lutter et me défendre, pour finalement glisser mes bras autour de son torse et le prendre dans mes bras. Un geste simple, qui voulait pourtant en dire bien plus, tout comme les larmes qui commencèrent à couler le long de mes joues sans que je ne puisse rien y faire. Les Aburame, les parents d’Hako, Hako et Yume… Et maintenant lui. Les choses se révélaient, les unes après les autres, les gens se resserraient autour de moi et je n’étais définitivement plus seul. Quoi que j’ai pu finir par me convaincre, j’avais la preuve que rien n’était réel, rien n’était vrai. J’avais une famille, une famille qui m’avait choisi moi, pour mes forces et mes faiblesses. Je ne pouvais plus le nier, et cette nouvelle réalité, ce qu’il venait de dire et en sachant où il en était dans sa vie… Impossible pour moi de ne pas céder.
Une véritable girouette de l’extérieur, ou tout simplement un animal sauvage n’ayant connu que la violence et réalisant que le bien existait. Il était sans doute la dernière goutte dans cet océan instable et proche de l'inondation qu’étaient mes sentiments. « Pars pas. » lui demandais-je alors, bien incapable de prétendre ou dire quoi que ce soit d’autre. Je crois que j’avais besoin d’une pause dans ces montagnes russes. J’avais vraiment besoin de souffler et si possible en le gardant contre moi, juste le temps de réaliser que c’était réel et pas un nouveau jeu de l’esprit. Pas une illusion toxique pour me mettre à terre.
On pourrait croire que la psyché du jeune homme était simple, qu'il était aisé de pouvoir le cerner, mais en réalité il avait établi trois niveaux bien distincts de compréhension de sa personne. La première couche représentait l'aspect professionnel de sa personne, ne montrant que l'homme calme et posé que son métier lui demandait d'être. La seconde couche était plus chaleureuse et souriante, celle que tout le monde connaissait et appréciait, celle qui réchauffait les cœurs et faisait naître les rires. Puis venait la plus personnelle des couches, celle derrière laquelle se cachait toutes les plus grandes faiblesses et les plus grands doutes du jeune homme : rares étaient ceux qui avaient été autorisés à voir cette dernière couche. Même s'ils n'étaient pas très nombreux à connaître cette facette de l'aveugle, ce dernier avait savamment sélectionné chacune des personnes qu'il avait laissé rentrer aussi profondément dans son âme, à la seule exception du jeune garçon dont il tournait à présent le dos. Celui-ci avait été confronté à la partie la plus sombre de l'esprit du jeune aveugle, la partie qu'il n'aurait jamais voulu montrer à personne, mais il était trop tard pour faire machine arrière.
Bien entendu il aurait fini par ouvrir cette troisième porte à son ancien élève, mais en son temps et en son terme. Pas comme cela, pas avant que Akira ne soit prêt à encaisser la vision de son maître fracasser la tête d'un homme en hurlant, contre le sol, l'éclatant comme une pastèque trop mûre. C'était sans doute pour cela qu'il s'était retenu de lui dire ce qu'il avait sur le cœur, parce qu'il en avait déjà bien trop montré à son goût mais, devant la situation qui se dessinait devant lui, il ne put se retenir plus longtemps. Ce qui le surprit ne fut pas qu'il soit capable de prononcer ses mots, mais plutôt que son élève se mette à courir après lui en lui agrippant le bras, comme si...comme si quoi, d'ailleurs ? Il n'y avait rien de plus à dire, pas aux yeux de l'aveugle en tout cas.
Puis les frêles bras du jeune Uchiha vinrent enserrer le corps du senseur en un geste auquel il n'était pas préparé, brisant la presque totalité de ses défenses, le poussant à l'immobilisation la plus soudaine. Si son regard ne perdit pas totalement de sa tristesse, Kyoshiro réagit d'instinct et passa une main autour du corps de son élève, posant l'autre main à l'arrière de son crâne, avant de lui souffler :
« Tu ne m'as jamais déçu. Jamais. »
Le simple fait que le jeune Uchiha comprenne sa vraie nature, comprenne sa vraie valeur dans les mots formés un peu plus tôt était un hommage aux progrès qu'il avait fait. Comment son senseï pourrait-il être déçu de cette évolution ? La question ne s'était jamais posée, et cela n'aurait jamais lieu aussi longtemps que le garçon resterait fidèle à lui-même. C'était tout ce que son premier mentor avait jamais voulu. Ce même mentor resta donc là, enserrant son élève tout contre son torse, jusqu'à ce qu'une barrière de plus ne se brise lorsque le jeune Akira l'implora de ne pas le quitter.
Comment pourrait-il le faire, en sachant dans quel état cette première séparation l'avait rendu ? Non, cette question non plus ne se posait même pas. Posant sa tête contre le haut du crâne du jeune garçon, le Tadake souffla :
« Je suis là... »
Il n'avait pas été là, il ne savait pas combien de temps il lui restait à passer, dans ce village, mais il était là pour le moment et c'était tout ce qui comptait. Finalement le père releva la tête, déposant un baiser aimant sur le crâne chevelu de son plus grand succès, avant de murmurer :
Les choses étaient bien trop compliquées pour moi, pour tout ce que je devais gérer et faire. J’avais eu trop à absorber, trop à digérer pour que rien de ce qui se passe comme j’aurais voulu. Je ne pouvais faire face, j’avais besoin d’une famille, besoin que la seule personne que j’avais jamais voulu rendre fier le soit vraiment. Je ne l’avais jamais déçu, je ne l’avais jamais déçu… La gorge serrée, je sentais mon cœur se contracter, se fendre devant ces aveux que j’aurais pourtant voulu entendre plus souvent. Il me tenait contre lui, comme un père aurait dû le faire. C’était stupide d’être aussi déconstruit et pourtant à ressentir enfin les choses se remettre dans le bon ordre avec une personne, avec un acte tout pouvait changer. J’imaginais sans difficulté ce qu’il aurait pu arriver si dans la sécurité de notre maison, mon père et ma mère m’avaient porté un peu d’attention. Sans avoir besoin de se perdre ou de faiblir, mais juste une attention, une preuve d’amour, que j’avais de l’importance m’aurait sans doute porté bien plus loin. Mon cœur n’était pas celui d’un Uchiha classique, il avait des faiblesses, il était fragile, mais il n’était pas pour autant faible. Simplement il ne pouvait se satisfaire de la reconnaissance brute après la réussite, il avait besoin d’encouragement.
Alors oui, l’entendre me dire qu’il était là, que j’étais son fils… L’homme était devenu père, il savait, il avait conscience et connaissance de ce que cela impliquait, du poids des mots, du poids des choses et de ce que cela signifiait. J’avais aussi conscience que s'il disait ce qu’il pensait, pour son bien, pour l’épanouissement de son fils, il finirait par partir le rejoindre, par traverser un pays, par quitter sa nation. Il ne serait pas là éternellement, il m’aiderait sans doute à sortir la tête de l’eau. Il ferait ce qu’il faut pour me remettre sur le droit chemin, mais ce père n’était pas le mien et s'il était celui de mon coeur, il partirait, bien avant que je sois définitivement devenu un homme accompli. Alors je devais peut-être cesser de perdre mon temps pour profiter de ma chance, de ce moment qui ne serait pas éternel.
« Si cet accident nous a au moins permis de nous retrouver alors il y a peut-être bien quelque chose de bon en chaque chose, dans chaque événement. », même si il était d’une évidence certaine que cela m’avait au final sauvé la vie. Je n’avais plus eu peur de la mort, simplement de ne pas exister et en revenant ici, j’avais bel et bien compris que la mort et l’oublie n’auraient jamais été possible. Hako, ses parents, Yume, tous m’avaient protégé, Tsumi aussi à sa manière, malgré la querelle de notre sang et puis Kyoshiro était revenu. Je n’étais pas une ombre au tableau, je ne l’avais jamais été et c’était bien ce que j’avais eu besoin d’entendre. Je n’étais pas celui qu’il pourrait oublier. Je n’étais pas ça.
Me détachant alors de lui, j’essuyais mes joues pour finalement balayer du revers de la main la gêne qui aurait pu naître d’un tel aveu, d’un tel moment, « J’en ai marre de pleurer, on va finir par croire que je suis sensible. » désmorçais-je donc dans un rire franc et sincère. J’en aurais jamais marre si c’était la réalité de mes sentiments.
Comme il se le répétait assez souvent, Kyoshiro avait compris le pouvoir des mots et, si certains pouvaient briser des amitiés et détruire des nations, leur absence pouvait être tout aussi dévastatrice. En effet, que se serait-il passé s'il avait été transparent avec son élève depuis le départ, en lui dévoilant ce qu'il venait de lui dire, à l'instant ? Un fossé se serait-il créé malgré tout ? Se seraient-ils rapprochés, au contraire ? Quelle que fut la réponse, le Tadake était à peu près convaincu que son élève n'aurait pas été seul face à cette horrible expérience, s'il avait été franc avec lui depuis le départ. Enfin bon, tous les deux savaient très bien qu'ils ne pouvaient refaire la passé et, plutôt que de ressasser leur culpabilité et leurs regrets, ils préférèrent laisser tous ces démons de côté sous la forme d'un geste pure d'affection parentale. Bien entendu Kyoshiro savait que ce fils-là ne partageait pas son sang, contrairement à Seishiro, mais il n'avait jamais cru que la famille s'arrêtait seulement au sang. Certes le jeune Uchiha était dépendant de lui pour le moment, car il avait besoin de soutien pour se remettre sur pied et reprendre du poil de la bête mais, tôt ou tard, ils traceraient tous deux des chemins bien différents. Cependant l'aveugle ne voyait pas le problème, ne considérait pas cette distance comme un frein car, s'il le faisait, cela reviendrait à admettre qu'il allait couper sa sœur de sa vie, une fois parti de Konoha.
Tout bonnement impensable.
Aussi loin qu'il pourrait être, il ne cesserait jamais de s'inquiéter pour ce garçon, pour son tout premier élève, pour le meilleur de ses poulains mais, heureusement, tous les deux le savaient aussi bien pour que l'aveugle n'ait pas besoin de le vocaliser. Au lieu de cela il resta là, tout contre Akira, jusqu'à ce que ce dernier ne vienne briser le silence qui s'était installé. L'espace d'un instant Kyoshiro crut que les mots n'étaient pas ceux du garçon, car il n'avait jamais été du genre à voir le meilleur dans chaque chose comme son senseï essayait de le faire et, à l'écoute de ces mots, le Tadake ne put s'empêcher de taquiner son élève, avec un sourire amusé.
« Du positivisme ? Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de mon élève ? »
Kyoshiro avait toujours été trop positif pour son propre bien, et son élève pas assez. Ensemble ils faisaient la paire, assurément, c'était sans doute pour cela qu'aujourd'hui l'aveugle se permettait cette petite plaisanterie. Plaisanterie qui se poursuivit lorsque le jeune Uchiha essuya quelques larmes, afin que personne ne se mette en tête qu'il pouvait être sensible. Ce à quoi, haussant les épaules pour appuyer les propos de son élève, le senseur répliqua :
« Quelle idée saugrenue... »
Son élève s'inquiétait-il autant des apparences qu'avant ? Le senseur ne pourrait jamais lui en vouloir pour cela, compte tenu de son passé et sa pression familiale mais, avec le temps, il espérait que cela s'arrange. En parlant de pression familiale, justement, Kyoshiro tint à battre le fer pendant qu'il était chaud et, après s'être assuré que son élève allait bien, restait à savoir ce qui allait advenir de lui. Rentrerait-il chez lui ? Confronterait-il son père ? Qu'avait-il de prévu ? Autant de question demeurant sans réponse mais, pour délier la langue du Uchiha, mieux valait y mettre les formes en se remplissant la panse par la même occasion.
« Bon, je crois qu'on a quelques trucs à mettre au point. Tu veux qu'on en discute devant un repas ? C'est moi qui invite. »
Mes blagues avaient au moins eu pour effet de repousser au loin les nuages. Riant à sa déclaration selon laquelle j’avais été remplacé par un autre, j’avouais sans grande difficulté que ce n’était pas mon genre de faire de l’humour. J’étais davantage du genre à sombrer, à penser au pire, mais ne l’avais-je déjà pas vécu ? La vérité c’est bien que tout aurait pu être pire, bien pire que ce que l’on attendait de moi. J’avais déjà survécu, et puis j’avais rencontré Tsumi, il m’avait soutenu, aidé, fait avancer avant de me laisser partir plus convaincu que jamais que j’avais ma place dans ce monde. Certes le chemin avait été dur, j’avais plus d’une fois cru que j’allais échouer, et voir les portes de Konoha m’avaient replongé dans mes démons, mais j’étais arrivé chez les Aburame, les parents d’Hako m’avaient soigné, donné un toit et finalement j’avais trouvé une famille. Alors oui, il y avait de quoi positiver, même si cela ne retirait rien au drame qui s’était joué. J’étais passé par une belle porte. « Vivre le pire ça aide à voir le meilleur je crois. » lui assurais-je sans pour autant essayer de revenir sur le sujet.
En fait je continuais même sur le ton de l’humour en rejetant cette émotion qui pourrait me faire passer pour un faible émotif. La réalité c’était bien que je n’en avais plus peur. Quels que soient les extrêmes, l’on ne s’enfonçait pas à les ressentir, mais uniquement en les nourrissant. Comme la haine, comme la rancoeur. Ressentir la colère n’avait rien d’un mal et Tsumi m’avait fait ouvrir les yeux là-dessus. Kyo finit par affirmer qu’on avait des choses à mettre au point, il voulait même qu’on en discute devant un repas, que c’était lui qui invitait, mais j’avouais que sortir… Je n’avais pas envie que quelques oreilles indiscrètes se glissent dans notre conversation. « J’ai déjà eu la visite de Masaru, je préfère éviter les lieux publics où il pourrait se cacher et utiliser quoi que ce soit contre moi au lieu de contre mon père. J’ai aucune confiance dans les chiens de Kagami. » déclarais-je sans honte. Tant que je n’avais pas compris les motivations exactes du cavalier de Konoha, je ne lui ferais pas confiance, même si j’étais amené à le revoir.
« Kagome fait toujours beaucoup à manger pour Hako, c’est un ventre sur patte. Il doit bien rester des Onigiris, je peux aller en prendre et on peut se poser dans un coin du domaine. » lui proposais-je alors. Même si j’étais pas bien certain que je puisse le faire rentrer dans le clan, je ne pouvais pas non plus ignorer que l’homme n’avait pas une mauvaise réputation. On ne lui en voudrait sans doute pas si il venait à être trouvé en plein milieu du domaine.
Ses mots pouvaient-ils attendre su jeune élève, avec le gouffre qui s'était créé entre eux deux ? N'était-il pas trop tard pour réparer les dégâts de la distance et du temps ? Voilà ce que le jeune homme avait en tête alors qu'il désignait le jeune Uchiha comme son fils, le fils dont il ne partageait pas le sang mais le fils tout de même. Il n'avait aucune certitude, bien entendu, mais pouvait-il obtenir la réponse sans même avoir essayé ? Bien sûr que non, voilà pourquoi se donna une chance car, après tout ce qu'ils avaient traversé lui et Akira, il ne pourrait plus avoir que du dégoût pour lui-même s'il n'essayait pas d'arranger les choses. Il laissa donc à son élève le temps de se remettre de toutes ses émotions, pointant du doigt le fait qu'il ait du mal à reconnaître le jeune garçon qu'il connut jadis, jusqu'à ce que le garçon en question ne vienne pointer du doigt les leçons tirées des plus affreuses expériences. En vérité Kyoshiro aurait aimé pouvoir s'attribuer le mérite d'un tel changement, il aurait aimé dire que son positivisme avait fini par déteindre sur son élève, mais il savait que ce n'était pas le cas. Le plus gros du changement avait été fait à partir du moment où les deux n'avaient plus été dans la même équipe, aussi le Tadake savait qu'il n'avait plus aucune influence sur le Uchiha. Triste ? Il l'était, évidemment, car la pire crainte de l'aveugle était de ne plus se sentir utile, mais que pouvait-il y faire ? Son élève était désormais plus fort et endurant qu'il ne l'avait prévu au départ, il avait des gens qui le soutenaient tout autour de lui.
Il n'avait plus besoin de son maître, à présent.
« Depuis quand tu as grandi à ce point, dis-moi ? »
Le jeune homme proposa une alternative à son élève pour lui changer les idées, sortir, voir un autre environnement dans une ambiance moins tendue mais, de toute évidence, le Uchiha avait d'autres idées en tête. Peut-être n'avait-il pas autant grandi que cela, car il avait peur d'être vu en public et qu'on utilise le moindre de ses gestes contre lui. Son père avait failli le tuer, juste pour l'endurcir : comment pourrait-il faire pire que cela ? Soupirant face à une proposition qu'il ne pensait guère adaptée, Kyoshiro répondit :
« Vivre terré, est-ce vraiment la solution ? Tu as déjà fait le plus grand des pas, en relevant la tête. »
Mais après tout qui était-il pour juger ? N'était-il pas celui qui avait abandonné celui qu'il clamait être son fils ? Comment pourrait-il oser lui faire la leçon ? C'était ce constat qui le força à ne pas poursuivre, à se taire et hocher la tête, acceptant la proposition de rester dans l'enceinte du clan pour manger un morceau. Laissant son jeune élève le guider, le duo finit par se poser dans un coin où ils ne seraient pas dérangés, avant que Kyoshiro ne demande :
« Qu'est-ce que tu comptes faire, à présent ? Rester ici ? »
En vérité l'aveugle aurait voulu inviter son fils adoptif à venir vivre chez lui, mais il savait déjà que la réponse serait négative. Alors à quoi bon se fatiguer ? Il ne pouvait pas prendre de décision pour Akira, mais simplement être là pour soutenir les siennes.
Je n'étais pas bien sûr d’avoir grandi. Je m’étais davantage adapté à la vie que j’avais à présent, davantage dû improviser, mais certainement pas grandir. La preuve étant, quelques minutes à peine après cette déclaration, j’eus de nouveaux mots qui le firent réagir. Vivre caché n’était pas une solution, en fait c’était pas tant de me montrer, simplement de dire des choses à ce père de substitution qui pourrait m’être retourné. Certes j’avais relevé la tête, mais dans ce combat contre la vérité, avoir la tête haute ne serait pas la seule des solutions. Il y aurait des conséquences et pour le moment je préférais les éviter. « Je ne me cache pas. » soufflais-je en guise de seule réponse avant de me diriger vers la maison pour prendre à manger et conduire Kyoshiro dans un des nombreux lieux reposant du domaine. M’asseyant sur un rocher, je lui tendis sa part avant de relever les yeux lorsqu’il me demanda ce que je comptais faire, à savoir rester ici, ou peut-être autre chose, « Pour le moment rester ici me semble bien, Kagome m'entraîne à sa façon… Je suppose qu’après je verrais où j’en suis. », mais j’avais pas vraiment de plan, je ne savais pas si j’allais un jour y remettre les pieds.
Quoi que ne pas le faire serait plus compliqué encore, j’étais déjà un paria, mais là, je serais définitivement considéré comme une autre au tableau d’une vie qui ne méritait pas qu’on s’y intéresse. J’allais avoir besoin d’encore un peu de temps, sans doute les entraînements que je devais donner à Masaru serait un bon moyen de jauger. Après tout je n’abandonnais pas vraiment le clan, j’étais simplement face à un besoin de ne pas y vivre, de ne plus respecter leur hiérarchie et leur élitisme douteux. « J’ai besoin de me retrouver vraiment, j’ai commencé, mais ca va encore prendre du temps. » sans doute avais-je tort encore une fois, mais je ne voulais plus de pression et ce même si plus que jamais, les entraînements étaient au coeur de ma vie.
Mais parler de moi n’avait pas grand intérêt non ? Du moins je ne savais pas ce que je pourrais lui apprendre de plus, « Comment vont Sayuri et le bébé ? » demandais-je alors, conscient de cette nouvelle vie qui allait bientôt l’attirer loin d’ici. Ce n'était pas un mal, surtout pour lui et moi, moi je suppose que j’avais commencé à faire mon deuil, à accepter silencieusement que je ne le verrais plus vraiment et malgré cet instant aujourd’hui, je savais aussi que plus que jamais, il était nécessaire que je sois moins dépendant à lui. On avait des vies à vivre. L’on serait toujours la pour l’autre, juste moins fusionnel.
Le plus dur pour le jeune aveugle n'était pas d'accepter son échec comme mentor, mais plutôt de savoir par quoi commencer pour se rattraper. En effet il n'avait aucune idée qu'à quel point son ancien élève avait évolué au sein de sa nouvelle équipe et, de ce fait, son discours allait devoir évoluer et s'adapter au nouvel Uchiha devant lui. Sous bien des aspects Akira n'était plus le même et c'était bien normal, car la vie trouvait toujours le moyen de nous faire chuter pour nous forcer à nous relever, mais à quel point était-il différent d'avant ? Certes il affirmait qu'il ne se cachait pas, mais alors pourquoi craignait-il autant d'être vu en public ? Kyoshiro supposait que tout le monde ne gérait pas un traumatisme de la même manière qu'il l'avait fait, en explosant de colère puis en tuant tout sur son passage, aussi n'insista t-il pas davantage en laissant Akira faire les choses à sa manière. Après tout il n'avait plus vraiment besoin de son mentor, alors pourquoi ce dernier devrait-il continuer à lui prodiguer des conseils, s'il préférait évoluer à sa façon ?
« Tu sais que tu as toujours une place chez moi, n'est-ce pas ? »
Ce n'était sans doute pas pour son élève mais pour lui-même qu'il fit ce constat à voix haute, comme pour se rassurer, comme pour se persuader que malgré ses manquements il pouvait toujours essayer de faire les choses biens. Il était persuadé que son élève allait refuser cette offre car il avait besoin de s'entraîner et de prendre son temps, afin de découvrir ce qu'il devrait faire ensuite, puis vint le moment de parler de Seishiro. Il était vrai que Akira ne l'avait pas vu du tout depuis sa naissance, n'avait pas croisé sa jeune mère non plus d'ailleurs, mais voudrait-il seulement le faire après tout ce qui venait de se passer ? Souriant en repensant à son fils, l'aveugle répondit donc :
« Plutôt bien. Seishiro grandit à vue d'oeil. Il faudra que tu lui rende visite, d'ailleurs. »
Bien entendu il se força à retenir un rire face à la blague sur sa propre cécité, ne pouvant s'en empêcher, avant que son esprit ne dérive vers le séjour qu'il venait de passer, là-bas. Ses yeux étaient peut-être immaculés mais ils semblaient chercher quelque chose au loin, comme une réponse à une question qu'il n'osait même pas se poser et, enfin, assis sur un rocher, il précisa :
« On essaye toujours de trouver une solution, qui me permettrait de naviguer entre ici et là-bas plus régulièrement. »
Cette question le hantait tellement qu'il ne mangeait presque pas en ce moment, car l'attente était tout bonnement interminable. Non, le pire était de ne rien pouvoir faire pour accélérer ou améliorer cette situation, de se sentir impuissant, mais cela le jeune Uchiha n'avait pas besoin de l'entendre, pour le moment. Laissant de côté la nourriture pour le moment, trop concentré sur la discussion en cours et les quelques quesions qu'elle amenait forcément. Mais bon, une fois encore il n'allait pas avoir ces réponses aujourd'hui et, plutôt que de se flageller avec cela, il préféra se concentrer sur son ancien élève, une fois encore.
« On n'a jamais vraiment pris le temps de parler de ton avenir. Qu'est-ce que tu veux devenir, plus tard ? Je t'ai posé la question une fois, mais à l'époque ta réponse était orientée vers le fait d'être à la hauteur des attentes de tes parents, de ton clan. Après ce que tu viens de traverser, je me demande si tu as déjà une petite idée en tête, de la direction que tu veux prendre. »
En vérité ils en avaient déjà un peu discuté au tout début de leur collaboration et, si la mémoire du jeune homme était bonne, la réponse de son élève s'était focalisée sur le fait de répondre aux attentes de son clan, de ses parents sans s'intéresser à ce qu'il voulait vraiment. Les choses étaient-elles différentes, à présent, avec ce qu'il venait de vivre ? Il espérait bien que oui, il espérait bien entendre les objectifs les plus personnels fixés par le jeune Uchiha, en sachant très bien que, tôt ou tard, leurs chemins s'écarteraient l'un de l'autre sans jamais vraiment se séparer.
L’homme me signala qu’il y avait une place chez lui, laissant une porte ouverte, faisant une proposition qui était à peine camouflée. Entre savoir et pouvoir il y avait toujours une différence, une différence notable qui n’était pas négligeable. « Tu dois aussi t’occuper de ta famille et j’ai les Aburame, c’est gentil. » soufflais-je en m'intéressant à Seihiro, pour savoir, car ça m'intéressait. Il allait bien, il grandissait à vue d’œil, il voulait d’ailleurs que je lui rende visite. Retenant un rire à ses mots, je me laissais aller à rire, car il le faisait, car il s’amusait lui-même de ses mots. Redevenant sérieux, il avouait chercher une solution qui pourrait lui permettre de se déplacer plus facilement entre là-bas et ici, plus souvent aussi. « C’est pas plus facile dans le cadre d’un mariage ? » demandais-je alors, étrangement intéressé, intrigué par ce qu’il serait possible pour moi aussi. C’était un peu égoïste, mais en même temps ma vie s’apprêter d’être compliquée. Après, je n’allais pas mentir, je voulais qu’il soit heureux, qu’il ne manque aucun moment important. Les enfants grandissaient vite, ils changeaient vite comme il l’avait souligné et de ce que j’avais compris, entendre ses premiers mots, voir ses premiers pas c’était important, même si pour la dernière partie cela semblait un peu plus compliqué pour lui, il pourrait tout de même être là, participer.
Revenant à moi, il voulait parler de mon avenir, de ce que je voulais devenir plus tard. Il m’avait déjà posé la question, mais à l’époque je voulais être à la hauteur de mes parents et de mon clan. Après ce qui venait de se passer, il se demandait bien où je pouvais vouloir aller. « Je veux prendre la place de Kagami et faire du clan quelque chose de nouveau, de meilleur. Un clan où les différences seraient acceptées, que cela se traduise soit disant par une faiblesse, ou par une force. », un objectif sans doute stupide, mais c’était ce que je voulais faire, changer les choses, ne jamais laisser qui que ce soit souffrir ou vivre comme moi.
« Je veux aussi protéger ce village, protéger Yuriko pour qu’elle puisse défendre tout le monde. », d’un objectif personnel, j’avais fini par vouloir m’occuper des autres, vouloir construire quelque chose avec eux. Je n’étais plus nombriliste, je ne pensais plus de la même façon à mon passé, à mon futur et cela m’arracha un rire discret, timide, « Qui l’aurait cru ? » demandais-je finalement avec ironie. Qui l’aurait cru à l’époque que je puisse devenir ainsi ? Personne, pas quand cette fausse arrogance m’étouffait. Il était responsable, en partie, de ce changement. Certes c’était bien le contact parfois forcé avec Hako qui parfois m’avait poussé à me dépasser, m’avait permis de comprendre que je ne pouvais pas continuer ainsi. Tsumi, Sanada, n’avaient pas été en reste, bien au contraire. J’avais grandi avec eux. Mais celui sans qui jamais tout cela serait arrivé, celui qui m’avait poussé la première fois, c’était bien Kyoshiro. Il avait tout changé.
Pour un shinobi le devoir devait être sa priorité, passant avant tout aspect de sa vie mais, dés le départ, Kyoshiro avait établi ses priorités dans un ordre bien différent. Certes c'était son bandeau frontal qui lui avait donné un but dans la vie, un sentiment d'accomplissement, mais jamais cela n'aurait été possible ou même envisageable sans l'amour de ses parents et le soutien de sa sœur, pour commencer. S'il avait été l'instrument de son propre destin, s'il avait été le marteau forgeant l'épée qui deviendrait son pouvoir, sa famille représentait le feu alimentant le brasier nécessaire à la forge. Alors oui il devait s'occuper de sa famille, mais il avait appris depuis bien longtemps que la famille ne s'arrêtait pas juste aux liens du sang et, quand son élève lui conseiller de prendre soin de sa famille, une correction fut nécessaire.
« Tu en fais partie aussi. Ne l'oublie pas. »
Cela ne servait à rien de revenir sur le sujet de toute façon, le jeune Uchiha était en passe de créer sa propre vie et n'avait pas besoin de faire partie de la famille de l'aveugle. En parlant de famille, justement, Akira pointa du doigt la nécessité d'un mariage pour faciliter la réunion des deux fiancés, ce qui ne manqua pas de faire sourire le concerné. Comment n'y avait-il pas pensé ? Oh si, il y avait pensé mais cela ne facilitait en rien sa situation, aussi longtemps qu'aucun accord n'existerait entre le clan et le village.
« C'est l'idée, oui. Cela met juste un peu de temps à se mettre en place. Et puis, idéalement, il faudrait qu'un accord soit signé entre le village et les Yamanakas, pour me permettre d'aller et venir. »
Combien de temps devrait-il encore attendre ? C'était justement la plus grosse inconnue de l'équation. L'aveugle aurait pu partir maintenant et tout laisser derrière lui, sans l'ombre d'une hésitation, mais il abandonnerait ainsi toute idée d'être un jour accueilli, ici, à bras ouverts à nouveau. Il ne pouvait pas se le permettre, car cela reviendrait à couper le cordon avec sa sœur et, justement, cette idée ne pouvait lui traverser l'esprit. Il préféra donc, pour le moment, se concentrer sur le petit speech de son élève qui, d toute évidence, avait parfaitement compris et défini quel genre de shinobi il voulait être. Il voulait protéger les autres tout en acceptant leurs différences pour ce qu'elles étaient et, bien entendu, ce constat ne put que faire sourire son mentor qui enchaîna avec :
« Le petit oiseau a pris son envol depuis bien longtemps, apparemment. Eh ben... »
Les parents avaient toujours l'habitude de dire que les enfants grandissaient vite, trop vite peut-être, mais Kyoshiro ne l'avait jamais encore réalisé avant aujourd'hui. Il se souvenait de leur rencontre, de leur première conversation, de leur premier entraînement avec leur équipe de l'époque et...voilà où ils en étaient, aujourd'hui. Akira s'étonnait de ce changement, se demandant qui aurait bien pu le prévoir et, sans une once d'hésitation, il répondit :
« Moi. »
Il l'avait vu depuis le départ, convaincu que son élève finirait par se transformer et sortir de sa coquille avec un peu de temps, son seul regret étant de ne pas avoir été présent pour assister à cette transformation. Le principal était que ce changement soit finalement apparu, non ? Le principal était que Akira puisse enfin avoir un objectif auquel se tenir.
« Tu as grandi très vite, tout cela, sans avoir besoin de moi ne serait-ce qu'un instant. Tu as plus de force en toi que tu ne le croyais, au départ. Quand l'heure sera venue, tu feras un bon chef de clan. Aucun doute là-dessus. »
I était clair que le jeune Uchiha n'avait plus besoin du soutien de son mentor, maintenant qu'il savait vers où se diriger et qu'il avait le clan Aburame pour le soutenir. L'aveugle essaya de chasser l'arrière-goût mer au fond de s gorge, alors que les minutes et les heures s'écoulaient. Il allait prendre le temps qu'il faut avec son élève et ensuite...ensuite...il n'en savait trop rien.