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[FlashBack - An 12] Réminiscence - SOLO

Shirogane Honoka
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Shirogane Honoka
Réminiscenceépisode 1 - Le Réveil


Mes yeux s'étaient ouverts. D'un coup. Grands ouverts sur un mur blanc et une trouille savamment prenante au niveau de mes tripes. Une peur par instinct et à cause de l'incompréhension sur ma situation tel un animal à qui on venait de retirer le bandeau qui lui cachait les yeux. Cela n'avait duré que quelques secondes, tout au plus, avant que ce ne fut la douleur qui prit le pas. A décrire? Impossible. Elle me saisit de partout. Psychosomatique que dirait un médecin. Pour moi, elle était aussi réelle que n'importe laquelle. Violente. Mordante. Une vague qui vous broyait. Elle me chargeait sous la peau jusqu'aux os. Elle s'étirait de l'extrémité de mes pieds inertes jusqu'au bout de mes doigts tremblants. Elle allait s'étouffer jusqu'au fond de ma gorge.

C'était à ce moment là que je m'étais rendue compte que j'essayais de hurler, la bouche grande ouverte et que je m'agitais comme une démente. Cependant, on avait attaché mes poignets à mon lit, mes chevilles aussi étaient sanglées. Et je m'agitais encore et encore, gesticulant à perdre la raison au point d'en faire vibrer mon lit. On entendait distinctement le cliquetis du métal qui retenait mes lanières. Un ding ding incessant au rythme de mes coups. J'avais les larmes aux yeux, elles ruisselaient à torrent et je tambourinais de la tête l'oreiller qui se trouvait dessous. Je ne saurais pas dire si je désirais extérioriser tout ce que j'avais gardé au fond de moi, mais ma douleur était réelle.

Je ne comprenais rien à ce qu'il se passait. Où était-je? Qu'est-ce qu'il se passait? Pourquoi on m'avait attaché? Pourquoi j'avais mal à en crever? On prétendait que les comateux souffraient pas. Je dirais à ces mecs d'aller se faire foutre parce que c'était de la merde. On se réveillerait pas en chialant si on éprouvait que dalle. Mais surtout je comprenais pas pourquoi je m'entendais pas hurler. Ma gorge me brûlait comme si j'avais bu de la lave, et je m'étais même mis à cracher. Des perles de sang se perdirent sur le blanc de mes draps sans que cela ne m'émut. Pas le temps pour ça. Pas la conscience non plus.

Je mettais toute mon énergie dans mes assauts. Un animal blessé, ça lâchait jamais l'affaire. Le plus triste? C'était que personne ne m'entendait. Personne ne vint. Combien de temps cela avait duré? Assez pour que j'en vins à m'abraser la peau au point de saigner. Le temps n'avait pas réellement de prise sur mon esprit, j'en avais pas la notion. Je ne vivais l'instant que prisonnière de mon angoisse irraisonnée et mon mal. Fuir. Me barrer d'ici. J'avais la sensation d'étouffer. C'était mes seules pensées à peu près logique.

A force d'obstination, une sangle finit par céder sous ma pression maigre mais continue. J'avais enfin un poignet libre qui me permit de tendre un bras douloureux vers l'autre pour faire sauter l'attache. L'avantage était que sous le feu de l'adrénaline, je me rendais pas compte à quel point j'étais une loque humaine, du coup, je pus me redresser pour dégager mes chevilles au prix d'un effort de titan. Le plus dégueu pour moi était de me rendre compte que j'avais des tuyaux de partout, et je les avais pas arraché avec délicatesse. J'avais grimpé d'un échelon dans la douleur mais encore une fois, ma panique était plus puissante.

Sauf que la réalité, ça vous rattrapait aussi violemment que se bouffer un parpaing dans la tronche. J'étais pas superwoman et mon corps l'avait pas compris. Alors quand j'avais tenté de me redresser sur le sol, je m'étais vite écroulée comme une merde sur le béton. La chute avait fait mal. Je m'étais pétée le poignet. Mais je pouvais facilement vous dépeindre le pathétique tableau : une pauvre fille maigre, la peau sur les os parce qu'elle bouffait pas à sa faim après plus d'un an de coma, du sang à la commissure de ses lèvres, des yeux bouffis par les larmes, et le cul à l'air parce qu'on lui faisait porter une chemise pourrie d'hôpital. Rajouter pour la décoration des marques de sangles rougies, un bras pété, et un regard où on lisait de la terreur. Je parlais même pas de la coupe de cheveux de sorcière que je devais me taper.

J'avais mal bordel. Si j'avais pu causer, j'aurais demandé à ce qu'on m'achevait. Sauf que zorro avait décidé de débarquer au moment où je rampais comme une larve sur le sol, avec le petit mot gentil du sauveur.

" Oh putain de merde! La comateuse s'est réveillée! Bordel la conne! HEY! J'ai besoin d'aide! Appelez une infirmière! "

Personnellement, je voyais flou et j'étais bien contente de pas à avoir mater sa tête de gros con. Par contre, je l'entendais bien ce fumier, même si ce qu'il disait n'avait pas de sens pour moi alors qu'il passait ses mains sous mes bras pour me relever.

" Tu fais chier putain. Fallait que tu te réveilles le jour de ma garde. Tu pouvais pas continuer à pioncer. "

Je lui aurais bien fait un doigt d'honneur si j'avais été consciente, mais encore une fois, ma trouille me prit et je m'agitais. Je lui foutus un coup de coude en pleine gueule, ce qui le surprit, en me laissant au passage un autre délicat juron alors que je m'écrasais une seconde fois par terre. Baaaah, fallait dire que son petit nez délicat était plus important que ma carcasse flétrie.

L'infirmière débarqua en vitesse avec une magnifique seringue dans les mains et je l'avais même pas senti me piquer avec. Comme si j'avais pas assez dormi, cela m'anesthésia lentement... mais j'avais toujours mal et j'avais toujours peur. C'était sur cette angoisse que mes paupières se fermèrent lentement et des formes qui s'agitaient autour de moi comme des fantômes.

Bienvenue dans le monde réel Honoka. Bienvenue chez toi.

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Shirogane Honoka
Réminiscenceépisode 2 - Le Vide


Combien de jours s'étaient écoulés depuis que j'avais ouvert les yeux? J'en avais aucune foutue idée. Je me contentais de rester coucher, les mains sanglées aux barreaux de mon lit, la tête tournée vers la fenêtre qui ne donnait sur aucune vue que je ne pouvais admirer à cause de ma position. Je distinguais seulement la lumière du soleil qui filait à travers les carreaux, parfois je devinais un bout de ciel bleu ou de nuage. Il fallait dire qu'il n'y avais pas beaucoup de décoration dans ma chambre. Juste des murs blancs et ennuyeux.

De temps en temps, je daignais bouger la nuque pour me tourner vers l'infirmière qui venait me donner la becquer comme à un gosse parce qu'elle avait trop peur de me détacher. Et encore, ça, c'était les jours où ils m'avaient pas oublié. Ils s'étaient tellement habitués à me nourrir avec des poches en intraveineuses qu'ils me faisaient sauter des repas les enfoirés. Est-ce que je voulais les enguirlander à cause de ça? Non. Je m'en foutais. Cela n'aurait rien changer de toute façon et ils continuaient à me donner que des trucs liquides parce que cela faisait trop longtemps que je n'avais rien manger de solide. Ils voulaient éviter le risque que je m'étouffe ou que je vomisse tout sur leurs godasses. Ils auraient été bon pour la corvée de nettoyage alors, on fêtait mes repas avec une paille. L'éclate.

On pourrait s'attendre à ce qu'à mon réveil, un médecin m'eut inondé de questions mais cela n'avait pas été le cas. On contrôla simplement si j'étais en "bonne" santé, si mes pupilles réagissaient bien, si je m'étais pas cassés plus d'os que mon poignet dans ma chute des jours précédents, des trucs assez routiniers. J'avais entendu dire qu'on avait interdit les visites dans un premier temps, de la bouche même des infirmières qui jacassaient trop fort dans le couloir. Mais je n'eus pas plus d'explication sur le sujet et j'avais l'esprit trop vaporeux pour chercher à tendre l'oreille.

Ma réalité à moi était que je me sentais vide. J'étais absente, j'étais pas vraiment là ou j'en avais l'impression. C'était... bizarre. On m'avait privé de toute ma substance et ma conscience était inerte, en pause, lointaine. Je sais pas pour vous mais quand un type venait vous foutre à poil et vous laver en vous frottant avec un gant, il serait logique d'avoir un minimum de réaction. De la gêne, de la honte, un truc quoi. Moi, je n'en avais aucune. Je ressemblais à une poupée que l'on nettoyait, que l'on habillait et que l'on nourrissait de temps à autre.

J'étais passée de la vague intense de douleur et d'une émotivité incontrôlée à un vide absolu. Outre le fait que j'avais compris que je ne pouvais pas parler, je me sentais pas capable d'essayer. Je ne voulais même plus fuir, ni attirer l'attention. Je me contentais d'essayer de regarder par la fenêtre, comme si quelque chose pouvait m'attendre dehors alors que... pas du tout. Je cherchais sans m'en rendre compte des explications ou un signe, et cela ne viendrait certainement pas du personnel soignant qui était peu loquace.

D'ailleurs, ils me regardaient tous avec un air étrange quand il venait dans ma chambre. Il y avait dans leur regard une forme de mépris et d'incompréhension. Je supposais qu'ils savaient quelques choses que j'ignorais mais comme je ne pouvais pas causer.... Je me contentais de la vacuité de ma situation, et je pouvais vous dire que les jours s'étaient cruellement ressemblés pendant plus d'une semaine. Pour moi rien n'avait changé et je n'avais toujours pas vu l'ombre d'un médecin.

Le vide. Il m'aspirait toujours un peu plus mais il tournoyait avec une question qui me revenait toujours en pleine figure, à chaque minute, à chaque seconde : j'étais qui bordel?

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Shirogane Honoka
Réminiscenceépisode 3 - L'oubli


Honoka. Je m'appelais Honoka Shirogane. Connaître son nom aurait pu paraître une évidence pour n'importe qui mais ce fut étrangement la première chose que j'avais oublié. Certains vous dirait que c'était quand même essentiel... preuve que c'était des conneries. Même un nom n'avait rien d'acquis. C'était le premier médecin que j'avais vu qui avait prononcé mon joli petit patronyme au goût d'inconnu, et ce n'était même pas pour clairement me le dire, c'était uniquement parce qu'il lisait mon dossier à voix haute avec un détachement évident. Fallait dire que j'étais bien placée pour causer de quoique se soit, j'étais dans le même état parce que lorsque nos yeux s'étaient croisés, c'était comme faire face à un mur. Il n'y avait qu'une profonde indifférence. Moi parce que je ne comprenais pas, lui parce qu'il ne comprenait peut-être que trop bien... ou était-ce que l'usure du métier?

" Honoka... du clan Shirogane.... grave accident il y a plus d'un an et demi. Vous vous êtes réveillé d'un profond coma il y a quelques semaines maintenant. Constante correcte. Capacité à s'alimenter correct. Reprise de poids en cours. Corde vocale atteinte. Traumatisme cérébral à évaluer. "

J'étais assise sur mon lit d'hôpital, un drap blanc sur les genoux et mes mains posées à plat sur mes cuisses voilées. Une infirmière m'avait brossé les cheveux voyant que je ne faisais aucun effort. Ils étaient longs et elle avait suggéré qu'on devrait me les couper. Une façon d'éviter de faire du boulot supplémentaire et puisque je paraissais me négliger... La voix du médecin m'avait à peine sorti de mes songes. C'était plus l'évocation de mon nom qui m'avait... perturbé. Il ne semblait pas trouver l’écho d'un souvenir, il me faudrait attendre encore plusieurs jours pour y parvenir et le déclic ne viendrait même pas de moi. Pour le reste de cette rencontre, il passa les trente prochaines minutes à m’ausculter de la tête en bas avant de me poser des tas de questions sur un ton laconique : Comment vous vous sentez? Avez-vous mal quelque part? Essayez de parler. Vous souvenez-vous de quelques choses? Mes réponses étaient brèves sur le papier. Sur un, j'avais écrit un oui. Sur un autre, j'avais écrit un non. Je les brandissais en fonction parce que je ne me sentais même pas la force acquiescer de la tête. Il fut le premier contact véritablement humain que j'eus depuis mon réveil. Mes infirmières ne comptaient pas, elles agissaient comme des fantômes avec moi et évitaient mon regard. Néanmoins, avant qu'il ne partit de ma chambre, je me hasarda pour la première fois à demander quelque chose.

" Ai-je de la famille? "

Je tenais en tremblant mon bout de papier devant ses yeux alors qu'il remettait ses lunettes d'intello. Il arqua un sourcil étonné avant de me tourner le dos, tout en écrivant quelque chose dans son dossier.

" Votre père sera autorisé à venir vous rendre visite la semaine prochaine. "

Je laissais mon bras tombé comme si on venait de couper le fil qui le maintenait en suspension, lâchant mon bout de papier qui dansait dans les airs pour retomber sur le sol. J'avais donc... un père... Pour la première fois, je m'étais mise à pleurer. La première vraie réaction depuis mon réveil et les larmes qui roulèrent sur mes joues me semblèrent brûlantes comme le feu. Puis j'eus comme mon premier flash, une image incertaine, des contours flous, un visage.

C'était celui d'un homme d'âge mûr, un visage dur comme l'acier avec une courte barbe négligée et des cheveux repoussés en arrière. Je voyais cet homme à l'air grave les bras croisés assis sur une chaise et il me regardait fixement en m'annonçant quelque chose. J'avais l'air de lui répondre et je vis ce visage buriné se mettre à rougir et détourner les yeux pour ne plus me regarder alors que je me ruais dans sa direction pour le prendre dans mes bras.

Yukio. Yukio Shirogane. Mon père.

Quelle bizarrerie. Quelle ironie d'être capable de me souvenir du nom de mon père mais pas du mien. Pas besoin d'être psy pour comprendre que ce type avait visiblement plus d'importance pour moi que ma propre vie, que ma propre existence. Et bien que je ne cernais pas encore tout, je savais qu'il m'était précieux et cela fit naître en moi un sentiment curieux. Je crois que j'étais... rassurée. J'avais quelqu'un. J'étais pas seule. Du coup, je guettais sa visite comme si j'attendais de croiser un dieu. Cela me donna un coup de fouet et je tentais de faire plus d'effort que d'habitude. J'essayais de manger par moi-même, j'avais demandé si quelqu'un pouvait venir me couper les cheveux.... et je cherchais à me souvenir, me souvenir un peu plus. Mais tout ce qui me revint était des brides de souvenirs de Yukio. Des souvenirs heureux. Enfin... ça me semblait heureux en tout cas.

Le jour J, je trépignais un peu au fond de moi. Je me demandais comment les choses allaient se dérouler et je pouvais même dire que j'éprouvais une forme d'angoisse. Et si ma mémoire me trompait? Et si ce que je croyais me souvenir n'était pas réel? J'allais bientôt pouvoir le vérifier. On toqua à ma porte et je me sentis déglutir douloureusement quand je fis trois hommes débarqués. Un médecin et deux shinobis. Où était mon père? Où était l'homme dont je croyais avoir le souvenir?

" On a annulé votre visite. Comme vous sembliez avoir repris des forces, j'ai averti les autorités qu'il était possible de vous interroger. "

Les paroles du docteur tombèrent comme un couperet et le temps me parut se suspendre quand je le vis sortir pour me laisser avec les deux shinobis. Je voulais voir l'homme que je croyais mon père, alors pourquoi? Qu'avais-je fait de si terrible? Pourquoi m'en voulait-on autant? Je ne savais pas si on pouvait lire de la déception dans mon regard mais celui que me portèrent mes camarades était aussi froid que le carrelage de cet hôpital. Leurs questions a eux aussi étaient laconiques mais elles étaient posées d'une autre façon dont je vous laissais deviner les détails. On était pas des sunajins pour rien... mais je crois pouvoir dire à présent que dès la réception de la première baffe pour essayer de me faire cracher des choses dont je ne me souvenais pas, je m'étais dit que finalement avoir oublié, c'était pas si mal.

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Shirogane Honoka
Réminiscenceépisode 4 - La douleur


Vous saviez combien de fois les molosses de Suna étaient venus me baffer pour essayer de me faire avouer des saloperies comme s'ils étaient persuadés que j'étais coupable de quelque chose? J'allais vous le dire : plus que le nombre de mes doigts. Est-ce que la méthode avait était payante? Pas le moins du monde. C'est le médecin qui avait dû leur faire entendre raison pour tenter de faire comprendre que je ne simulais rien. Je m'étais même presque étonnée qu'il rajoutât que la plupart des blessures que j'avais subi était purement défensive et qu'il fallait être sacrément masochiste pour vouloir accepter de se faire tabasser aussi violemment. J'avais presque failli croire qu'il était sympas. Presque. Il ne me défendait pas avec le ton d'un homme convaincu mais d'un médecin qui s'était emmerdé à me rafistoler. Cela l'emmerdait bien plus de devoir perdre encore du temps à me soigner. Cela aussi, il leur balança à la figure. Il rajouta même avec cynisme que si je simulais, les psychologues s'en rendraient compte. De la merde. Je simulais pas mais je comprenais le doute parce que je ne transpirais aucune émotion.

Pendant toute cette période, on me refusait encore la visite de mon père au prétexte d'examen, mais parfois, je recevais un bouquet de fleurs de la part d'une infirmière. Elle me disait qu'un homme me les adressait personnellement et je m'étais aperçue que quelques pièces cliquetaient dans ses poches. Corruptible petite femme. Je supposais naturellement que les violettes étaient du vieux Shirogane. Qui cela pouvait être d'autre après tout? Est-ce que cela me faisait plaisir? Je savais pas trop mais je les regardais souvent dans leur vase, j'y perdais mon regard alors que j'avais mon satané psy qui m'interrogeait sur tout et n'importe quoi.

" Honoka-san, vous rappelez-vous de quelque chose aujourd'hui? "

Je secouais négativement la tête. Il écrivait sur son calepin comme si c'était une information hautement intéressante. Je comprenais pas vraiment parce que ça faisait des jours que c'était comme ça.

" Avez-vous mal quelque part? Des douleurs fantômes? Ce genre de chose est assez courant chez les grands traumatisés. "

J'agitais une nouvelle fois la tête négativement. Je mentais. J'avais mal partout comme le premier jour. Je savais que c'était psychosomatique, mais j'avais envie de hurler. J'avais envie de frapper cet homme, de lui prendre son visage et de l'éclater contre un mur pour me soulager moi. Je voulais lui prendre son maudit stylo et lui enfoncer dans la gorge, je voulais lui faire bouffer ses papiers, je voulais éteindre mon mal. Je voulais me frapper moi. Je voulais tambouriner mon front sur le miroir de la salle de bain pour ne plus voir mon visage. Je voulais tout envoyer valser, je voulais crier de tous aller se faire voir.... mais je hochais simplement de la tête. Je disais que tout allait bien. Ma douleur était de regarder ma tronche et de voir chaque matin une inconnue. Ma douleur était de sentir mon cœur battre mais il n'émettait aucune musique agréable. Ma douleur était de me sentir... de ne sentir rien d'autre que ça. La douleur.

Puis les séances finissaient par "je reviendrais un autre jour pour voir si les choses ont évoluées". C'était ensuite le tour des infirmières de le remplacer. J'avais droit de temps à autre à prendre un peu l'air, mais j'étais incapable de marcher. On me mettait sur une chaise roulante et on me baladait comme une grabataire dans les couloirs et dans les jardins. Ce jour-là, c'était un type qui m'avait en charge, l'autre abruti du premier jour à qui j'avais pété le nez. Il s'en rappelait bien le salop parce qu'il se montrait pas le moins du monde délicat avec moi. D'ailleurs, je me demandais si c'était pas une de ses manigances qui avaient conduit à l'incident de cette journée, bien qu'incident serait un grand mot.

En effet, alors qu'il me laissa planter quelques instants en plein milieu d'un chemin pour aller causer avec je-ne-sais-qui, une femme me passa devant en me regardant étrangement. Elle plissait les yeux avant de devenir blême.

" C'est.... c'est vous... c'est vous, n'est-ce pas? "

J'arquais un sourcil parce que je saisissais pas. Je ne la connaissais pas.

" C'est VOUUUUUS! "

Et là j'avais pas compris. La quadragénaire craqua complètement et se rua sur moi, elle hurlait et pleurait. Elle m'attrapa par les cheveux mais j'avais à peine la force de lui opposer de la résistance. Démente, elle me renversa même de ma chaise roulante et je m'écrasais comme une merde sur le gravier alors que des personnes extérieures étaient intervenues pour la maintenir et essayer de la calmer.

" Ma fille est morte à cause de VOUS!! Vous deviez la protéger!! VOUS deviez me la ramener en vie!!! VOUS me l'avez prise! Vous êtes êtes qu'une meurtrière! "

Elle pleurait comme une madone alors qu'on l'éloignait... moi, je comprenais que dalle. Mon infirmier se décida enfin à venir vers moi en soupirant. Il n'avait que du dédain pour moi et il me releva pour me refoutre sur ma chaise et me dire qu'on rentrait directement. Est-ce que j'allais bien? Il ne me le demanda même pas. Il ne cherchait pas à le savoir. Pour ce que j'en avais appris plus tard, c'était la mère d'une des shinobis avec qui j'étais partie en mission, une fille assez jeune et sous ma responsabilité. Puisqu'on avait aucun coupable désigné, j'étais le parfait bouc émissaire pour sa colère et l'injustice qu'elle ressentait. C'était plus facile.

Mon infirmier me ramena donc jusqu'à ma chambre et me posa dans mon lit. Il ouvrit pour la première fois pour m'expliquer ce que je venais de vous dire.

" Putain, toi t'es du genre à foutre la merde partout où tu traines, la comateuse. Tsss... On peut pas dire que cette mère t'a raté. C'est pas comme si tu pouvais la comprendre de toute manière. T'as même perdu le môme que t'attendait. De toute façon, tu pourras pas le regretter puisque tu ne t'en rappelles pas. "

Il se barra sur cette révélation, en secouant la tête. Je sentis une violente douleur. Différente de celle que je trainais depuis le début. J'avais mal dans ma poitrine. Un mal de chien. J'avais l'impression de suffoquer. J'avais mal. Je me mis à pleurer.

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Shirogane Honoka
Réminiscenceépisode 5 - Le déni


Je me tenais sur mon lit, assise, le regard aussi vide qu'à l'accoutumé. Une jeune femme était en train de me couper les cheveux et elle m'avait donné un petit miroir afin de voir ce qu'elle me faisait. Alors que je sentais la lame de ces ciseaux et leurs bruits machinaux faire leur office, je donnais l'illusion d'être totalement absorbée par mon reflet. Je ne supportais toujours pas mon visage et je me surprenais parfois à caresser les cicatrices qui le zébraient. Je me rappelais toujours de rien. Rien de ce jour là, rien des raisons qui avaient amenés mes ennemis à me blesser de la sorte, rien des raisons qui m'avaient amené à échouer, rien des jeunes femmes qui m'accompagnaient. Je n'étais même pas foutue de me souvenir de leurs visages, ni même de savoir si je m'entendais avec elle. Est-ce que l'on était en train de rire? Est-ce que l'on avait fini d'accomplir notre devoir? Est-ce que j'étais heureuse? Est-ce que j'étais en colère?

Plus le temps passait dans cette chambre, plus j'avais l'horrible impression de perdre tout ce qui faisait mon humanité. Je ne ressentais plus rien. La douleur semblait s'en être allée alors qu'elle m'était parue si violente. J'avais l'impression que tout mon être s'était engourdie, comme si je m'enfonçais encore et encore dans une abîme profonde sans chercher à me battre ou lutter pour tenter de retrouver la lumière. Parce que si je faisais cela, si je me débattais, alors je retrouverais la douleur. La douleur d'une vie. La douleur de celles perdues. La douleur de l'échec. Je ne voulais pas la ressentir à nouveau. Je ne voulais pas l'affronter. Je ne voulais pas de cette réalité. Il fallait pas être psy pour comprendre que c'était un moyen de mon subconscient de me protéger de la vérité, peut-être... pour pas devenir dingue. Est-ce que je voulais mourir? Est-ce que je voulais vivre? Même à cette question j'étais incapable de répondre.

Je noyais faussement mon attention dans mon reflet et ces traits inconnus. J'entendis brusquement la "coiffeuse" me dire qu'elle avait fini et qu'elle était visiblement satisfaite de son travail. Elle me sortit que j'étais plus jolie avec cette coupe courte, que j'avais l'air plus nette qu'avec la tignasse ébouriffée. J'allais pas lui dire le contraire. Je lui tendis le miroir qu'elle m'avait prêté et je répondis positivement de la tête. Elle me sourit, rangea ses affaires et s'en alla, me laissant seule avec moi-même. Mais seule, je n'allais pas le rester longtemps car c'était le grand jour. On avait enfin autorisé mon père de me revoir et c'était aussi la raison de ma nouvelle coupe de cheveux. Il fallait me rendre présentable, fallait faire illusion. Il fallait que la poupée soit jolie pour éviter de montrer qu'il y avait des failles dans le système, même si mon père était loin d'être un con. Il connaissait le fonctionnement du village. Il se doutait que j'avais dû être interrogé, il devait savoir que c'était pour cela qu'à plusieurs reprises, ils avaient annulé ses visites. Après tout, c'était aussi un moyen de pression comme un autre, une manière de m'isoler pour me faire craquer, pour me faire dire ce qu'ils avaient envie d'entendre. Peut-être avaient-ils tous compris que ça ne servait à rien. Cependant, ces crétins avaient tout fait à l'envers. Il m'avait convaincu que rien ne m'attendait dehors, que je n'avais personne qui espérait mon retour à part mon père. Ils avaient même tenté un temps de me faire croire que c'était lui qui annulait ses visites. Bizarrement, c'était la seule chose où j'étais convaincue de leur mensonge. Pour le reste, pourquoi voudrais-je me précipiter à me rappeler d'une vie où je n'avais rien? Pourquoi chercherais-je à me rappeler tout ce que j'avais perdu alors que dans mon oubli, tout était à créer, à reconstruire si je parvenais à sortir dehors?

Mais vous savez quoi? Même cela je ne le voulais pas. Je n'avais pas l'envie. Je ne voulais pas me souvenir mais je ne voulais pas non plus d'une autre vie. J'étais lâche. Vivre ou de mourir, je n'en prenais pas la décision. De me souvenir, je ne forcerais pas le destin. J'étais dans le déni de moi-même, de ce que j'avais été, de ce que je pouvais devenir. Ironiquement, mon choix était celui du non-choix. Pathétique? Peut-être. Mais que fallait-il attendre d'un shinobi qui ne se rappelait plus comment se battre? Que fallait-il attendre d'une femme incapable de se rappeler qu'elle fut aimée? Que fallait-il attendre de quelqu'un qui avait visiblement fauté? Mon oubli était mon fardeau, celui qui viendrait à moi en me narguant que j'avais merdé et que j'étais condamnée à ne jamais savoir en quoi. Avais-je seulement le droit d'aller à l'encontre de ce destin-là? Ou était-ce définitivement trop dégonflée de vivre avec la vérité? Est-ce que j'avais peur d'être ce qu'il pensait que je fus ou bien d'être responsable d'un massacre?

Qu'importait la réponse parce qu'avec ce que j'avais pris dans la gueule, je pensais être en droit d'être dans le désaveu le plus complet et je les emmerdais tous.

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Acte II -  Infestation