J'ai un cadeau pour toi [PV Tsume]

C'était affreux comme je pouvais être maladroite avec les sentiments plus anodins. Demandez moi de diriger mon clan et je pouvais vous dresser des ordres et des impératifs sans sourciller, sans doute ou en tout cas, en les dissimulant parfaitement. Mais là, alors que je tentais de chasser cet étrange malaise qui m'habitait, celui d'une honte curieuse, celle du sentimentalisme qui sentait l'eau de rose en revenant à quelques choses de plus terre à terre, je fus une nouvelle fois prise de cours par Tsume. Il me prit subrepticement dans les bras, me vola un baiser sans aucune gêne avant de nous faire basculer dangereusement dans le vide.

J'aurais dû avoir peur. J'aurais dû être inquiète de me laisser prendre avec autant de facilité et surtout sur une pente aussi dangereuse que celle-là. Je n'avais jamais été une femme très spontanée, je calculais tout ce que je faisais. Lui était tout le contraire et il m'entrainait dans cet état d'esprit ou plutôt, cherchait à me le faire découvrir de manière assez crue, sans filtre, sans me demander ma permission. Mais je me surpris moi-même à ne pas râler et je n'avais même pas fermée les yeux. Mon regard s'était simplement posé sur le sien alors que nous chutions comme des pierres. Avec moi tu ne risques aucun accident , avait-il dit. Je m'étais surprise à le croire.

Si notre chute était spectaculaire et donnait l'image d'un couple qui préférait en finir avec la vie, il nous rattrapa d'une manière tout aussi folle. Je me souvenais de cette technique, il me l'avait montré lors de notre première rencontre pour se vider de tout son chakra afin de paraître devant moi dans un état de faiblesse extrême... alors que je n'avais rien demandé. C'était encore l'une de ses idées loufoques pour tenter de me convaincre de sa bonne foi et me prouver que je pouvais lui faire confiance. Et plus j'en apprenais sur lui, plus je le trouvais dingue.... mais ça me faisait curieusement sourire. Un petit sourire en coin même.

" Je pense que l'imprudence te caractérise. Je dirais même que j'en suis certaine. "

Puis sur ses paroles, je me mis à le suivre tout simplement, marchant dans ce coin du monde qui donnait l'impression d'être coupé de tout. Mes yeux rougeoyants se posaient devant l'horizon, le genre que je ne voyais pas dans l'Isthme. Nous n'avions pas la chance d'avoir un temps si clément et même si nous pouvions voir la mer, elle n'était pas peinte de ses couleurs là. On ne pouvait d’ailleurs pas si baigner non plus.... mais j'aimais cet endroit. J'aimais ces couleurs, son calme, le son des vagues sur le rivage, et même le chant des goélands qui passaient par-là. Alors que je prenais le temps de m'extasier de ce spectacle qui ne m'était pas donnée de voir chez moi, je fus surprise par l'uzujin aux yeux océans qui me parlaient maintenant de pêche, avant de le voir retirer le haut qui le couvrait le dos. Je détournais rapidement mon regard alors que mes yeux rougirent légèrement. Quel imbécile! Il avait une telle facilité à se déshabiller!

Seulement, il fallait bien que je sois capable de le regarder en face et alors qu'il s'étala sur le sable et que je me rapprochais, toujours le rose aux joues, je vis ses tatouages mouvants mais aussi les multitudes cicatrices qui trahissaient le sort qui avait été le sien. Les miennes étaient volontaires, pas les siennes. Pourtant, il souriait et moi les miennes me complexaient. Il y avait une certaine forme d'ironie là dedans dont je me passais bien de discuter.

" Me fasse un truc? "

Je rougis une fois de plus.

" Je ne vois pas de quel genre de truc tu parles. "

Et c'était vrai, je n'étais pas certaine d'avoir compris ou le contraire, je n'avais que trop compris. Seulement, si j'avais tort et bien je passais pour une imbécile. Je finis par m'assoir dans un premier temps, puis je me ravisais pour m'allonger à côté de lui. Je portais mon regard vers le ciel, observant les quelques nuages dans le ciel bleu d'uzu.

" J'aime bien le calme de cet endroit. Ce ciel me rappelle celui de mon enfance... enfin, quand il y avait les beaux jours. Je me souviens que j'observais souvent les oiseaux avec mon père. "

Mes souvenirs n'étaient pas nombreux en ce qui concernant mon enfance mais celui-là m'avait marqué. Je me revoyais enfin sur les genoux de mon paternel qui le désignait du doigt certains oiseaux et m'apprenaient à les différencier en fonction de leur manière de voler, puis de la forme de leurs ailes. Des souvenirs joyeux, un peu comme ce que je vivais finalement à cet instant. Ces précieuses minutes avec Tsume feraient à leur tour partie de ma mémoire et j'espérais qu'elles demeurèrent parmi celes capables de me donner mes sourires si rares.

" Dis-moi Tsume... tu n'as jamais peur? "

Je tournais à cet instant la tête vers lui, animée par une expression assez sérieuse pour montrer que j'espérais une réponse qui le soit. Lui qui prenait tant de risques pour tout et n'importe quoi, je me demandais si rien ne l'effrayait.

Mes yeux restèrent figés quelques instants sur le ciel bleu, je m'y perdais alors que des silhouettes d'oiseaux marins passaient de temps à autre. Cela me fit étrangement sourire. Quand on vivait dans la vallée de la foudre, on ne croisait dans le ciel que des oiseaux de montagnes et comme l'on vivait dans les hauteurs du pic de motogumi, on ne voyait que peu d'espèces. Est-ce que j'étais encore capable de les reconnaître? Je ne saurais dire. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas joué les naturalistes, faute de temps pour moi, faute de vouloir toujours me consacrer à mon clan avant mes propres désirs.

" Mmmm... des noms d'oiseaux oui, mais je ne suis pas certaine de pouvoirs tous les reconnaître. De par chez moi, je pouvais étudier le vol des aigles à loisir, des gypaètes et même des petits oiseaux de roches. Parfois, on peut en voir aussi dans l'Isthme. "

Je gardais mes yeux rougeoyants sur les cieux.

" Ici, je dirais que tu dois pouvoir observer les goélands, des sternes et peut-être même des albatros. "

En parler me rendait étrangement nostalgique d'un passé que je pensais totalement derrière moi, auquel je me refusais de me souvenir. Le moins possible en tout cas sinon cela m'empêchait de voir vers l'avenir... même si étrangement, je rêvais toujours de pouvoir vivre à nouveau là-bas. Et puis, je finis par lui demander s'il n'était pas effrayé ou plutôt s'il ne l'avait jamais été. Là, je décidais enfin de tourner la tête vers lui pour l'observer alors qu'il se mit à réfléchir à la réponse à me donner. Je sentis alors une de ses mains me serrer pour me rapprocher de lui et alors que je me sentais rougir, je me surpris à me fasciner de contempler son profil.

J'écoutais d'une oreille un peu distraite alors qu'il m'expliquait qu'il avait eu peur de perdre son frère. Shun? Je me souvenais de l'avoir rencontré. Il se ressemblait un peu physiquement, ils avaient les mêmes yeux. Quand il s'exprima qu'il crut devenir fou lorsque l'on s'en était pris à ce dernier, je pensais comprendre un peu ce sentiment. Je le comprenais aujourd'hui. Lorsque notre clan avait été attaqué, j'étais pétrifiée par la peur. Lorsque je vis ma mère assassiner mon père sous l'emprise d'un genjutsu Uchiha, je me souvenais d'avoir été terrifiée. C'était les hurlements de mon frère qui m'avait sorti de ma torpeur qui me criait de sauver ma vie sans me retourner. Aujourd'hui, je pensais que la colère me ferait perdre ma raison si l'on venait à s'en prendre à un Chinoike à qui je tenais.

" Parce que l'on dirait que rien ne t'effraie. "

Je tournais à nouveau la tête pour regarder le ciel.

" Je n'ai jamais réussi à oublier la peur que j'avais ressenti dans mon enfance. Elle hante même encore mes nuits parfois. Je ne suis jamais parvenue à la... dominer totalement. Mais quelque part, je sais qu'elle m'a maintenu en vie toutes ces années... mais tout ça... ce ne sont pas des choses dont je me permet de parler ouvertement à mon clan. "

Je laissais échapper un soupir.

" Je me dois de garder la tête haute en toutes circonstances. Je ne dois pas trembler. Je dois être forte pour chacun d'entre eux. Je dois être comme le promontoire contre lequel les vagues viennent sans cesse se briser. Inébranlable. "

Un silence s'installa quelques secondes alors qu'un murmure glissa de mes lèvres.

" Je n'ai pas le droit de flancher. "

Pourtant, être avec lui signifiait abaisser quelques barrières et je ne m'y étais jamais préparée. C'était sans doute ce qui 'm’effrayait le plus.... mais aussi ce que mon clan pourrait penser s'il venait à découvrir que j'avais le béguin pour un type qui se trouvait de l'autre côté de la mer.

S'il y avait une chose que l'on ne pourrai visiblement pas retirer à Tsume était son étonnante franchise, sans barrière, sans limite. Il semblait exprimer ce qu'il ressentait comme cela lui venait. Lorsqu'il m'exprima qu'il serait là pour m'écouter, qu'avec lui je n'avais pas besoin de m'imposer le moindre filtre, un étrange petit sourire se dessina sur le coin de mes lèvres. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser que c'était plus facile à dire qu'à faire. Il n'existait en ce monde qu'une seule personne qui connaissait mes doutes et c'était Buntaro. Nous avions tous traversé ensemble et même s'il pouvait se montrer particulièrement crétin à ses heures, j'avais en lui une absolue confiance que je n'avais pour personne d'autre. Mais aujourd'hui, si je devais écouter mes stupides tambourinements de cœur, il faudrait bien que tôt ou tard je puisse faire la même chose avec Tsume, si ce n'était plus. M'ouvrir à lui de la même façon qu'il semblait le faire avec moi... mais j'avais l'impression que je faisais encore un blocage. Pourtant, je n'étais jamais allée aussi loin avec quiconque, jamais aussi vite, jamais aussi... naturellement.

Il me fallut alors une sacrée dose de courage pour faire ce que j'allais faire, enfin... à mes yeux, cela l'était. Alors qu'il me répétait encore que j'étais parfaite - ce que je trouvais absurde bien entendu - je fronçais subitement les sourcils et d'un bond, je me dressais au dessus de lui. Les deux bras tendus de chaque côté de son visage, mes cheveux tombant sur mes joues et un regard féroce qui s'enfonçait dans le sien.

" Alors tu es sûr de toi? Rien ne te fera changer d'avis sur moi? Quoique je fasse, quoique je dise? Tu m'aimerais qu'importe les circonstances? "

Je gardais les sourcils froncés.

" Je ne suis pas parfaite, Tsume. Hôte-toi cette idée de la tête. Personne ne l'est de toutes manières. Mais si tu veux de moi telle que je suis, sois assuré de ne pas changer d'avis en cours de route comme tu me l'as dit. Je suis têtue, je suis fière, je suis peut-être même orgueilleuse. Mon clan passera toujours avant toute chose. Je suis capable d'être dure et intransigeante. Je suis également particulièrement rancunière. Si tu te joues de moi, si tu te joues de mes sentiments, je te ferais connaître la fureur d'une Chinoike! "

Puis mon visage commença lentement à se défroisser.

" J'ai déjà perdu tous les gens que j'ai aimé. Je me suis déjà sentie trahie plus d'une fois. Je ne veux pas revivre cela. Si je me laisse t'aimer... je prend le risque de revivre tout cela. Tu seras donc responsable. Tu es en train de signer un contrat avec moi Tsume. Un contrat qui stipule que tu n'as pas le droit de me trahir mais seulement... seulement de m'aimer. "

Mon regard rougeoyant devenait sérieux.

" Si tu te moques de moi, si tu n'es pas franc avec moi, je te ne le pardonnerais jamais. Alors sois sûr... sois sûr de toi s'il te plaît. "

A ces mots, je m'abaissais vers lui et posait mon front contre le sien.

J'étais... une femme fière. Trop sans doute. J'en avais tout à fait conscience mais c'était une façon de me protéger. Des autres. De leurs attaques. De leurs remarques. J'avais appris à dresser tout autour de moi autant de barrières qu'il le fallait. Lui, il avait simplement souffler dessus et tout balayé comme si de rien était. Alors je prenais mes précautions, j'étais incapable de faire les choses sans garantie alors que je sentais si vulnérable. Je voulais me prévenir de la trahison comme si cela était possible. Je ne voulais pas finir comme Manami qui avait été trop aveuglée par ses sentiments. Je la détestais tellement... j'avais fait d'elle la responsable de la plus grande partie de nos malheurs parce qu'elle avait choisi d'épouser l'homme qu'elle aimait plutôt que de se contenter d'être sa simple concubine. Oh oui, devenir l'épouse d'un daimyo pouvait avoir ses avantages, cela aurait fortement avantagé notre clan.... mais elle avait été trop sure d'elle, elle n'avait pas pris les mesures qui s'imposaient et elle avait tout perdu... et nous avec. J'étais tellement angoissée de commettre les mêmes erreurs que cela me rongeait.

Mais il suffisait de le regarder dans les yeux et là... mes angoisses s'évaporaient. C'était... irrationnel. Et par tous les dieux, la rationalité faisait partie intégrante de ma vie alors j'étais perdue. Mais il glissa sa main sous mon menton et m'attira vers lui pour m'embrasser comme pour étouffer mes mots, mes scrupules. Je sentais toute sa chaleur et là encore, c'était quelque chose que je n'avais jamais connu dans l'Isthme, pas de cette façon. Je connaissais la chaleur d'avoir une famille mais pas d'un amour réciproque équivalent à celui-là. Comme je l'avais toujours dit ou pensé, je ne m'étais pas forgée avec l'idée que celui puisse arriver un jour et pourtant... me voilà comme une imbécile.  

Je l'écoutais alors, me dire des mots rassurants, me dire qu'il était prêt à signer tous les contrats du monde si cela pouvait me rassurer, qu'il ne me voulait aucun mal, qu'il voulait... d'une vie avec moi? Cela me fit sourire. Cela me semblait tellement... déraisonnable. Mais les mots qui suivirent, eux, m'électrisèrent. Ce fut comme un choc de les entendre, c'était.... surréaliste. Je me mis à rougir comme une pivoine tellement je me sentis gênée d'une telle déclaration.

" Tu... que... quoi?... mais... "

Je me mis à bégayer. Il m'aimait? Le fou. LE FOU! Je me redressais au-dessus de lui - bien que je demeurais assise en califourchon sur ses jambes mais j'avais l'esprit trop embué pour m'en rendre compte.

" Tu... tu es toujours aussi direct! Réfléchis au poids de tes mots Tsume... ce n'est pas quelque chose que l'on lance comme ça... je.... je m'y attendais pas. "

Je détournais la tête pour ne pas le regarder dans les yeux. J'étais toujours aussi rouge. J'avais un peu honte de pas être capable de faire bonne figure comme d'habitude. C'était limite s'il ne me fallait pas d'une douche froide pour retrouver mes esprits. Je finis par croiser les bras comme si j'avais été en colère et je fronçais des sourcils pour me donner de la contenance.

" Idiot. Si t'écouter devenait une torture, sache que je partirais sans me retourner. Et sache que ça pourrait arriver n'importe quand! Quand on m'agace trop, c'est ce que l'on récolte. "

Il fallait dire que j'avais un don inné pour snober ceux qui m'irritaient. C'était ça ou bien mon pied dans le postérieur. Tout dépendait du degrés de mes rapports avec l’individu ou bien de mon niveau d'agacement. Mais dans le cas de Tsume, ce serait assez unique et ne me demandez pas pourquoi, j'eus subitement une vision de lui quand on était dans les onsen avec sa tête d'ahuri.

" Bon... on... on ne va pas rester planter là, hein? Je... mangeons quelque chose. Tu as parlé de pêche je crois. On a qu'à pêcher quelque chose. Cela nous rafraîchira les idées. "

Cela n'allait pas du tout. Mais vraiment pas du tout aujourd'hui.

Je n'étais plus maîtresse de moi-même en sa présence, au point que je m'en trouvais ridicule. Mais j'avais beau essayé de convaincre ma raison, rien y faisait. Voilà qu'il en rajoutait une couche supplémentaire en me rappelant la sincérité de ses paroles, de sa déclaration. Mais qui disait ça ainsi, bon sang! Il m'aimait? Moi? Une Chinoike qu'il avait rencontré au détour de la forêt, amené là suite à un stupide accident de tâche sur la veste? Et moi dans tout ça, n'étais-je pas aussi stupide? Je n'aurais jamais dû le relancer, je n'aurais jamais dû même le revoir. Pourtant, la première étrange idée que j'avais eu était de lui offrir mon stupide cadeau dans l'éventualité où je le reverrais. Sans certitude et pourtant, je l'avais fait.

Je devais accepter l'inacceptable. Il disait m'aimer et moi.... moi j'y étais jusqu'à l'os. C'était ridicule de ma part de ne pas me l'avouer alors que tous les signes étaient là mais... c'était si effrayant, si nouveau, si... particulier. Lorsqu'il replaça une mèche de cheveux derrière mon oreille, je me surpris à être captivée par son regard comme une pauvre jouvencelle. Encore une fois, ma raison me trouverait pathétique, je pourrais me moquer de moi-même mais là, ma poitrine tambourinait dans un rythme que je ne feignais pas. Son sourire, ses gestes, ses attentions me faisaient quelques choses. Il le savait. Oh oui le bougre il le savait!!! Je le voyais dans son sourire! Il avait compris que je n'étais pas à l'aise avec cela et il souriait! Je ne pus m'empêcher de rougir encore plus lorsqu'il mentionnait que j'avais les idées échauffées. Avait-il compris? Savait-il à quoi j'avais pensé? Il lisait dans mes pensées maintenant? LA HONTE. Je ne m'étais pas sentie si honteuse depuis des années.

Je me relevais bien vite ou tout du moins, c'était mon intention jusqu'à ce que je le sentis me prendre dans ses bras et me porter. Il me lâcha une fois que lui-même fut debout alors que ces mots avaient clairement un double sens. J'étais peut-être pas une experte mais je n'étais pas stupide!! Il avait sourit d'une drôle de manière lorsque j'avais évoqué l'idée de pêcher! Et puis... je n'avais jamais été aussi proche du corps d'un homme, enfin... pas de cette façon je voulais dire. C'était troublant comme sensation, surtout ce fourmillement en bas du dos, électrisant..

PÊCHE ETSU! PÊCHE! Il fallait penser PÊCHE! QUEL ENFER LA PÊCHE!

Quelle damnée je faisais! En tout cas, Tsume joua le jeu même s'il était assez évident que je n'avais pas plus faim que cela. Mais il fallait que je détournasse l'attention et au bord de la mer, c'était la seule chose crédible et qui m'était venue à l'esprit. Naturellement, il se proposa de pêcher justement et je le vis à cet instant utiliser ses capacités d'encre avec un naturel que j'admirais. Il semblait très à l'aise avec ces techniques... comme avec tout en réalité.

" Tu es doué. Pour pêcher. Enfin pas que pour pêcher mais avec ton encre. Nos techniques ne sont pas si différentes en réfléchissant. "

L'encre ou le sang, deux matières liquides que l'on renforçait avec du chakra pour les solidifier. Nos techniques étaient très aisément transposables. Je fus sortie de ces réflexions quand il me parla de faire un feu. J'acquiesçai de la tête.

" Mmm. Pas de problème. C'est la première chose que l'on doit apprendre dans l'Isthme, sinon c'est l'hypothermie assurée. "

Observant la place, je cherchais du regard des bouts de bois échoués, du bois morts bien évidemment et secs. Je fus assez étonnée de voir que j'en trouvasse sans trop de difficultés, la mer charriait vraiment son lot de cadeau étrange. Une fois que j'eus assez de matériel en main, j'apportais tout du côté où se trouvait Tsume et montait naturellement le petit coin de feu. J'avais pris également une petite branche sur laquelle planter le poisson afin de le faire griller sans problème. Encore fallait-il que je réussisse à éveiller les flammes.

" Je pense que l'on a de quoi faire avec ça. Reste plus qu'à... comme on dit. "

Je commençais à frictionner un bout de bois sur un autre avec l'avoir légèrement entaillé et croisait les doigts en mon fort intérieur pour que cela marchait. Qu'est-ce que je regrettais de pas être d'affinité Katon à cet instant...

" Dis-moi Tsume... tu attends quoi d'une vie avec une femme comme moi... Je veux dire... tu affirmes que tu voudrais de cela mais... avec les vies que nous menons... je suis terriblement ennuyeuse, tu sais? Et comme je te l'ai dit, je n'ai... aucune expérience dans ce genre de chose. Vivre en communauté c'est une chose mais pour ce qui est... d'une vie à deux... Je n'en ai pas une bonne image. "

Je n'aimais clairement pas être pleine d'incertitudes, j'avais pour habitude de tout planifier, faire en sorte de ne pas me trouver dans une situation hors de tout contrôle. Je dirigeais ma propre vie avec des baguettes, je savais où je posais mes pieds, je savais ce que je faisais lorsque je lançais mes kunaïs. J'avais toujours une cible parfaitement en vue. Je savais aussi où je voulais mener les miens, je savais plus ou moins comment me conduire avec mes camarades, mes ennemis, les alliés... mais avec lui, c'était différent. Tsume n'entrait définitivement pas dans le cadre, non pas simplement parce que je m'étais mise à éprouver quelques sentiments pour lui, mais parce qu'il n'était un homme que l'on tenait en laisse. Il était... sauvage, libre, bruyant, casse-coup.Il y avait des personnalités comme cela chez nous mais, c'était encore une fois assez différent.

Alors que je m'occupais encore à créer un feu, il me fit une remarque que l'on me faisait déjà bien souvent dans l'Isthme. Ce que je veux moi? Je ne me le demandais pas vraiment à vrai dire. Je savais que je donnais l'image de quelqu'un qui se sacrifiait pour les siens, c'était sans doute un peu le cas mais je l'avais totalement accepté au point que cela n'était plus... un problème, ni même un véritable sacrifice. C'était dans ma normalité.

" Ce que je veux moi? Mmm... Je n'ai jamais rien voulu de plus que la pérennité de mon clan à vrai dire. Mes désirs ont toujours été très... subsidiaires. "

Il m'expliqua calmement qu'il fonctionnait à l'instinct, qu'il ne cherchait pas à comprendre, qu'il savait et puis c'était tout. Il vivait l'émotion du moment, bon ou mauvais. Des certitudes viscérales? C'était quelque chose que je pouvais comprendre mais dans un cadre totalement différent de celui que je partageais avec Tsume. Je n'avais jamais été une femme à l'écoute de ses désirs ou de ses émotions. D'ailleurs, à l'instant même où il employa le mot "coucherie", je me sentis rougir encore une fois. Il avait une telle facilité à parler de ses choses-là que je ne pouvais pas m'empêcher d'être gênée. Pourtant, c'était des choses naturelles, des choses de la vie, des choses qui ne devraient même pas me toucher de cette manière. Mais je crois que ce qui me gênait le plus était de m'imaginer moi, moi avec lui dans un moment pareil, c'était m'imaginer me laisser aller à partager quelque chose d'aussi intime. Aussi proche que je pouvais être avec les Chinoike, même en ce qui concernait mes angoisses avec mes amis, je mettais toujours une sorte de barrière dès que cela concernait l'intimité. Je trouvais d'ailleurs souvent des subterfuges pour les amener à interroger des personnes qualifiés et m'éviter ce genre de conversation.

Le feu prenait, ses flammes dansaient sous l'impulsion de la brise marine alors que je le titillais machinalement avec une branche. Mes joues étaient toujours rosies suite au propos de Tsume.

" Mmm... je suppose que je vois à peu près où tu veux en venir mais... j'ai toujours eu du mal à me laisser aller. Ce n'est pas dans mes habitudes. Je dirais même que je suis assez rigide avec les règles et je sais que je ne serais pas agréables. Et ça sera pareil avec toi! Je ne ferais pas d'exception, surtout si tu comptes venir un jour dans l'Isthme. "

Je levais mes yeux sanguins dans sa direction en fronçant des sourcils. C'était évident qu'il me causerait quelques soucis, c'était dans son tempérament. Il suffisait de penser à notre première rencontre dans le Onsen. Il tenait difficilement en place. Laissant cette conversation de côté, je me concentrais sur la manière de griller le poisson et une fois que cela fut fait, je tendis le tout à Tsume, pour partager le repas. C'était lui qui l'avait péché à vrai dire, il me semblait normal qu'il eut la première bouchée.

" Bon... je suppose qu'après cette petite pause, il me faudra réfléchir où passer la nuit. Je me vois mal rentrer directement sans me préparer, la route sera longue à moins que je prenne un bateau. Tu connais une auberge dans les environs? "

A ces paroles, je tournais la tête pour renifler ma veste.

" Mmm... ça sent la fumée et le poisson grillé... il me faudra prendre une douche, sinon on va me sentir à des kilomètres. "

Et je voulais éviter que l'on me posa des questions pour savoir où je m'étais rendue, quand bien même je n'avais pas à me justifier à la vue de ma position. Cependant, autant effacé les traces comme on disait. Mais peut-être inconsciemment, c'était aussi l'occasion pour moi de rester un peu plus longtemps ici en sa compagnie, tout en faisait preuve de pragmatisme. Une bonne excuse en somme.

Je préférais m'abstenir de tout commentaire quand Tsume me précisait que mon mauvais caractère ne le découragerait pas. On voyait qu'il savait pas où il mettait les pieds. Même moi, je pouvais concédais que j'étais clémente avec lui et je l'étais beaucoup moins dans mon rôle d'intendante. J'aurais même naturellement tourné les talons la première fois que je l'avais vu... enfin j'aurais pu ou j'aurais dû. Je ne serais pas dans cette situation si j'avais agi avec cet état d'esprit et au lieu de ça.... je me faisais embobiner par son sourire. Je rougis un peu en le voyant et maugréa un peu dans ma veste pendant que l'on faisait cuire le poisson. De toute façon, c'était trop tard. J'aurais beau le retourner dans tous les sens, j'en pinçais pour lui et je m'en voulais presque d'avoir craqué si facilement.... c'étai peut-être ça qui me bloquait le plus. Je me pensais.... plus résistante.

Enfin quoiqu'il en fût, mon esprit plus terre à terre reprit bien évidemment le dessus. On n'allait pas me changer comme ça. J'étais venue pour le voir, je lui avais offert mon présent et il m'avait....  enfin on avait échangé.... bref. J'étais venue dire ce que j'avais à dire jusqu'à ce que je me rendis compte de mes propos. Je n'avais pas spécifié les détails et mon visage s'empourpra encore bien plus parce que cela n'avait pas du tout échappé à Tsume. Il aurait été étonnamment qu'il ne releva pas ce genre de chose sans faire un petit commentaire tendancieux. Mais en vrai, autant la douche, j'avais envie de dire que c'était hors de question - même s'il était capable de me sortir l'argument qu'on avait déjà pris un bain ensemble, autant je ne pouvais plus nier que j'aurais aimé profiter un peu de sa présence plus longtemps... mais l'idée de me retrouver dans une même chambre... cela me terrifiait.

" Je... j'essaie pas d'être cruelle... et j'avoue que je n'avais pas réfléchi à la question d'être seule ou non. Juste que j'ai besoin de prendre une douche et de me reposer un peu avant de repartir. Ni plus ni moins. "

Je croquais un bout de chair de poisson alors que je détournais les yeux. Non mais... vous me voyez lui dire "oh non reste avec moi? ". Ce n'était pas mon genre et même si je le souhaitais un peu... un peu beaucoup peut-être... afin c'était pour mieux cerner ce que je ressentais. Rah... j'étais pathétique.

" Une auberge avec un onsen? Mmmm.... si en plus il y a l'avantage de se trouver hors de la ville, cela me semble une bonne idée. Je veux bien aller là-bas.... si tu veux bien m'y conduire et.... "

Je raclais un peu ma gorge.

" ... si tu n'es pas spécialement attendu ailleurs.... tu peux rester mais va pas t'imaginer des trucs! On pourra... discuter. Un peu plus en tout cas, vu que je n'ai aucune idée de quand on se reverra. "

Oui. Discuter. En apprendre un peu sur lui, de sa vie ici, de ce qu'il pensait. Mieux le comprendre en somme et indirectement mieux comprendre pourquoi un type dans son genre me plaisait. Oui bon... il était bel homme mais là question n'était pas là. Lorsque l'on eut fini notre frugal repas, je jetais du pied un peu de sable sur le feu pour l'éteindre et rassembler mes quelques maigres affaires. Si la plage était belle et ce coin de crique aussi, on ne pouvait pas rester indéfiniment à découvert.

" Et bien du coup Tsume.... tu es mon guide. Allons dans cette auberge. "

Guide de route et guide de cœur... c'était vraiment bizarre de se retrouver dans cette position.

Son sourire était désarmant. Il me donnait l'impression que tout était simple, facile alors que j'avais l'impression que dans ma vie, tout n'était qu'obstacles et difficultés. C'était eut-être ça aussi que j'appréciais chez lui, au-delà de sa capacité à ne douter de rien. Je rassemblais donc très rapidement mes affaires et je laissais Tsume prendre les devants afin de me montrer le chemin. Il profita de nos heures de route pour jouer les guides touristiques, m'expliquant quelques détails de la région et je ne pouvais difficilement cacher mon émerveillement ou plutôt ma curiosité soit parce que je ne connaissais pas, soit tout simplement parce que j'avais l'impression de ne plus avoir vu des merveilles de ce genre depuis des années. À force d'être entouré de neige et de glace, je m'étais habituée à la monotonie des paysages de l'Isthme. J'avais appris à aimer le lac gelé, ses défauts mais aussi toutes ces merveilles dissimulées. Même si tout y était rude, il y avait aussi quelque chose d'apaisant.

En tout cas, je ne vis pas le temps véritablement passé que nous étions déjà à l'auberge et qu'en moins de quelques minutes, Tsume avait déjà réservé une chambre et les clefs en poche. C'était à peine si j'avais eu quelque chose à dire ou à faire. Pour une fois où je ne décidais de rien... c'était un peu bizarre. Il fut le premier à pénétrer dans la pièce et se mit très rapidement à l'aise alors que de mon côté, je ne pouvais m'empêcher de tout inspecter du regard. Ce n'était pas par méfiance mais encore une fois parce que c'était nouveau. Alors que je refermais à peine la porte derrière fois, Tsume était déjà en train de se déshabiller. Je sentis le feu me monter aux joues, à croire qu'il n'avait pas compris que je n'avais pas ce genre d'intentions quand je lui avais proposé de me tenir compagnie.... mais bizarrement, je ne fis pas de scandale quand je vis ces cicatrices. Elles étaient nombreuses, peut-être pas autant que les miennes mais nombreuses tout de même.

Je crus comprendre ses intentions quand ces tatouages réapparurent, courant sa peau abîmée en quelques secondes. Je me rappelais ces mots et le fait qu'il m'eut dit de ne pas les toucher, que c'était dangereux.... mais ça ne changeait rien au fait qu'il était presque nu devant moi. Mon visage restait sans doute carmin et gênée, et je m'abstins de faire tout commentaire. D'ailleurs, il me devança et m'en offrit quelques explications rapides... tout en rajoutant qu'il n'était pas totalement dénudé, prouvant ainsi qu'il "respectait" ma sensibilité. Je notais l'effort... en quelque sorte.

" Euh... ok. Je... je me rappelle de ce que tu m'avais dit... pour tes tatouages. "

Je ne sus pas ce qui me prit, mais mes yeux semblèrent ne pas quitter son buste tatoué. Il n'y avait rien de pervers dans mon attitude, je tenais à le souligner! Je me questionnais juste sur le principe, si c'était douloureux, épuisants.... et si ce n'était pas une idée comme une autre de me tatouer moi-même pour cacher certaines cicatrices que je n'aimais pas. Je n'en parlais jamais mais j'en complexais toujours. Je n'aimais pas mon corps marqué, quand bien même ce n'était que le résultat de mon héritage sanguin.

Je finis par tourner la tête quand je me rendis compte que je le fixais un peu trop alors qu'il m'interrogeait. Je posais mes affaires dans un coin et me mis à réfléchir un peu à ce que je souhaitais. Naturellement, je retirais ma veste, dévoilant un débardeur sans manche et les multitudes traces de coupures, des anciennes, des nouvelles.... bref. Autant de chose que je n'aimais pas. Je me souvenais aussi des mots de Tsume. Lui, il trouvait ça beau. Pour moi, c'était absurde mais le fait de le savoir atténuait ma gêne. Je quittais mes chaussures et je me posais aussi sur le futon.

" Commander à manger serait une bonne idée. Je ne suis pas difficile donc je te laisserais choisir pour moi. Si tu connais déjà les lieux, tu dois savoir ce qui est bon je suppose. "

Bizarrement, une mauvaise pensée traversa mon esprit et je me demandais avec qui il avait pu venir ici... mais l'idée m'irrita tout comme le fait de me savoir à m'interroger sur le sujet. C'était pas le moment pour penser à ce genre de chose.

" Et l'endroit est plutôt sympathique. C'est différent de là.... de là où nous nous sommes rencontrés. "

Je ne pus m'empêcher de repenser au bain mixte et de l'accident de la serviette. Saleté d'esprit! Pourquoi je repensais à ça! Je me forçais à le regarder dans les yeux pour arrêter de réfléchir et posa la première question qui me taraudait.

" Tu as emmené beaucoup de monde ici? Quoique non, ne répond pas. Je ne veux surtout pas savoir. "

Mais quelle nulle! Je levais la main comme pour faire barrière à sa possible réponse.

" C'est douloureux? T'es tatouage? "

Je finis par les pointer du doigt.

" Je sais que je t'ai déjà posé la question mais... ça te fatigue beaucoup? Tu aurais dû me le dire sur la plage. J'aurais compris et je t'aurais laissé.... enlever.... ton haut. "

Je croyais atteindre les sommités de la nullité. J'étais tellement une obsédée du travail que j'étais incapable d'avoir une conversation qui ne tournait pas autour. Agacée par moi-même, je me relevais d'un bond.

" Je... je vais me doucher. Tu n'as qu'à commander pendant que je fais cela. On pourra se reposer un peu après, et discuter pendant le repas et profiter du onsen plus tard. "

Un programme comme un autre avant de m'échapper dans la salle de bain. L'eau froide me ferait du bien, ça me remettrait les idées en place pour gagner un peu de contenance.... et peut-être que je n’aurais pas les yeux qui se baladent un peu n'importe où... c'était affreux comme l'attirance envers quelqu'un vous rendait stupide....

Je ne saurais dire pourquoi, quand bien même j'avais refusé d'entendre la réponse, le fait qu'il me précisa qu'il n'avait jamais conduit personne dans cet établissement me... rassura. Voilà que je me mettais à avoir un complexe de comparaison ! C'était de pire en pire. Qu'est-ce que cela pouvait faire en plus, qu'est-ce que ça pourrait changer ! Rien. Ressaisis-toi ma pauvre Etsu ! C'était pas comme s'il t'avait pas déjà avoué qu'il avait un nombre incalculable de conquêtes...  et il fallait comme de par hasard que je "craquasse" pour ce genre de garçon... C'était à ne rien comprendre à la psyché humaine. Je me ramollissais !

En tout cas, Tsume semblait jouer le jeu avec moi, comprenant que je n'étais pas encore à l'aise avec tous les sujets de conversation et cela me soulagea. Lorsque l'on parla de ses tatouages, je l'écoutais - je l'avouais - avec une certaine fascination pour son art shinobi. Il voyait notre moment sur la plage avec une certaine philosophie, mettant au rang d'entrainement le fait que ma présence l'avait forcé à contenir son encre. Encore une fois, il me surprenait par sa capacité de balayer les problèmes d'un revers. Ou bien peut-être étais-ce moi qui en voyais partout ? Sur cet échange, je me permis de lui demander de commander à manger pendant que je partais me doucher. Enfin permis... on aurait presque dit que je lui en donnais un ordre implicite. Foutues habitudes.

Je finis par m'échapper dans la salle de bain dans laquelle je m'enfermais - pas à clef cependant bien que l'envie me tentât. Mes manies martiales me poussèrent à plier mon linge après les avoir ôté, ce qui était assez ridicule parce qu'il fallait que je les lavasse. Secouant la tête devant ma stupidité, je finis néanmoins par rejoindre les agréables jets d'eau chaude de la douche. Là, étrangement, alors que l'eau ruisselait, je me perdis un peu dans mes pensées, la tête basse. Je ne pouvais m'empêcher de regarder ma peau zébrée de marques de lame. Mes bras, mes jambes... j'en étais constellée. Si en un sens elles étaient la preuve de mon acharnement, elles me dégoutaient aussi. J'étais fière d'être une Chinoike pourtant, mais quand je voyais mon corps, je n'aimais pas ce que je voyais. Je ne l'avais jamais aimé. Je me rendais compte que jusque-là, j'étais persuadée de l'avoir accepté parce que de toutes les manières, je n'avais jamais envisagé qu'un jour, je puisse avoir une relation... romantique. Alors plaire à quelqu'un était le dernier de mes soucis et balayer ce complexe avait été facile. Mais maintenant que je me retrouvais confronter à ces sentiments et ce que j'éprouvais pour Tsume, tout me revenait un peu en pleine face. Ce dégoût de moi-même.

Pourtant, Tsume trouvait cela gracieux, ces marques. J'avais bien du mal à le croire, mais quand j'avais croisé ces yeux qui semblaient hypnotisés par mes cicatrices, j'avais compris qu'il le pensait. Autant vous dire que je le trouvais toujours bizarre et cinglé sur ce point de vue là. Je supposais cependant que si lui l'acceptait comme tel, c'était pas important que j'en fisse pareil. Si je lui plaisais comme ça... Voilà que ça me tracassait maintenant, l'idée de lui plaire.

Je sortis de la douche un peu bougonne, bien évidemment contre moi-même et mes pensées. J'enfilais un peignoir alors que je donnais un coup à mes fringues. Je les suspendais pour les faire sécher avant de sortir et retrouver Tsume. Il était dans le patio, assis tranquillement. On nous avait apporté le plateau repas. Moi, je m'avançais tranquillement alors que je frottais les cheveux avec une serviette.

" Désolée. J'ai été un peu longue. J'ai voulu laver mes vêtements pour qu'ils sentent moins le poisson grillé. "

C'était un peu gênant de me balader en peignoir, mais après tout, il m'avait déjà vu en serviette. C'était pas le moment de jouer les coincées et surtout, de trop y penser. Je jetais un œil sur la nourriture, il y en avait pour tout un régiment et surtout beaucoup de choix.  

" Je vois que tu as demandé des portions généreuses. On ne mourra pas de faim au moins. J'espère que cela ne t'a pas coûté trop cher. "

N'allez pas croire que j'étais radine, bien loin de là, mais comme nous ne roulions pas sur l'or dans l'Isthme, j'avais l'habitude d'éviter les dépenses inutiles. Je ne savais plus trop ce que cela faisait de vivre dans l'opulence et de ne rien manquer. Je me saisis du plateau et l'amena vers Tsume avant de m'assoir à ses côtés.

" Un bon repas sous les étoiles. Cela peut être sympas. "

Vu le froid de canard de ma région, autant vous dire que cela était rare. Je zieutais à nouveau le plateau avant de piocher des dangos. Là, naturellement, je tendis le bâtonnet à Tsume.

" Mange avant que cela ne refroidisse. Une fois le ventre rempli, tu auras retrouvé toute ton énergie. "

Puisque maintenir ces tatouages en place étaient fatiguant, il avait besoin de se requinquer. Je lui souris naturellement alors que de mon côté, j'avais pris la même chose. Balayant mes pieds nus dans le vide, je levais la tête vers le ciel alors que je tenais mon bâtonnet dans la main.

" Le ciel est bien dégagé.... pas l'ombre d'un nuage... C'est rare. "

Assez rare pour être souligné parce qu'après tout, on ne savait jamais de quoi demain serait fait. J'en étais la preuve, non ? S'il y avait quelques mois on m'avait dit que je partagerais un repas avec un homme qui me plairait, j'aurais bien ri...