Service militaire

   Tristesse : Kazeo Saya n'était pas là. Enfin, elle n'était pas là pour me recevoir. Sans doute occupée à entrainer des troupes ou envoyée dans le désert pour une mission. Ou peut-être tout simplement à Suna. Saya et moi étions amies mais nous ne connaissions pas exactement l'emploi du temps de l'autre, elle pouvait ne pas être de garde à la citadelle, car si elle passait la majeure partie de son temps là-bas, elle pouvait être rappelée par le kazekage, qu'elle servait en premier lieu, avant de servir le daimyo. C'était tout de même dommage, car s'il y avait bien une personne à qui je voulais rendre visite, c'était à elle. En revanche, s'il y avait bien quelqu'un que je souhaitais rencontrer, il s'agissait du daimyo Hitotsubashi, l'homme dont Serika Senshi occupait une partie du territoire, l'autorité la plus haute du Pays du vent. La plus haute autorité humaine, du moins, car face aux plus puissantes tempêtes de sable, l'armée du seigneur n'avait d'autre choix que de se protéger. Et si la bestiole que vénérait le clan Kaigan était réelle, nul doute qu'il n'eût pas fanfaronner en la rencontrant.
             
   Adieu amie, seigneur, kage, rencontres. En lieu et place de ces interlocuteurs, j'eus l'occasion de faire connaissance, de loin, avec un guerrier hautain dont le regard ne m'était pas amical. Droit, vêtu d'une tenue que j'estimais officielle, l'oeil aux aguets, il n'était point muni de lance ni de long nodachi. Pas d'armure ni d'épée, mais un air imperturbable qui suivit chacun de mes mouvements dans cette pièce où j'étais avec lui enfermée. S'il avait été armé, j'eusse pensé qu'il était un samouraï hiérarchiquement bien placé mais comme il ne disposait pas d'armure, son rôle était autre. Mais qu'on ne me fît pas dire qu'il ne savait pas se battre : tout dans son comportement sentait l'homme exercé à l'esprit affuté. Ou alors peut-être y avait-il une explication simple. Un ninja ? Un shinobi, oui, voilà une explication correcte de sa tenue et de sa discipline. Ou un haut gradé en tenue décontractée. Pas un homme impressionnable, en tout cas. Pas de chance, j'allais devoir convaincre quelqu'un de possiblement plus puissant que moi de la supériorité des arts ninjas. Mais nous n'étions pas seuls. Assis à un secrétaire d'un bois neuf et magnifique sans doute importé des Grandes forêts, un comptable professionnel aux mains rapides pour son âge, même pour le mien, était à ses affaires, écrivant, comptant, agitant son avant-bras droit dans de petits râles accompagnant son souffle. Que faisait ici cette personne ? Le kazekage m'avait préparée et fait savoir que ma tâche allait désormais être mais il n'avait pas mentionné que j'allais devoir oeuvrer dans une salle publique où pouvaient passer et travailler tous les employés du daimyo. J'allais donc devoir utiliser de douces techniques qui n'allaient pas toucher les personnes ordinaires. Soit, j'allais bien devoir m'adapter à cette donnée capitale.
    Le Chiffre ! Voilà qui me revenait ! Serika Senshi avait mentionné ce haut responsable de la nation alors qu'il me préparait à cette rencontre. Une personnalité importante que celui que je prenais pour un gratte-papier ordinaire. Selon le chef du clan Serika, cet homme était le numéro trois du pays, derrière lui-même. Si je m'étais attendue à si peu de prestance ! Voici un dignitaire qui savait cacher son importance derrière une apparence banale et pourtant, il tenait un rôle d'une immense responsabilité dans la finance du pays. Hitotsubashi Isami, Serika Senshi, le Chiffre, je connaissais maintenant mieux les grands noms de nos terres. Shirogane Ibushi, ami de Senshi, complice dans la fondation de Suna et conseiller, Kayaba Akihiko, haut-conseiller, président du conseil et conseiller personnel du kage, le seigneur Tetsunori de Namida, le Crapaud blanc, je commençais à avoir une idée plus précise du beau monde qui dirigeait ma patrie.
   Le Chiffre et un combattant expérimenté. Je devais convaincre ces deux personnes. Si je ne me trompais pas, le premier connaissait le ninpo le plus basique et n'allait pas trouver sensationnel les techniques les plus simples, au contraire. Pas la peine de sortir mon tanto et d'exécuter un Issen. De plus, cette technique ne pouvait être que destructrice et impertinente. Hors de question de faire la démonstration des parchemins explosifs au risque de causer un incident diplomatique. Le simple ninjutsu, voici ce qui pouvait faire mouche sans causer de dégâts. Car je ne connaissais pas l'art des illusions, à mon grand regret. À mon regret, car si je n'aimais pas ce domaine de combat, il eût été d'une grande aide dans un exercice pareil, car je n'imaginais pas le Chiffre grand combattant, aussi devait-il être possible de l'emprisonner dans un genjutsu afin de lui montrer l'efficacité de cet art. Enfin, il était trop tard pour se plaindre. J'étais devant ces deux hommes à présent.






   Je me tournai vers l'homme obscure dont je n'avais oublié la présence, fût-il discret comme une ombre. Sans un sourire, je ne pris pas le temps de défier son regard mais allai à l'essentiel.




   J'exécutai les mudras d'une hideuse technique que m'avait enseignée Takeshi. Une part de moi-même, ce furent des souvenirs, des durs souvenirs, ces sentiments de rejet et cette fierté, cette immense fierté d'avoir survécu à ces bandits de noir vêtus, d'avoir ces bras confectionnés par de talentueux médecins du clan Shirogane, d'avoir survécu au désert durant ma jeunesse. Tout cela, je le mis dans un clone, qui apparut après que j'eus terminé mes gestes. Medusa était parmi nous et hurla.





Je n'allais pas la refaire. Mais elle était si fière qu'elle ne doutait pas une seconde de son jugement quant à la fonction du guerrier qui me toisait. Elle le tutoyait, ce que jamais je n'aurais osé faire pour une telle rencontre et je me sentis mal. Je regardai le troisième homme du pays, puis l'assassin présumé et refusai de prendre le temps de déterminer leur réaction, je n'avais pas marqué un bon point et je posai sur la bouche du monstre un main que j'eus du mal à garder là pour faire taire les sentiments de la gorgone qui se débattait, mais je la maintins.




Medusa cessa alors de se débattre, ouvrant de grands yeux. Ses serpents me regardèrent, posèrent leur regard sur nos hôtes et elle esquissa un regard satisfait tandis que je la relâchai doucement. Elle fit une révérence et s'adressa à cet homme droit comme un "i".

Je résiste aux techniques les moins puissantes, tel est mon talent. Là où un autre clone de l'ombre disparait, moi, je tiens le coup face aux attaques les plus faibles. Pour me détruire, un ennemi ne pourra me défaire avec un simple Issen.

J'intervins.

Je vous invite à attaquer mon clone avec une technique de base pour vous convaincre de ses dires. Medusa ne se défendra pas, elle est trop fière pour cela. Ensuite, vous serez libre de lui faire payer son manque de respect avec une technique plus puissante.

Et Medusa de me regarder du coin de l'oeil, la mine surprise et contrariée.

   

Récapitulatif combat:

   Bien évidemment, Medusa avait résisté à un premier coup et c'était non sans satisfaction que j'avais pu voir mon clone de l'ombre encaisser sans broncher, mais un passage aux choses sérieuses eut raison de la créature qui disparut alors. Un coup efficace qui sut satisfaire le garde du palais. À son patronyme, j'osais supposer qu'il n'était pas simple soldat mais au minimum un sous-officier. Il eût été dommage que le nom du daimyo fût éclaboussé par de piètres performances venant de sa propre famille. S'il était ici avec le chiffre et moi, il devait d'ailleurs être un homme de confiance du dirigeant du pays et maitre de ce palais, ce sans quoi j'eusse logiquement été en face d'un officier sans nom fameux mais qui eût été en mesure d'évaluer mes compétences. Quelle ne fut pas ma déception, car j'étais ravie d'avoir en face de moi un professionnel et je me sentais alors vraiment moins seule dans cette haute pièce aux gigantesques piliers.

  Je n'étais pas habituée à endroit si haut. Seule dans une pièce, ainsi observée, examinée, voilà qui m'était étrange. Point l'examen, mais qu'il se passât dans une pièce pareille qui respirait aussi le faste. il n'y avait pas à dire, malgré mon statut de simple jonin, j'avais droit à un entretien avec des gens sérieux. Oh, j'avais été informée, mais vivre cela était quelque chose pour moi qui avais été, depuis mon accident, malaimée par les Shirogane et peu considérée par les plus hautes autorités du village. Je ne comprenais pas ce revirement, mais sans doute était-ce le fait d'un homme, d'un seul. Senshi. Mais qu'avait-il derrière la tête ? Pourquoi moi ? Le plus grand échange que nous avions eu avait été dans le désert de Suna, où, tout sourire, il avait ôté sa cape. Là où cet homme, la puissance-même, m'avait fait l'honneur de m'enseigner personnellement une puissante technique. L'intimidation, la paralysie. Serika Senshi, à quoi pensiez-vous ?

Toute honorée que j'étais, je restais cependant ambassadrice de mon village pour la durée d'une visite et à ce titre, j'avais fait une colossale erreur à trop vouloir frimer. Si j'avais pu épater l'un de mes interlocuteurs, l'autre se montra très terre-à-terre en soulevant un point capital auquel je n'avais jamais pensé. Et quelle idiote j'avais été ! Mais bien sûr, la technique de Busujima Takeshi avait cela de positif qu'elle pouvait effrayer les adversaires et résister à la plus faible des attaques, mais elle exposait aussi les défauts de l'utilisateur et, par la même occasion, fournissait quelque chose à exploiter par l'ennemi. Comment avais-je pu ne jamais y penser ? En y réfléchissant, les techniques de ninjutsu que j'avais apprises n'étaient pas de toute finesse : clones, déplacement rapide, paralysie, mais point de subtilité digne du mot ninja. Honte à moi. Et cette honte se reportait maintenant sur mon village, mise en évidence par un homme politique. Mon estomac me fit alors mal et je serrai les dents tandis que commençait à bouillir en moi une rage à mon encontre. J'étais indigne de ma fonction. Serika Senshi, à quoi pensiez-vous, bon sang ? Les doigts crispés, je dus écouter la suite, pas plus flatteuse. En effet, j'avais aussi négligé la maitrise du chakra. Mais soit, le Chiffre ne se montra pas aussi fermé que j'eusse pu le croire et son "acolyte" me donna même une piste quant aux compétences qui pouvaient les intéresser. Le corps-à-corps et le bukijutsu. Parfait, tout simplement parfait, en fin de compte. Et de la défense contre les techniques plus viles. La seconde demande était cependant plus délicate.




   J'estimais devoir surprendre mon auditoire et avec une telle annonce, je présentais clairement ce qui allait suivre. Or un ninja se devait d'être imprévisible. D'un geste, je posai la main sur mon tanto, accroché au niveau de ma ceinture et, faisant usage du chakra, je courus sur l'espion afin d'asséner un coup plutôt simple, mais un peu différent du sien.






   Sans être à distance, j'avais dégainé et frappé de près afin de laisser, par mon approche directe, le temps à l'espion de réagir. Après cela, je rangeai immédiatement ma lame.




  Alors que je présentais mes excuses, je reculai, retournant à distance convenable et baissai la tête en ferment les yeux, calmement, comme en signe de respect, main sur la manche. Puis je posai sur le sol mon parchemin de stockage dont je sortis un shuriken Fuma. Quatre lames acérées que je lançais à nouveau sur l'espion. Bien sûr, cela ne pouvait suffire à toucher un homme qui avait de la ressource, il allait falloir faire mieux que cela, mais je n'attendais qu'une réaction de sa part. Qu'il esquivât ou parât, il allait présenter une ouverture. D'un bond, je fonçai à toute berzingue, à nouveau, sur sieur Hitotsubashi, mais frappai cette fois-ci l'air de mon poing gauche, juste à côté de sa tête.




  Sans chakra, j'étais hypocrite et savais bien que si je n'avais jamais appris la maitrise de l'énergie, les résultats n'eussent pas été tels, mais j'étais confiante, je pouvais aider des gens à éveiller leur potentiel sans toucher au ninjutsu. Il allait falloir présenter les choses différemment, c'était tout. D'un nouveau saut, je pris ma distance et mis la main droite dans ma poche pour en sortir une poignée de senbons que j'envoyai sur le compagnon de garde. Mais pas n'importe quels senbons. Certains étaient munis de clochettes, d'autres non. Une diversion simple mais efficace qui suffisait à tromper même d'habiles combattants. Pour terminer ma démonstration, je pris appui sur une jambe afin de me donner de l'lan et projeter mon autre jambe vers le haut, frappant le katana ennemi pour que fût désarmé celui qui servait de cible et d'adversaire pour l'exemple.




  S'ensuivit une réaction étonnamment enthousiasmée. Enthousiasmée car allant d'un avant qui allait dans le sens d'un accord. Une formation de masse. Le Chiffre n'était pas qu'un comptable mais aussi un magistrat pertinent sachant observer tant la politique que l'aspect pratique des ressources engagées dans les opérations. Je reconnaissais son qualité en tant que pilier de la nation et la remarque du guerrier ne fut pas sans me faire sourire. Puis le Chiffre s'adressa directement à moi.





  J'avais tu le nom du haut-conseiller afin d'éviter que le Chiffre n'exigeât sa présence, car il était souvent occupé et alourdir son agenda n'allait pas l'arranger. Il y avait les préparatifs du festival d'Ombre et de Lumière et j'avais cru entendre qu'il préparait une opération d'information. Des éclaireurs allaient être envoyés en direction de la Côte d'Omui afin de nous faire un rapport, car la stratégie qui semblait se dessiner était un passage de nos forces par les montagnes et non par les plaines, où nous allions être trop visibles.
 J'avais risqué de parler pour le kazekage, mais je le pensais décidé et étais assez sure de moi pour dire que le village du sable était prêt. Le regard vif, je regardai mes interlocuteurs dans l'attente de leur réponse. Cependant, je ne sus m'empêcher de sourire.




   

Récapitulatif: