Dire que la taverne était bondée relevait de l'euphémisme, tant il semblait qu'un dieu vaguement moqueur avait décidé, pour tromper son ennui, de voir combien d'humains il pouvait faire tenir dans une salle si petite, quitte à forcer d'un coup de semelle divine pour s'assurer que tout le monde tienne. En conséquence, le privilège d'une place assise vous donnait immédiatement une stature royale.
Que les chaises soient usées et bancales, et la table crasseuse et collante n'enlevait rien au luxe évident que représentait ce simple fait : Ame Fûma était assise, les autres debout, et elle adorait ça. Dans un tel contexte, elle comprenait encore moins la décision de Kaede de partir. Quand vous avez réussi à conquérir - c'était le mot - un siège dans un tel contexte, il était criminel de le laisser sans reprendre un dernier verre.
« Je dis simplement que c’est une question d’honneur, quand quelqu’un te propose de te payer un verre, tu acceptes. Question de principe », marmonna Ame en observant Kaede se lever en baillant. S’il y avait bien une chose que Ame Fûma détestait, c’était devoir boire seule quand elle avait prévu de boire accompagnée. Ca, et l’inverse, d’ailleurs, il n’y avait pas grand-chose de pire que de voir un inattendu débarquer avec ses gros sabots dans votre mélancolie éthylique solitaire.
Kaede ne s’en soucia pas, se contentant de pousser un de ces rires qui faisaient fondre les hommes. « Peut-être que j’ai pour principe d’être en forme le lendemain ? Je tiens à garder la tête sur les épaules. » « Mais pourquoi ? On est à Baransu ! Qu’est-ce que tu veux qu’il arrive ? » Kaede haussa les épaules, son rire ayant fondu en un instant pour laisser place à cette légère gravité qu’elle arborait parfois. « J’en sais rien. On n’est plus au village, c’est tout. » « Le village ! Le village ! Justement, on en est loin du village, alors profite ! Baransu, ça c’est une ville sympa ! On s’embête pas… On déconnecte un peu, tu vois… C’est un peu comme des vacances : on sait qu’ici, rien de mal ne pourra jamais vraiment arriver. »
Kaede ne répondit pas, se contentant de hausser les épaules. Elle lance quelques piécettes sur la table, fit demi-tour, et se fraya un passage avec grâce au milieu de la foule d’ivrognes attroupés. Beaucoup louchèrent sur son passage, mais aucun n’eut la témérité de tenter quoi que ce soit, et ce fut là leur meilleure décision.
"En plus, je suis sûre que va y avoir un chieur qui va voler ton tabouret !" beugla Ame en regardant partir son amie. Elle se sentait irritée. Il y avait dans cette soirée comme un parfum très étrange, quelque chose sur lequel elle ne parvenait pas à mettre le doigt. C’était comme si le vent, la lune, ou l’alcool lui murmurait à l’oreille : Ce n’est pas un soir à rester seule. Mais, seule, elle l’était, et la foule qui s’agitait autour d’elle se mêlait en un brouillard de sensation. Chaque visage, chaque voix, semblait s’effacer, comme un motif précis dont on n’aurait fait baver l’encre d’un revers de main avant qu’il ne sèche. Déjà, quelques voix de son passé éclataient dans son crâne. Un souvenir de son père, et un sourire de son frère.
Machinalement, son doigt traçait dans la crasse de la table des symboles, abstraits, si abstraits aux yeux des civils l’entourant. Brouillons de sceaux, marques incomplètes, un alphabet ésotérique se gravait sur la table. Des gestes si souvent répétés sous la surveillance son maître Uzumaki que chaque courbe était à jamais gravée dans sa mémoire, plus évidente encore que la respiration. Les souvenirs remontaient. Ils ne partiraient plus de si tôt. Ame Fûma avait suffisamment d’expérience en mélancolie pour savoir ce que cela signifiait : cette soirée serait une soirée triste. Heureusement pour elle, elle connaissait le remède. Elle leva son verre vide, et fit clairement comprendre qu’il était d’une grande importance qu’il ne le reste pas.
Il s’était retrouvé à Baransu. Pourquoi vous allez me dire ? Il ne le savait pas réellement, le jeune ninja n’avait jamais eu l’occasion de voyager dans ce pays et récemment avec les différentes missions, il s’était retrouvé non loin de Baransu et il avait décidé que c’était la Déesse de la Destinée qui avait décidé qu’il devait se rendre dans cette ville et il l’avait écouté. La ville était plutôt grande, mais pour une fois, on ne pouvait pas voir beaucoup de ninja, c’était même assez proscrit dans ce village d’assumer et crier haut et fort une appartenance quelconque au monde des shinobis. Shun le savait bien et il avait pris soin de ranger délicatement son bandeau dans sa poche et il s’était décidé à visiter la ville.
L’architecture était quelconque et le paysage ne le ravissait guère, il n’avait aucune envie de se stopper et d’immortaliser un brin d’une scène, une parcelle décor voire même un visage d’une femme ou d’un homme dont la beauté méritait d’être couché sur un papier. Il était même très rare pour le jeune chunin de se retrouver à ne pas s’arrêter une seule fois afin de gratter son papier avec de l’encre ou un morceau de fusain. La ville ne l’attirait définitivement pas, il s’était décidé à finir sa journée dans une petite auberge où il dormirait et repartirait le lendemain et puis avec un peu de chance, il pourrait trouver une personne à se mettre sous la dent. (enfin, vous avez bien compris de quoi il parle.). Sinon il restait le simple fait de boire, il était rare que le shinobi se laisse aller à l’ivresse de ce nectar parfois amer d’autre fois sucrée. Il ne connaissait pas forcément les lieux et il décidait de s’arrêter dans la première auberge qu’il trouvait, celle-ci se retrouvait étonnamment bondée et lui qui détestait le contact avec les gens se mit à marcher au travers de la foule comme un animal qu’on chassait. Il esquivait le plus possible de corps et se retrouver à être comme un petit fantôme en train d’essayer d’éviter les êtres vivants, la marche spectrale ressemblait limite à une danse : un pas en avant, deux pas en arrière, un pas de côté, un quart de tour vers la droite et chaque minute, seconde rendait l’agonie de l’artiste plus profonde. Il finissait par tomber et son cul se retrouvait miraculeusement sur un tabouret, il tournait la tête le visage plein de sueur vers une jeune femme qui se trouvait à côté de lui. D’un simple geste, il commandait au barman un verre d’alcool et il devait se concentrer que sur cette femme afin d’éviter de penser à la foule qui l’entourait et calmer sa crise d’angoisse. Il dit d’un ton un peu apeuré :
« - Est-ce que cela vous dérange que je vous accompagne dans votre verre ? » Il se rendit compte que le visage lui était familier « Excusez-moi, j’ai l’impression de vous avoir déjà vu ? Seriez-vous d’Uzu ? »
Si elle était vraiment d’Uzu, Shun remerciait la déité qui lui avait permis de tomber sur elle.
Ame ne s’était pas trompée : il n’avait fallu que quelques instants pour que le siège de Kaede se retrouvé conquis par un nouvel arrivant. Un peu plus grand qu’elle, visiblement, elle supposa qu’il devait être plus jeune. Quoi qu’à bien y réfléchir… Peine perdue… Ame n’avait jamais été douée pour estimer l’âge des gens qu’elle croisait.
Elle dut tendre l’oreille pour distinguer ce qu’il lui dit dans le brouhaha ambiant. Une vague excuse pour s’être emparé aussi brutalement du siège, et un beuglement des plus efficace pour commander à boire.
« Excusez-moi, j’ai l’impression de vous avoir déjà vu ? Seriez-vous d’Uzu ? »
Ame sentit frissonner sur sa nuque le souffle familier de sa paranoïa. Il la connaissait ? Comment pouvait-il la connaître ? Comment … ?
Ah…
Un souvenir, comme un éclair, d’un silhouette croisée dans les couloirs des quartiers du Kage. Cette espèce de crinière noire, et cet air pas tout à fait à l’aise dans la foule. Elle le connaissait aussi. Putain, il était d’Uzu. Elle se détendit soudain. Ils étaient dans le même camp.
« Ame, du clan Fûma. Chuunin. Mes coéquipiers m’ont lâchement abandonnés, et je me retrouve seule pour boire, ce qui est une très mauvaise nouvelle. Tu es le bienvenu. »
Elle laissa passer quelques secondes, continuant toujours à tracer inconsciemment de son index des fragments de sceaux sur la crasse de la table.
Elle était d’Uzu, ELLE ETAIT D’UZU, la chance pour qu’il puisse retrouver quelqu’un de son même village dans ce village qu’il détestait en tout point était vraiment infime. Par contre, elle n’avait pas peur de crier haut et fort qu’elle était ninja, bien qu’à Baransu il n’était pas forcément très recommandé de dire que quelqu’un était ninja. Ici, c’était le pays des samouraïs des anti-ninjutsus et il valait mieux éviter d’avoir affaire à un samouraï, mais il ne lui en tenait pas rigueur, l’alcool avait déjà dû faire un bout de chemin dans son corps. Le clan Fûma était un clan assez porté sur l’argent, c’était un des rares clans dont Shun avait déjà entendu parler. Ce clan pouvait peut-être s’il réussissait à bien s’entendre avec la demoiselle pouvoir récupérer quelques fonds pour son orphelinat. Elle tombait bien, il était clair que le destin ne les avait pas réunis par hasard. Il répondit à sa phrase :
« - Vos coéquipiers sont des traîtres, abandonnés une charmante jeune femme dans cet univers et en plus seul de surcroît. C’est inadmissible, aucun gentilhomme n’aurait pu agir de ce genre de manière. Pour ce qui est mon matricule, je me nomme Shun. Je suis du même grade que vous et provient du même endroit, je possède également un orphelinat dans le village où je recueille le plus d’orphelins de la guerre, malheureusement la demande est beaucoup plus grande que la place dans mon orphelinat et vous que faites-vous dans la vie ? Votre clan est réputé pour ses marchandises, n’est-ce pas ? »
Le nectar commandé arrivait enfin devant le bras du jeune chunin. Le sourire s’était dessiné sur son visage, il y avait bien longtemps qu’il n’avait pas eu l’occasion de boire de ce délicieux breuvage à la couleur doré. Il prit son verre et se tournait vers la demoiselle tout en tendant son verre, il l’accompagnait d’une petite phrase :
« - A notre rencontre inattendue, espérons qu’elle sera à la hauteur du monde de cet endroit ! »
Il n’aimait toujours pas le monde et cette promiscuité avec ces gens autour de lui, mais il se sentait un peu plus à l’aise en compagnie de cette shinobi. Baransu était peut-être une ville qui pouvait apporter son lot de surprise.
« En tout cas, il parle bien… », songea Ame en observant le shinobi installé face à elle. Un talent des plus rares à cette heure de la nuit et dans ce genre de lieux. La plupart de ceux qui les entouraient semblaient franchement trop avinés pour être capable de se lancer sans trébucher dans une telle réplique. Pour être parfaitement honnête, Ame elle-même ne savait pas si elle en aurait été capable. Shun. C’était ça. Shun. Elle avait entendu parler de son orphelinat. Une bonne action. Une vraie bonne action. Le genre d’action qu’Ame n’aurait jamais entreprise. Comme à chaque fois qu’elle prenait conscience de ne pas être quelqu’un de bien, Ame ressentit une pointe de honte. Elle aurait voulu aider. Elle ressentait véritablement de la compassion pour les orphelins de guerre, pour les vieux qui crevaient dans leurs maladies inconnues, et pour tous ceux qui pourrissaient quelque part au fin fond de leur misère. Mais elle ne faisait rien. Elle n’y gagnait rien.
Un jour, un jour, sans l’ombre d’un doute, elle prendrait le pouvoir. Elle s’emparerait à coup de griffes, de crocs, et d’or de chaque miette de puissance, et elle règnerait. Ce jour là, alors, enfin, elle se sentirait calme, elle le savait. Elle cesserait de crever d’ambition. Et elle règlerait les problèmes de tout le monde. En attendant… En attendant…
Non, Ame Fûma n’était pas vraiment quelqu’un de bien.
Mais elle n’avait pas le temps de se laisser aller à l’auto-apitoiement. Ce serait pour plus tard. Elle trinqua avec Shun en souriant sous ses compliments. Elle devait faire la conversation.
« Nos marchandises, notre or, nos armes… Certains parlent aussi de notre ambition, mais ils évitent de le faire devant nous. Evite de nous faire des reproches, on n’aime pas trop ça. »
Elle avait dit ça en riant, mais elle n’avait que mal réprimer sa fierté. Elle réalisa soudain qu’elle l’avait tutoyé. Un manque d’étiquette certain. Tant pis, foutue pour foutue.
« Désolé pour le tutoiement, j’ai trop bu pour être solennelle. Qu’est-ce que tu viens faire dans ce bled ? Mission ? Secret total ? Manipulation dans l’ombre ? »
Elle laissa échapper un petit rire. Elle ne voulait pas être méprisante, mais elle eut consciente trop tard qu’elle l’avait peut-être été. Elle guetta la réaction de Shun. Elle n’aurait pas voulu le vexer si tôt.
« Ou simplement tourisme ? »
A aucun moment, elle ne prit vraiment conscience du danger dans lequel elle les mettait en arborant aussi fort de tels sujets.
Faire des reproches, pourquoi il voudrait faire des reproches ? Chacun vis dans son propre monde, chacun voit la vie comme il le souhaitait. Chaque personne avait des intérêts et il était normal d’essayer de faire en sorte de les remplir, même si certains étaient très égoïste, mais c’était un peu le monde qui donnait cette envie d’être égoïste. Donner sa vie pour un pays sans vouloir en profiter à quoi bon être en vie dans ces cas-là ? Il lui répondit d’un ton solennel :
« - Des reproches ? Qui serais-je pour vous en faire ? Je ne suis qu’un simple orphelin, je n’ai en aucun cas la prétention de pouvoir donner une leçon sur vos affaires. »
Elle le tutoyait, c’était quelque chose d’inédit pour le chunin qui n’aimait guère rentrer dans une intimité aussi rapidement, mais il n’avait pas l’impression que dans ce type d’endroit ce genre de politesse éhonté semblait désuet. Par rapport à sa question, il répondait simplement :
« - Je ne sais pas, je crois que je me suis perdu tout simplement ! Pour le tutoiement, je ne suis guère habitué, mais allez-y ça ne me dérange pas dans ce genre d’endroit ! »
Shun attrapait son verre et se mit à boire une gorgée, le regard des autres personnes commençait à se mettre à peser sur eux. La jeune Fuma n’était pas un modèle de discrétion, l’artiste lui dis tout en lui mettant son doigt sur la bouche :
« - Il serait en revanche fort aimable d’arrêter de parler de notre profession dans ce lieu, sinon je serais obligé de trouver un moyen de vous faire taire discrètement et à part vous embrasser, je ne sais pas trop quoi faire. Il serait appréciable que vous parliez d’autre chose si cela vous sied ? »
Ame aurait adoré réagir avec le tact et le panache mystérieux que savent se donner certaines personnes dans ce genre de situation, appréciant les approches et les sous-entendus comme d’autres admirent les passes d’escrime. Mais elle n’avait jamais été à l’aise avec ce genre de conversation, et l’alcool qui coulait dans ses veines enterrait définitivement toute chance de mesure dans ses réactions.
Aussi se contenta-t-elle de recracher violemment sa boisson par le nez en rougissant, redécouvrant du même coup cette vérité que personne ne contestait pourtant : l’alcool fort n’était pas censé se retrouver dans vos narines.
Honteuse de sa réaction, elle n’eut pas d’autres choix que de laisser tomber toute chance de paraître impressionnante. Elle leva sa main en guise d’excuse, et s’essuya de son mieux d’un revers de manche.
« Tu es du genre plutôt direct, non ? » tenta-t-elle pour se redonner une certaine contenance. « Mais je suppose que tu as raison. Soyons discrets. »
Elle jeta un coup d’œil autour d’elle. La salle était toujours aussi bondée. Elle avait clairement manqué de prudence. Se penchant vers Shun, elle déclara, d’une voix aussi basse que possible dans le brouhaha ambiant :
« A moins que tu penses que l’on soit capable d’étaler toute cette taverne en un clin d’œil… »
Ce n’était pas une blague. Ou du moins, ce n’était pas seulement une blague. Une des premières choses que son oncle lui avait appris était un principe très simple. « Chaque fois que tu rencontres quelqu’un, petite étoile », lui avait-il dit, « débrouille toi pour savoir très vite s’il est fort. »
Et ici, perdue dans cette ville étrangère, ivre, et seule, elle sentait qu’elle avait tout intérêt à connaître rapidement la puissance de ce nouvel arrivant. On ne discute pas de la même façon avec quelqu’un capable de vous étaler sans transpirer.
Il éclatait de rire lorsqu’il vit sa camarade de boisson recracher sa boisson par le nez. Direct disait-elle ? Shun n’avait jamais maché ses mots, mais il ne savait surtout pas comment se comporter avec le genre humain et surtout lorsqu’il draguait il avait l’habitude d’être direct, un brin romantique, mais là il n’était pas dans la drague. Il ne savait vraiment pas comment la faire taire autrement, elle voyait ça au premier degré dans le mauvais sens. Il regardait la femme et lui dis d’un ton neutre à la limite du sarcastique :
« - A quoi bon faire des détours. J’ai évoqué un problème et une solution, il n’y a rien d’autre dans ma proposition. Je suis direct, en effet ! Je pense surtout à notre protection en cet instant. Les Samourais ne sont pas faibles. »
Il reprit une autre gorgée de la boisson alcoolisée. Cette fois-ci c’était lui qui manquait de recracher le liquide tellement la question lui paraissait débile et inintéressante. Il tournait le regard vers elle et lui dis d’un air abattu :
« - A quoi bon imaginer créer un conflit dans un pays où la guerre fais constamment rage ? Je ne suis pas du genre à me battre pour aucune raison. La guerre m’a déjà trop pris pour prendre le combat comme un amusement. C’est également pour cette raison que j’évite d’attirer trop l’attention. De plus, pour répondre à votre simple question, je ne sais pas. Je n’ai pas la prétention de me dire plus fort que quiconque sans avoir combattu. »
Il attrapait son verre et se mit à sourire, il souriait, car il en oubliait presque l’environnement et il lui dit d’un ton neutre cette fois-ci :
« - Après si vous voulez réellement vous défoulez après avoir bu, il pourrait être intéressant d’aller s’entraîner loin de toute cette cohue. »
Deux vérités frappèrent Ame au même instant. Premièrement, elle appréciait Shun. Deuxièmement, elle n’avait pas la moindre idée de pourquoi. Il n’était pas le plus drôle, ni le plus agréable, mais quelque chose dans le ton franc de sa voix, et cette espèce de déconnexion totale qui semblait l’empêcher de comprendre le second degré lui plaisait.
A cette soudaine compréhension s’ajouta également une prise de conscience évidente : Shun ne pouvait pas la blairer. Cela était difficilement supportable pour Ame qui voulait être aimée bien plus qu’elle ne l’assumait.
« Il est temps de te reprendre en main, petite » songea-t-elle en fixant Shun dans les yeux. Si elle voulait faire meilleure impression, elle devait réagir, et vite. Le moindre faux pas pouvait sceller définitivement toute chance de marquer favorablement le chuunin qui lui faisait face.
S’entraîner loin de cette cohue. Ame y songea un instant.
Depuis son arrivée à Baransu, elle n’avait, pour ainsi dire, pas foutu grand-chose. Flâner dans les marchés et aller admirer la citadelle, cela pouvait être agréable, mais cela ne pouvait durer qu’un temps. La vie d’un shinobi ne dépendant que d’une chose : progresser. Presque mathématiquement, arrêter de progresser, c’était augmenter ses chances de tomber sur un adversaire plus fort que soi. A terme, il n’y avait plus vraiment de différence entre stagner, et mourir. Ame en était bien consciente, et une culpabilité diffuse avait commencé à se répandre en elle.
Il était temps que cela change.
Elle se passa la main dans les cheveux, et sourit à Shun.
« J’ai été inactive trop longtemps. Il est temps que je redevienne un peu sérieuse. Je suis partante. »
Inconsciemment, elle posa ses doigts sur la paume de sa main droite, où était gravé le sceau qui dissimulait ses armes.
Qu’allait-il proposer ? Un entraînement ? Un échange de technique – elle n’était pas sûre d’être assez sobre pour en profiter pleinement - ? Un combat amical, même… Elle était curieuse.
Elle était là devant lui à passer sa main dans ses cheveux. Il ne la comprenait pas forcément pour le moment, mais il voulait une simple chose se détacher de cet endroit et trouver une réelle signification à cette visite dans cette ville qui pour le moment était une simple perte de temps. Il voulait s’en aller, il voulait rentrer chez lui, mais s’il pouvait s’entraîner avant de partir cela pouvait être intéressant. En plus, cela serait pour lui un grande première pouvoir s’entraîner en compagnie de Dame Lune. Il le voulait, il le souhaitait et il trouvait cette sensation grisante. Il la regardait le blanc des yeux et lui disait d’un ton amical :
« - D’accord, un entraînement d’échange de technique cela te dirait ? Dans cette nuit, je pense que Dame Lune saura être un maître attentif pour nous aider dans l’enseignement. »
La nuit, c’était en quelque sorte mon moment préféré de la journée. Les ombres de mes encres chinoises se mêlaient parfaitement à la pénombre de ce moment de la journée. Puis, il s’approchait de l’oreille de la jeune dame :
« - Au vu des mystérieux dessins que vous faites du bout du doigt, je dirais qu’on pourrait s’entraider en fuinjutsu, arrêtez-moi, je me trompe ? »
En effet, depuis le début Shun avait pu observer que la demoiselle n’arrêtait pas de dessiner avec ses doigts dans la poussière d’étranges caractères. La plupart de ces caractères étaient souvent utilisés dans des techniques de fuin. Domaine dans lequel l’artiste se démerdait plutôt bien. Il aimait ce type de technique, car elles ne nécessitaient pas forcément de combattre au corps-à-corps chose qu’il n’aimait pas vraiment et dont il n’était pas vraiment doué.
Ame se figea. Grillée. Elle rangea nerveusement sa main. Elle était tellement habituée à graver ce genre de symbole dans les airs qu’elle en arrivait à donner des informations vitales sur elle-même au premir venu. Shun était d’Uzushio, cela ne poserait pas de problème, mais c’était le genre de choses qu’elle devrait éviter de faire la prochaine fois qu’elle tomberait sur un potentiel adversaire. Ame n’était pas un monstre de combat, et elle ne pouvait pas se permettre de révéler ses cartes dès les premières secondes de la rencontre. Elle ne put s’empêcher de sourire, cependant. Shun avait une façon de parler légèrement ampoulée et poétique qui lui plaisait bien. Il devait être capable d’endormir la vigilance de beaucoup avec ses images de lune. Elle la première.
« Je n’ai pas la prétention de me qualifier d’experte. Mais j’en connais suffisamment pour tirer mon épingle du jeu. »
C’était un léger mensonge. Ame aimait se considérer comme une PUTAIN D’EXPERTE BRILLANTE. Mais cela serait légèrement mal vu de s’en vanter immédiatement (le fait que cette prétendue expertise soit légèrement exagérée n’entrait pas vraiment en ligne de compte).
« Les sceaux sont un large domaine. Soutien… Pièges… Ou rituels bien plus sombre… Qu’est-ce qui t’intéresse, Shun ? »
Evidemment, Ame n’en avait pas grand-chose à foutre. La question qu’elle voulait vraiment poser était : « Est-ce que toi aussi tu crèves d’envie de plier l’art des sceaux à ta volonté pour te hisser tout en haut du monde, et contempler les mortels ramper devant ta splendeur ? ». Mais cela semblait un peu tôt pour poser ce genre de question. Et, dans un premier temps, elle avait simplement besoin de savoir le plus urgent : Shun pourrait-il lui apprendre quelque chose, ou Ame devrait-elle être celle qui offrirait une partie de son savoir à un inconnu ?
Elle semblait surprise et confuse, mais c’était qu’un instinct, cependant elle s’était arrêtée de créer des signes avec le bout du doigt et elle avait pris la parole afin de dire qu’elle n’était pas une experte. Enfin, de ce que souvenait le chunin les Fuma était souvent basé dans les fuinjutsu en rapport avec des armes, mais il s’était peut-être trompé. Il souriait et dis d’un ton assez moqueur :
« - Si, vous n’êtes pas une experte, vous allez entacher le nom de votre clan. J’en serais fort troublé, moi qui avais une haute estime de votre clan. »
Prêcher le vrai par le faux, c’était une chose qui pouvait parfois marcher. De cette manière, il saurait à quoi s’attendre. Il regardait la fin de son verre, il ne restait pas grand-chose, mais il devait bientôt sortir. Pour une fois qu’il avait pu boire, il prit un second verre auprès du barman dont il avalait cul-sec. Avant d’entendre les propos de la femme qui siégeait à ses côtés. Il arquait un sourcil :
« - Vous êtes un ninja ou un marabout ? Surprenez-moi pour la technique, mais évitez de me faire tuer une personne par inadvertance avec vos étranges rituels ! »
Il se mit à rire et se levait d’un coup et se tournait vers la demoiselle et l’alcool qui commençait à lui monter au nez, commençait à le dérider un peu si bien qu’il se mit à dire une phrase bizarre :
« - Bon on bouge ou on… Non rien, je n’ai rien dis, oubliez ! Si, on allait s’entraîner. Je commence à avoir trop chaud ici. Enfin ma technique j’en ai une qui me semble pourrait potentiellement vous intéresser. »
Il attrapait un glaçon de son verre et le positionnait sur son front avant de commencer à avancer vers la sortie en espérant que la demoiselle le suive.