Torrents de Foi [Mission rang B]

Torrents de Foi

Si le soleil avait régné sur les mers durant ces derniers jours, les caresses glacées du vent rappelaient l’arrivée imminente de l’hiver. Heureusement, l’Atarashi, le bateau et seul trésor de Sanada possédait un poêle dans la partie couverte par une large bâche cousue dans du cuir de baleine. Avec un système ingénieux de cheminées et d’une protection de métal, l’objet servait tout aussi bien de four ou de socle pour cuisiner que de chauffage.

Enfoncé dans un tas de coussins de soie reliés les uns avec les autres et fixés sur les larges tapis qui recouvraient cette partie couverte du pont, Sanada savourait la nouvelle récolte de son herbe sacrée. Le bruit des vagues frappant la coque solide de l’Atrashi, la douce chaleur qui se diffusait, le confort des coussins, tout appelait à la quiétude. Pourtant, les trois shinobis en mission étaient tous au travail. Le soldat des Cinq calculait ainsi l’itinéraire le plus rapide pour rejoindre la Cité Sainte de Kagayaki.

Après avoir passé sans encombre entre les deux ils Tenro malgré les barrières de corail et les courants, après avoir traversé le damier des dieux, une partie de l'océan où le phénomène de mer croisée était récurrent, ils avaient traversé les mers du Pic de Motogumi, sous le regard de cette montagne légendaire qui servait de repère à tous les marins de la région.

Le soleil était à son zénith quand l’Atrashi s’approcha de l’estuaire de Motogomi.
Malgré ses innombrables voyages en mer pour escorter des shinobis du village, des marchands de la ligue Somei, ou des marchandises sensibles, c’était la première fois qu’il pénétrait dans ces eaux-là. Aussi curieux que prudent, il abaissa toutes les voiles afin de se préparer, mais surtout d'admirer le spectacle.

Des deux côtés de l’estuaire, un port s’étalait, accueillant des dizaines de bateaux venus charger ou décharger les marchandises. Le long de la côte, les premiers quais permettaient aux gros bateaux à quille de pouvoir amarrer. Plus on s’enfonçait dans l’estuaire, plus les bateaux changaient, devenant plus petits, mais surtout, à fonds plats.

C’est grâce à ce bal que les marchandises pouvaient descendre le fleuve pour rejoindre les mers et une autre partie du Sekai, ou au contraire s’enfoncer dans la région et fournir les villages au bord du fleuve en matériaux étrangers.

Devant eux, la cité d’Amainetsu semblait épouser parfaitement les formes de l’estuaire.

- Ce sont des Sabani. Dit Sanada en montrant les bateaux, allant d’une barque à une embarcation d’une dizaine de mètres à fond plat typique de la région. Le noir que vous voyez sur la coque des bateaux est en fait de l’huile de foie de baleine. Cela permet d'étancher la coque tout en la protégeant des algues présentes dans les eaux peu profondes du fleuve et de ses affluents. Tout en parlant, le jeune homme remonta une manivelle avec une apparente difficulté.

Par un jeu de poulies et de cordages qui avaient été développés par le fils de l’orage et le clan Fuma, l’Atarashi se transformait. La quille de forme triangulaire se rétrécissait peu à peu, au bruit du bois qui grince, pour devenir un fond parfaitement plat. Une fois la manœuvre terminée, Sanada retira la dérive et remonta le gouvernail avant de n'abaisser qu’une infime partie d’une des voiles du bateau.

L’Atarashi reprit sa route, sous le regard curieux et interloqué des marins comme des petits pêcheurs qui remontaient le fleuve debouts, sur des tiges de bambous fixés entre elles, avançant grâce à une autre langue tige du végétal qu'ils appuyaient sur le fond vaseux du grand fleuve. Autour d’eux, la vie semblait suivre son cours dans un silence et une ambiance quelque peu éloignée du brouhaha incessant du village caché du Tourbillon.
En un peu plus d’une heure, ils avaient dépassé les quartiers périphériques de la cité et retrouvaient la nature terne des environs.

La végétation était assez dense autour des rives. Parfois, ils passaient devant des petits villages qui semblaient abandonnées, ou bien hantés par quelques vieillards sans doute trop diminués pour fuir. Les regards qu’ils croisaient étaient lourds, comme l’ambiance qui régnait autour d’eux. La brume et les végétaux d’un vert kaki renforçant ce sentiment désagréable.
Le monde de Sanada était composé de lagons, de fonds marins colorés et de forêts de mangroves. Ce monde aquatique là lui était presque inconnu.

Enfin, alors qu’il ne restait plus que quelques pêcheurs qui navigaient avec des cigognes à l'affût du moindre poisson qui s'échappaient des paniers en osier, ils arrivèrent au dernier village avant que le fleuve ne se transforme en petites rivières impraticables pour l’Atarashi.

L’équipe Satori prit leurs affaires et continua à pied vers le pic qui donnait son nom à la région.

Après quelques jours de marche, les lumières de la ville sainte se dévoilèrent alors que la nuit venait à peine de s'imposer dans le ciel du Sekai.

Les grandes portes de bronze étaient ouvertes, laissant un flot de pèlerins aller et venir sous le regard vide de quelques gardes en armes. Au-delà des fidèles portant ostensiblement leur dévotion à l’osmiétisme, des étrangers portant des tenues étranges semblaient participer à ce bal de va et vient.

D’une couleur jade, les toitures de la cité semblaient taillées dans la même pierre, donnant au lieux une atmosphère chaleureuse malgré le temps couvert et le brouillard qui caressait les ornements de bois et de métal précieux. Les rues étaient éclairées par de larges lanternes qui ressemblaient à d'immenses citrouilles pendants au large murs des différents bâtiments saints. Au fond, le pic de Motogumi dominait toute la ville. Son temple, situé sur un sommet proche en contrebas, brillait dans la nuit, signe des milliers de fidèles qui envoyaient leurs vœux en direction de la montagne sacrée. Devant ce spectacle, Sanada psalmodia une rapide prière pour remercier les dieux de l’accepter dans un des lieux saints de la religion Osmiétiste.
Espérant ne pas souiller une terre sainte, il s'enfonça avec son équipe dans la ville, slalomant entre les processions qui montaient ou descendaient du temple, afin de trouver le lieu qui allait leur servir de QG.

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