Parlons affaires

Sur un petit sentier au milieu des falaises abruptes et des gouffres béants avançait un archer a l'air décontracté, vêtu d'un élégant kimono qui semblait fort peu approprié pour un paysage aussi escarpé.

Le Pic des Géants. En voilà un nom qui semblait à la hauteur de ses ambitions, littéralement. Il appréciait ce genre d'environnement. Il pouvait laisser son esprit vagabonder, scrutant les milliers d'endroits qui feraient de parfaites positions de tir pour une embuscade. Pouvait-il y avoir meilleur endroit pour un tireur d'élite qu'un environnement où la verticalité était maîtresse? S'il était amené à défendre cet endroit, il pourrait abattre des légions entières avant que quelqu'un n'ait ne serait-ce qu'une fugace idée de sa position. Et quand bien même il serait repéré, bon courage pour franchir les immenses fossés qui se muaient en autant de remparts naturels pour le défendre.

Après sa petite escapade dans les forêts géantes, Inko avait pris le temps de réfléchir à bien des choses... Cette mission des plus banales avait été l'opportunité d'une rencontre qui elle l'était beaucoup moins. Un duo de meurtriers presque aussi efficaces qu'il ne l'était lui même. Un grand dadet et une chipie au mauvais caractère. Il les aurait aussitôt effacés de sa mémoire s'ils n'avaient pas été la chose la plus amusante qu'il lui ait été donné de croiser en plusieurs mois. L'offre du costaud lui était resté dans la tête depuis lors. Les affaires de mercenaire n'allaient pas fort. L'archer se sentait à l'étroit, limité par les missions qu'il pouvait obtenir de lui même ou confié par son village dont l'activité semblait au plus bas. L'argent venait à manquer et, si les bénéfices pécuniers étaient importants, le Gurain avait surtout besoin d'être stimulé par de véritables contrats. Il voulait exprimer son art. Ou plus simplement, il voulait tuer. Tuer sans être restreint par les chaînes diplomatiques qui entravaient sa créativité. Alors si quelqu'un à même d'apprécier ses immenses talents lui faisait une offre, pourquoi ne pas au moins creuser la question?

Pour être honnête, le Gurain n'avait qu'une envie somme toute relative de recroiser la furie rousse. Cette mauvaise perdante avait essayé de lui trancher la tête après tout, ce qui avait tendance à quelque peu entacher les rapports cordiaux qu'ils entretenaient. D'autant plus qu'il n'avait rien fait pour mériter une telle hostilité. Lui qui était toujours si charmant et agréable. Sans l'intervention du grand malabar, les choses auraient pu mal tourner. Pas pour lui bien sûr. L'arrogant archer avait pleine confiance en sa capacité à se défaire de ce mauvais pas. Les gens assumaient toujours qu'être à courte portée était la fin du monde pour un archer. Pour un amateur peut être, mais Ingo n'en était pas à son premier tango. S'il préférait rester caché, il avait plusieurs atouts dans sa manche si cela s'avérait impossible.
Enfin bref, ce n'était pas bien important. Il voulait au moins entendre ce que ces gens avaient à lui proposer. S'ils travaillaient ensemble il était certain que son charme naturel finirait par effacer tout léger malentendu (et compréhensible jalousie) entre eux. Et si c'était une embuscade il n'aurait qu'à s'échapper.

Et en parlant d'embuscade le voilà arrivé à ce qu'il supposait être sa destination. L'Auberge de la Grue Noire. Oh bon dieu encore une histoire qui commençait dans un troquet. Gurain laissa échapper une prière silencieuse que le thé ici soit moins immonde que l'autre fois et franchi la porte avant de se diriger vers le comptoir.