Oracle [avec Zhao Yu]

Oracle

S’amouracher des volutes de l’appentis nouvellement construit ne constituait pas l’activité rêvée pour le joli jeune homme qui s’y attardait pourtant, les yeux rivés sur le bois moulé tandis que son esprit divaguait joyeusement. Son regard se portait surtout sur une esquisse invisible, au-delà de ce que pouvait concevoir l’esprit humain, résidant dans un plan indicible à l’œil nu mais accessible par la scabreuse fenêtre de la pensée. Le Kamiko n’y voyait pas assez à son goût et refermait bientôt le voile de ses songes pour revenir à la réalité. Une réalité bien amère. Autour de lui, des papiers de toutes sortes jonchaient le sol dallé, symbole éternel de l’administratif et de la bureaucratie. Fumetsu n’exécrait pas cette tâche, loin de lui l’idée de manquer à son devoir alors qu’il brillait par ce biais – voire peut-être même plus que par ses talents de combattant –, mais la belle journée d’été annonçait une grande aventure : il repartait en mission.


Ploc. Ploc. Ploc. Un rythme parfait, jamais décroissant, faisait office de métronome pour l’Artiste qui, assit, contemplait le tableau mirifique qui s’étalait devant lui. Une scène d’une beauté singulière pour un être singulier. Le théâtre macabre tirait ses rideaux sur des acteurs mimant les gisants de nobles personnages. Etaient-ils morts eux aussi ? Ce jeu d’acteur paraissait si réel qu’il en devenait pénible ; qu’est-ce que l’Art si ce n’est une transcendance du réel ? Fumetsu finit par détourner ses yeux de ses ennemis vaincus pour les poser sur un rouleau quelque peu déchiré par endroits. « Un telle scénographie pour finalement une si petite récompense. Décidemment, l’insignifiant peut valoir beaucoup pour qui le veut. » Récupérant dans son manteau l’objet précieux, le Kamiko humait un air joyeux.


La forêt de Futami se parait d’un manteau verdâtre si épais parfois qu’il en occultait la lumière du soleil. C’est dans cette pénombre inquiétante que Fumetsu s’affairait à tisser une nouvelle œuvre, une œuvre qu’il qualifiait volontiers d’oracle. Un sentiment de révélation mystique l’habitait alors qu’il la tissait, les sens mobilisés par le rêve qui ne le quittait plus désormais. Conjuguer le mal gémellaire et s’abandonner à son Art l’avaient mis sur le chemin d’une ambition infinie. L’esthète de Konoha s’échinait désormais à créer son œuvre finale : une œuvre universelle et immortelle. « Je mettrai un terme à la laideur de ce monde quoiqu’il en coûte. La vie n’est que fadaise comparé à l’éternité et seul ce qui est Sublime est éternel. Je transformerai l’essence de ce monde. Oui. Je sauverai ce monde ladre. » Interrompant son fil de pensée, il se rappelait qu’il se devait de retourner au village afin de conclure la mission qui l’avait amené à jouer les metteur en scène de piètre qualité. Il se relevait alors de son assise, caressant distraitement sa laide cicatrice lui bariolant l’abdomen, comme à son habitude lorsqu’il sentait la présence de son jumeau consumé. Et, alors qu’il se retournait, il le vit. Souriant alors d’un air malicieux et les yeux plissés de contentement, il lançait alors d’une voix enjouée :

« Oh ! Oh ! Que me vaut le plaisir de rencontrer le Hung Kwan si loin de chez lui ? »

Récapitulatif combat:

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Le Hung Kwan n’était pas un homme ordinaire. Il sortait immédiatement du lot pour qui portait son regard, même hasardeusement, sur le colosse de chair et de sang. Une haute stature, une musculature ciselée et massive, un regard perçant et une aura naturellement menaçante au plus haut point. Il terrifiait aisément l’esprit fragile, voire même le téméraire qui s’entêterait à se mesurer à lui. Fumetsu se questionna rapidement sur la nature de cette rencontre qui lui semblait à tout point fortuite mais connaissant la nature de Long She, et surtout de l’homme dont il avait à faire, il eut un doute subtil – quelque chose de suffisamment rare pour être souligné. A vrai dire, sa relation avec le taciturne jeune homme ne tenait pas de l’amitié profonde, ou de sentiments équivalents, mais plutôt d’un certain respect mutuel : les talents de l’un subjuguait l’autre et vice-versa. Si toutefois ils venaient à s’affronter, nul doute qu’ils se neutraliseraient dans une effusion sanguinolente des plus appétissantes. Et peu de personnes pouvaient se targuer de pareil exploit. Propre à lui-même, le Kamiko poursuivit alors, d’un ton enjoué.

« Mais volontiers, cher ami ! Je ne devrais pas m’attarder plus longtemps mais disons que je ne peux rien refuser à notre cher Hung Kwan. Surtout alors qu’il a fait si longue route pour me parler. Me laisseras-tu le temps de décorer ce lieu de manière à servir de jalon pour le voyageur téméraire ? »

L’Artiste, n’attendant pas réellement de réponse quant à sa question, tissait une dernière scène et finissait ainsi un tableau des plus saisissants pour qui savait apprécier la délicatesse de sa composition. Une statue organique, un cocon, plutôt, trônait maintenant au centre de la piètre pièce de théâtre improvisée. Un cocon purulent à cause d’une coagulation déjà entamée, gâchant quelque peu l’effet dramatique d’un entassement certes grossier mais parfaitement exécuté. C’est-à-dire que cela correspondait à un brutalisme artistique que l’œil de l’amateur saurait reconnaître. Son travail achevé, Fumetsu s’en retournait à la discussion interrompue.

« Où allons-nous ? » Laissant à Yu le choix de la destination, il lui emboîtait le pas en silence. Un silence d’or. Un silence éloquent.  

Récapitulatif combat:

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