Le Scorpion et la Tempête - ft. Serika Sasori

« Ils pourraient faire l’effort de cacher leur joie, ne serait-ce qu’un petit peu. »

Depuis le lever du soleil, la résidence fourmillait de petites silhouettes bien trop affairées au goût de Serika Shiran. Les anciens du clan, dont il devait déjà tolérer les excentricités routinières au quotidien, s’époumonnaient de consignes, instructions et autres ordres aux pauvres domestiques qui tentaient tant bien que mal de répondre à chacune de leurs exigences – ajuster la position de cette chaise, râteler ce petit jardin de sable, arroser cette plante grasse pour mieux faire resplendir ses couleurs, préparer un fleuve de thé et une montagne de collations… C’était la première fois depuis bien longtemps que des invités étaient attendus dans le luxueux manoir qui dépérissait quelque peu depuis trois années. Depuis la mort de son père, Shiran était devenu la voix la plus forte du lieu et s’était assuré que les anciens y habitant se fassent aussi silencieux que possible, coupant court aux manigances les plus néfastes ou agaçantes qui traversaient leurs esprits retors. Cette fois-ci, cependant… Tout s’était fait trop vite pour interrompre le processus.

De concert avec un autre membre prestigieux des Serika dont Shiran n’avait pas écouté le prénom, les anciens avaient organisé une rencontre. Une prétendue compétition amicale, qui n’avait pas d’autre objectif admis que de favoriser la fraternisation entre deux prometteurs jeunes membres du clan et, ainsi, faire mieux prospérer les Serika dans leur ensemble. Aucun des organisateurs ne faisait erreur sur la réalité de la situation, cependant ; avant la mort de son père, Shiran s’était taillé une certaine réputation pour son avancée rapide au grade de Chuunin et les prouesses démontrées en mission. Des murmures loin d’être discrets l’avaient qualifié d’enfant prodige, de futur espoir du clan, d’étoile montante pour Suna – s’il était parvenu à décevoir chacun de ces ambitieux parieurs, il n’en restait pas moins une cible de choix pour quiconque voulait prouver au clan que son enfant serait le ninja d’exception de sa génération. Ses aïeuls étaient persuadés que Shiran n’aurait aucun mal à remettre l’impétueux challenger à sa place et ainsi, réaffirmer sa position au sein du clan et par extension la leur. En outre, ils espéraient sans doute qu’une victoire écrasante réveillerait enfin le goût du sang du shinobi pour faire de lui l’héritier qu’ils attendaient depuis plusieurs générations.

Shiran, lui, était diablement horripilé par cette situation. Il n’était pas du genre à apprécier de se battre sans la moindre raison, d’autant plus qu’il ignorait encore jusqu’au nom du shinobi qu’il devrait affronter. Il ne pouvait qu’espérer que le soi-disant challenger ne soit pas trop jeune – affronter un enfant lui serait encore plus inconfortable. Ruminant la pointe de colère grandissante en lui, il jeta un regard noir aux machinations des anciens. Il se doutait bien que les vieux fous avaient prévu d’apprêter l’arène sablonneuse attachée à la résidence, mais tout de même… Ils en faisaient un peu trop. Accolée à l’arène, une terrasse de bois tenue à l’ombre par une tonnelle permettait aux spectateurs d’observer l’étendue de sable d’une position de choix, légèrement à l’abri des hostilités – mais à chaque minute qui passait, elle se remplissait un peu plus de plateaux chargés de divers amuse-gueules et rafraîchissements. Leur invité – et son enfant – ne tarderaient pas mais, à moins qu’ils n’amènent un régiment, une quantité effroyable de nourriture serait gâchée. Pas que Shiran tienne exactement un train de vie frugal non plus, mais tout de même – un tel étalage de richesse lui paraissait plus que futile.

« Ils ont convaincu un homme de leur livrer son enfant en pâture pour affirmer leur position sociale, après tout, le nourrir décemment est la moindre des choses, » lâcha-t-il doucement d’un ton acerbe, plus pour lui que pour les quelques servants à portée de voix.

L’heure approchait, le soleil se hissant haut dans le ciel. La chaleur était telle que l’air lui semblait trouble dès qu’il regardait au loin. Cette sensation d’étouffement l’épuisait, le rendant d’autant moins patient face à la situation. S’il pouvait annuler tout ça, à vrai dire, ce ne serait pas pour lui déplaire… Mais il ne pouvait se permettre de perdre la face dans une telle situation – se rendre amènerait plus encore de complications dans sa vie. Bien conscient qu’il n’avait plus que quelques instants à attendre, il laissa de côté l’étoffe blanche qu’il avait gardé pour protéger sa tête des rayons du soleil, ne conservant que la lâche tunique blanche qui couvrait son corps tout en laissant l’air passer sur sa peau mate pour lui éviter de surchauffer. Ramenant ses cheveux en arrière pour mieux découvrir son visage et écarter les mèches de ses yeux ambrés, il se tourna en direction de la résidence, prêt à découvrir son adversaire du jour.

L’empressement soudain des anciens pour accueillir les nouveaux arrivants parvint bien assez vite aux oreilles de Shiran, l’alertant avant qu’il ne puisse les voir que les invités étaient désormais dans la résidence. Il soupira avec lassitude avant de prendre quelques pas en direction de l’estrade où s’installeraient les convives, s’approchant à contre-cœur de la masse hypocrite qui redoublait de courbettes et de révérences devant ceux qu’ils considéraient comme leur victime du jour. Un air impassible accroché au visage et les bras tenus le long du corps, le jeune shinobi de Suna se fit l’incarnation humaine de la neutralité sans le moindre effort – s’assurer de ne pas se démarquer de la foule était devenu seconde nature pour lui, un talent qu’il cultivait assidûment. Outre les conversations déplaisantes qu’il évitait régulièrement, cette habitude lui donnait également le temps d’observer les autres avant d’être vu – ou du moins, avant qu’on ne le remarque. Comme pour les autres membres de sa famille, son attention fut aussitôt accaparée par la massive silhouette du colosse broussailleux paré de joyaux éclatants qui affichait un sourire faux et prétentieux à ses pairs en se présentant.
Si Shiran n’avait jamais été du genre à se faire des amis facilement, il était rare qu’il émette un jugement véritablement négatif sur qui que ce soit. Usuellement, c’était quelque chose qui se méritait, par des offenses et des manquements répétés à la décence la plus élémentaire. Serika Kenta s’inscrit immédiatement dans l’esprit du jeune homme comme une exception sans précédent. En un battement de cil, le shinobi réalisa qu’il n’aimait pas cet homme. Il avait vu ce même acte bien trop souvent, cette même flamme ambitieuse dans leurs yeux. Shiran eut l’impression de pouvoir lire en lui comme dans un livre ouvert. *C’est pire que ce que j’imaginais,* pensait-il, *il est exactement identique aux vieilles ordures qui ont organisé ça.*

Abandonnant sa posture discrète et observatrice, il perça la foule, dépassant l’homme gigantesque sans lui accorder un mot ou un regard. En lieu et place de cela, il se planta droit devant la jeune fille qui le suivait timidement. Se cachait-elle derrière son père ou jouait-elle au même jeu que Shiran ? Il voulait en avoir le cœur net. La regardant de près, il put enfin apercevoir son visage – et tandis que les yeux dorés se posaient sur l’impressionnante balafre qui marquait la joue de la kunoichi, il tiqua perceptiblement l’espace d’un instant. Reprenant contenance aussitôt, il chercha ses mots quelques secondes, puis finit par ouvrir la bouche.

« Je t’ai déjà vue. » Une ouverture diantrement rassurante, à n’en point douter. Levant doucement la main dans la direction de la cicatrice, il ajouta. « J’étais dans les tribunes. »

Il hésitait à rajouter quelque chose. C’était un beau combat ? Non, l’affrontement qui lui avait valu cela était hideux. Ta cicatrice se voit à peine ? Là encore, ce serait mentir. Plutôt qu’opter pour la langue de bois, il choisit de s’arrêter là, posant son regard sur les yeux de son adversaire du jour. Lui n’avait pas de cicatrice – du moins, pas visible – mais il se sentait des points communs avec sa cadette. Le père de celle-ci ressemblait bien trop aux adultes tordus qui avaient façonné sa vie à lui pour qu’ils n’aient pas des expériences semblables, après tout. L’envie de l’affronter lui était entièrement passée, si elle avait jamais été là ; pour autant, il n’avait pas l’intention de se retenir. Victoire ou défaite, le plus grand service que les deux jeunes gens pouvaient se rendre l’un l’autre était de mettre fin à cette charade de la manière la plus efficiente possible.

D’ici à ce que les hostilités commencent, cependant, Shiran pouvait rendre un dernier service à sa cadette. Il fit un signe à une servante – une jeune femme affable engagée au service de la résidence comme sa mère avant elle – pour qu’elle s’approche.

« Emiko, tu es la guide de notre invitée à travers cette maison jusqu’à son départ. La pollution sonore que cause nos chers ancêtres n'aide personne, trouve-lui une chambre vide pour qu’elle ait le temps de se préparer à l’affrontement au calme. » Portant à nouveau ses yeux sur la kunoichi, il lui adressa un bref clin d’œil. « Ils ont organisé ça dans notre dos parce qu’ils se pensent tout puissants quand il s’agit de nos vies. Les faire attendre… C’est une première étape pour leur rappeler que leur influence a des limites. Prends ton temps. »

Tandis que Sasori faisait son apparition sur le terrain, l’autre jeune Serika poussait un long soupir insatisfait. Elle était revenue de sa période de tranquillité bien trop vite à son goût. S’il voulait transmettre son irrespect pour les hautes instances du clan à sa cadette, Shiran aurait du pain sur la planche, semblait-il. Les yeux d’ambre passèrent brièvement de la jeune fille qui marchait vers lui à l’ombre constante du père qui la fixait sans cesse. *Est-ce que je m’imagine des points communs entre nos pères qui n’existent pas ? Je ne m’emporterais pas un peu, là, à vouloir jouer les sauveurs ? Le plus rapide reste encore de l’éclater contre un mur et de passer à autre chose…* Tout las était-il de ces vains rituels, il n’envisageait pas pour le moment de s’extirper de cette situation par la violence pure et simple. Il avait autre chose à faire avant de s’imposer comme le plus puissant manieur de sable du coin, il le savait.

Adressant un simple signe de tête à la jeune fille, il lui tourna le dos pour aller se placer à l’autre bout de l’arène, assumant pleinement sa position d’opposant. Affichant ouvertement son arrogance, il faisait face à Sasori les mains enfoncées dans les poches, son air neutre tirant sur l’ennui. Contrairement à elle, il avait pleine vue sur leurs gradins de fortune et sur les spectateurs désireux de voir un combat palpitant – mais surtout à l’avènement définitif de leur poulain respectif.

*Ils s’amusent trop. Tant pis si tu n’es pas dans mon camp sur ce coup, Sasori, je compte quand même leur apprendre une leçon.*

« Est-ce que tu connais le grand défaut de notre pouvoir héréditaire ? » La voix claire de Shiran s’était élevée de façon notable pour la première fois de la journée, faisant sursauter quelques-uns des regards indiscrets. Les autres froncèrent les sourcils en direction du shinobi, déjà mécontents de son entrée en matière. Dénigrer le glorieux pouvoir des Serika, ce n’était pas exactement les caresser dans le sens du poil.
« Pour tout notre attirail défensif, nous manquons d’options offensives. Si on se retrouve dans l’obligation d’affronter quelqu’un avec des capacités similaires aux nôtres, il faut être capable de compenser ce manque, au risque de vite se retrouver dans une impasse. »

Le ninja des Sables se délectait silencieusement des regards furieux que plusieurs anciens, qui ne juraient que par le glorieux nom du clan Serika, dardaient sur lui. Nul n’osait intervenir, de peur qu’on le suspecte de se mêler d’un affrontement officiel, mais tous serraient les dents et les poings à s’en blanchir les jointures. Shiran posait ses yeux sur ceux de Sasori avec un air supérieur – après tout, il était son aîné, le plus expérimenté des deux. Ces trois dernières années passées en dilettante ne changeaient rien à sa position. Elle était le challenger, ici ; c’était à elle de faire ses preuves pour se mesurer à lui.

« Si tu veux que je me batte sérieusement contre toi… Commence par me prouver que tu peux dépasser cette limite, et je m’y mettrai franchement. Fais de ton mieux, gamine. »

Aussitôt sa phrase terminée, il joignit ses mains en une succession de mudras, lâchant son air goguenard pour une expression concentrée. Concentrant son chakra au travers de tout son corps, il l’expulsa ensuite dans le sol, le projetant à travers chaque grain de sable sous ses pieds. Fermant les yeux, il visualisa en une seconde la structure qu’il recherchait ; il les rouvrit ensuite et brandit une main devant lui.

« Sabaku Rô ! Commence par briser les barreaux de cette prison de sable pour m’atteindre, Sasori, et peut-être que je te prendrai au sérieux. »

Des flux de sables surgirent du sol autour d’eux, se refermant autour de Shiran comme une fleur qui fleurirait à l’envers, formant petit à petit un poing hermétiquement serré qui protègerait complètement le shinobi du reste du monde. Avant de disparaître du champ de vision de son adversaire, cependant, le jeune homme se laissa tomber au sol, s’asseyant en tailleur. Il s’était bien assuré qu’elle sache à quel point il prenait cet engagement à la légère, s’installant paresseusement comme s’il était persuadé qu’elle mettrait des heures à briser sa protection.

Il était probablement qu’elle ait dans sa manche un atout suffisant pour briser la prison, cela dit – mais la vraie cible de cette provocation, c’était la tablée des anciens, et chacun d’entre eux était absolument furieux.
Enfin recouvert d'une ombre confortable, à l'abri des yeux de tous, Shiran eut un court et sincère sourire. Pas un air provocant, pas une manipulation de plus - l'expression espiègle d'un adolescent qui venait de jouer un sale tour à une bande de vieux schnocks qui méritait d'être remise à sa place.

Confortablement assis à l’ombre du poing de sable qui venait de pousser au milieu de l’arène, Shiran tendait l’oreille. Il ne pouvait entendre qu’un fragment de ce qu’il se passait à l’extérieur, mais un fragment valait mieux que rien du tout quand il s’agissait d’un affrontement ninja. Il n’avait aucun doute sur la capacité de Sasori à briser sa protection ; si elle échouait à le faire, il serait profondément déçu, rien de plus. Ce n’était pas de ça qu’il était question, simplement de voir comment elle réagirait quand il s’en prenait à sa fierté – et surtout, par-dessus tout, mettre les vieux fous de mauvaise humeur. Aussi, il ne fut pas complètement surpris quand la lumière fit à nouveau irruption dans son petit sanctuaire improvisé – les déflagrations assourdies produites par Sasori lui avait donné une courte seconde d’avance.

Quittant sa position assise pour un accroupissement lui permettant de bondir en cas de besoin, Shiran s’assura de ne pas se tenir trop au centre du poing ; il n’avait aucune intention de rendre la tâche de son adversaire trop facile. Si elle voulait le toucher avec ses explosions venteuses, elle aurait besoin d’être veinarde, comme tout le monde. Les dents serrées, il observa sa protection être détruite méthodiquement par les attaques de Sasori et, bien trop vite à son goût, il était de retour au soleil, une longue plaie sanglante nouvellement apparue en travers de son avant-bras gauche. Relevant celui-ci à hauteur d’yeux, il le regarda avec un air peu impressionné.

« On dirait bien que je vais devoir te considérer un minimum, effectivement. » Il tourna son regard vers elle. « Compenser les faiblesses de notre technique héréditaire en agrandissant ton éventail de compétences, c’est une bonne solution. Je peux respecter cela. Mais si tu penses que cela fait de toi le meilleur shinobi du clan… Tu te mets le doigt dans l’œil, petit scorpion. Commence par entrer dans la cour des grands et avance pas à pas, avoir les yeux plus gros que le ventre n’aide personne. »

La posture que Shiran adoptait en surgissant des ruines sablonneuses marquait bien son changement d’humeur, cependant – il avait bien compris qu’il n’aurait pas le luxe de faire de cet affrontement un jeu et était visiblement prêt à se battre sérieusement. Sasori lui semblait être à des kilomètres de lui, tellement concentrée sur leur affrontement qu’elle revenait déjà à l’offensive, manifestant des lames de sable serpentant dans sa direction à toute vitesse.

*Hm, c’est un problème, ça. Elle n’est pas juste naturellement douée… Elle est meilleure que moi, en l’état.*

Pour les spectateurs, un tel constat était impossible à ce stade de l’affrontement, mais Shiran était aux premières loges pour en juger. Les lames étaient plus fines et plus solides que ce qu’il était capable de produire lui-même – quand il s’agissait d’imprimer sa volonté au sable pour générer des attaques brutes et peu raffinées, Sasori le surpassait sans l’ombre d’un doute. Réalisait-elle à quel point elle était impressionnante, pour son âge ? Certains des spectateurs, qui se vantaient d’être au sommet des Serika, avaient travaillé toute leur vie sans jamais atteindre un tel niveau de maîtrise naturelle. Il lui serait difficile d’esquiver chacune des lames de manière indépendante, mais… *talent ou pas, c’est l’esprit qui gagne un combat.*

Alors que les lames s’approchaient de leur cible, Shiran se laissa brutalement tomber en arrière, son dos chutant vers le sol à toute vitesse. L’offensive de Sasori n’était plus qu’à quelques centimètres de ses bras quand Shiran fit jaillir sa propre attaque, une trombe de sable venue du sol pour le frapper dans le dos. S’attaquant lui-même alors qu’il s’était laissé tomber pour se couper de ses propres appuis, il se projeta en l’air dans la direction de Sasori – pas sans douleur, certes, mais il parvint ainsi à se soustraire complètement à la trajectoire des trois lames bien plus dangereuses que sa propre poussée.

Reposant les pieds sur le sable à mi-chemin entre sa position initiale et celle de la kunoichi, il s’élança vers elle à toute vitesse, conjurant rapidement une technique bien à lui au creux de sa paume. Cherchant à limiter sa mobilité, il projeta son chakra dans le sol, manifestant à son tour deux flux de sable se jetant de chaque côté de Sasori – si elle essayait de se soustraire à son attaque frontale, elle n’échapperait pas à des coups autrement plus douloureux que le frêle coup de paume qu’il s’apprêtait à infliger à son abdomen.

*Non, trop facile à lire. On change le rythme une nouvelle fois.*

Quelques instants avant qu’il ne parvienne jusqu’à elle, il fit apparaître un clone de sable derrière la jeune fille. La copie conforme de Shiran se jeta sur Sasori. Qu’elle se laisse attraper ou qu’elle l’esquive, le résultat serait le même : Shiran s’adapterait à ses mouvements pour la frapper du plat de la paume, l’infectant d’un sceau destiné à saper les forces de sa cadette.

Shiran vécut presque au ralenti sa course vers Sasori, baissant lentement les yeux vers le sable tandis qu’une simple pièce blanche de parchemin, marquée d’un motif qu’il ne connaissait que trop bien, s’offrait à sa vue. Son premier réflexe, avant même de changer de position pour protéger ses jambes d’un impact trop important, fut un signe de tête approbateur. Décidément, sa cadette était pleine de ressources. Elle n’avait rien à voir avec les autres blancs becs qu’il avait dû remettre à leur place au fil des années – pour la seconde fois du combat, elle prouvait à l’enfant doré des Serika qu’elle était un challenge sérieux pour prendre sa place au sein du clan.

Plongeant tête la première dans l’explosion, il sentit la douleur traverser directement ses os, lui arrachant un grognement douloureux. Il avait traversé bien pire que cela, cependant ; et s’il ne s’en tirait pas indemne, cette explosion n’était rien de plus qu’un contre temps. Jaillissant de la bouffée de sable soulevée par le souffle, il posa immédiatement ses yeux sur Sasori. Alors que celle-ci était affairée à se débarrasser du clone qui la ceinturait, Shiran parvint à l’atteindre et à lui enfoncer sa paume au niveau de l’abdomen, la frappant avec toute la force de son bras – ce qui ne valait pas grand-chose, il fallait le dire. Plus intéressant que le choc lui-même, le sceau violacé se déploya sur le corps de la jeune kunoichi. Shiran ne s’attendait pas à voir des prouesses de taijutsu de la part d’un membre de son clan, donc ce sceau ne lui serait qu’à moitié utile, mais réduire drastiquement la résistance de son adversaire lui permettrait de mettre fin au combat d’autant plus vite. Et vu le rythme auquel il accumulait les blessures, il avait tout intérêt à faire ça rapidement.

Encore plus timide que lui au corps à corps, sa cadette déploya aussitôt les grands moyens pour prendre de la distance. Sautant en arrière alors qu’elle le forçait à reculer et levant un muret de sable devant lui pour bloquer les monticules créés par la kunoichi, il parvint cette fois-ci à revenir au centre de l’arène sans plus de dégâts. Son clone, en revanche, y était passé. C’était du soutien en moins pour garantir sa capacité à atteindre sa cible pour la suite du combat.
Pendant le court arrêt qu’il marqua pour se repositionner et réfléchir à comment poursuivre son offensive, Sasori avait déjà préparé son tour suivant. Il pesta intérieurement – la férocité de la gamine était effarante. Au-delà de la douleur que cela annonçait pour lui, il s’agaçait surtout d’entendre en lui une voix qu’il évitait usuellement d’écouter – une inquiétude sincère pour sa cadette qui lui paraissait trop familière. *À quel point leur bourrage de crâne a-t-il bien pu t’atteindre.. ?*

Sans qu’il ne puisse placer un mot, les balles de vide qui avaient détruit sa première construction filaient à nouveau dans sa direction. Plaçant ses bras en croix devant lui, paumes vers l’avant, il plia les genoux pour réduire la taille de la cible, puis… Se contenta de serrer les dents. Bien conscient qu’il ne pouvait pas éviter ou bloquer tous les coups d’un adversaire pendant un affrontement, Shiran avait entraîné sa tolérance déjà haute pour la douleur ; c’était dans ce genre de situations que ces exercices payaient. Sous les exclamations éberluées de la foule, il resta parfaitement immobile et silencieux tandis que les cinq flux d’air lui perforaient le corps de part en part, répandant son sang par litres sur le sable autour d’eux. Lui qui s’était vêtu de blanc comme à son habitude, il était maintenant maculé de vermeil. Se redressant légèrement une fois l’assaut terminé, il dirigea à nouveau son regard doré vers Sasori. Il n’avait pas bronché tandis que la technique de la jeune fille le changeait en passoire et, maintenant, il la fixait avec un air tout aussi neutre que d’habitude. Il avait vu des plus grands gaillards qu’elle s’enfuir face à un tel spectacle.

Pas la jeune Serika, cependant. De toute évidence, elle avait été exposée à suffisamment de discours zélés à outrance d’un certain fanatique pour qu’elle ne considère même pas l’éventualité de s’enfuir ou d’abandonner un combat une fois que celui-ci avait commencé. Tout affrontement était un combat à mort, c’était bien la logique de Suna, pas vrai ?

Shiran haussa un sourcil en la voyant accumuler plusieurs petites quantités de sable devant sa bouche. *Celle-là, par contre, je ne l’ai jamais vue…* Comme s’il se pliait lui aussi à la demande de Sasori que tous la regardent, il s’arrêta une nouvelle fois en plein mouvement, observant respectueusement la technique de la jeune fille. Immédiatement après l’explosion assourdissante du chakra de Sasori, une rafale de vent manqua d’emporter Shiran avec elle, le fouettant de multiples chocs tandis que le sable projeté agressait sa peau, l’ouvrant à nouveau en de multiples endroits. Intéressé, il observa brièvement ses blessures, constatant que le sable s’y était aggloméré et restait en place. *Une technique en deux temps ? Quoiqu’elle en fasse, je vais le sentir passer, ça.*

Lentement, il essuya le sang qui avait coulé de la commissure de ses lèvres, se concentrant sur son adversaire uniquement et oubliant, pour un temps, les agaçants spectateurs qui avaient organisé ce combat.

« Je t’ai regardée, comme tu le souhaitais. Tu es plus forte que la plupart des nôtres. Sois-en fière, Sasori. »


D’un mouvement fluide, la fin de sa phrase mourant avec son mouvement, Shiran s’abattit soudainement vers le sable, plaçant sa paume droite directement sur le sol entre ses pieds. Projetant son chakra de façon directe dans la multitude désertique qui leur servait d’arme, il était capable de mieux visualiser des images précises pour ses attaques. Poussant une exclamation venue du plus profond de ses poumons, il fit jaillir trois serpents autour de Sasori, l’attaquant de chaque côté comme il l’avait fait préalablement. Alors même que ses attaques faisaient leur chemin vers sa cible, il s’était déjà élancé dans sa direction pour réduire la distance qui les séparait.

Précédemment, la kunoichi avait privilégié une défense directe contre ses attaques – des murs simples, verticaux, pour bloquer complètement les flux de sable qu’il envoyait contre elle. Espérant que ce soit là une habitude constante chez elle et bien trop conscient qu’il n’avait pas le temps d’être plus prudent, Shiran avait tant bien que mal tendu un piège. De sa main gauche, il se saisit d’un kunai caché dans sa manche, autour duquel il avait roulé un parchemin explosif. Il le jeta en ligne droite devant lui, centré sur le corps de Sasori. Des attaques de sable pour tout côté pour occuper son esprit, un projectile explosif qui arrivait en ligne droite – de quoi surcharger la jeune fille avec une multitude d’informations. Et une fois de plus, Shiran changea le rythme – la laissant croire qu’il l’attaquait d’une certaine manière, pour modifier le scénario au dernier moment. Comme elle, il forma le mudra du serpent, déclenchant l’explosion du kunai quelques centimètres avant qu’il n’atteigne sa cible.

Certes, elle n’échapperait pas à l’explosion, mais la lame n’atteindrait jamais sa cible ; pour autant, c’était cette explosion précoce qui garantissait à Shiran qu’elle n’ait pas le temps de contrer complètement le projectile. Il y avait plus important à ses yeux que les dégâts causés par l’explosion : l’énorme quantité de sable subitement soulevée dans les airs, entourant complètement la kunoichi et faisant disparaître le jeune homme de son champ de vision.

Mouvant de nouveaux signes à une vitesse folle, il tendit une paume dans sa direction, annonçant avec un ton funeste.

« Sabaku Kyû. »

Il n’y avait aucune inflexion dans sa voix, aucune émotion – la froideur pure et simple du bon shinobi de Suna, l’assassin sans remords qui mettrait fin à une vie sans y réfléchir plus d’un instant. En un clin d’œil, tout le sable soulevé par le parchemin explosif se referma sur Sasori, la protégeant ironiquement du reste des feintes de Shiran. Levant la main, il fit s’élever le sarcophage dans les airs, toujours connecté au sol par un flux de sable continu. Il était bien placé pour s’avoir à quel point subir une telle technique était anxiogène ; la gangue de sable immuable se refermant sur son corps, la privant de tout mouvement, de toute défense, de tout espoir. Il aurait même pu recouvrir intégralement son visage pour la priver de ses sens et de son oxygène, mais il choisit de lui-même de ne pas le faire. Pas une seconde pendant cette lente ascension, pas un instant, ne détourna-t-il le regard. Les iris dorées étaient fixées sur ceux de Sasori, la regardant droit dans les yeux constamment. Le sarcophage s’immobilisa à deux mètres au-dessus du sol, suffisamment bas pour que ce contact visuel puisse être maintenu.

Derrière les yeux de Shiran, il n’y avait plus rien. Pas d’émotion, pas de compassion. Juste la mort imminente. Il ferma lentement le poing.

« Sabaku Sôsô. »

Pendant une effrayante fraction de seconde, Sasori put sentir le sable se compresser, se refermant encore plus sévèrement sur son corps. Aussi court leur affrontement avait-il été, avec le sceau qui sapait sa résistance, la pleine puissance du Tombeau du Désert lui serait mortelle. De quoi briser chacun de ses os en un instant. La défaite, la véritable défaite – Shiran s’assura qu’elle avait pu la voir.

Et puis, alors que la douleur et le sang auraient dû mettre fin au combat, le sarcophage de sable tomba en morceau, sans que le moindre mal n’ait été fait à la jeune fille. Les yeux du garçon étaient revenus à la normale – cette lueur dorée cryptique, difficile à lire mais indubitablement vivante. Il fallut une seconde de plus au ninja des Sables avant qu’il ne réalise que les gradins existaient encore, s’exclamant de surprise face à une telle pitié, indigne d’un véritable combattant de Suna. Shiran leva les mains en l’air, comme un brigand clamant son innocence alors qu’il avait été pris sur le fait.

« On dirait bien que je suis encore plus rouillé que prévu. Je suis capable de réussir cette technique en temps normal ! »

Il n’y avait aucun doute pour Sasori, cependant – le shinobi avait très volontairement relâché son sarcophage avant que le tombeau ne se termine. Se tournant à nouveau vers elle, il haussa les épaules avec un air faux, mentant terriblement mal.

« Je suis à sec, personnellement. Tu peux encore te battre, ou on s’arrête sur un match nul ? »

Les conséquences du petit jeu d’acteur de Shiran ne se firent pas attendre bien longtemps. Aussitôt libérée de l’étreinte de sable, Sasori était tombée à genoux sur le sol de l’arène, semblant dévastée par la tournure des événements. Son aîné la regardait avec une expression patiente sur le visage - il serait bien déplacé de sa part de juger la réaction de la jeune fille. Après tout, il venait de lui montrer une vision de sa propre mort, ni plus ni moins. Son message était clair, quoiqu’impitoyable - quiconque joue le jeu d’ambitieux manipulateurs comme les anciens du clan ou le père de Sasori trop longtemps se dirige vers une mort violente et certaine. C’était le contrecoup de leur vision abusive de la loi du plus fort ; les êtres suffisamment glorieux et puissants pour survivre à leur sélection sanglante n’étaient pas nombreux. Être un “élu”, dans un clan comme celui-ci, c’était surtout se couvrir du sang des autres dans un effort désespéré pour préserver le sien.

Silencieux, Shiran se contenta de fixer Sasori pendant qu’elle évacuait sa frustration en tout autant de hurlements. Ses yeux, comme à leur habitude plus expressifs que son visage, contemplaient sa cadette avec une lueur compatissante. Le jeune homme était véritablement désolé de la voir dans un tel état, sans une once de fausseté. En observant celle qui lui semblait être un reflet de son propre passé s’effondrer ainsi, il sentait sa poitrine se resserrer. Il s’était mis en tête qu’elle avait besoin d’être sauvée, qu’il relevait de sa responsabilité de lui tendre cette main, mais s’y prenait-il vraiment de la meilleure des manières ? Il était intimement convaincu qu’il lui aurait été impossible de l’atteindre avec des mots s’il n’avait pas prouvé sa supériorité sur le champ de bataille au préalable. Avec son petit tour de passe passe, il espérait atteindre cet objectif sans la blesser, mais… Elle lui apparaissait à présent profondément heurtée par son geste, marquée d’une plaie bien plus profonde que ce qu’il lui aurait autrement infligé. Il souffla lentement, peinant à reprendre son propre souffle tandis qu’il laissait à la jeune fille l’occasion de hurler tout ce qu’elle avait sur le cœur.

Il haussa un sourcil en voyant le regard en coin que sa jeune cousine lui destinait. *Ah,* une pensée sombrement sobre traversait son esprit, *je crois qu’elle va simplement me tuer.* Tandis que les lames de sable surgissaient brutalement du sol, comme les haches d’un couple de bourreaux, il plongea son regard doré dans celui de Sasori. Il était trop tard pour esquiver ou se mettre à l’abri, de toute façon ; elle était plus rapide que lui et il avait baissé sa garde en s’approchant d’elle à ce point. Tout doucement, il se contenta de lui adresser un léger sourire, adoptant enfin convenablement l’expression de visage d’un aîné qui essaie de réconforter sa cadette.

L’instant d’après, la voix rugueuse d’un homme surgissait des gradins et les haches n’étaient plus qu’une myriade de grains de sable indépendants les uns des autres, passant autour de Shiran et de Sasori sans les blesser. Perdant son sourire, le jeune homme inclina légèrement la tête. L’emprise que le père de Sasori avait sur elle… C’était un contrôle bien plus poussé que ce qu’il avait jamais dû endurer. *Pas étonnant qu’une main tendue ne suffise pas. Cet énergumène… Il la tient pratiquement en laisse.*

Enfin, sa cousine lui adressa la parole avec une question qui semblait véritablement attendre une réponse. Sa motivation, à lui. Qu’est-ce qu’il en tirait, de l’avoir épargnée ainsi ? Shiran aurait pu continuer son petit jeu, ses provocations pour enrager les spectateurs, mais Sasori avait besoin d’entendre quelque chose d’honnête, cette fois-ci. Sortant lentement sa main gauche de sa poche, il la posa lentement sur la tête de Sasori en un geste qui se voulait réconfortant.

« Je sais que dans ce village, épargner l’ennemi est une hérésie. Même si tu as le même sang que lui. » Il s’était lentement accroupi devant elle, pour la regarder en face. « Mais l’hérésie ne pèse que sur celui qui lui porte crédit. Les traditions de notre clan m’importent peu. Mes actes ne sont gouvernés que par mes désirs et mon propre compas moral. Tu veux savoir pourquoi je t’ai épargnée ? » Il avait baissé la voix, s’assurant qu’aucun des spectateurs ne puisse l’entendre. « Je me suis arrêté avant de te blesser parce que j’en ai envie. Parce que j’ai estimé que tu le méritais. Je me moque bien de ce que quiconque en pense - toi y compris, en toute honnêteté. Je suis le seul à décider de ces choses. »

Il se redressa lentement, se tenant debout entre Sasori et les gradins.

« Mon duel contre Serika Sasori se conclut par un match nul, puisque nous sommes tous deux incapables de continuer à nous battre. Je sais bien que cela contrarie vos plans à tous et, pour être franc, je m’en moque complètement. » Ce n’était plus simplement de la provocation qui luisait dans les yeux de Shiran ; son regard ardent était fixé sur les gradins, mettant quiconque au défi de le contredire. « Si l’un d’entre vous essaie de contester l’issue de ce combat, je prendrais ça comme un affront personnel. Je n’accepterai pas que l’on me traite de menteur sous mon propre toît. Gardez cela en tête, vénérables anciens. »

Se retournant vers sa cadette, il ajouta d’une voix plus douce.

« Ton père a quitté la demeure, mais tu peux rester aussi longtemps que tu le souhaites. Je ne m’attends pas à ce que tu aies spécialement envie de me voir dans l’immédiat, tu as amplement la place de t’isoler quelque part si tu le souhaites. La balle est dans ton camp, Sasori. »

« Totalement absurde… Bingo. »

Pour quiconque suivait les enseignements du clan Serika, Shiran était inexplicable - absurde, comme Sasori le disait si bien. Lui qu’on avait tant de fois qualifié d’enfant doré du clan, qui avait dès son plus jeune âge forcé l’admiration des adultes qui l’entouraient, que l’on avait désigné comme l’inévitable successeur de Senshi… Il avait rejeté cela de toutes ses forces dès la mort de son père - dès qu’il s’était retrouvé suffisamment indépendant pour décider de son propre destin. Il était plus faible qu’il n’aurait dû le devenir, il avait fui missions et responsabilités pendant des années ; pour quelqu’un comme Sasori, entièrement forgée par les attentes que les Serika avaient envers elle, ce n’était pas quelque chose que les mots pouvaient expliquer. Tout éloquent qu’il était, Shiran était bien conscient qu’elle serait tout aussi confuse s’il lui disait toute la vérité - comment pourrait-elle concevoir ce que cela voulait dire, de vouloir être libre ?

Aussi, en lieu et place d’une explication complexe et philosophique, Shiran se laissa aller à sa réaction la plus naturelle face aux interrogations de la jeune fille. Les yeux fermés, le visage tourné vers le ciel… Le jeune homme éclata franchement de rire. Conscient que les derniers spectateurs qui n’avaient pas encore fui les gradins le regardaient comme s’il avait perdu les pédales, debout à rire alors que la colère sans but de Sasori faisait trembler l’arène entière, sans le moindre geste pour se défendre contre la frustration de sa cadette, il riait. C’était plus fort que lui : il n’avait aucune envie de se moquer du désespoir ou de la confusion de Sasori, il était juste hilare face à l’inexplicable décalage entre ses convictions et celles que l’on avait imposées à la jeune fille. Elle comprendrait ce rire, un jour, s’il atteignait ses objectifs et parvenait à la libérer du joug de son père ; d’ici-là, l’écart entre les deux jeunes gens ne se creusait qu’un peu plus.

Une larme au coin de l'œil gauche, il adressa un sourire sincère à la chuunin tandis qu’elle affirmait qu’elle aurait pu le tuer, si elle avait été plus prudente.

« C’est possible, ou peut-être que tu serais simplement tombée dans un autre panneau. Je suis plutôt du genre fourbe quand je me bats, tu sais ? »

Il la couvait du regard tandis qu’elle s’éloignait, lui tournant le dos pour rejoindre la petite escouade de domestiques prête à prendre soin d’elle. Il était bon d’avoir du personnel de maison loyal à lui plutôt qu’aux anciens - qui pouvait bien savoir comment ces vieux fous répondraient à ce prétendu match nul que Shiran leur imposait ? Enfonçant ses mains dans ses poches, il adressa un regard goguenard aux anciens en question, toujours silencieusement outrés dans les gradins de l’arène.

« Alors, satisfaits des résultats de votre petit stratagème ? Je devrais vous remercier, à vrai dire. Rencontrer Sasori m’a rappelé que j’avais beaucoup de choses à faire au sein du clan Serika. À compter d’aujourd’hui, je crois bien que rester cloîtré chez moi et ignorer vos plans de mon mieux ne suffira plus. »

Il marcha lentement vers l’assemblée - ses grands oncles et tantes, d’autres vénérables Serika, une bonne moitié du conseil qui prétendaient décider du destin du clan. Tout autant de parasites d’un autre âge qui profitaient de l’hospitalité convenue de Shiran et de son père avant lui, surveillant l’enfant doré depuis sa naissance jusqu’à sa déchéance récente. S’arrêtant à leur niveau, l’expression avec laquelle il les toisait n’avait plus rien du sourire chaleureux qu’il avait adressé à Sasori.

« Dans mon oisiveté, j’avais oublié que je n’étais pas le seul dont votre idéologie malade avait volé l’enfance. » Il les regardait de haut, une froideur morbide plaquée sur le visage. « Votre ère est finie. Vous n’êtes rien de plus que des fossiles accrochés aux fondations du clan. Vous feriez mieux d’être prudents, quand vous jouez avec moi. Si je dois accepter un rôle actif au sein du clan… Je ne m’arrêterai pas jusqu’à ce que le dernier reliquat, le dernier fragment de votre influence sur nous ait été oblitéré. J’espère avoir été clair cette fois-ci… Puisque la dernière fois semble vous avoir échappée. »

Ignorant le déversement d’insultes et de remontrances qui le suivraient, Shiran tourna le dos aux anciens et se mit en route pour sa propre chambre. Après tout, il avait perdu bien trop de sang pour rester debout beaucoup plus longtemps.