«
Tu peux m’attendre là. Si je ne suis pas de retour avant la tombée de la nuit, porte ce message à l’auberge. Ils sauront quoi faire. »
Hochant la tête, Iwao tint les rênes du dromadaire de sa cliente, le temps pour elle de descendre de sa monture, puis il entreprit de dresser une tente afin de se créer une ombre dans cet océan de soleil. D’un œil distrait, il la regarda s’avancer prudemment en direction de l’ouverture. Ainsi drapée d’une
melhfa indigo, elle était méconnaissable ; seule l’absolue blancheur de sa peau, que l’on apercevait en de rares occasions, trahissait une origine bien lointaine. L’idée de l’abandonner ici, au beau milieu du désert, et de fuir avec sa bourse avait évidemment traversé l’esprit de l’homme. Sans monture ni guide, un étranger aurait tôt fait de se perdre et de succomber à cet environnement impitoyable. Mais Iwao avait vu ses anneaux et le cachet de l’enveloppe qu’elle lui avait donné. Il n’était pas dupe ; il connaissait bien assez l’employeur de la femme pour savoir qu’il avait bien plus à gagner en suivant ses consignes. Au moins, il aurait l’assurance de garder sa tête solidaire de son corps. Il la vit alors joindre les mains et il songea qu’elle devait être en train de prier avant de pénétrer les ruines centenaires.
Mais Junko ne priait pas ; elle n’avait que faire de l’autorisation d’un Démon pour fouler son temple du pied. Tout ce qui l’intéressait, en réalité, c’étaient les flux de chakra invisibles qui couraient le long de la paroi et qui s’enfonçaient plus profondément dans l’obscurité du sanctuaire. Plus loin, enfoui sous plusieurs mètres de roche et de sable, quelque chose pulsait. Elle considéra donc pendant un moment l’entrée bordée de maigres cascades de sable, avant de se décider à faire un pas vers l’intérieur. Etait-ce enfin la fin de son périple ?
Voilà deux semaines que la dame parcourait le désert du Vent et ce temple était déjà le troisième qu’elle explorait. Contrairement aux précédents, celui-ci avait été remarquablement conservé, certainement du fait de son histoire tragique et de son ensevelissement. Du premier, il ne restait plus que des pierres sans grand intérêt. A l’emplacement du second, elle avait seulement trouvé quelques bas-reliefs représentant une cérémonie religieuse, probablement à base de sacrifices humains, et… une nouvelle direction à suivre. A présent, elle nourrissait l’espoir d’obtenir quelque chose de tangible. Cette pulsation, dont elle ne savait déterminer l’origine, était peut-être ce
quelque chose.
Guidée par les flux d’énergie ancestraux qui convergeaient dans la même direction, la dame avança doucement dans le long corridor qui s’enfonçait sous la dune. Ce passage n’était pas sans lui rappeler son exploration du temple d’Ôkkin, des mois auparavant, et elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver une sensation particulièrement désagréable à ce souvenir. Il était des choses qui s’ancraient profondément en nous et ne nous quittaient plus ; le Dieu Cerf en faisait partie. «
Dévorer ou libérer… »
Après de longues minutes, elle finit par atteindre un espace plus vaste, une salle circulaire dont les gravures murales se détachaient nettement sous l’effet d’un éclairage de fortune. De l’autre côté de la pièce voûtée, une lourde porte en pierre semblait bloquer l’accès au reste du temple.
Là, un homme se tenait.
Junko ne parut pas surprise, bien au contraire, s’attendant visiblement à le trouver ici. Après tout, quelqu’un avait bien découvert l’entrée du temple qui aurait dû se trouver enfouie sous le sable… Et puis, elle avait senti sa présence, comme elle sentait encore la chose qui pulsait de chakra sous leurs pieds.
Sa voix trancha alors le silence, sans animosité cependant, tandis qu’elle sortait du boyau par lequel elle était arrivée et s’avançait vers le centre de la salle : «
Vous feriez bien de ne toucher à rien. »
Les yeux rivés sur la porte visiblement scellée qui les séparait des autres salles du sanctuaire, elle ne s’intéressa guère à sa réaction, se contentant de passer à côté de lui sans le regarder. Puis, elle forma plusieurs signes de main et une lueur bleutée caractéristique sembla embraser l’extrémité de ses doigts. Le mécanisme qui scellait le passage n’avait rien de très complexe, à condition de l’avoir déjà rencontré ; elle posa la main au centre de la pierre et la poussa.
Se tournant alors vers le jeune homme dont elle découvrait enfin le regard, elle eut un sourire : «
Allons-y, voulez-vous ? »