Un problème de voisinage. (Mission C)

Mission:

Une petite mission, juste pour former la gamine sur le chemin du "ninja". Pour moi, c'était du mercenariat puisque je représentais surtout le portefeuille de mon clan... Cette petite boite en bois, secourue dans le brasier de la haine, il fallait la remplir.

Autant allier l'utile à l'agréable !

Cette missive, j'aurai pu m'en charger seul, mais la relève était là alors autant prendre avec moi Yaban pour lui montrer quelques petits gestes... C'était aussi un test, mineur, pour voir comme elle allait s'en sortir devant un client, une enquête ou un danger. "Quoi que le danger je m'en occupe."

"Et si c'est toi le danger ?" Taiyo voulait casser l'ambiance, comme toujours, mais j'ignorais le gros chat qui nous collait au basque en ricanant. Même sous la forme d'un ronronnement disgracieux, je comprenais sa moquerie. La petite était en sécurité avec moi, jamais je n'allais la blesser.

La mission était pour une commune proche de la forêt, je n'allais pas amener ma fille de l'autre côté du Sekai pour si peu de ryos, mais le rang de la quête était suffisamment haut pour échauffer un peu mes sens de chef... Non pas que j'étais avide, mais faire vivre une troupe comme ça, c'était compliqué, même choyé chez les Onryou. Un jour, il fallait songer à partir pour créer nous-même notre espace de vie et pas partager celui, déjà défini, d'un autre groupe. Comme des parasites. "On est des parasites ?" Une moue soucieuse, je songeai à l'opinion des anciens sur moi et les miens... Ils nous avaient accueillis très gentiment, comme un miracle, mais peut-être que l'hospitalité avec assez durée.

"Oui, bientôt on part."

Le village s'appelait Sekigaara, peu d'habitant, mais beaucoup de bruits... C'était l'objet de notre venu. Une mamie avait entendu des choses et le phénomène avait été confirmé par plus jeune et plus prestigieux : Le seigneur local. Celui-ci avait bien cherché la source, mais rien, et depuis plusieurs semaines cela empire. D'autres habitants commençaient à être dérangés par les nuisances. Dans la missive, il était question de grattements, cris animaux et hululements. Trois choses qui allaient indirectement ensemble, mais quand même ! Les grattements, c'était sur les arbres ou les murs des maisons ? De quels animaux étaient les cris et surtout, pourquoi spécifiquement parler de hululement ? Son qui pouvait être mis avec la catégorie animalière. Sur le trajet, je réfléchis à tout ça. Pour faire participer Yaban, je lui fis faire un petit jeu :

- Eh ! Tu connais quoi comme cri d'animaux ? Le chat miaule, le chien aboie, et ensuite ? J'attendais d'elle une petite liste, ce qui pouvait nous aiguiller sans doute sur la faune de la forêt autour de nous. Façon ludique et sympa de cogiter sur tout ça. "Peut-être qu'elle ne va pas comprendre, peut-être qu'elle va commencer à imiter les animaux..." D'avance, je souriais, même si c'était une idiotie, elle pouvait être mignonne quand même.

La chose faite, je me décidais enfin à lui donner des instructions pour la mission : elle allait mener la barque, je n'étais pas là pour tout faire à sa place ! Sans doute qu'elle serait amenée à faire des missions seule, proche du domaine Onryou. "Jamais elle ne s'éloignera de moi."

- Bon, c'est ta première mission, donc je vais te donner la charge de nous guider. On doit trouver la source des bruits qui embêtent les habitants du village où l'on va, c'est dans la forêt. C'est toi qui poseras les questions aux habitants, si on en croise et c'est toi qui décides des pistes. Je t'aiderai du mieux possible et je te protégerai si besoin, ok ? Déjà, la première maison de Sekigaara apparaissait à l'horizon. Bon, on a plusieurs pistes... On a le seigneur du coin qui a organisé des battues, on a la vieille dame qui a entendu en première les bruits... Si tu veux, on peut même directement partir dans la forêt pour chercher avec nos sens. Tapotant sur la tête de la petite, je la laissais réfléchir aux options et ce qu'elle voulait faire.

"Espérons que ça soit juste des animaux un peu trop zélés... Je n'ai pas amené Yaban pour la faire combattre des tarés."

Sphinx. Yukio 022

"Elle n'a pas compris ma question..." Tristement, je mis ma main sur mon front pour cacher mon sourire. Il fallait que je travaille ma communication, si je pouvais faire équipe avec miss premier degré. Pour autant, je répondis à sa question :

- On a dû déjà passer à côté, on n'est pas du genre à rester dans les villages comme ça, mais les forêts comme celle d'Inari. On l'a pratiqué pas mal de fois : Toujours sur la Voie. Les clans comme les Nara n'aimeraient pas avoir une procession qui se balade sur leur terre, on a toujours essayé de faire bon ménage avec les propriétaires des lieux que l'on traverse... "Jusqu'à tomber sur le Daimyo de la forêt." Même si les clans possédaient des terres, le vrai possesseur du territoire était un homme, un politicien, sans doute fruit d'une dynastie noble. Prends toujours garde aux seigneurs et aux politiciens, la vie humaine n'a plus grande valeur quand on monte trop haut dans les échelons. Une déclaration froide, mais réaliste... De mon point de vue.  

Devant ma demande de plan, Yaban formula étrangement une liste d'étape avant d'aller dans la forêt : Voir le seigneur, la retraitée, puis si possible d'autres villageois... Avant de rentrer dans la masse forestière compacte et sombre. Cela me paraissait une bonne stratégie, au lieu de foncer on prospectait pour avoir le plus d'informations possibles ! Souriant, je continuais à avancer sans piper mot. Elle ordonnait, je m'exécutais. Cependant, elle objecta que personne n'allait prendre au sérieux une petite fille, ce qui était à moitié vrai... Comme à moitié faux.

- Si je suis avec toi, ils répondront à toutes les questions que tu veux ! Montrant les dents d'une manière comique, je cherchais à renforcer sa confiance en elle. "Si tu dois devenir chef, tu dois croire en toi, même malgré ta jeunesse." Malgré tout, je prenais note de sa remarque : J'allais parler, un peu, tout en lui laissant assez de latitude pour faire preuve de son existence. Si tu m'accompagnes, c'est pour apprendre à suivre une piste et surtout poser des questions. Retiens-le. Je passe devant, j'ouvre la discussion, mais cherche les bonnes questions à poser...

Sans plus m'appesantir, je jetais un regard sur la demoiselle avant d'augmenter la cadence vers la maison du seigneur : Facile de la reconnaitre, dans Sekigaara toutes les bâtisses étaient en bois simple, sans fioriture, alors que celle du maitre des lieux était peinte de couleurs affriolantes et... Voyante. "Il veut vraiment se faire voir."

"Si on la brûle, ce sera encore plus visible..." "Et adieu la récompense." C'était bien l'une des premières fois que je répondais au monstre sans l'insulter ou me renfrogner : Ses envies malsaines, il fallait les contenir ou les diriger vers quelque chose d'utile, sans doute, puisque je ne pouvais les éliminer. Tuer la main qui te paye, c'était stupide et même un Nekomata de malheur pouvait le savoir.

Amusé comme intéressé par la maison, Taiyo se précipita pour se frotter aux murs... Un symbole funeste, sans doute. À notre approche, des formes se pressèrent contre les fenêtres : On avait été vu de loin. La porte s'ouvrit, laissant passer un épais monsieur doté d'énergiques jambes, si on oubliait le poids terrible qui résidait sur elles. Un vrai nobliau, proche du porc comme les Akuma étaient proches du chat. La mine neutre, je m'approchais pour lui administrer un signe de tête cordial : Il était mon client, j'étais, pendant le bref temps qui me séparait de la fin de cette mission, son obligé. Derrière le seigneur, le chat composé de noirceur ronronnait amicalement, sauf que ce n'était pas du tout un signe d'amitié.

"C'est un mec comme ça qui a demandé la mort des miens ?" Pas de réponse du démon, mais c'était surtout une question réthorique. Dans mes rêves les plus fous, ceux où je tuais ce vil serpent, il ressemblait à ça.

- Bonjour ! Je suis Tama, j'ai reçu votre missive concernant vos problèmes de voisinage... Voici ma fille, Yaban. Le bœuf baissa la tête en retour et lorgna sur la gamine comme si elle était de trop.
- J'ai demandé des gens de confiance, pourquoi il y a une petite fille ? "Oh oh, on peut le tuer maintenant ?"
- Yaban est l'une de nos meilleures traqueuses, avec un nez aussi fin que le mien. Vous gagnerez à avoir un peu plus de respect pour les gens que vous employez, quand vous ne connaissez pas leurs capacités. Pieu mensonge, il n'avait pas à savoir que la jeunette n'était qu'en formation pour être une merveilleuse mercenaire. Pour autant, devant mon affirmation teintée de respect factice et ma mine qui disait clairement : Arrête de parler. Il se reprit. On veut en savoir plus sur les bruits : De quelle nature ? On nous parle de cris d'animaux, mais lesquels ? Me tournant vers la petite Akuma, je lui fis un clin d'œil pour lui dire de s'affirmer en posant des questions.

"Montre-lui que tu n'es pas juste une faire-valoir !"

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Même si la petite blague de Yaban me fit rire, je gardais un visage neutre pour ne pas provoquer le seigneur local : Qu'est-ce qui était plus gros que son ventre ? Son égo et voir deux personnes se moquer de lui ne pouvait que blesser celui-ci. "C'est mieux de lui faire mal comme ça que comme je le veux." Ignorant également la remarque du chat, j'écoutais le client aussi scrupuleusement que possible, en essayant de retenir le mieux possible les informations :

La dame était vue comme folle, était-ce l'avis des autres villageois ? En tout cas, si elle disait que la source était fantomatique, cela ne pouvait qu'aggravait son cas si la rumeur courrait. Cependant, le fait que des choses bougeaient chez elle pouvait corroborer une mauvaise blague... En tout cas, un animal n'allait pas s'amuser à faire de telles bêtises et on remarquait vite la présence d'un sanglier ou autre chez soi. "Des pies joueuses ?" C'était presque logique... "Presque." Un peu soufflé par la remarque de Taiyo qui n'était ni insultante, ni teintée de sauvagerie, je zappais la phrase d'après pour revenir sur le flux de donnée ensuite : Des rideaux fleuris. À son ordre de revenir une fois la réponse trouvée, je fis un signe de tête pour repartir. De toute façon, il nous avait fermé la porte au nez, comme des mal propres.

"Pas besoin de râler contre lui."

La petite m'expliqua que jamais, au grand jamais, je ne devais devenir comme lui... "Ce n'est pas demain la veille." D'un sourire, je me permis une petite blague une fois assez de distance parcourue :

- Je pourrais plus monter aux arbres si je devenais comme lui, il plierait sous mon poids. Yaban était agacée et sans doute que cela n'allait pas l'amuser plus que ça... Tant pis. Elle ordonna d'aller parler à la grand-mère, histoire de vérifier cette histoire de folie. "Ce sera jamais pire que nous."

Certains Akuma, avant, subissaient “La Folie du Démon”, qui se traduisait par des douleurs insoutenables qui conduisaient ceux qui la subissaient à se déchirer la peau pour tenter de faire sortir leurs griffes. Lorsqu’elles sortaient enfin en déchirant leur peau, la seule manière de soulager la douleur était de tuer. Aujourd'hui, avec le massacre, pas mal avaient souffert de cette transe... Moi, j'en avais tiré Taiyo. "Un grand mal, pire que la mort." Le ronronnement en réponse n'était pas des plus amicaux. L'âge amenait une autre forme de folie, sans doute... Assez peu d'individus de mon clan tiraient aussi loin. La vie sauvage avait son lot de malheur que la sédentarité n'avait pas.

D'un pas leste, on alla vers l'orée de la forêt en cherchant la maison comportant les éléments décrits : Des rideaux fleuris. C'était peu de choses, mais nous étions arrivés à la trouver en très peu de temps... Accolée à d'autres, son logement n'avait rien de bien spectaculaire, mais en arrivant devant l'entrée nous pouvions observer de belles décorations dans le jardin. Des statues représentants des combattants bien sculptées, dans des poses guerrières, ainsi que des pierres servant de siège devant elle qui ne venaient sûrement pas de la région... Elle avait importé ces objets, sans doute du pays du vent ou d'une région dotée d'un fleuve assez puissant pour polir la roche ainsi. Eau ou air, il fallait faire un choix.

En tout cas, cela nous donnait l'information qu'elle avait de l'argent.

Tapant gentiment à la porte, n'oubliant pas que je m'adressais à une dame âgée, j'attendis tranquillement en regardant Yaban : avait-elle saisi la richesse des lieux ? Quelles questions elle allait poser ? Au bout d'une minute, une voix hurla à l'autre bout de la cloison de bois.

- J'ARRIVE ! On était sur une retraitée qui avait du mal à se mouvoir. Finalement, la porte s'ouvrit sur une petite dame à l'air très gentille, tenant son châle d'une seule main, l'autre étant sur la porte. Elle avait un petit frisson, sans doute le froid, même si la vue d'étranger si proche d'elle pouvait lui faire peur. Pour ne pas la brusquer, je fis un pas en arrière : Une question d'espace vital, sans doute.
- Bonjour, je suis Tama et voici Yaban. Nous sommes des envoyées du seigneur... Pour cette question de bruits, je pense que vous savez de quoi on…  
- Ah oui ! Je sais ! Il n'a pas voulu m'écouter, parce qu'il avait parlé avec mes voisins... C'était moi la première à avoir entendu les cris ! Il a envoyé des hommes, mais rien !
- Oui, il nous a dit qu'il avait envoyé des ninjas...
- Des ninjas ? Vous êtes les premiers étrangers que je vois vagabonder dans cette ville depuis des semaines ! S'il y avait eu des ninjas, je les aurais vus ! Toussant un peu, j'incorporai l'information. "Étrange, pas de ninja ?"

Cette histoire accumulait les mystères, mais si la politique s'en mêlait, cela devenait agaçant. Me grattant la tête, j'essayais de démêler cette histoire, mais je n'avais pour le moment que peu d'éléments pour amener une quelconque hypothèse. On venait pour des questions précises, il fallait les poser !

- Les cris, c'était quoi ? On nous a parlé de hululement, mais il y en avait d'autres ? Un petit temps, elle réfléchit... Pourquoi ? En tout cas, elle sortit relativement vite une réponse.
- Des bramements de cerf, des grognements de cochon... À cette mention, je souris en me souvenant de la phrase de Yaban. "Le seigneur était dans la forêt ?" Un rugissement de lion, un genre de grondement d'ours, mais un peu enrouée, et enfin... Heu... Le glougloutement du dindon.
- Un... Dindon ? Ma face exprimait clairement l'interrogation. Le plus sérieusement du monde, elle me répondit.
- Oui ! Et tous en même temps ! Comme si tous ces animaux faisaient la fête. Ils grattaient aussi le bois, je les entendais d'ici ! De l'index, elle montra derrière elle, son salon. Il était, bien évidemment, très confortable et richement décoré. Ce n'est pas la partie la plus proche de la forêt, mais je les entendais quand même ! Ça m'étonne que les voisins commencent à peine à n'entendre que maintenant !

Me tournant vers Yaban, je cherchais une réaction chez elle, qu'est-ce qu'elle en pensait ?

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Yaban était jeune, mais elle avait des moments de sagesse : là où je voyais une petite blague, elle était très sérieuse. Le seigneur ne prenait pas soins des autres et je devais me méfier de ne pas devenir comme lui... Me voyait-elle changer avec le pouvoir, même relatif, que j'avais sur la troupe ? Me mordant la lèvre, je laissais vagabonder cette idée au prisme de mes souvenirs des dernières semaines. "J'ai amené les Akuma chez les Onryou pour leur donner du repos... Peut-être qu'elle m'en veut de les avoir fait marcher pendant des jours pour fuir ?" Soupirant, je plongeais dans une certaine lassitude face à cette situation.

"Je suis pas un bon chef..."

Malgré tout, la sainte sauvage changea de sujet avec une remarque sur le riche décor de la retraitée : elle faisait de l'ombre au seigneur, là où la maison du propriétaire du village était massive, mais juste esthétiquement belle, celle de Sekiho Kaamane prouvait des inspirations venant d'ailleurs, ainsi que les objets qui allaient avec. Elle ne cherchait pas à en imposer, elle le faisait directement par l'histoire qu'elle racontait.

Cependant, les minutes de grâce de la fillette s'évanouir alors qu'elle déclama que la mamie ressemblait à une peluche, chose qui fit rire la dame et qui me fit même pincer les lèvres d'un certain attendrissement. Elle restait une enfant qui ne savait pas se retenir de parler... Des mots sages, mais également des exclamations moins fines. Complimentant la maison, la petite cheffe demanda à rentrer, chose qui poussa la vieille femme à lui ébouriffer les cheveux et la complimenter : elle savait mettre les formes, c'était sûr. Moi-même, je reçus des félicitations indirectement, en me demandant si c'était ma fille.

- Oui, elle tient beaucoup de sa mère, son côté poli surtout ! D'un clin d'œil, je m'amusais de la situation tout en désamorçant les questions sur nos différences physiques... c'était devenu une habitude, presque inconsciente. Il fallait fausser les pistes, me montrer comme père sans soulever des questions gênantes. En gros, il fallait rejeter les interrogations avant qu'elles se forment.
- Votre femme doit être une belle femme !
- Évidemment. Pas besoin de corriger pour mettre l'imparfait, on n'était pas là pour raconter notre histoire. La réponse un peu sèche eut bien vite la faveur de la coupure de Yaban, qui s'extasiait devant la richesse de l'intérieur.  

Rapidement, elle déclencha son plan : Mener la discussion pendant que je cherchais un peu grâce à mon nez. La dame résista un peu, mais l'argument de mon nez retourna la situation. Assez fier du leadership de ma gamine, je me mis en chasse de la moindre odeur dans le logis. Bien entendu, comme attendue, c'était propre, très propre ! La femme avait du temps et le ménage prenait une grande part de son quotidien. Je cherchais à tout prix la moindre fragrance suspecte : La propreté avait une odeur particulière, surtout des produits utilisés, mais on reconnaissait toujours une base de vide. C'était neutre, sans histoire particulière autre que la recherche du plaisir des sens.

Non non, je cherchais les mystères, je cherchais le parfum de cette femme et je trouvais bien vite sur le porte-manteau... Sauf qu'une autre odeur planait, deux autres odeurs. Des visiteurs ? Des intrus ?

De loin, j'entendais la conversation :  Sekiho n'aimait pas l'actuel dirigeant du village, sans doute, car son mari et elle avaient connu le précédent, le père du cochon qu'on avait rencontré. Tayo Sekiho avait secondé le seigneur et avait une opinion tranchée sur sa descendance : Un type pas apte à prendre la relève. "Il avait du flair politiquement." Yaban me regarda et je pus soutenir son regard avant de repartir à mes affaires... La suite fut au sujet des objets. D'un sourire, je me dirigeais vers le salon pour mieux entendre : Les enfants avaient dit ça aussi, mais elle jurait que rien n'avait bougé... "Étrange."

Taiyo monta sur le fauteuil, près de la veille dame, s'asseyant il regarda les traits marqués de la "peluche". "Elle est folle, voila tout." "Si c'était si simple..." Quelque chose clochait, notamment sur les témoignages. Tout concordait pour théoriser que la retraitée avait fait son temps, mais elle paraissait lucide... "Enfin, cela ne fait que cinq minutes." Ma fille réconforta fortement son interlocutrice en lui laissant entendre qu'elle était possiblement une meilleure châtelaine que le seigneur actuel.

- Nous ne sous-entendons pas que vous êtes gâteuse, loin de là ! Nous posons des questions pour mieux comprendre la situation : Pouvez-vous me montrer les objets prétendument déplacés ? D'un index un peu osseux, elle montra une étagère où divers souvenirs s'entassaient gaiement dans la fin de vie d'une dame qui avait bien vécu.

Me rapprochant des contenants, je reniflais pour percevoir les moindres odeurs : Les deux, du porte manteau, étaient là. "Étrange, mais explicable..."

- Dites-moi, vous avez combien d'enfants ? Deux ? Un peu surprise, elle me regarda comme si elle cherchait à se souvenir si elle m'avait déjà vu.
- Oui, j'ai deux enfants ! Deux garçons. Hiro et Taka. Fronçant les sourcils, elle attendait de voir ce que j'allais dire... j'avais éveillé sa curiosité et sa méfiance.
- Ils viennent souvent vous voir ?
- Parfois, de moins en moins... Pourtant, ils habitent dans le village, mais en périphérie. On a payé cher pour leur construire leurs maisons et leur donner la meilleure éducation possible ! Elle était fière de raconter combien elle avait donné pour ses enfants, comme si les biens matériels étaient une preuve d'amour. "Pour certains, ça l'est." Penaud, je regardais Yaban pour savoir si j'avais donné assez...

"À part la fuite et quelques entrainements, je n'ai pas offert grand-chose."

Revenant sur l'enquête, j'expliquais enfin mes suppositions :

- J'ai senti deux odeurs autres que la vôtre... Je pense. Vous, c'est mentholé, un parfum doux de femme. Sans doute pas votre odeur naturelle, on en sent pas comme ça une telle flagrance. Celles que j'ai repéré, elles sont fortes, mais plus naturelles. Un mélange de transpiration et de vêtements propre : Ils ont marchés pour venir. Ce sont des hommes qui se parfument moins. Fin limier, je fis un clin d'œil à Yaban. "Toi aussi tu sauras faire ça !" Bref, ces odeurs je les retrouve sur cette étagère, là où vous me dites qu'ils racontaient que les objets ont bougé.

Pensive, Akiho laissa un blanc...

- Je ne me rappelle pas qu'ils se soient approché de cette étagère, la plupart du temps ils passent en coup de vent pour prendre des nouvelles et voir un peu si j'arrive encore à tenir la maison propre. Un peu vexée par ce souvenir, elle emboita. Comme si je n'étais pas capable de gérer une demeure ! J'ai passé des années à nettoyer leurs chambres ! À toute faire seule alors que mon mari et eux étaient dehors ! De l'index, je me tapotais le nez pour lui répondre.
- Et je le sens, madame, le propre et que du propre ! Allant m'asseoir près de ma fille, je prenais part activement à la discussion. Vous avez de bon rapport avec vos enfants ? Ils ont des raisons de vous en vouloir ? De grands yeux, horrifié, comme si j'avais insulté ses ancêtres.
- J'ai tout donné à mes enfants ! Ils n'ont aucune raison de me vouloir du mal ! Je fais ce que je peux pour les aider, parfois même je leur donne de l'argent ! J'en ai moins besoin qu'eux ! "L'argent alors ? Ils veulent la faire passer pour folle ?" Taiyo marquait un point... Pour une fois que ses idées n'étaient pas malsaines.
- En tout cas, ils ont raconté au seigneur que des objets bougent chez vous... Et lui, il dit avoir envoyé des hommes surveiller les lieux, des ninjas. C'est bizarre tout ça. Tu en penses quoi, Yaban ?

La petite enquêtrice devait avoir ses propres théories... Ou questions !

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Sans poser plus de questions, je suivais la jeune fille qui ne voulait pas parler devant la dame... Celle-ci ne s'était pas formalisée plus que ça. Demandant juste à ce qu'on la tienne au courant. "Elle n'est pas embêtante, elle." Assez serein, je me laissais sortir et expliquer qu'il ne fallait pas contre-dire la vieille Sahiko, mais qu'effectivement les enfants paraissaient complique... Mais pourquoi ?

- Elle le saura bien assez tôt, si c'est le cas. Elle aurait pu nous donner plus d'informations, au cas où. Haussant les épaules, j'acceptai le plan de la demoiselle. Malgré tout, je sentais la déception de Yaban : Les histoires de famille, ça semblait l'inquiéter. Les gens perdent de vue les choses importantes, ils regardent l'argent, le pouvoir et la réputation, mais... Ce n'est pas ça. Faut rêver mieux, mieux que l'argent, mieux que le pouvoir. Mieux que les deux ! Pointant sur front, je continuais. Rêve d'être heureuse ! Amusé, je la suivais pour aller voir les voisins, sans oublier de dédramatiser. Si c'est juste des héritiers un peu trop zélés, c'est déjà pas mal... J'avais peur de te faire rencontrer des ninjas agressifs. "Ouf."

Malheureusement, ça laissait entendre que le seigneur du coin était de mèche... "Pas de sous si on élucide ?" D'après ma lecture du parchemin, c'était la commune qui s'était cotisée pour la récompense, donc mettre à jour un complot familial n'allait pas m'empêcher d'empocher les ryos pour le clan.

"On pourrait aussi brûler tout le village pour récupérer l'argent ?" Le Nekomata suivait la dynamique et ne se laissait pas distancer, horrible monstre qui prenait la forme d'un chat. Soupirant, je laissais Yaban me tirer de maison en maison... Toujours, elle toquait pour se réfugier derrière moi et me laisser nous présenter. Toujours les mêmes mots : Bonjour ; Tama ; Yaban : Ninja : Bruits et... Peu de choses.

Les voisins entendaient les bruits, notifiés les mêmes animaux que la vieille dame, mais niaient la présence d'autres ninjas... Le porcin personnage avait menti ? Plus la journée avançait, plus on comprenait que oui. Les témoignages ne trompaient, pour autant il y avait toujours une petite distance par rapport à la sanité mentale de Sahiko : Elle ne sortait jamais de chez elle et les habitants les plus proches de sa demeure apercevait souvent ses enfants entrer dans la propriété pour s'occuper d'elle... "Quoi ?" La retraitée avait annoncé qu'Hiro et Taka venaient de moins en moins, cela ne collait pas !

Ils nous parlèrent ainsi du jardin : Si la grand-mère ne quittait pas son salon chic, c'était Hiro qui tondait la pelouse et Taka qui arrosait les plantes. Scrutant l'épais mur qui séparait le terrain de nos interlocuteurs et celui de "oba-san" comme disait Yaban, je n'apercevais rien car... Eh bien le mur bloquait la rue.

- Vous avez déjà vu les fils de Sahiko faire ça ?
- Non... On entend des bruits, certaines discussions dans le jardin. En sortant, parfois on les croise et ils nous expliquent qu'ils viennent s'occuper du dehors... On pose pas plus de questions.  
Regardant la jeune fille qui ne me lâchait pas la main, je m'excusais du dérangement pour rejoindre la rue.

- Hmm... Ils viennent souvent, mais pour quelle raison ? Surveiller leur mère ? Voler des objets ? Peut-être même qu'ils cachent des choses dans son jardin ? En tout cas, ils donnent une mauvaise réputation à cette vieille femme... La main sur le front, grattant la chaire cicatrisée, je réfléchissais. Les voisins pensent qu'elle est dépendante de ses enfants, les bruits qui laissaient entendre qu'elle était folle, mais en fait non... Les enfants sont allés trop loin, ils ont renforcé les bruits pour la faire paniquer plus vite, mais ils se sont fait entendre par leurs habitations proches.

Alors quoi ?

Le seigneur, s'il était de mèche, était bloqué dans sa machination avec les enfants Kaamane : Qu'allait-il risquer pour nous ralentir ? Le regard vers le sol, pensif, je cherchais la prochaine chose à faire : Confronter les enfants chez eux ? Attendre le soir pour prendre sur le fait les fauteurs de troubles ? Dans ma vision périphérique surgit une ombre, dans le coin d'un toit. À l'opposé de la maison de Sahiko, à deux mètres de notre position, quelqu'un nous surveillait depuis la hauteur. Reniflant, je captai son odeur... C'était fin, surtout avec la proximité du parfum de ma fille, Un homme, il sentait le fer et la transpiration. "Il est monté sur la maison à la seule force de ses mains, sans chakra... Ou alors il a fait un effort avant." La tête figée au sol, je murmurai à la petite sauvage :

- Ne bouge pas, quelqu'un nous regarde depuis le toit... Il est plutôt discret, mais son odeur la trahie. Si c'est un envoyé du seigneur, il ne faut pas le combattre, on risquerait de l'avoir contre nous. On va le laisser nous filer, mais soit prudente... Il n'avait aucune raison de nous attaquer, tant qu'on posait juste des questions. "Mais si on s'approche trop de la vérité..."

Je n'avais pas peur de lui, mais je m'inquiétais sur les dégâts qu'il pourrait faire à ma fille si je ne prenais pas trop de précaution... "Tu pourrais simplement l'éliminer, qui pourrait t'en vouloir de faire disparaitre une pourriture qui ne devrait même pas être là ?" Un court instant, j'hésitai. Il avait potentiellement une étincelle de raison dans le discours du démon, mais c'était exagéré. On nous surveillait, car le maitre du village était dans le coup... Je voyais mal l'un des fils de Sahiko monter sur un toit pour jouer les voyeurs. "Ils font bien des bruits nocturnes pour faire croire que leur mère est folle."

- On avance dans la rue, jusqu'à la sortie du village. Quand il aura plus de maisons pour prendre de la hauteur, il sera bien obligé de changer de position. On le cueillera là, tu en dis quoi ? D'un clin d'œil, je rassurai la demoiselle. Il n'y avait rien à craindre !

"Quiconque te touche, je le tue !"

Sphinx. Yukio 022

La couverture de Yaban : Un casse-croûte dehors. Amusé par la situation, je la laissais me conduire hors des bordures de la commune pour s'asseoir à l'ombre d'un arbre. La pierre devait être bien froide, mais je restais debout en guettant l'odeur du furtif individu qui... Ne l'était pas tant. Son ombre avait un peu disparu, un instant, mais on le voyait essayer de fureter dans la plaine qui séparait notre position des premières habitations. Il cherchait quoi ? À se faire passer pour un voyageur ? Pour n'importe qui, cela aurait marché, mais son parfum m'était connu.

La jeune fille cherchait des sandwiches dans son sac alors que j'avais le dos tourné à l'intrus, qu'est-ce qu'elle cherchait ? À peine son bras ressortait de la besace que je discernais la garde d'un kunaï. "Pas mal comme défense." Les griffes étaient notre arme de prédilection, mais montrer notre appartenance au clan démoniaque n'était pas une bonne idée... Surtout dans un village si tranquille. "Adieu la prime si on est grillé." Attentif aux mouvements du monsieur, j'observai vite qu'il avançait toujours vers nous. C'était quoi son plan ? Nous dépasser pour se camoufler dans la forêt à l'orée du quelle on était ? "C'est risqué."

Il était un peu trop téméraire.

"Faisons lui payer !" Taiyo déjà montrait les dents en marchant vers lui... Pauvre bête qui ne pouvait rien faire tant que j'avais les commandes, et ce n'était pas demain la veille que j'allais les lâcher. Regardant Yaban, je cherchais à calculer ma prochaine action... Était-il seul ? Hormis nos odeurs et la sienne, je n'en captais aucun autre. Selon toute vraisemblance, il n'y avait que lui. "Ou alors quelqu'un d'assez doué pour cacher sa flagrance." Claquant ma langue contre mon palais bruyamment, je fis un clin d'œil à Yaban. Il était temps d'agir !

Joignant les mains, dans un mudra unique, je disparus de la vision de la demoiselle pour réapparaitre à côté de l'inopportun qui sursauta. Lui souriant, je l'empoignai au col pour lui susurrer quelques mots à l'oreille en me rapprochant.

- Si tu bouges, je te tue. Terrifié par la surprise, il obtempéra. C'était un petit homme qui transpirait, autant par l'effort que par la peur maintenant... Replet, il avait dû avoir beaucoup de difficulté à escalader la maison et surtout à redescendre. "C'est tout sauf un ninja." En tout cas, maintenant, c'était mon prisonnier.

Le ramenant de force à l'endroit où Yaban était assise, je lui fis signe de sortir son kunaï pour lui mettre sous la gorge. Autant qu'elle participe activement à l'interrogatoire, cela pouvait lui apprendre. La main toujours agrippée au haut de sa chemise, je le maintenais contre un des nombreux troncs d'arbre de notre cadre.  

- Nom. Je devais d'abord savoir à qui je m'adressais.
- Ta... Taka. Taka Akaane. Alors, on avait l'un des suspects sous la main... C'était une bonne nouvelle, surtout qu'on l'avait choppé en train de nous surveiller.
- Pourquoi tu étais sur un toit en train de nous regarder ? Ou bien tu t'es égaré en venant t'occuper du jardin de ta mère. Les yeux grands ouverts, il ne savait pas qui regarder : Moi qui le tenais, l'air agressif, ou Yaban qui pouvait l'égorger à tout moment.
- Je... Je ne comprends pas. Franchement amusé, je me mis à rire un bon coup avant de renforcer ma pression contre son torse. Je l'écrasais véritablement contre le bois, histoire de lui montrer que je n'acceptais aucun mensonge.
- Tu pues la transpiration, je pourrais te repérer à l'autre bout de Sekigaara. Relâchant ma prise, je lui donnais l'occasion de reprendre une respiration. L'objectif n'était pas de le tuer... "Pas encore." Le monstre reniflait la cheville du malheureux. Encore un mensonge et je demande à cette jolie demoiselle d'en finir avec ta vie, on ira ensuite voir ton frère... Maintenant, tu vas répondre à nos questions. Calmement, j'attendais une réponse pour montrer sa coopération. Rapidement, il agita la tête pour montrer qu'il acceptait tout, tant qu'il gardait la vie. L'air lui revenait à peine, une réponse orale était un peu trop tôt pour lui. D'accord, première question : C'est vous la source des bruits nocturnes ?

Un silence.

Il ne voulait pas répondre : La peur ? La honte ? Une nouvelle pression contre le tronc le ramena à la réalité. L'absence de témoignage, comme le mensonge, n'était pas acceptable...

- Ou... Oui. S'il... Vous... pla... plait. Lâchez-moi. Sans attendre, je le soulevais pour lui montrer que j'en étais capable, malgré son embonpoint, pour le relâcher à quelques centimètres du sol. Il glissa douloureusement contre le bois irrégulier pour atterrir sur les fesses, au milieu des racines du chêne.
- Pourquoi ? Non, ne réponds pas. Je m'en fiche, je ne suis pas là pour entendre tes justifications de pauvre larve. Ton frère est dans le coup ? La réponse venait d'elle-même, mais une confirmation devait être faite.
- C'est... Il était visiblement à bout, autant physiquement que mentalement. J'avais peut-être un peu trop forcé sur son torse, puisqu'il avait beaucoup de mal à reprendre son souffle. C'est lui qui a eu l'idée.  Au-dessus de son crâne, mon poing gicla contre son support, éclatant le tronc sur une large portion. Tout le végétal trembla avec le choc, sans doute qu'il le sentit dans son dos.
- Vous êtes tous les deux des merdes. Les dents serrées pour ne pas hurler, j'hallucinai devant le comportement de l'homme. Vous trahissez votre mère et maintenant tu charges ton frère. Reculant d'un pas, je luttai contre l'idée d'en finir avec sa vie et l'intégrité de son visage d'un coup de pied. Le seigneur, il sait pour votre combine ? Encore une hésitation qui me poussa à armer ma jambe musculairement. Il pensait encore à la suite, à ne pas être puni par le maitre des lieux, alors qu'il était si proche de la mort. "Vas y..." Le Nekomata était tout excité devant ma rage, c'est ce qui m'amena à me calmer. Je n'allais pas faire plaisir à ce démon.

Une boule au ventre devant cette envie soudaine de tuer ce lâche, je reculais encore d'un pas en faisant signe à la jeune fille de continuer l'interrogatoire. "Je ne suis pas en état de le garder sain et sauf et c'est le bon moment de voir ce qu'elle sait faire devant un... Crevard."

Sphinx. Yukio 022

Le poing fermé, j'observais avec tension le reste de l'interrogatoire. Yaban prenait les choses en main et même si j'avais fait preuve d'une colère démesurée, je me sentais un peu fier de voir que je pouvais compter sur elle... Un cocktail étrange, alimenté par la vision de ces racines où se rejoignaient l'innocence de ma fille et l'avidité de Taka. Je n'aimais pas cette proximité, comme si cet être malsain pouvait corrompre la sauvage rien qu'en respirant le même air qu'elle. Une moue sombre, j'observais la scène se dérouler : La question répété une deuxième, puis une troisième fois, concernant le seigneur. Résultat des courses, le propriétaire des lieux était également dans le complot contre cette pauvre dame...

"Crevard." Taiyo, près de moi, ronronnait de plaisir face à ces sentiments terribles qui me poussait à l'imaginer sans sa tête, les intestins au sol. Pas de message de sa part, juste ce bruit qui semblait si doux dans ma situation.

Des objectifs qui se croisaient : Le cochon avait peur du poids politique de la dame et les porcelets voulaient ses ressources pour une boutique. Yaban, qui devant l'aveu, s'empourprait de colère. Allais-je devoir la retenir ? Le voulais-je au moins ? Baissant les yeux, je réfléchissais sérieusement à l'éventualité de le finir là, tout de suite, pour chercher le témoignage du frère. Hiro pouvait avoir de la chance, si les Akuma exorcisaient d'abord leur hargne sur le prisonnier.

Voyant l'ombre de la jeune fille reculer, j'en conclus qu'elle avait fini. Avec ça, une forte odeur apparue dans mon spectre olfactif : de la pisse. Une odeur chaude, immanquable, car pleines de saveurs qui m'irritaient la langue. Il agressait mes valeurs et mon nez.  La dernière question de ma fille fut sur l'origine des bruits, comme les deux salauds pouvaient agglomérer autant de sons à eux deux... Est-ce que cela m'intéressait au moins ? Honteux, il prit du temps pour répondre et Yaban s'énerva d'autant plus. Bien vite, il gloussa de peur une réponse :

- On a des... des complices. On a employé des ninjas qui ont imité les cris ! Leur ultime carte était posée : Il pouvait y avoir de la résistance. Bien vite, je poussais la jeune fille, comme une défense, pour empoigner de nouveau le col de cette saloperie de parasite.
- Où sont-ils ? Combien ? À part jouer aux animaux, ils savent faire quoi ? J'avais peur d'avoir embarqué Yaban dans une mission qui allait la blesser. Le jetant sur le côté, je lui donnais toute latitude pour goûter à la richesse du sol. Marchant lentement pour le rattraper, je choppais le haut de son habit pour le soulever de terre. On va en discuter avec le village, de votre petit complot. Sans le notifier à ma fille, je commençais déjà à amener le prisonnier vers le village.
- Je... Je sais pas. Trois, c'est tout... Ils faisaient le travail, pour le reste les frères n'avaient pas cherché plus loin. "Dommage."

Cette petite enflure m'avait énervé et je ne voyais pas d'issues autres dans cette histoire : C'était le village qui nous payait, pas le noble. Ainsi, froisser l'égo et la réputation porcine de cette engeance de merde n'allait pas me faire de la peine. J'avais trouvé l'origine des bruits, il fallait percer à jour la machination quitte à créer des conflits dans le coin...

- Vous devez vraiment faire passer votre mère comme folle pour avoir de l'argent ? Il y a pas d'autres moyens ? Pleurnichant, le gros se laissait faire, de toute façon, il n'avait pas d'autres choix. Vous n'êtes que deux vermines, vous avez des parents et vous n'appréciez pas ce que vous avez... Serrant les dents, je marmonnais pour moi-même, ignorant totalement les réponses organiques de mon petit discours.

Trainant la charge jusqu'au porte de la commune, je rentrais le plus sérieusement du monde sous le regard agité des passants et des habitants. Où aller ? Chez Sahiko ? Chez le Seigneur ? Me stoppant un instant, je réfléchis à la prochaine destination.

- Tu préfères quoi ? Oublier d'abord ton idée de magasin ou ta réputation dans le village ? Parlant un peu fort, je lorgnai sur les gens que l'on croisait et qui, un peu terrifié, s'écartaient vite de notre route. Balbutiant, j'eus presque l'impression qu'il allait vraiment me répondre. Rigolant rapidement, surtout à cause des nerfs, je le mis proprement sur ses jambes avant de l'épousseter précautionneusement. Fais un effort, on va voir ta mère. Le poussant dans la rue, je le conduisais vers la propriété Akaane.

Pauvre Sahiko.

Sphinx. Yukio 022

- À vos ordres. Rapidement, je dégageais l'inopportun fils pour le jeter en bas des escaliers : Aucune douceur, juste de la rage contenue dans le plaisir à l'écoute du craquement et des impacts du corps gras contre le bois, puis le sol.

Revenant dans le salon, je fis un signe de tête à Yaban pour m'enquérir de son état : Elle allait bien ? La vieille dame voulait attendre avec elle, mais ma fille le voulait-elle ? "Je n'aime pas la laisser seule en pleine mission." Soupirant, je ne pus que relativiser en me disant que la sauvage était plus en sécurité loin du seigneur et d'Hiro Akaane. Seulement, il fallait quand même lui donner un ordre : J'étais son père et son chef.

- Protège notre amie. Maintenant que nous avons découvert le pot aux roses, notre ami le porc peut s'énerver comme se carapater. Il y a des ninjas dans l'équation, mais vu le prix mis dans notre salaire, ils ne doivent pas être de première fraicheur... Fait quand même attention, le nombre peut compenser la qualité. Ils étaient trois, c'était suffisant pour embêter une bonne combattante comme Yaban, surtout si elle devait défendre la retraitée. Sans plus de parole, j'ouvris la fenêtre pour sortir dans le jardin : La finesse était de rigueur.

Mes déplacements pouvaient être surveillés : J'avais fait beaucoup de bruits et la rumeur du gaillard qui avait trainé Taka dans la rue allait vite arriver aux oreilles des opposants... Je pouvais en profiter pour rapidement rejoindre le deuxième larron. La demande de Sahiko était logique et j'allais obéir à ce qui ressemblait maintenant le plus à notre cliente. "Tout a commencé avec elle, après tout." Rejoignant les ombres, je calmai mon rythme cardiaque pour ne faire qu'un avec le relief : J'allais devenir un reflet de plus dans le miroir, une forme vive dans la vision périphérique, un simple battement de cil dans le quotidien des habitants de Sekigaara. Indiscernable pour le commun des mortels, je pus sortir mes griffes pour rejoindre le toit du bâtiment en m'agrippant aux imperfections et aux ouvertures de la maison. Il fallait le plus possible éviter d'endommager la belle devanture de chez Sahiko, mais c'était la seule façon de faire. Une fois au sommet, je lorgnai sur les rues en contrebat, reniflant le plus possible pour déceler une odeur de danger... Une odeur de mort... Peut-être aussi du gras, si Hiro était dans le coin.

"Peut-être est-il mince, lui ?"

Rien, pour l'instant, sans plus m'appesantir sur l'observation, je me lançai de maison en maison pour rejoindre la position du logement du dernier fils mutin. Malgré ma vitesse, de longues minutes furent nécessaires pour rejoindre la bordure du village où le parasite avait ponctionné sa mère pour se bâtir une maison. Une sacrée baraque, plus petite que celle de la matriarche, mais quand même dans la moyenne haute à ma connaissance : Je n'avais pas vu beaucoup de maisons dans ma vie, mais celle-ci me paraissait trop grande pour la valeur du type à l'intérieur.

"À nous deux, Hiro."

À mon point de départ, deux types arrivaient pour taper à la porte de la pauvre femme... L'un, d'un certain âge, cachait son manque de cheveux par un couvre chef subtil et des lunettes noires. Une allure jeune, si on excluait les deux bandes blanches qui lui cerclait le visage. C'était le genre de type à cacher le trou et montrer qu'il en avait encore sous le chapeau en faisant pousser le reste. L'autre, plus jeune, semblait être son fils, mais le manque de visibilité sur le visage du patriarche empêchait de vérifier cette histoire. Lui, il avait la vraie tenue du ninja, sans doute tout fier de mener sa première mission... Mais qui le payait ? Le seigneur ? Les deux frères ? Ils n'apparaissaient pas être des branquignoles, mais leur approche était un peu trop poli pour des professionnels de l'ombre.

Se doutaient ils de la présence de Yaban ? Sans doute pas, sinon ils auraient pris plus de précaution.

Confiante dans sa réputation et sa protection, Sahiko alla ouvrir sans oublier de glisser un clin d'œil à la jolie fille assise à côté de lui. La porte à peine ouverte, le plus jeune entra en poussant légèrement la dame pour libérer l'espace. Ils occupaient l'espace, ne laissant pas l'opportunité à la maitresse des lieux de fermer sa seule défense. Le vieux prit la parole alors que son... Fils ? Agissait.

- Madame, on vient vous protéger... Les ninjas employaient par le seigneur de Sekigaara sont devenus fous et... Dans le peu d'espace libre pour voir, le shinobi au chapeau discerna Yaban. Kojiro, elle est là.   Le plus jeune tourna la tête vite, fort, et un craquement terrible retentit dans le hall d'entrée. Un début de torticolis pour le fier ninja.
- Aie aie aie. S'avançant vers la sauvage, main sur le coup, le servile essaya d'empoigner la petite alors que l'ainé essayait de rassurer Sahiko.

Cette mission, c'était une histoire de famille...

Tour:

Sphinx. Yukio 022

La terrasse du petit domaine donnait sur la forêt environnante : C'était un parfait lieu de détente, pour se délasser après une dure journée. En tout cas, c'est comme que j'imaginais son utilité. Je voyais parfaitement n'importe quel nobliau ou bourgeois boire un verre en regardant la nature, comme s'il la possédait. Sautant d'un sapin proche, j'atterrissais avec souplesse sur les dalles soutenues par un bois sombre. Les arbres n'étaient pour ces dingues qu'un matériau pour leurs maisons, rien de plus.

À travers l'épaisse vitre qui séparait l'intérieur de l'extérieur, je pus apercevoir une décoration un peu osée : Quelqu'un s'essayait à donner un air chic à son logement, sans parvenir à plus qu'un encombrement cliché. Sans doute aussi que mes sentiments négatifs contre le propriétaire des lieux jouaient contre lui et ses goûts esthétiques. La tête baissée, je reniflai le sol pour capter des odeurs : Un effectif, une mesure du danger... Dehors, rien, il me fallait mettre le nez à l'intérieur pour avoir un début de piste. Lentement, je m'approchai du verre froid pour ouvrir discrètement le passage.

Le petit bruit qui se déclencha était déjà trop : Le frottement du montant sur le rail, il me semblait crier ma présence comme la pire des alarmes. Me mordant la lèvre, j'imaginais mille combats. Trois shinobi avaient été démarchés par le seigneur pour aider le complot des deux fils, sans doute qu'ils étaient là où bien... "Ou bien ils sont allés chercher Yaban ?" Un petit coup au cœur, je devais me dépêcher pour réduire le danger. Ignorant l'ouverture bruyante, je pénétrais dans les lieux en faisant attention à mes sens pour repérer la position et la trace de ma cible... Malheureusement, ils étaient deux. "Hiro et un autre ? Ou bien deux ninjas ?" Sur l'un des parfums, je pus reconnaitre la trace d'une proximité récente avec le porc de service... Ainsi, l'un des mercenaires à sa solde était bien présent. L'autre fragrance, je ne la connaissais pas.

Faisant quelques pas, je pus profiter de l'atténuation de mes pas sur le carrelage : Tout sonnait comme le silence. C'était propre, plein de meubles et rien ne bougeait dans mon champ de vision. Je pouvais presque entendre les battements de mon cœur : Bien entendu, je n'avais pas peur, enfin, pas pour moi... Ma fille pouvait être en danger. Rapidement, une avancée se fit entendre, deux pour être précis. Des gens montaient les escaliers et leur silhouette se dessina bien vite de derrière un mur : Un vieux monsieur, très vieux même, un peu à la traîne d'un jeunot qui ressemblait étrangement à Taka Akaane, mais sans le gras... "Tiens donc."

Hiro tourna vite la tête pour me découvrir, au milieu de son logement. La mine boudeuse, il recula d'un pas, sans forcément être inquiet, mais pour laisser la place à son serviteur pour avancer. Il ressemblait étrangement aux officiers du Daimyo qui avaient suivi et vérifié l'action des samouraïs durant le massacre. Un inspecteur, un cerveau qui ne se salissait pas. Le vieil homme fut un peu plus long à la détente, mais empoigna un couteau à ma vue, menaçant ma gorge de loin.

- On ne vous connait pas, mais vous ressemblez à l'un des shinobi que ma mère a rameuté avec ses folies... Le ton las, comme si j'étais une mauvaise blague, un détail dans l'histoire.
- Tout juste. J'ai votre frère, il ne reste plus que vous pour une petite réunion de famille. Désignant le combattant devant moi, je lui proposai une remédiation. Cet homme escroque sa propre famille, on peut régler ça pacifiquement vous et moi. Aucun mouvement d'hésitation, même pas le poignet qui s'affaissait. Je vois, vous savez que vous êtes du mauvais côté de l'histoire.  
- Il y a pas de mauvais côté, on me paie pour un travail, c'est tout. Fronçant les sourcils, je m'approchais sereinement d'un pas.  
- Alors, faire passer comme folle une vieille dame, cela ne vous fait rien ? Il était professionnel, dans le mauvais sens. L'argent était quelque chose, mais l'application demandait des limites sinon...
- Il y a plus grave dans la vie, jeune homme. "Va te faire foutre." Lorgnant sur l'intellectuel derrière son bouclier, je revenais sur l'obstacle que j'allais devoir faire tomber.
- Je suis à vous tout de suite, je m'occupe de votre serviteur. Sans plus d'amabilité, je me jetai sur ma proie.

Activant mes pupilles, je pus percevoir bien plus vite la situation : Ses muscles se tendirent pour pointer son arme dans ma gorge, mais j'avais déjà l'information au moment où son corps s'activait. Baissant subitement mon centre de gravité, je passais sous sa garde pour attraper son poignet. Le visage proche du sien, je le regardais droit dans les yeux pour qu'il puisse observer mes iris allongés, issus de l'héritage de Nibi.

- Dernière chance. Décontenancé, l'homme recula sa nuque par réflexe organique, tout en crachant de sa bouche un fin senbon qui m'érafla la joue... Je l'avais pas vu venir celui-là de coup.

Un peu irrité d'avoir été touché par une attaque comme ça, je tordais sa main armée pour le faire lâcher sa lame. Désormais le torse parallèle au sol, avec son bras dans son dos, il ne pouvait pas faire grand-chose. "Tu lui as laissé plusieurs fois le droit de partir, il est resté. Fini le." Taiyo, à mes pieds, ronronnait des mots puissants qui me bercèrent un peu... Sur le papier, il avait raison. Une boule au ventre se forma alors que j'imaginais bien le tuer, pour ramener Hiro chez sa mère... Une impression de déjà vu, cette légèreté dans mon cerveau. Le démon voulait prendre le contrôle, il voulait se déchainer... "Si facilement ?"

- Où sont les deux autres ?
- J'ai une famille !
- Ce n'est pas l'info que je veux. Ricanant, le vieil homme se contorsionna pour essayer de m'atteindre malgré sa position. "Trop tard." Du genou, je percutai son coude pour lui briser le membre.

Un cri de douleur troubla la quiétude du logement. Sans un regard sur le vieux ninja à mes pieds, je guettais Hiro et ses réactions devant la violence : Rien, le regard presque ennuyé. Il était vide de sentiment, une coquille sans doute intelligente, mais qui ne servait aucun idéal autre que lui-même. Un monstre pire que le Nekomata à mes pieds, puisque froid. Laissant tomber le corps chancelant du serviteur, je me permis d'ajouter un coup de pied du plat de ma chaussure sur son visage pour que sa tête tape bien trop fort sur le sol.

Je n'allais pas le tuer, mais ses interventions pouvaient être gênantes... Le mettre au tapis, c'était déjà une faveur pour une vermine servile comme lui. Dépassant l'obstacle, je m'avançai vers son maître.

- Où en étions-nous ?

Du côté du foyer de Sahiko, le tout prenait la forme d'un cirque étrange avec deux spectateurs qui regardait une petite fille se pendre au plafond et faire des bruits d'âne. Le plus jeune se massait la nuque pour essayer d'évacuer la douleur et le malaise de l'imitation alors que le patriarche se grattait la tête, ne comprenant pas bien le spectacle. Le duo s'avança dans la pièce alors que le plus vieux ferma la porte pour éviter la fuite de cris d'âne, ou de cris tout court.

- Si tu ne descends pas tranquillement, je brûle la maison. Mon fils et moi, on sait faire du feu. Le plus jeune arrêta son activité thérapeutique pour croiser les bras d'un air sérieux.
- Un peu qu'on va le faire. Un sourire s'étira sur la bouche du servile petit merdeux. En plus, on ne saura jamais si c'est vous ou nous qui avons créé le feu ! Si on sort la mamie de là, ce sera nous les héros !

Un plan bancal, mais un plan quand même !

Tour:

Sphinx. Yukio 022

"Toujours envie de les épargner ?"

J'avais poliment pris les bras d'Hiro pour le tenir tranquille, ses moyens de défenses dans le dos. Comme son frère, il n'allait pas échapper à son petit tour en ville pour le présenter comme un coupable. Il ne fléchissait pas, digne comme un bouddha, alors que je le malmenai un peu en pliant un peu trop son coude pour avoir une réaction de sa part. Aucune. Peut-être même que je l'avais entendu ricaner : Il se pensait invulnérable et plus il résistait à la peur et à l'effroi, plus je le pensais aussi. "Qu'est-ce qu'il prépare ?" En descendant les escaliers pour arriver au rez-de-chaussé, une nouvelle présence déboula dans la maison, moins discrète que moi. Son odeur, avant sa forme, le rapprochait du ninja que je venais de mettre à terre.

Un partenaire ? Un parent ? Arrivant au niveau inférieur, je pus percevoir qui était l'énergumène et... C'était un jeune homme, un modèle juvénile du vieux briscard qui m'avait blessé la joue avec son senbon. Rien qu'à cette vision, je grognai et Taiyo se tendait devant moi. La colère, toujours la colère. Le pauvre n'allait rien arranger...

Il m'annonça que la "gamine rousse" été leur otage... Les deux autres mercenaires n'avaient pas chômé. Yaban avait dû les combattre seule. Alors, la maison de Sahiko n'était pas sûre. Ils étaient venus et... Une tension dans mon dos apparu, alors que mon front et l'ensemble de ma peau s'échauffait. Fixant le garçon, les pupilles toujours activées, je pus percevoir sur son visage des crispations. Il n'était pas sûr ? Sur son corps, pas de blessures... Yaban était une bonne combattante, elle pouvait perdre, mais pas sans laisser des cadeaux à ses ravisseurs.

- C'est ton pote qui a combattu ma fille ? Un ton rude, insistant sur la fin de la phrase pour terrifier mon interlocuteur. L'enjeu familial pouvait rendre les gens un peu plus... Agressif, enfin sauf si on était un parasite comme les deux frères.
- Heu... Ou... Oui ! Il essayait de rester le plus sérieux possible et le plus confiant. Quelque chose clochait. "Il n'est pas sûr ?" La possibilité d'un combat encore en cours entre le dernier du trio et la petite sauvage créa en moi une sensation d'urgence.

Je devais m'en assurer, mais jouer le jeu de l'ennemi n'était pas dans mes habitudes. Reniflant, je cherchais une autre odeur : Celle de Yaban, surtout. L'otage devait être proche, sinon cela n'avait pas de sens. Le parfum de la fillette n'apparut pas à mes sens... Il mentait ? "Il utilise notre fille comme un moyen de pression." Un peu surpris par les mots du Nekomata, je ne m'offusquai pas et pris une décision. Avec Hiro gardé comme bouclier, je ne pouvais rien faire et chaque seconde de perdu était une seconde où la survivante pouvait mourir.

"Tant pis pour la procession." D'un pas, je me mis au côté d'Hiro pour engager mon pied sur son genou gauche. D'un coup sec, aidé par des années d'exercice et une force prodigieuse, je lui brisai la jambe sur la base de l'articulation.

- Reste là. Je te récupère après. Le petit glapissement du salaud me fit quand même plaisir. "Ah bah tu vois que tu peux t'exprimer." Où est ma fille ? Une question froide, mais le sous-texte de mon acte précédent fit reculer mon interlocuteur.

Celui-ci empoigna des kunaïs pour les jeter contre moi, une tactique classique mais qui n'allait pas marcher contre... "Non, pas les griffes." Les sortir, c'était autoriser le Chat à prendre ses marques dans mon esprit. Je ne voulais pas les tuer, je voulais... "Si, ils menacent ta fille." Ignorant les injonctions, la voix de Taiyo qui me disait de sortir mes armes pour me battre à égalité, qui prirent assez vite les accents et le ton impérieux des jumelles, j'avançai en acceptant d'encaisser la plupart des projectiles. Tant pis.

La douleur me réveilla un peu du début de cette transe démoniaque et je pus attraper le col du combattant qui cherchait à fuir, sortir de la maison pour avoir plus d'espace. "Dommage."
Tirant le jeune homme vers moi, j'utilisai mon autre main pour lui tacler le visage. Atterrissant par terre, j'eus toute latitude pour écraser sa cage thoracique de mon pied.

- Ton grand-père est là-haut, le bras cassé et le visage en morceau, mais vivant. Je l'ai laissé en vie, car il fait un travail, sordide, mais un travail. Où est ma fille ? Si elle est saine et sauve, vous pourrez partir de ce village à trois... Sinon, vous ne partirez pas. Essayant de se dégager, le pauvre type luttait contre plus fort que lui. "Il mérite de mourir." Son corps consommait trop d'oxygène dans l'effort, ressource qui manquait avec mon pied qui s'affirmait comme une grosse pierre sur ses poumons. Tu luttes en vain. Arrêt. Il me regarda, hésitant.
- Chez... La vieille. Elle était encore chez Sahiko ? Relachant un peu mon pied, je le laissais s'exprimer. Mon père était en train de s'occuper d'elle quand... Quand je suis parti. Je n'avais pas de temps à perdre, alors.

Mes yeux suivirent un trajet simple : Le jeune ; Hiro. Hiro ; le jeune. Si je laissais le ninja entier, il allait aider le comploteur... Alors... Soupirant, je laissais ma proie respirer avant de lui écraser le tibia d'un coup de talon partant de mon torse jusqu'à son corps laissé à terre. Il n'allait pas marcher avec ça. Au milieu de ses cris, causé par la douleur intense, je lui soufflais quelques mots :

- Je connais ton odeur et celle de ton ainé. S'il vous prend l'envie de vous venger ou de continuer cette mission, je briserai tous vos membres... Je ne promets pas l'état de ton père s'il a blessé ma fille, par contre. Je me retirais par la porte d'entrée, première et seule fois où j'employais cette porte.

"Yaban, je vais te sauver."

Tour:

Sphinx. Yukio 022

Plus de peur que de mal : Yaban allait bien et elle avait triomphé d'un ninja toute seule ! Au fond de moi, j'eus un peu honte de voir tout de suite ma fille perdante, elle pouvait se débrouiller. "Foutu mercenaire." Cette mission révélait mon manque de confiance concernant les compétences de la jeune fille, là où je voulais la former... Soufflant sévèrement du nez en la voyant apparaitre sur la route, accompagnée d'un poids bien trop lourd, je pris la mesure de sa réussite en voyant le corniaud complétement attaché, comme un gros saucisson.

Un temps, j'eus envie de pulvériser le visage de ce parasite, mais la première chose que je fis fut de serrer dans mes bras le petit être qui faisait ses preuves. J'avais eu peur, mais tout n'était qu'un mauvais rêve à présent. Taiyo me souffla quand même quelques tortures pour le pauvre homme, mais je devais montrer l'exemple : Pas de violences exagérées. Après un peu de tendresse, je m'avançai vers le jambon empaqueté pour le soulever par le haut et le lancer sur une grosse branche, assez lourde pour soutenir le poids de sa médiocrité.

Il s'égosilla un moment, mais qu'importe : Il méritait ce qui lui arrivait et bien plus !  

- On va récupérer ensemble Hiro, je l'ai laissé chez lui... On m'a dit que tu avais été attrapée donc j'ai foncé pour te sauver, mais je me suis trompé. Tu t'es très bien débrouillée contre un adulte, même avec un chapeau si moche. Souriant, je faisais reculer le gros chat qui me criait de brûler l'arbre où était perché ce fils de pute. Une fois qu'on aura regroupé les mauvais fils, on verra avec notre amie pour la suite des événements. Notre mission sera finie une fois qu'ils auront avoué, soit en privé à leur mère, soit publiquement devant le village... On ne cherche pas à renverser le seigneur, même s'il le mérite. Ma fille allait-elle bien comprendre où s'arrêter nos prérogatives ? Je ne savais pas, mais il fallait lui annoncer la chose.

On ne venait pas faire justice.

Prudemment, je la conduisis chez Hiro pour récupérer le cerveau de l'affaire : La maison était calme. Je n'avais rien cassé, à part quelques jambes et tibias. D'ailleurs, les deux loustics étaient plus ou moins là où je les avais laissés. Au sol, les membres inférieurs dans des angles aigus et anormales.

- Ne t'occupe pas de lui. Il est vivant, mais on veut juste l'autre. Je pointai du doigt la silhouette longiligne qui grognait de douleur. Au premier étage, des cris apparurent avec notre entrée : le grand-père revenait à lui, ou bien il cherchait de l'aide. En tout cas, ses couinements sonnaient comme un appel au secours. "Dommage." Attrapant le poignet du fils de Sahiko, je le trainais au sol jusqu'à l'entrée. Le parquet donnait un bruit étrange, un genre de sifflement avec le glissement des vêtements et de la peau sur la surface propre.

Un bruit désagréable, mais qui étrangement me parut réconfortant... j'avais l'impression de lui faire mal, encore, et ça me plaisait. Taiyo, à côté du visage du poids mort, apprécié aussi la situation. Je le sentais. Une fois sorti du logement, je fis preuve d'humanité en le hissant sur mon épaule comme un sac à patate. J'avais des limites dans ma bonté, tout de même. Il murmura quelques menaces, entrecoupée de proposition : de l'argent, des terrains, la vie sauve... Je gloussais généreusement en enchainant les à-coups pour qu'ils percutent le plus possible mon trapèze à chaque pas. Il pensait s'en tirer, le pauvre.  

- Tu vois Yaban, le gros Taka est un exécutant, c'est lui le vrai meneur dans la fratrie... ne soit pas une servante comme l'un, ou le cerveau corrompu comme l'autre. Ma proie ricana devant ma morale, la qualifiant d'un peu simpliste.
- Profite des gens, ils finissent toujours par te trahir... mon propre frère m'a vendu, hein ? Il a du tout me mettre sur le dos pour sauver sa peau. Fronçant les sourcils, je ne pus qu'affirmer la chose... Hiro n'avait, en retour, jamais blâmé Taka.
- Ta mère t'a trahi ? Elle t'a mis au monde ! Mon interlocuteur resta silencieux, soit pour se prémunir de ma colère soit parce qu'il n'avait rien à répondre. "Un parent ne trahit pas."

"C'est pour ça que tu es sauvé. Tu peux mentir autant que tu veux à ta "fille"..." Une moue dégoutée sur le visage, je pouvais exprimer ce sentiment pour l'enfoiré, comme pour ma propre saleté.

Dans la rue, les gens commençaient à s'habituer aux cavalcades : j'avais ramené l'un, puis l'autre, des fils de Sahiko... Quelque chose clochait et je perçus certains habitants courir dans la direction de la maison du seigneur local. "De la visite, bientôt ?" C'était tant mieux, sur le papier, comme problématique s'il avait des gardes ou d'autres ninjas sous la main... Qui savait ça ? En tout cas, en pénétrant la belle porte de la riche demeure, je criais pour notre hôte :

- Madame Akaane. Votre dernier fils est là ! Jetant le sujet à mes pieds, je laissais sa garde à Yaban alors que j'allais cherchais le petit porc dans la cave. "On fait bien sécher le jambon par là."

Le dernier acte de cette mission arrivait.

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- VENEZ !  ÉCOUTEZ-MOI VOUS AUTRES ! Les bruits, ces sons ignobles qui nous inquiétaient durant des nuits ! Ils étaient faits par mes fils... Mes tendres fils... La larme à l'œil, la vieille dame peinait à accepter la dure vérité. Un complot, une machination, pour me faire passer pour folle... Mais c'est allé trop loin, mes voisins l'ont entendu et nous avons cotisé pour une somme offerte à des ninjas pour trouver la source de ces bruits. Le seigneur a accepté, ALORS QU'IL ÉTAIT DANS LE COUP ! Se ressaisissant, la dame parut majestueuse sur la place. Laissant tomber Taka par terre, alors que je le tenais par le coup, j'admirais la prestance et le port de taille.

Les habitants se regroupaient autour de nous, lorgnant d'une part sur la matrone et d'une autre sur ses enfants au sol... La jambe d'Hiro faisait mauvais genre, mais j'essayais de sourire le mieux possible pour ne pas passer pour un boucher. "Trop tard." Le chat s'amusait beaucoup de la situation, virevoltant autour de l'agonisant personnage. Plus la foule se massait, plus les murmures devenaient fort : Des bruits oui, ils en avaient entendu... Mais comment deux hommes pouvaient faire autant de sons différents, ensemble. La matriarche répondit aussitôt :

- Des ninjas ! NON, PAS EUX ! D'autres, au service du seigneur pour soutenir leurs plans ! Les shinobi peuvent user d'arts étranges ! Amusé, je ricanais devant son discours : Le chakra pouvait faire bien des choses et j'avais entendu parler de technique permettant de camoufler sa voix ou imiter celles d'autres... Donc des animaux, c'était possible. Mon mari est mort depuis longtemps, mais notre nouveau dirigeant m'a toujours tenu rigueur pour l'opinion de feu mon époux et mon influence et ma richesse. Il a négocié avec ma propre progéniture pour... POUR ME FAIRE TOMBER ! La voix fluctuante, on sentait l'émotion dans les trémolos. Peut-être devais-je m'en mêler ?
- Trois ninjas, deux sont chez Hiro Akaane, un autre est pendu à un arbre sur la route de son logement... Ils ont essayé de s'en prendre à ma fille, alors qu'elle défendait Sahiko. M'avançant, je tirais le gros derrière moi pour qu'il prenne la parole aussi. Le plus svelte était malin, il ne fallait pas qu'il parle, mais l'autre était un peureux. Nous savons tout ça, car Taka nous filait, il va vous dire tout ce qu'il faut savoir. Tirant un peu sur le col du haut du monsieur, je lui indiquais de témoigner... Et bien.
- Je... Heu... Oui, on a... on a voulu faire passer notre mère pour folle, mais... Un regard triste de la part de Sahiko, suivis d'un autre vengeur de la mienne. Oui, on a voulu faire ça, avec le seigneur...

Un rire surgit de la foule, celle-ci se coupa pour laisser passer le gros dindon de la farce et quelques hommes armés : Des spadassins, mais peu l'air de ninja. Le rudiment du kenjutsu était déjà quelque chose au milieu de civils.

- Vous croyez ce que disent ces types ? Ils sont sous la contrainte ! Regardez la jambe d'Hiro ! Ils sont forcés par ce vilain. Ils vous donnent une carotte, mais ils n'ont rien trouvé ! Laissant le poids derrière moi, je m'avançai vers le nobliau et ses protecteurs tirèrent très vite leur lame pour me menacer.
- Dois-je aller voir chez notre ami les ninjas ? Les voisins de Sahiko ont vu un homme avec un chapeau voyant trainer ma fille dans la rue ! Je l'invente ? Mon index pointé vers le torse graisseux du sang bleu, je le défiais de dire que je mentais.
- Je... Il découvrait visiblement la chose. J'ai recruté des ninjas, c'est vrai, mais pas pour ces jeux d'enfants ! Je ne sais pas pourquoi ils s'en sont pris à cette gamine...
- Ils sont rentrés chez moi pour m'enlever ! À partir du moment où Taka a été attrapé, vos plans prennaient l'eau ! La voix stridente de la retraitée rappelait sa présence et la clarté de son esprit. Je ne suis pas folle !
- Elle n'est pas folle. J'appuyais ses propos en croisant les bras. Et vous êtes un menteur, un manipulateur et un fayot de la pire espèce. Le mari de Sahiko avait raison.  Devant moi, le porc devint tout rouge... Son égo, bafoué devant toute l'assistance, demandait réparation et dans le sang.
- Je suis le seigneur ici ! Je fais ce que je veux ! D'un signe de la main, il indiqua à ses soldats d'attaquer et ils s'avancèrent, sévère, pour commencer leur office.

Je ne bougeais pas.

Dans ma tête, le nekomata criait de les étriper tous... Je pouvais avouer que cette idée me plaisait bien. Les habitants, simples civils, eux aussi approchèrent. Bien plus menaçant que toute lame tirée vers moi. Des cris, des murmures... Ce n'était pas la première fois que le seigneur avait des comportements suspects. Certains parlèrent de disparition dans les stocks du marché après une inspection, d'autres de visites où de la bijouterie s'envolaient. C'était la goutte d'eau, une grosse goutte d'eau même. Devant cette vague de mécontentement, les hommes armés perdirent leur dynamique et le nobliau devint tout pâle : Son pouvoir tout entier était remis en question. La colère se massifia et on commença à désirer lui attraper le col, le pousser... Les spadassins essayèrent bien de le protéger, mais ils furent vite mis de côté à grand secours de gifle et de coup dans le tibia.

Ils avaient l'habitude de montrer l'acier pour tout calmer, mais devant une réponse supérieure, ils étaient tout perdu... En définitive, c'étaient les ninjas qui avaient été les plus dangereux pour nous. Battant en retraite, la troupe du seigneur reparti la queue entre les jambes, traqué par la masse en furie qui criait réparation et un pouvoir raisonné aux mains, sans doute, d'une tête pensante et non d'un ventre lourd.

Mission accomplie ? Sans doute, mais une famille avait été détruite en chemin. Sur la place, il restait les enfants, Sahiko, Yaban et moi... Mais la solitude convoitait la pauvre dame, dont les deux fils avaient trahi tout un héritage.

- On fait quoi d'eux ? Une question pour la matriarche. La pauvre dame qui avait gagné son combat, mais perdu son avenir.

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