May I train with you today ? - Feat Yuriko

Inspire. Immobile, les yeux clos, sa poitrine se soulève avec lenteur alors que ses poumons se gorgent d’air. Expire. Sa tête tombe doucement, alors qu’elle relâche les muscles tendus de son cou, ses cheveux faisant disparaitre l’expression concentrée de son visage derrière un épais rideau sombre. Elle souffle, vidant sa cage thoracique dans un mouvement paisible et mesuré, l’air chaud franchissant ses lèvres jusqu’à presque siffler. L’esprit de la jeune femme est calme, limpide, comme il l’est pourtant rarement. Assise, les mains refermées sur une fourrure sombre, la kunoichi semble à la fois dormir et en étudier la douceur du bout des doigts qu’elle fait passer entre les poils.

Le contact était doux, rassérénant, mais la distrayait quelques peu de son exercice matinal. Cette fois-ci, elle devait réussir à tenir. La poitrine de la Kamiko se soulève légèrement, avant de retomber, marquant la fin d’une nouvelle respiration alors que l’image de la créature à imiter se formait derrière ses paupières. Les paumes de la kunoichi se rejoignent, caressant au passage le modèle qu’elle avait emprunté à l’atelier pour rendre sa métamorphose plus réaliste, avant d’esquisser les premier mudras. La technique n’avait, en définitive, rien de véritablement complexe pour une fois. L’intendante était même habituée à bien pire que simplement emprunter les traits d’une créature vivante de plus petit gabarit qu’elle. Seulement voilà, cette dernière lui donnait inutilement du fil à retordre : si elle avait parfaitement réussi l’exécution de la queue et des oreilles, dont elle s’était émerveillée d’avoir réussi à reproduire le velouté délicat des poils, elle ne parvenait pas à l’étape supérieure.

Etait-ce donc si difficile, d’être un renard ? La question méritait toute son attention et ses efforts. Un ultime mudra vient clore sa technique, alors que son corps s’entoure d’un nuage le temps de sa métamorphose. Une première oreille apparait, puis l’autre. Cette fois-ci, Raion sent ses dents s’allonger et se laisse glisser sur son tatami à quatre pattes. Le chakra reflue dans les canaux de la ninja, se condensant pour faire apparaitre la queue manquante, alors qu’un léger craquement désagréable trouble la quiétude de la pièce. Lorsque l’écran de fumée s’évapore, la brune est, à son grand regret, coincée entre deux stades. L’animal dominant maintenant ses traits humains, elle en possédait le museau et la carrure, mais pas l’apparence : encore une fois, seul oreilles et queue était recouvert de l’épais duvet sombre du goupil.

Regardant son reflet grotesque dans le miroir à main qu’elle avait posée sur son bureau, l’intendante soupire de frustration avant de rompre sa technique. Le Dai Henge était bien plus capricieux que prévu, mais elle avait encore bien assez de temps devant elle. Les secrétaires n’arriveraient que dans une heure, de quoi parfaire son plan d’évasion et même avoir le temps de créer un clone pour couvrir ses arrières. Yuriko avait posé un jour de repos aujourd’hui et, à tout bien y réfléchir, la Kamiko était bien décidée à elle aussi prendre quelques vacances au nez et à la barbe d’une armée de bureaucrate qui pouvait bien se passer de ses services pendant les prochaines vingt-quatre heures.

Soudainement motivée par l’imminence de l’arrivée des dits bureaucrate, la jeune femme se replonge dans son exercice de manipulation de son chakra. La nouvelle tentative est, cette fois, bien plus fructueuse. La transformation s’achève et, lorsque le voile de fumée s’évapore, c’est un parfait petit renard sombre, aux yeux gris acier un peu étrange, qui se tient se tient sur le précieux fauteuil en cuir de l’intendante de Konoha. Un sourire éclaire le museau lupin, alors qu’il laisse échapper un gloussement de contentement. Elle ne pouvait pas vérifier si chaque centimètre carré de sa fourrure remplissait ses critères de perfection mais l’objectif premier était atteint. Raion allait pouvoir filer au vent, trompant allègrement les effectifs de la Tour du Hokage pour échapper exceptionnellement à ses responsabilités. L’image du renard se brise, alors que la jeune femme se redresse de son siège, ses mains tenant fermement son outil de travail, auquel elle gratifie d’un regard pétillant de malice. Elle se mord le pouce, retournant la peau pour en épargner le délicat duvet, puis commence à tracer méticuleusement son sceau avec son sang. Quelques gouttes lui échappent, décorant le sol à côté d’elle, mais elle n’en avait cure. Une série de mudra supplémentaire et un parfait mannequin lui renvoyait l’image d’elle-même, souriante, les bras croisés.

Elle murmure, avant d’ouvrir la porte et d’effectuer son Dai Henge une dernière fois. Prenant ses jambes à son cou, la brune abandonne derrière elle un clone qui ne pourra jamais bouger du bureau mais qui sera bien assez suffisant pour remplir les papiers qui l’attendait aujourd’hui. Après tout, elle se faisait confiance à elle-même pour plier ces menus travaux en un rien de temps.

En sortant de la Tour, Raion-le-renard bouscule un jonin, qui l’observe s’évader, interloqué, vers l’une des rues adjacentes. Le pauvre bougre allait sans doute chercher l’origine de cette petite blague, avant de bien vite y renoncer. Pour tout avouer, la Kamiko comptait sur sa réputation d’excentrique pour qu’il classifie l’affaire, sans s’attarder à la suivre jusqu’à sa destination. Bientôt, la métamorphosée pose ses pattes devant l’impressionnant escalier qui mène à la demeure Tadake. Elle secoue la tête, sans pouvoir s’empêcher de sourire à l’idée d’enquiquiner une fois de plus cette chère Yuriko, avant de s’attaquer à l’ascension à bonne allure. Ouvrant ses sens, la jeune femme cherche, tranquillement, la signature si familière de son ainée, et laisse ses quatre petites pattes la guider jusqu’à elle.

Finalement arrivée, le goupil sombre s’assoit face à la kunoichi, conscient qu’il était inutile de la perturber dans sa routine en cours, plus qu’elle n’était déjà en train de le faire. La tisseuse attendit donc, patiemment, que sa supérieure daigne lui jeter un regard, mettant en même temps à l’épreuve son étonnante transformation qui commençait, à son grand désarroi, à sérieusement être difficile à tenir. L’expérience lui avait donné faim, une faim qui crut d’ailleurs avisé de se manifester sous un grondement équivoque. L’autre point négatif, puisqu’il était rare que les problèmes viennent seuls, c’est que le nez de la Kamiko la grattait furieusement. Malgré quelques coups de pattes, la démangeaison refusait de partir, lui compliquant singulièrement la tâche déjà difficile de maintenir son déguisement en place. Peut-être même que la Nindaime pourrait voir l’image du renard trembler légèrement, le pelage de ses épaules et de son dos rougeoyant une poignée de seconde avant de se stabiliser à nouveau, comme si de rien était.

Récapitulatif:

Le goupil noire fixe son regard d’acier sur la Hokage, avant de se fendre d’un sourire lupin qui dévoilait une dentition aux crocs parfaitement entretenue et bien peu normale pour un animal, nullement décidé à nier son identité. Le poil sombre, qui cachait jusque-là les tatouages de fuinjutsu qui couvraient la peau de l’intendante, les révèlent au grand jour alors que l’image parfaitement exécutée du renard tremble une fois de plus. Alors que l’animal lève une patte dans un drôle de coucou, il implose dans un nuage de fumée, marquant la fin d’un Dai Henge contrariant pour la Kamiko qui en profite pour se gratouiller furieusement le nez qui la titillait depuis un moment. Assise par terre, lorsque l’écran de fumée retombe, elle éternue une fois ou deux avant de relever des yeux légèrement rougis par son effort de résistance au besoin qu’elle venait d’assouvir.

Elle ponctue sa tirade d’un autre éternuement, jetant un regard accusateur à la poussière qui volètent encore autour d’elle, son sourire réapparaissait malgré son changement de forme. La tisseuse était, à vrai dire ravie de savoir que son tour de passe-passe était assez convaincant pour qu’elle puisse parfaitement l’exécuter si, d’aventure, rien ne venait troubler sa concentration. Raion se relève, époussetant sa robe et rassemblant ses cheveux noirs en arrière, pour considérer un peu plus attentivement la Nindaime qu’elle venait déranger en pleine étude.

La jeune femme s’étire, chassant les derniers restes de sa position inconfortable de métamorphose, ses épaules craquant avec humeur dans le mouvement. Evoluer à quatre patte était, certes, plus rapide peut-être, mais pas moins fatiguant que courir et l’exercice, nouveau, combiné à l’utilisation de chakra rendait le tout contraignant. L’énergie utilisée, elle, lui avait creusé l’appétit, suffisamment pour qu’elle daigner attraper un des petits sacs de viandes séchée qu’elle rangeait dans la pochette de son nécessaire de mission. Croquant dans une lanière fumée, elle mâchonne rapidement quelques morceaux, espérant faire taire son estomac affamé. Avisant alors du siège vide face à sa supérieure hiérarchique, la brune décide de faire un pas en avant, son sommaire repas dans les mains.

Jetant un regard au rouleau ouvert alors qu’elle s’approche de la table, l’Intendante parait à la fois curieuse et stupéfaite. Se penchant un peu plus sur l’ouvrage dont elle reconnait les entrelacs complexes, elle esquisse un haussement de sourcil. Une nouvelle lanière de jambon disparait, avalée presque toute entière par l’invité inopinée qu’était la jeune femme.

Si elle était précédemment venue bien plus dans une optique de passer le temps avant qu’on ne finisse par se rendre compte de la supercherie, elle parait soudainement bien intéressée par les cercles qu’elle aperçoit, au point qu’elle en dépose son grignotage devant elle en s’asseyant. Les yeux plissés, la chef de clan esquisse une moue pensive, le temps de déchiffrer les informations supplémentaires que pouvaient lui offrir le manuscrit et, surtout l’embryon de lettre qu’elle avait avorté bien malgré elle.

Tout comme elle ignorait, il y a encore peu, quel était le type d’homme de Yuriko ou encore son étonnante faiblesse à l’alcool. Décidément, cette escapade anti-administration s’annonçait passionnante, par bien des aspects. Après une courte minute à parcourir les lignes d’explications tout en finissant sa bouchée, la Kamiko tente d’organiser ses pensées autour d’un nouvel objectif pour la journée à venir. L’image du sceau, encore imprécise, commence à se dessiner dans l’esprit retors de la marchande qui déchiffre tranquillement ses utilisations, avant d’esquisser un autre sourire énigmatique dont elle avait le secret. Désignant le rouleau ouvert et les études entamées de la Hokage, la brune se réinstalle confortablement, signe qu’elle n’avait pas l’intention de partir à moins d’un ordre direct.

Habituée très tôt à fuir d’ennuyeuses responsabilités dans l’ancienne demeure du clan, Raion n’avait jamais cesser d’innover dans les méthodes destinées à lui assurer un peu de tranquillité. Les punitions, loin de la dissuader plus jeune, n’avait fait que cultiver ce travers, faisant de la jeune femme une excellente – et terrible – adepte de l’abandon de poste créatif, au plus grand désespoir de sa grand-mère paternel. Pas vu, pas pris, tel était l’adage de la numéro deux de Konoha, lorsque venait leur de faire le travail bussonier et, tant que son secrétaire n’était pas sur ses traces, la chef de clan disposait d’une avance confortable. C’était d’ailleurs là où résidait toute l’importance du clone qu’elle avait laissé derrière elle, grapillant encore un peu plus de ce précieux temps avant que l’équipe de l’intendance ne fasse appel aux services de Tansei pour la ramener dans le droit chemin.

Combien de fois avait-elle passé des nuits complètes à s’arracher les cheveux sur les casse-têtes de sa tante Heiwa ? Trop pour être comptées mais, bien souvent, les veillées lui permettaient de forcer son cerveau bien trop actif à envisager les choses sous un angle nouveau et lui offrir une autre réponse que celle de la logique bien huilée dont elle pouvait parfois faire preuve. C’était comme ça qu’elle avait, plus jeune, réussit l’exploit de créer l’art qui ornait maintenant fièrement son corps et c’était sans doute comme ça qu’elle continuerait à progresser sur chaque nouveau défi que lui remettrait sa capricieuse de tantine. Un demi sourire passe sur le visage de Raion, à l’idée de lui présenter l’ancienne directrice de la branche création du clan ainsi que son agaçant passetemps pour les énigmes. Si Yuriko était du genre à aimer se creuser les méninges sur quelques livres obscures, sans doute adorerait-elle l’esprit innovateur d’Heiwa qui, depuis longtemps, redoublait d’ingéniosité pour apprendre les bases du fuinjutsu aux jeunes générations.

L’autre main, libre, s’empare d’un des dessins de la Nindaime, qu’elle place au sommet de l’enchevêtrement de papier pour que toutes deux puissent mieux en observer les courbes. Il y avait nombre d’erreurs, entre les approximations et les fausses spéculations, qui rendait le sceau encore balbutiant parfaitement inapte à sa fonction. Alors que la Kamiko superpose l’exécution mentale et personnelle de la technique à la recherche de la kunoichi, elle tente de percer le problème majeur qui sépare la malédiction de l’échec et de la réussite. Ici et là, elle remarque des répétitions, nouvelles, dont l’usage lui paraisse étrange jusqu’à ce qu’elle mette le doigt sur ce qu’elle imaginait s’agir de marque d’encrage.

Glissant le schéma sur le côté, la brune aux yeux d’acier tire une autre feuille à elle, dessinant cette fois-ci son sceau à elle, entourant les parties identiques et plus particulièrement celle à laquelle elle faisait référence précédemment avant de poser la page à côté de la précédente. Les deux séries de symboles, à la fois différentes et identiques, luire une courte poignée de seconde lorsque la Kamiko esquisse les mudras d’enclenchement de la technique. Tendant leur petits bras d’encre en l’air, ils s’animent, avalant l’espace vide en démultipliant autour d’eux les appendices sombres à la recherche de leur victime avant de se résorber, une poignée de seconde plus tard.  

Saisissant une nouvelle feuille vierge et un crayon, la Kamiko s’empresse d’y tracer une série de ligne rudimentaire, retirant la portion de la technique destinée à infliger la douleur et la remplaçant par un changement de couleur pour marquer son activation. Si les lignes de la technique seraient très certainement identiques, l’effet lui, permettrait à la Nindaime de suivre sa progression pas à pas sans avoir à pleurer entre chaque essai. La modification, aisément identifiable pour quiconque versé dans l’art en question, devrait encourager la Tadake à ne pas hésiter dans le processus et, même l’aider à identifier la partie du sceau complet qui portait l’information destinée à attaquer les connexions nerveuses de sa victime. Un enseignement éclair, d’une pierre deux coups, que la brune tend à sa camarade, pour qu’elle examine les inscriptions et l’enchainement de mudra qu’elle aurait besoin de mémoriser.

Spoiler: