Le Grand Séminaire • ft. Gintaro

Ces derniers mois, la vie à Uzushio avait pris un tournant étrange. Ce n’était rien de particulièrement visible, et certainement que la plupart des habitants n’avaient pas la même impression que la jûnin en cet instant, mais il s’était passé une série d’événements qui, mis bout à bout, étaient révélateurs de profonds changements.

Tout le monde gardait un très net souvenir de la mort d’Uzumaki Haruka, ancienne Perle d’Uzushio, mais bien peu mesuraient l’impact que cela avait eu sur la politique et les projets de la nation. Bien sûr, de nombreuses choses avaient été gardées secrètes ; les découvertes de Junko elles-mêmes, intimement liées à la perte de l’ancienne Intendante, avaient été tues. Et pourtant. Il suffisait de prêter l’oreille pour comprendre que quelque chose n’allait pas.
Qui était ce jeune homme, revenu à Uzushio après des mois d’absence, sitôt enfermé dans quelque salle secrète de l’hôpital ? Pourquoi le Conseil avait-il voté la mise en place de nouvelles défenses, alors que le Sekai paraissait plus en paix que jamais ? Pourquoi avoir remanié tous les effectifs et changé les équipes ? Même le programme de l’Académie semblait avoir été révisé.

Lancé plusieurs semaines auparavant, le dernier grand projet du village avait été baptisé « Barrière ». Alliant Fuinjutsu et Sensorialité, c’était un bijou de technicité, une œuvre remarquable qui avait nécessité l’implication de nombreux experts du domaine : le clan Uzumaki, évidemment, mais aussi le Kuchiyose de l’Intendant, et Junko elle-même également.
Une barrière contre qui, ou quoi ? Les hautes instances restaient muettes. Elle en frissonnait d’avance. Aussi belle soit cette barrière, que pouvait-elle faire face à la puissance d’un Dieu ? C’était une bien maigre mesure, à ses yeux. Mais cela faisait partie d’un tout et peut-être finiraient-ils par s’en sortir… Peut-être.

En outre, ce projet pharamineux avait mis en avant quelques lacunes au sein d’Uzushio. Si les experts en Fuinjutsu étaient monnaie courante à Uzushio, notamment chapotés par le clan Uzumaki, le Conseil s’était aperçu que trouver leur pendant dans le domaine de la Sensorialité n’était pas une mince affaire. Il y en avait bien sûr, mais il existait de grandes disparités entre les différents membres de cette communauté. Tous n’avaient pas les mêmes connaissances, tous n’utilisaient pas les mêmes approches, tous ne parlaient pas le même langage. L’existence de différentes « écoles » au sein-même de la discipline complexifiait les travaux collectifs, comme le projet Barrière.

Un grand séminaire avait donc été organisé, avec l’espoir d’impulser un nouvel élan dans cette communauté, un nouvel esprit, plus solidaire. Au programme, une première journée d’échange, autour de la Sensorialité. Puis une seconde journée axée sur la pratique, une espèce de stage intensif, pour que les uns et les autres partagent leurs techniques. Des invitations avaient été envoyées à tous les shinobis dotés de ce don, et une annonce avait été déposée, à l’Académie, pour sensibiliser les plus jeunes à cet art délaissé.

La dame vivait la première journée comme un véritable calvaire. Guère amatrice de ce genre d’événements, mais consciente de ses bienfaits, elle était venu en trainant un peu des pieds. Elle s’était placée au fond de la salle, sur un côté, non loin des portes de sortie. C’était une pièce assez grande pour accueillir une cinquantaine de personnes, et pourtant on avait l’impression d’y étouffer. La faute sûrement aux murs capitonnés, aux volets fermés et au faible éclairage. On avait confié à un vieux monsieur du Conseil le soin de donner le discours d’ouverture, et ce dernier s’épandait en anecdotes toutes moins pertinentes les unes que les autres.

Bientôt, elle eut mal au crâne et profita d’un changement d’intervenant pour s’éclipser discrètement. Prenant soin de ne pas claquer la double-porte derrière elle, par respect pour le prochain à prendre la parole, elle prenait une grande inspiration. L’air frais de l’extérieur emplit ses poumons et elle se sentit revivre.
« Quel enfer… » songea-t-elle. « Ils auraient vraiment dû s’en tenir à la pratique. » Et pourtant, les Dieux lui en soient témoins, elle aimait comprendre avant de faire… Mais bon sang, ils auraient dû mieux choisir les orateurs. A ce rythme ils allaient dégoûter la jeunesse, pas l’intéresser.

Elle resta-là quelques minutes, perdue dans ses pensées, puis un bruit attira son attention. Quelqu’un sortait de la salle. L’on put alors entendre une voix lointaine, le temps que la porte se referme, et rien qu’à la monotonie du discours Junko sut qu’elle ne retournerait pas de sitôt à l’intérieur. Posant les yeux sur celui qui venait de sortir, elle lança : « Alors, on fait l’école buissonnière ? »  Ça n’était pas un reproche, et elle souriait même. Puis, désignant du menton la porte close, elle ajouta : « Ça m’étonnerait pas que d’ici quelques temps on soit plus nombreux dehors que dedans. » C’était dommage, car tout ça partait d’une bonne intention tout de même… Et à peine avait-elle fini de parler que déjà la porte s’ouvrait de nouveau.

« Oh, c’est donc ça que vous faîtes, tous les deux dans vot’ coin… »

Junko avait suivi le super Genin qui l’avait entraînée un peu à l’écart, mi amusée, mi curieuse. Il n’avait pas sa langue dans sa poche, et elle devait admettre qu’elle partageait son avis. Comme elle, il avait fui cette salle oppressante où se succédaient les intervenants. C’étaient de grands maitres, certainement, mais ils étaient tous plus soporifiques les uns que les autres. De bonnes intentions ne suffisaient pas toujours, malheureusement.
« Je suis Myōshin Junko. » s’était-elle présentée, sans préciser son super grade, avant qu’il ne lui propose un entraînement en tête-à-tête, avec l’envie de lui montrer une toute nouvelle technique de sensorialité. Elle l’avait laissé faire, malgré elle ; il avait une façon de parler et de se mouvoir tout à fait engageante, qui invitait à la bienveillance et à la confiance. Tout semblait si spontané, si désintéressé. En le regardant, elle se dit qu’il devait être populaire dans sa communauté, car il semblait avoir tout pour plaire.

Gintaro venait donc de faire la démonstration de cette fameuse technique de détection à distance – qui n’était d’ailleurs pas sans rappeler une autre des techniques de la jûnin – lorsqu’une voix fluette les avait interrompus.
Se retournant, la dame découvrit une gamine à la moue boudeuse, les bras croisés dans le dos, mâchouillant nonchalamment la corde de son pull-over. « C’est quand même vach’ment tordu de s’cacher, en plein séminaire sur la sensorialité, vous pensez pas ? » Junko laissa échapper un éclat de rire. Son attitude était impertinente, mais ses propos tout à fait lucides. Il était vrai que le duo s’était mis à l’écart de la salle de conférence et de ceux qui en sortaient, mais tous étaient doués pour ressentir le chakra. La seule exécution de la technique de Gintaro devait avoir attiré l’attention. « Qu’est-ce que tu veux ? » demanda la dame sans animosité, car il était évident que la jeune fille n’était pas là hasard. Cette dernière considéra la jûnin un instant, l’air surpris, avant de répondre comme si c’était une évidence : « Ben, m’entraîner avec vous. Et les autres aussi, j’parie. Si on est là, c’est clairement pas pour écouter deux vieux se disputer sur une estrade. »

Les « autres », c’étaient ces quelques personnes qui s’étaient éclipsées de la salle de conférence et qui trainaient à présent dans le patio de l’Académie, désœuvrées ou écœurées. D’un haussement d’épaules, Junko indiquait au garçon qui l’avait abordée que, pour elle, ça ne changeait rien. Pour lui non plus, sûrement, puisqu’il l’avait abordée sans la moindre réserve. Qui plus est, il semblait rôdé à l’exercice ; on sentait l’amour de l’enseignement, lorsqu’il se lançait dans des explications. « De toute façon, je ne crois pas que nous ayons le choix. » ajouta la jûnin avec malice.

Quelques minutes plus tard, ils formaient un groupe d’une demi-douzaine de personnes. D’un regard, Junko jaugea l’assistance. Il y en avait pour tous les grades et tous les niveaux. D’ailleurs, certains jugèrent la technique de Gintaro trop complexe, et préférèrent former un petit groupe à destination des débutants. Ils auraient pu faire totalement bande à part, mais la dame devinait que la présence d’autres senseurs à proximité les motivait. Il naissait une émulation féconde entre les groupes.
« Je vais essayer de faire ta technique. N’hésite pas à pointer du doigt ce qui ne va pas, cela servira d’exemple aux autres. » lança Junko en direction de celui qui était devenu le centre de l’attention, tandis qu’elle se plaçait à ses côtés. Elle lui épargnait, de cette façon, un nouveau monologue explicatif. De toute évidence, l’on apprenait bien plus des échecs que des réussites. La démonstration du Genin en était la preuve : elle ne doutait pas qu’il ait réussi sa détection, un peu plus tôt, mais concrètement elle n’avait rien senti, elle. Difficile de savoir ce qu’il se passait précisément au moment du déclenchement de ladite détection – ni comment elle se déclenchait, d’ailleurs.

De fait, ce serait certainement la partie la plus problématique, pour Junko. Puisqu’elle maîtrisait une technique fonctionnant sur le même principe, elle ne pensait pas avoir une quelconque difficulté à lier son chakra à l’objet. En revanche, à l’inverse du Hyouki Fuin qui permettait de repérer la marque et de la suivre, il s’agissait là d’utiliser son don de sensorialité à travers l’objet. Du moins, de ce qu’en disait le jeune homme…  
La dame sortit un petit kunai et y stocka un peu de son chakra, avant de le lancer un peu plus loin. Alors, elle ferma les yeux et tenta de visualiser l’espace. Rapidement, plusieurs tâches apparurent ; elle sentait le monde qui l’entourait d’une toute autre façon. Se concentrant davantage, elle s’efforça à focaliser son attention sur l’arme au sol. Son chakra, là-bas. « Le mudra du Tigre… » murmura-t-elle, cherchant l’assentiment de son professeur improvisé. Elle s’exécuta alors. Mais que devait-elle faire précisément ? Dans le doute, elle chercha à se projeter vers l’endroit où se tenait sa marque, projeter son esprit ou son don, si tant est que ce fut possible. Sans succès.

Elle rouvrit les yeux. « Je ne comprends pas. » dit-elle simplement, constatant que, tout autour, on la regardait avec des yeux interrogateurs – ce qui n’était pas pour arranger la situation, d’ailleurs, car elle commençait à se sentir nerveuse. Reportant son attention sur Gintaro, elle poursuivit : « J’essaie de visualiser le chakra dans la direction de l’arme, mais j’ai l’impression que ce n’est pas tout à fait ça. Comment faire pour créer l’onde de détection ? Quoi que je fasse, j’ai l’impression que cela part toujours de moi. »

« Le point central, ce n’est pas vous, mais le point de chakra... » L’air grave, la jûnin écoutait le jeune homme avec beaucoup d’attention. Elle n’était pas certaine de comprendre encore toute la physique du chakra derrière la technique qu’il lui avait présentée, mais ses explications l’aidèrent toutefois à percer le mystère de son échec. En particulier, elle comprit que son erreur se situait dès l’introduction de son chakra dans l’objet. Focalisée sur la ressemblance de la technique avec le Hyouki Fuin, elle s’était contentée de stocker le chakra dans l’arme, sans songer à la façon dont elle aurait à l’utiliser ultérieurement. Il ne fallait pas se contenter de l’entreposer là, mais lui donner la possibilité d’en ressortir, si possible sous la forme d’une vague. Mais serait-elle capable de ressentir le contact de son chakra, ainsi isolé, puis dissipé dans l’air ? C’était une expérience tout à fait nouvelle pour Junko.

Le temps qu’elle fasse le point sur la situation, Gintaro s’était occupé du petit groupe et chacun avait commencé à essayer des choses de son côté. En voyant tout ce beau monde s’activer, elle eut un sourire discret. Il n’avait pas tort, il y avait un quelque chose de satisfaisant à pratiquer de la sorte. Pour elle, c’était aussi rassurant de voir que la jeunesse d’Uzushio n’avait pas été complètement abrutie par le système éducatif d’Uzushio. Elle avait toujours trouvé curieux l’existence de ces amphithéâtres où les enfants passaient des heures assis, sans jamais avoir de moment pour penser eux-mêmes. Mais il y avait encore des gens avec une flamme, visiblement, au milieu de la masse dormante, de ceux qui suivaient les ordres sans se poser de questions. « Ils ont mal choisis les animateurs, ça c’est sûr. Ils auraient dû nous demander ! » répondit-elle, amusée, avant de lui faire signe qu’elle allait réessayer sa technique. Cette fois, avec un tout nouveau regard.

Eloignée de quelques pas de Gintaro, elle considéra sa lame un instant. Puis, s’inspirant de l’art des sceaux, et songeant à la façon dont elle pouvait enfermer son chakra pour le libérer ensuite, elle produisit une première version de cette phase préparatoire du Kenshutsu Tagu. Le procédé n’était pas parfait, à l’évidence, mais il ferait l’affaire. Jetant le kunai aux pieds du genin, elle se lança. D’un mudra, elle activa le mécanisme qui retenait prisonnier son chakra. Curieusement de voir si cela produisait le moindre effet, elle avait activé, dans le même temps, son don sensoriel, à la recherche de sa propre signature de chakra. De fait, elle put constater que celui-ci se dispersait peu à peu dans toutes les directions. La première phase était une réussite, en quelque sorte.
« Je crois que j’ai bien compris cette histoire d’onde. Tes explications étaient très claires. » dit-elle en rejoignant le jeune homme. Elle ramassa le kunai par terre. « Mais je vais devoir recommencer, j’étais bien trop concentrée là-dessus, et j’en ai oublié de détecter quoi que ce soit. » Elle eut un haussement d’épaules, visiblement désolée.

A la seconde préparation du kunai, elle avait déjà de nouvelles idées pour en améliorer l’efficacité. L’onde serait plus rapide, mais également plus intense. Et cette fois, elle se garda bien de vérifier que cela fonctionnait, elle se fit confiance.
Détecter à distance avait un quelque chose d’étrange. En pratique, elle se rendit compte que le résultat était le même, à savoir qu’elle ressentait les choses de la même façon. Mais elle avait cette impression d’être dans la peau de quelqu’un d’autre. C’était confus, et elle ne parvenait pas à mettre le doigt sur le problème avec précision, aussi se garda-t-elle bien de partager ses doutes avec le groupe. Elle confirmait simplement, avec l’aide de Gintaro, que la technique avait bel et bien fonctionné : elle ressentait le chakra du genin avec précision, aussi loin fut-il de sa personne – pourvu qu’il reste dans la zone de détection. Aussi, elle s’en contenterait pour l’instant, mais elle notait dans un coin de sa tête de s’attarder sur le sujet dès qu’elle aurait un peu de temps.

Rejoignant le reste des pratiquants, elle entreprit de partager son expérience avec ces derniers, espérant que cela leur soit bénéfique. L’autre groupe semblait avoir bien progressé également, car plusieurs exclamations joyeuses s’élevaient régulièrement.
Elle eut un sourire satisfait, avant de s’approcher de nouveau du genin. « Gintaro, je me demandais… Tu as dit que tu étais super genin. Est-ce que tu donnes déjà des cours à l’Académie, par hasard ? Tu es dans quelle équipe ? » Consciente que de telles questions pouvaient paraître curieuses, elle se justifia : « Je trouve que tu as un bon contact avec les autres, tu sais t’exprimer et expliquer les choses clairement. Je sais que, parfois, on fait quelques entorses au règlement concernant le grade des professeurs, donc ça ne me surprendrait pas… »
Et d’ajouter, finalement : « Merci pour cette technique, en tout cas, elle sera vraiment utile. C’était une belle découverte. Je peux peut-être t’apprendre deux trois trucs, moi aussi ? » A vrai dire, elle cherchait comment le remercier de façon plus concrète. « Voyons voir, est-ce qu’il y a quelque chose que tu aimerais pouvoir faire avec la sensorialité en particulier ? J’aurai peut-être une réponse à t’apporter. »

Haruka, Sanada, Mifuyu, Rinkusu… Tous ces noms que Junko connaissait bien, toutes ces personnes qu’elle affectionnait, d’une façon ou d’une autre, se retrouvaient sur les lèvres du genin. Comment était-ce possible que leurs chemins ne se soient jamais croisés, auparavant ? La dame regardait Gintaro avec un intérêt renouvelé ; comme un mystère qu’on aurait volontairement placé sur sa route. Mais pour quelle raison ? Devait-elle vraiment y voir un signe ?
Elle pencha la tête sur le côté, pensive. Pour l’heure, elle ne pouvait être sûre de rien concernant cette coïncidence, mais une chose était bien certaine en revanche : elle appréciait sa présence, son contact. Il y avait un quelque chose de rassurant et d’apaisant à être à ses côtés. C’était étrange, alors qu’ils ne se connaissaient absolument pas et qu’elle devait avoir plus du double de son âge… Mais elle décidait de s’accrocher à cette impression, à ce sentiment de sérénité. Elle allait l’aider, elle le voulait sincèrement.

« Une équipe ? » répéta-t-elle machinalement. « C’est… Compliqué. » Ses sourcils s’étaient froncés dans une mimique soucieuse. Elle aurait volontiers évité le sujet, mais elle ressentit le besoin de se justifier. « J’étais le chef d’équipe de Shun et Tsume, je ne sais pas si tu les as connus. » Cela datait de plusieurs mois, voire d’une année déjà, mais c’était encore brûlant dans son esprit. Ils avaient disparus, tous les deux… « On m’a récemment assigné une nouvelle équipe. Des genins… Ça fait bizarre d’avoir des enfants… Enfin, ce n’est pas contre les genins, bien sûr… » Mais c’était une évidence ; passer de Shun et Tsume à des gamins tout juste sortis de l’Académie, ça méritait forcément un temps d’adaptation. Sans parler de Minato, qui avait refait surface et qu’elle avait promis de prendre sous son aile… Elle haussa les épaules, cherchant à passer à un autre sujet.

« Fuinjutsu et Genjutsu, tu dis… » Voilà qui était intéressant… Elle avait déjà côtoyé les membres de l’équipage de Rinkusu, à l’issue de leur toute première rencontre, mais cette information lui avait échappé. Peut-être devrait-elle passer plus de temps sur le navire de l’intendant, à l’occasion. Ils auraient surement des choses à partager. « Je crois que j’ai exactement ce qu’il te faut. » Elle avait immédiatement pensé à l’Œil Invisible, un jutsu qui lui avait déjà rendu service maintes fois et dont elle connaissait parfaitement tous les tenants et aboutissants.
« Seishin-tekina jirai jokyo n’est pas une technique évidente à apprendre et utiliser, mais je suis confiante, tu sembles avoir une bonne maîtrise de ton chakra et, je trouve, une excellente compréhension des techniques de sensorialité. Tu devrais t’en sortir… Bien sûr, nous ferons des pauses dès que nécessaire, inutile de vouloir trop en faire ! » Non, elle n’avait pas oublié qu’en dépit de son super grade, il n’était que genin. Elle avait bien conscience des limites physiques – en termes de réserve de chakra, surtout – que pouvait avoir le jeune homme.
Il n’en avait probablement pas conscience, mais le simple fait qu’elle témoigne autant de sollicitude, lors d’un enseignement, n’avait rien d’habituel. La plupart du temps, elle poussait ses élèves dans leurs retranchements, continuait d’avancer sans aucune considération pour eux, ni pour leur état d’épuisement. Non, il y avait résolument quelque chose avec Gintaro, sans qu’elle ne puisse mettre le doigt sur quoi, qui l’invitait à la bienveillance, naturellement…

Oubliant le reste du groupe, elle se lança dans une première explication de la technique, non sans une certaine effervescence qui témoignait de son intérêt profond pour les domaines dont il était question. Fuinjutsu, Genjutsu, Sensorialité… Il y avait tant à savoir, tant à apprendre et à enseigner.  « La première difficulté, c’est de bien distinguer le chakra qui vit, celui qui circule dans nos corps, de celui qui est figé, inerte, dans l’attente que quelqu’un le réactive. » Ce jutsu, elle l’avait enseigné à Haruka, il y avait fort longtemps – lors de leur toute dernière rencontre, d’ailleurs – et jamais elle n’oublierait la comparaison qu’avait faite la jeune femme : du chakra mort. Mais elle avait raison ! Junko avait donc repris ses termes, pour les transmettre à Gintaro.
Tout en parlant, la jûnin avait sorti un parchemin explosif de sa besace et l’avait disposé au sol, bien visible. « Il faut savoir faire cette distinction, mais malheureusement elle n’est pas possible sans l’Œil Invisible. La plupart des techniques de sensorialité, et même notre sensibilité passive au chakra, se focalisent sur la forme vivante du chakra. » C’était un peu le serpent qui se mordait la queue, à vrai dire. Pour réussir la technique, il fallait reconnaître quelque chose qu’elle seule pouvait nous montrer. A première vue, cela pouvait sembler décourageant, mais Junko était confiante.

Elle joignit les mains et effectua plusieurs mudras, lentement pour que le jeune puisse les noter mentalement. « Une fois que l’on sait reconnaître le chakra sous toutes ses formes, le principe de la technique est très simple : faire abstraction de tout ce qui a trait au vivant, pour ne se focaliser que sur les traces inertes, résiduelles, bref les irrégularités qui troublent l’ordre naturel et qui sont tout simplement des Fuinjutsu, ou des Genjutsu… » Elle désigna du doigt le parchemin explosif qui, à ses yeux, brillait de mille feux. Puis, se tournant vers le genin avec un sourire, elle poursuivit : « Mais bon, nous n’en sommes pas encore là. Essaie déjà de percevoir les différences entre le chakra stocké dans ce parchemin et mon propre chakra, grâce à l’Œil. Décris-moi ce que tu vois. »