Témoin genant - ft Yashiro

    La veille, tôt dans la matinée, Yashiro avait été réveillé par Ento. Le garçon avait martelé la porte de l’appartement du sabreur, jusqu’à ce que celui-ci daigne lui ouvrir, loin d’être réveillé et encore un peu embrumé. Le Senju lui avait demandé de l’accompagner pour une petite mission de routine ; il aurait bien voulu la faire seul, mais en tant que genin, il n’avait pas le droit de sortir du village. Yashiro avait failli lui répondre de ne pas se soucier de ces règles et de faire comme il le désirait, mais le chûnin avait finalement décider d’accepter la requête de son nouvel acolyte, avant de repartir se coucher. S’il était habituellement du matin, ses folies de la veille dans plusieurs bars de Konoha avaient eu raison de lui et l’empêchèrent de faire quoi que ce soit de la journée.

Le lendemain matin, il n’avait cependant pas oublié ses obligations. Comme à chacun de ses rendez-vous, il partit de chez lui pour être un peu en avance ; le jeune homme détestait être en retard. Arrivé aux portes du village, il constata qu’Ento était déjà là ; Yashiro fut bien amusé de se trouver un nouveau point commun avec le genin.

« Et bien Ento ! Toi et moi on est fait du même bois j’ai l’impression. T’es là depuis longtemps ? », Yashiro fronça les sourcils à la vue du bras d’Ento, entouré d’un beau morceau de plâtre ; bien trop dans les vapes la veille, il n’avait même pas remarqué la blessure du gamin. « Ha, va pas falloir qu’il y ait trop d’actions aujourd’hui, tu t’es fait quoi au bras ? »

Yashiro écouta la réponse de son élève du jour, puis sortit le parchemin de mission qu’il lui avait remis le jour d’avant. Le chûnin n’avait pas pris le temps le temps de le lire en amont ; après tout, ce n’était qu’une mission de rang C. Néanmoins, s’il comptait à la base laisser le gros du travail à Ento, ce bras dans le plâtre venait changer quelque peu la donne et forçait le sabreur à être un poil plus impliqué. Yashiro murmura le contenu du document à toute allure, comme pour mieux s’en imprégner, puis rangea négligemment l’ordre de mission dans son sac et releva les yeux vers le genin.

« À priori, ça ne devrait pas être trop dur. Faut qu’on retrouve un corbeau, qu’on mène l’enquête et qu’on comprenne qui est à l’origine de ce chantage et pourquoi il fait ça. Bon, le mieux c’est qu’on se mette en route et qu’on aille demander au commanditaire de ce travail plus de détails. Si tu es prêt, en route ! »

Les deux compères quittèrent donc Konoha et s’enfoncèrent dans les bois avoisinant le village, suivant les routes et sentiers en direction du village d’Awara, situé à moins de deux heures de marche. Le trajet fut l’occasion pour les deux shinobis d’échanger et d’en apprendre un peu plus l’un sur l’autre. Évoquant le kenjutsu, la vie de shinobi et leur famille respective, une complicité naissait entre Yashiro et Ento. Les deux loubards disposaient de nombreux points communs et leur caractère semblaient en adéquation.

Le trajet passa ainsi assez vite pour le chûnin qui n’eut même pas le temps de se perdre dans ses pensées. Le village d’Awara semblait assez rustique ; une centaine d’habitants devait habiter dans ce bourg. La majorité des masures étaient assez petites et destinées à une population plutôt pauvre. Seuls quelques maisons avaient l’air un poil plus riche ; au milieu du village trônait un important bâtiment, probablement le centre politique de la communauté. S’approchant de la place centrale, Yashiro se tourna vers Ento.

« Je pense qu’on va aller dans ce gros bâtiment et demander où habite ce Okamoto Tomura. Puis on ira l’interroger sur cette histoire de corbeau. Comme je suis censé être le « chef » », Yashiro mima des guillemets, montrant qu’il n’attachait pas spécialement d’importance à ce statut, « je vais m’occuper de représenter le village et d’être l’interlocuteur auprès du commanditaire la mission. C’est pas trop mon délire, mais bon, faut bien le faire… »

Faisant signe à Ento de le suivre, Yashiro reprit sa marche et entra dans le hall de l’imposant bâtiment. Une sorte d’accueil se trouvait là, avec une jeune femme à moitié endormie derrière un bureau où s’entassait des piles de dossiers mal rangés. Le chûnin racla sa gorge pour manifester sa présence, ce qui ne manqua pas de faire sursauter la demoiselle.

« Heu oui, que puis-je pour vous messieurs ? »

« Bonjour, nous sommes deux shinobi de Konoha », Yashiro arbora son sourire le plus enjôleur. « Je m’appelle Yashiro Shindo. Nous avons rendez-vous avec Okamoto Tomura pour une histoire d’enquête. Vous pourriez peut-être me dire où il habite ? »

La jeune femme lui répondit avec un air presque accusateur. « Ah, c’est donc vous les détectives privés que l’on attendait », elle se leva et invita les deux shinobis à marcher derrière elle jusqu’à la sortie du bâtiment « Alors, vous prenez la rue juste là-bas, puis la deuxième à droite. Vous arriverez dans une ruelle étroite et vous ne pourrez pas rater la maison familiale des Okamoto : c’est la seule du pâté de maison qui ne soit pas une simple maisonnette de paysans. »

Yashiro remercia son interlocutrice pour ses consignes limpides et concises, puis la salua d’un geste de la main. La petite équipe suivit les directions données et arriva en effet dans une ruelle occupée par trois masures et un imposant manoir, un peu caché par les autres bâtiments plus pauvres. Le chûnin entra sur la propriété sans même se manifester et traversa un petit jardin très bien entretenu et aménagé avec beaucoup de goût. Des fleurs de toutes les couleurs se trouvaient dans les plates-bandes, les arbres étaient taillés au centimètre près et l’eau du petit étang était tellement propre qu’elle pouvait presque aussi servir de miroir.

Les deux shinobis arrivèrent sur le seuil de la maison et Yashiro frappa à la porte. Ils furent accueillis par un homme qui, à en juger par sa tenue vestimentaire, était le domestique de la famille. Après s’être introduit en bonne et due forme, les deux ninjas furent invités à patienter dans un petit salon, tout aussi beau que le jardin.

« Messieurs, je vais vous chercher monsieur Okamoto de ce pas. N’hésitez pas à vous servir une boisson en attendant », le majordome désigna du bras un service à thé disposé au milieu de la petite table du salon.

Yashiro se servit un thé et en proposa un à Ento. Ils discutèrent très brièvement de la décoration du lieu, mais furent rapidement interrompu par un homme bien habillé, arborant un kimono au tissu brillant et précieux, et à l’air bien sûr de lui. Il n’y avait aucun doute quant à l’identité de l’homme.
« Okamoto Tomura je présume ? », la question de Yashiro était bien entendu rhétorique. « Nous sommes les shinobis chargés par Konoha d’enquêter sur votre histoire de corbeau. Mais peut-être pourriez vous nous briefer plus en détail et nous raconter toute votre histoire ? »

L’homme ne répondit pas immédiatement et s’installa sur l’un des fauteuils libres du salon. Il jaugea d’un regard sévère les deux shinobis, s’arrêta une demi-seconde sur le bras d’Ento et poussa un soupir de déception presque imperceptible.

« Effectivement, je vois que Konoha m’a envoyé la plus fine fleur de ses shinobis », déclara-t-il d’un ton obséquieux. « Il n’y a pas grand-chose à raconter. Je dois me marier, mais depuis maintenant une semaine, quelqu’un me calomnie et menace raconter des propos diffamatoires à mon égard si je ne romps pas mes fiançailles », Tomura fit une pause et se racla la gorge. « Il est bien évidemment hors de questions que je cède au moindre chantage. Ma demande est donc très simple : retrouvez la trace de ce corbeau et débarrassez-vous-en, peu importe comment. »

On sentait de la colère dans la voix de l’homme ; il devait à peine avoir une vingtaine d’années, mais il semblait plus déterminé que beaucoup d’adultes plus âgés que lui. Sa demande déstabilisa un peu Yashiro qui ne s’attendait pas à devoir résoudre la situation de cette manière. Cachant ses doutes, il se contenta de chercher une piste quant à l’identité de ce mystérieux corbeau.

« Très bien, c’était un exposé ma fois très clair… », le chûnin se garda bien de dire que l’ordre de mission évoquait une potentielle tromperie, ni de faire remarquer à son interlocuteur que son ton ironique était déplacé. « Nous allons donc nous mettre au travail. Auriez-vous la moindre piste à nous suggérer ? De potentiels ennemis ? De même, pourriez-vous nous indiquer où habite votre fiancé ? Nous veillerons bien évidemment à ne pas l’alarmer sur ces histoires de menaces et prétexterons que nous sommes missionnés pour assurer la sécurité et le bon déroulé du mariage. »

L’homme prit un long moment pour réfléchir, pesant le pour et le contre.

« Hm, je ne suis pas ravi que vous parliez à ma future femme, mais j’imagine que c’est potentiellement le mieux à faire. Elle s’appelle Sano Ebushi, vous n’aurez pas de mal à trouver sa maison, c’est littéralement la plus grande du village. Dirigez-vous à l’entrée est du village, son domaine est juste à côté », il prit une gorgée de thé, puis donna les derniers premiers éléments de l’enquête. « Quant à mes ennemis, je doute réellement en avoir. Mais le patron de la taverne, un certain Kyoshiro, il ne m’a jamais vraiment aimé, sans que je ne sache trop pourquoi. Je doute que ce soit au point de vouloir briser mon futur mariage, mais sait-on jamais… »

Disposant de deux pistes potentielles, les deux shinobis quittèrent le domicile Okamoto et retournèrent sur la place centrale du village. Yashiro avait fait le travail préliminaire, c’était maintenant à Ento de montrer son savoir faire de shinobi. Le chûnin ne savait pas réellement comment mener cette mission. Le commanditaire semblait cacher quelque chose et il n’incarnait pas l’homme le plus sympathique que Yashiro ait pu rencontrer. Par ailleurs, si cette affaire de tromperie était belle et bien avérée, était-ce une bonne idée de garder ça sous silence ? Enfin, le jeune homme avait un ultime doute sur ce que Tomura voulait dire par se « débarrasser » du corbeau. Sous-entendait-il un meurtre ? Le shinobi avait donc de nombreuses réserves, mais il fallait éclaircir un peu plus la situation avant de prendre quelconque décision.

« Bon Ento, t’en penses quoi de tout ça ? Je trouve que ce Tomura est bien louche, je le sens pas. Je sais pas si on va mener la mission comme il voudrait l’entendre, mais on verra bien. Je te laisse me montrer à quel point tu sais mener l’enquête et, en cas de besoin, je t’appuierai. Tu veux qu’on commence par quelle piste ? Le tavernier ou la future femme ? »