Allongé dans ma chambre, sur le lit bien trop petit... Je m'amusai à lancer une petite balle faite avec les moyens du bord, de la laine tiré pendant de longues minutes d'un vêtement abandonné trouvé dans une armoire. L'ennui était mortel. Il était tard, mais je n'avais aucune envie de sortir...
Je vivais depuis quelque temps dans un cube, une pièce nue qui me faisait regretter l'appartement que j'occupais avec mon frère... Les travaux prenaient du retard et je ne m'amusais plus du tout de cette situation. Malgré le caractère désagréable du cadre, c'était quand même un bâtiment martial doté de nombreuses cours d'exercice. Le lieu parfait pour un entrainement, placé sous le signe du kenjutsu : Nozomo, katana... Mais également tous les autres Bukijutsu ainsi que le taïjutsu.
"Mais bordel, je suis un juunin et pas un stagiaire..."
La vue de la seule fenêtre du lieu était pas mal, mais cela me rappelait le caractère extrêmement serré de mon logement... Nous aurions pu être mieux loti chez les Akayuki, mais nos ambitions politiques nous destinaient à souffrir encore un peu dans ce domaine. J'avais bien essayé de faire chier, à ma manière, mais trop de tractions tuaient les tractions et certains voisins s'étaient pleins de mes bruits pendant l'effort...
"Heureusement que je ne ramène pas Honoka ici."
J'aurai bien pu crécher chez elle le temps que la vraie maison soit prête, mais cela représentait une fuite... Encore et surtout cela devenait un peu trop sérieux si j'habitais avec elle. Nous n'étions pas vraiment prêts à ce sérieux là, enfin moi... Enfin, je ne savais pas vraiment.
La balle textile manqua ma main pour atterrir à côté de mon coude, ma déconcentration était totale... Un jeu médiocre, occupant quelques minutes de mon temps de vie, pour aussitôt disparaitre dans mes pensées parasites.
- Je dois sortir d'ici, je suis comme un poisson dans un bocal.
Le bâtiment était composé de plusieurs cours, avec les dortoirs collectifs et la cantine très proche. "Parfait pour un petit encas nocturne". Le Yukio enfant avait profité de cette organisation du domaine pour... Se balader, oui, avec quelques tartines. C'était cet endroit plein de nostalgie nocturne que je choisis une nouvelle fois pour tromper mon ennui... Pas forcément pour manger, mais pour chiper quelques boissons.
"Un miracle serait de trouver du maté."
Je n'étais plus un enfant en formation, je pouvais faire ce que je voulais... Alors, d'un sourire, je déverrouillais la porte pour m'engouffrer dans la brèche que je n'avais jamais employé puisque... J'étais parti très tôt du domaine.
- Hayato, je pars ! "Ah oui, il n'est pas là." Celui-ci, après m'avoir engagé comme explorateur officiel du village, avait fait ses pérégrinations entre les gens... Ogawa ? Kirai ? Une belle bande qui allait rendre les réunions du bas conseil des plus festives ! Ricanant en descendant les escaliers, je débouchai sur la cour... C'était ici que j'avais mis en déroute Bunbei et Kazuki, plus loin, c’était Rokuemon que j'avais battu, à l'écart des regards.
"Un lieu chargé d'histoire."
Le pas léger, je m'avançai vers le bâtiment culinaire pour aller fouiller dans les cuisines... Choppant une bouteille d'alcool, j'allais me faire chauffer de l'eau pour un thé. Une longue nuit m'attendait et je voulais gouter aux deux plaisirs. Un bruit de porte me fit lever la tête : Il y avait quelqu'un. Un vieux réflexe enfantin me fit me cacher un peu, comme si j'étais hors la loi... Pour autant, j'avais le droit ! On m'avait quasiment puni dans cette pièce vide, je pouvais bien me servir un coup ! Hein ? Laissant passer une partie de mon visage, je m'enquérais du fauteur de trouble :
- Qu'est-ce que tu fais là ?
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Nozomo Hayato
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Couché sur son futon le jeune intendant n’avait plus le loisir de dévisager son plafond sale et craquelé… Seul spectacle de ses deux orbites ouvertes ? Un blanc parfaitement uniforme, propre aux chambres sans âme ni vie. Il ne lui était pas aisé de trouver le sommeil dans pareil cagibi mais la situation se voulait temporaire. "Une semaine !" Lui avait-on assuré. Un mois plus tard, alors qu’il était parti réclamer des comptes, la réponse était restée inchangée. "Plus qu’une petite semaine tout au plus !" Que diable faisaient les ouvriers de leur temps ? Se contentaient-ils de prendre place dans les chambres pour boire manger et discuter ? ou bien trouvaient-ils entre deux pauses, le temps de travailler ? À moins que le problème soit en réalité d’un tout autre ordre… Les anciens avaient tempêté contre le retour des "enfants prodiges". Ils s’étaient trouvés bien soulagés lorsque les deux jeunes adultes avaient décidé d’eux même de quitter l’enceinte du bâtiment. Loin des yeux, loin du cœur, ils pouvaient ainsi sans mal écarter les deux frères de toutes décisions propres au clan. Leur retour sonnait donc comme une ingérence, une intrusion, à laquelle les anciens devaient trouver une solution. Deux inconnus sans le sang qui revendiquaient une place d’importance, cela aurait été facile de s’en démettre… Deux inconnus, élevés au sein du domaine, junin et imminant représentants du village…. Voilà une équation bien plus complexe.
Dans la clarté relative de sa petite chambre, dont les rayons de la lune parvenaient tout juste à dessiner le pourtour des meubles, en passant par le seul et unique, tout aussi petit fenestron. Hayato se tourna et se retourna en quête de son sommeil. Une nuit d’insomnie ? Alors quoi de plus intéressant pour le pauvre homme privé de repos que ce bruit de porte grinçante ? Est-ce que cela aurait pu être n’importe quel Nozomo allant aux toilettes ? Oui. Mais la distraction d’un visage entraperçu dans un couloir restait néanmoins bien plus ludique qu’une lourde et solitaire… attente. D’un pas leste, Hayato vint donc à son tour quitter sa cage et s’engagea à la poursuite d’une ombre fuyante. Si dans un premier temps il n’avait pu discerner l’homme ou la femme, derrière la silhouette. Le fumet que trop bien connu de son frère parvint à ses narines. Yukio s’éclipsait-il en douce ? Allait-il rencontrer sa belle pour un rendez-vous secret au clair de lune ? Depuis quand était-il si romantique ? Pire, depuis quand Honoka était-elle romantique !?
Malheureusement, en guise de sorti exquise et interdite, les pas du cadet Nozomo menèrent les deux frères jusqu’au réfectoire. Là-bas, le zélé samouraï s’affaira à piller consciencieusement les réserves claniques. Aucune règle n’interdisait réellement les membres du clan à se servir librement. Mais il était tacitement admis que la répartition équitable des parts était l’affaire des cuisinières.
Plus Nozomo que les Nozomo… Un vrai coquin
Un courant de malice traversa les traits de l’intendant. Il était persuadé que son frère n’avait jusque-là pas encore senti sa présence. L’opportunité de jouer un vilain tour ? Rien de plus qu’une boutade… La nuit avait été si… ennuyante. Plongé dans l’obscurité, le junin farceur composa alors les mudras nécessaires à sa technique de métamorphose. En quoi avait-il décidé de se changer ? Honoka ? Trop prévisible. Un des anciens ? Pas très amusant… Non, en définitive, il savait parfaitement quelle apparence revêtir.
Sortant des ombres, un haut-de-forme sur la tête et dansant plus qu’il ne marchait. Le shinobi vint se planter à distance respectueuse du voleur nocturne. Un sourire dérangeant traversant son visage, pointé en avant et tenant son chapeau bien haut. Il exécuta ainsi une profonde révérence. Kirai saluait son ennemi naturel.
"Bonsoir~ Yukio…"
Toutes les bonnes choses ayant cependant une fin et les meilleures blagues restant les plus courtes. L’intendant annula, dès sa révérence terminée, la technique. La mine passablement amusée, il embraya.
"Alors, alors. On pille l’alcool Nozomo ? Que diraient les anciens…"
Nozomo Yukio
Suna no Jonin
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Non pas que j'avais peur du personnage en face de moi, mais je me disais que cramer le réfectoire des Nozomo, cela faisait mauvais genre. Une voix mielleuse, une apparence squelettique et une aura de morbidité, c'était bien Kirai en face de moi... Chez les Nozomo. "La dernière fois qu'il s'est pointé, il y a eu des menaces..." Posant la bouteille et le verre sur la table, dans la cuisine, je scrutai les mouvements du salopard qui fit une révérence et... Effectua un mudra ? Tendu, je me préparai à courir sur le côté alors que mes yeux changeaient de direction pour éviter le moindre genjutsu.
Le "pfff" de la détonation d'un petit nuage me rendit curieux alors que je me planquais derrière un pilier. Revenant sur mes pas, je lâchai un œil, de nouveau, pour voir Hayato... "Le petit con." Amusé, en partie, je sortais de ma cachette pour rire un bon coup. Le stress, sans doute.
- Tu n'aimes vraiment pas le domaine pour me tenter de la faire brûler ainsi... Éliminer la vermine, c'est ma priorité ! Attrapant de nouveaux la bouteille d'alcool de riz et un verre, que j'accompagnais d'un second pour mon frangin, je dégageai mon index et mon majeur du goulot du récipient pour faire un mudra et apparaitre derrière l'impromptu visiteur.
La vitesse me permit de le surprendre, petite vengeance, et de lui taper le cul des verres sur la nuque, gentiment. Je n'avais pas la foi de lui en mettre une, cette fois. Il ne m'avait pas fait une balayette devant tout le monde... Cela restait une petite blague privée.
- Il y a de l'eau qui chauffe, pour un thé... C'est plus sage de boire ça. M'asseyant, je débouchai la bouteille pour servir deux rasades de gnôle. Mais nous ne sommes pas sages, ça non. D'un sourire, j'invitai le grand dadais à me rejoindre. Tu viens aussi pour boire un coup ou bien tu me suis ? La deuxième idée me semblait curieuse, il me surveillait ? Je préférais croire que c'était un hasard.
Même si mon intendant d'aîné restait un manipulateur né, je restai convaincu qu'il ne me mentait jamais et que je restai à l'écart de ses machinations... En tout cas comme objet, comme acteur, je voulais bien. Cela m'arrangeait même assez bien, puisqu'il était le cerveau, je m'étais spécialisé dans l'exécution méthodique de ses plans... Un fonctionnement qui avait marché un bon moment et dont j'avais tiré des pratiques sans équivoque. "Traîne avec des millionnaires, t'as des chances d'attraper des millions Traîne avec des pouilleux, t'as des chances d'attraper des poux."
Levant mon verre, je trinquai silencieusement : Il n'y avait rien à fêter, si ? Notre arrivée chez les Nozomo était marqué par l'exclusion dans des petits appartements, il n'y avait rien de glorieux. Pour l'instant. Le goût chaud et sucré atteint ma gorge aussitôt, pour fouiller mes entrailles... Cela réchauffait le corps alors que les jours raccourcissaient et se rafraichissaient.
- En parlant de notre épouvantail, tu l'as vu pour lui proposer un poste, donc ? Sur quoi ça a débouché ? Je n'imaginai clairement pas Kirai dans des fonctions pour le village, c'était un original, mais pas dans le bon sens... Plutôt dans le sens meurtrier et malsain. Soupirant, je laissais passer mon questionnement trés vite : Qu'est-ce qui t'a tenté chez lui ? Je sais qu'on a fait une mission ensemble, mais il reste un homme... Étrange. Il a menacé un gamin devant nous, au sein du domaine. Secouant la tête, je grognais. J'ai beau réfléchir, je n'arrive pas à comprendre...
La fidélité fraternelle faisait que je faisais confiance à mon frère, quasiment aveuglément, pour autant j'étais du genre à quand même questionner le cap du bateau... Le capitaine avait ses raisons, au moussaillon de les comprendre, dans la limite de sa compréhension. N'aillant aucune ambition dans la politique, je ne me fédérais pas dans la vexation du simplet : Laissant le jeu de la politique et les conversations autour pour les grandes personnes, je restais dans ma petite cour à vivre mon train de vie... Moins de temps à gérer des cons, plus de temps à voyager ?
Je devais sans doute faire partie des cons à gérer.
Aujourd'hui, j'étais un officier du village... Chargé de voyager. "Comme quoi ! On est toujours servi !" Ce rôle, c'était Hayato qui me l'avait confié en reconnaissant ma valeur et mes capacités... Alors, peut être qu'il avait perçu des choses intéressantes derrière la politesse satanique du squelettique bâtard ?
- Tu l'as vu pour quel poste ?
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Nozomo Hayato
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La petite espièglerie avait marché au-delà de ses espérances. Tendu comme la corde d’un arc, le samouraï avait réagi promptement à la menace. Prouvant encore et toujours tout son sens inné de l’affrontement. Détourner le regard, se mettre à l’abri et sans doute la main sur la garde… De son côté l’Hayato transformé pus voire la petite tête de son frère sortir prudemment de derrière sa couverture. Les yeux ronds, il avait alors compris le subterfuge. S’ensuivit un rire franc, auquel Hayato fit écho du sien. La blague était sans doute de mauvais goût, mais qu’importait, cela n’avait duré que quelques secondes.
"Oh ! Je ne suis pas inquiet… Je suis sûr qu’il mettrait seulement quelques jours à rénover entièrement le réfectoire." Il ne précisa pas la suite de son schéma de pensée, jugeant le tout bien inutile. Yukio tout comme son frère, logeait dans la chambre exiguë depuis bien trop longtemps pour que les raisons invoquées ne soient pas exemptes de malhonnêteté. S’approchant, le clown d’un soir s’installa l’air las sur l’une des chaises inconfortables du réfectoire.
Rien ne vaut un canapé…
D’un signe, son frère vint se propulser dans le dos du pauvre damne et lui apposa le pied du verre sur la tête. Petite vengeance qui arracha un sourire à l’homme cruellement éreinté. Il avait grand besoin de s’évader et la sensation du liquide qui pourrait bruler partiellement son gosier lui assurerait la possibilité d’un sommeil de plomb d’ici quelques minutes. Cependant, l’épéiste s’affairait visiblement à la préparation d’un thé, arquant un sourcil et d’une voix d’où transparaissait toute sa maussade attitude. L’intendant s’apprêtait à protester.
"Mhhh…"
Puis dans une cabriole toute yukiesque, il vit les deux verres se remplir d’une généreuse rasade d’alcool. Certaines choses ne changeaient pas et c’était là une véritable source de réconfort.
"Je te retrouve bien là. Santé ! "
Prenant le verre si gentiment proposé par son frère, Hayato but son contenu d’une seule traite avant d’en réclamer un second. L’alcool n’avait rien de particulièrement intéressant, plus proche de l’antiseptique que du millésime de qualité, mais pour l’heure, il faisait parfaitement l’affaire.
"Je te suivais… Enfin, j’ai entendu du bruit dans les couloirs et vue que je n’arrivais pas à dormir j’ai décidé de m’offrir une excursion nocturne." Tout en répondant, Hayato s’était emparé de la bouteille et laissait le liquide s’écouler dans un filet continu. Sans doute aiguillé par l’apparition express du tailleur dans le domaine Nozomo, Yukio interrogea alors son frère sur la rencontre qui eut lieu un peu plus tôt… Une entrevue en deux parties, qui s’était finalement débouchée sur une longue conversation à la faveur de la nuit. Un certain soulagement vint caresser les entrailles échauffées par l’alcool de l’archer. Réalisant qu’il avait souhaité ardemment que le sujet ne soit abordé… Il avait besoin de partager un peu de son fardeau et qui de mieux pour cela que son frère ?
"Oui je l’ai vu… et pour le moment rien d’officiel n’a été concrétisé." Il avait éludé cette première partie, bien qu’il eût toute confiance en Yukio, énoncé les secrets du village en plein cœur d’un domaine n’était pas des plus discrets. "Il faut des hommes pour tout… Dans sa catégorie, Kirai est plutôt performant… Il est étrange ça c’est le moins que l’on puisse dire, mais qui sait… Il pourrait être utile au village." Finissant tout juste sa phrase et à l’écoute de l’interrogation de son frère sur le poste à pourvoir, Hayato commença à réunir différentes denrées. Plusieurs bouteilles d’un alcool fort, de quoi grignoter et - par acquit de conscience - un peu d’eau. Fourrant sans vergogne une partie de son trésor dans les bras de son frère et une fois tous deux chargés, il proposa.
"On va faire un tour ? J’ai besoin de prendre l’air… Ce réfectoire me fou le cafard"
Après tout, il n’était plus à quelques heures de sommeil près …
Nozomo Yukio
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Interdit, j'écoutais patiemment les explications de mon frère : Pas de précision sur le poste proposé, pas même des indices, juste de vagues explications sur l'utilité de l'homme squelettique...
- À part comme bourreau ou épouvantail, je ne vois pas trop l'utilité de ce dégénéré... Mais c'est toi l'intendant, je ne suis qu'un exécutant. D'un ricanement, je me devais néanmoins de faire la remarque : Les réunions vont être amusantes. Un verre à la main, je pliais mes doigts pour créer une bouche avec ma main : "Kirai, lâche cette tête d'enfant, tu vas en foutre partout sur la table..." ou bien "Kirai, planter des cadavres dans le désert n'est pas une solution de défense..."
Alors que j'imaginais ces situations macabres, ma main s'ouvrait et se fermait pour laisser entendre que c'était cette bouche factice qui parlait. Arrêtant bien vite, pour le bien de l'humour, je repris une gorgée alors que Hayato attaquait son deuxième verre.
- En tout cas, cette rencontre ne t'a pas laissé indifférent, je ne t'ai jamais vu te resservir aussi vite... Ou alors, j'ai oublié. Devenant plus sérieux, je laissais sous-entendre une douloureuse vérité : Être intendant, côtoyer ainsi des forces politiques comme militaire, cela ne pouvait pas laisser indemne.
Mon frère n'était qu'un homme, aussi intelligent et puissant qu'il était, il avait une usure certaine que l'on pouvait déceler chez les personnages politiques... Négocier avec des monstres morbides comme le chapelier fou, chercher des stratégies de conquête et faire de la diplomatie avec des villages prêts à montrer les dents, cela pouvait détruire une santé mentale... Ou, au moins, une endurance morale.
J'avais toujours vu Hayato comme un roc, un mec qui savait tout et avait une solution à tout, louant même cette prudence que je caricaturais derrière des moqueries, mais c'était moi qui avais les cicatrices et les brûlures, pas lui.
"Sans doute parce que j'étais plus souvent au contact." Pas seulement. Une partie de moi pensait... Non. Savait. Que Hayato était le meilleur de nous deux et que mon rôle était de défendre cette valeur inestimable qu'il avait pour le monde, le mien du moins.
- Il y a des gens qui ne méritent pas ton attention. D'un air dégagé, je le laissais picoler si cela pouvait lui faire du bien... Il n'était pas à une biture près. Fais juste attention à ne pas te faire verrouiller par des gens comme lui.
Une prévention qui n'eut que comme réponse des bouteilles chargées dans mes bras, telle une mule je portais une grande partie du taux d'alcoolémie du clan, dans mes bras comme dans mes veines... Et je n'étais pas peu fier. Le grand dadais proposa de sortir, je ne pus lui dire non et aussitôt nous débouchions sur la grande cour qui marquait le domaine. La statue du roi pourpre nous regardait, comme jugeant cette pestilentielle engeance qui dégradait l'ordre moral du lieu conservateur. Du coin des yeux, je pouvais même l'imaginer nous réprimander du regard et ma seule réponse fut une grimace de défi.
Par contre, les claniques qui se promenaient, ou bien surveillaient le domaine, furent bien moins imaginaires... Ils vinrent vers nous pour commenter et comme réponse je ne pus que leur adresser le même sourire :
- C'est pour une technique ! Avant de filer en riant aux éclats. Dans mon esprit, déjà, je théorisai une possible de technique du sabreur saoul... Une compétence dangereuse, mais pour qui ?
Rapidement, nos pas nous conduisirent vers un balcon : Le domaine était haut, proposant une vue dégagée sur le monde et surtout le village. M'asseyant les pieds dans le vide, je posais le fruit de notre rapine à côté de moi.
- Mince ! On n'a pas pris de verre ! Ricanant encore, je débouchais une bouteille pour boire au goulot. Putain, on a attendu d'être juunin et bien adulte pour faire ça... En toute impunité, c'est démentiel. Avant, on aurait reçu des coups de fourreaux pour faire les malins comme ça, aujourd'hui on reçoit juste des appartements minuscules et du mépris sous-jacent... Ah non, c'était déjà le cas avant. Tapant mes talons contre la paroi du rempart, dans un rythme incertain, je ne pus m'amuser qu'encore de cette situation. On revient prendre les rennes et on finit à picoler, comme avant... Il y a des choses qui ne changent pas.
Calmant un peu mes ardeurs, je regardai la vue : Avant, j'observais nonchalamment, mais je ne voyais pas. Le village était beau, bien plus que la vision du désert qui invitait mes yeux. La tentation de l'horizon, c'était adouci, je voulais voyager, mais je savais que mon foyer était ici. "Je n'ai pas trouvé mieux."
- Après avoir voyagé, tout ce qu'on veut, c'est être à la maison.
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Comme il avait pu s’y attendre, le mutisme relatif qui avait suivi les interrogations de son cadet sur l’entrevue, entraîna une série de piques acerbes. Quoi de plus compréhensible que d’appréhender l’incorporation d’un élément perturbateur tel que le tailleur dans les instances sunajins ? Malheureusement, pour l’heure Hayato refusait de formuler la moindre réponse. Le lieu ne se prêtait pas aux déclarations du type. La teneur de l’entretien était, en attendant de faire la lumière sur les tenants et aboutissants, classée secret-défense. Néanmoins, Yukio ne manqua pas de déceler dans l’attitude de son frère, toute la fatigue qui éreintait ses méninges. La journée avait été riche en informations et la réalité de sa position avait rattrapé le jeune rêveur. Il lui faudrait en parler sans doute, mais plus tard… Plus loin.
Bouteilles entre les mains, les deux frères quittèrent le réfectoire pour se nicher sur un muret surplombant le village. Les quelques lumières qui çà et là colorées de teinte jaunâtre les murs de blancs cassés, apparurent aussi mornes qu’insipides à l’œil du sunajin. Sans doute aurait-il pu en d’autre circonstances, y déceler les pourtours de tous ses rêves. Pour l’heure, le village n’était qu’un amalgame de conflits dont chaque quartier représentait son avalanche de problèmes. Manquant cruellement de sommeil, l’intendant n’avait même pas signifié la présence des quelques gardes qui regardèrent éberlués les deux ivrognes en fuite. Qu’importait ce qu’ils pouvaient bien penser, fort heureusement ceux-ci ne semblèrent pas d’humeur trop taquine, sinon, nul doute qu’une bagarre aurait très vite éclaté.
De son côté, le cadet Nozomo semblait bien plus jouasse. S’amusant de cette situation incongrue, il parvint à arracher sans mal un sourire de son ainé. Comment ne pas s’amuser d’une telle improbabilité ? Les deux adoptés Nozomo qui furent toutes leurs jeunesses trainés dans la boue et qui avaient fait le choix de s’éloigner du clan. Porteur de renouveau, ils avaient par la suite voulu changer les choses et revinrent sur leurs décisions. De nouveau intégrés au domaine, ils n’en restaient pas moins des indésirables. Peut-être moins qu’avant, certes, mais ils étaient bien loin de leurs rêves de conquête. Sans doute aurait-il fallu qu’ils persévèrent dans une attitude parfaite et maitrisé. Montrer au monde comme à leurs confrères, qu’ils étaient en tous domaines les hommes de la situation. Prenant la bouteille tendue par son frère, il fit tinter le verre de celle-ci.
"À la tienne !"
Bouteille en l’air et noyant ces réflexions dans les vapeurs d’alcool, Hayato finit par hausser seul ses épaules. Qu’est-ce que cette escapade nocturne pourrait bien remuer ? Si ce n’était une haine déjà si profondément ancrée. Une lueur d’espièglerie dans les prunelles, il se laissa finalement embarqué par la conversation de son cadet.
"On ne change pas une équipe qui gagne… Puis qu’ils viennent donc essayer de nous botter les fesses pour voir." Depuis quand Hayato faisait-il preuve d’autant d’assurance ? Nul ne pourrait le dire, à moins finalement que cela ne soit que l’expression d’une idée de longue date en son esprit ? En confiance et profitant de la détente apportée par l’éthanol, il laissa s’écouler sa froide colère. "Cette histoire de chambre… qu’elle blague sérieusement. Comme s’il fallait des mois pour remettre en état deux pauvres pièces ? Je peux te dire que si c’était un des anciens il serait déjà dans son futon depuis belle lurette." Un nouveau soupir, puis une nouvelle gorgée du liquide qui réchauffait ses humeurs. "M’enfin… le temps finira par jouer pour nous de toute manière…"
Si jusqu’ici Hayato avait presque rêvé de pouvoir discuter avec son frère de tous ce qui pouvait s’activer autour de lui. Dans l’immédiateté de l’instant, ses paroles restèrent bloquées dans sa gorge. Était-il réellement nécessaire d’alourdir le cœur de son cadet ? Ne risquait-il pas de passer pour un faible plaintif ? N’était-ce tout simplement plus le moment ? Autant de raisons à valeur d’excuse qui firent dévier l’intendant de la trajectoire initiale de la conversation.
"Bon alors… Maintenant qu’on est un peu plus tranquille [...]" Relevant ses jambes pour tourner sur son digne postérieur, il vint se coucher sur l’arête du muret. "[..]Ton voyage ! Raconte ! Je suis tout ouïe."
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- Ils jouent avec nous, mais les règles sont les règles... Quoi qu'ils en disent, nous portons le nom du clan et nous avons une place, qu'elle soit saine ou pas pour eux. Un verre à la main, je sirotai nonchalamment le nectar présent, les babines déjà bien insensibilisées par le breuvage. En dehors de ça, les jeunes ne me tirent plus la tronche... J'ai une démarche plus zen que les anciens, mais qui fait ses fruits. Ils ne peuvent rien dire, je suis dans les clous sans pour autant être partie intégrante de leur plan conservateur. Ricanant, j'annonçai. Cela ne doit pas leur plaire, que je sois autant actif et autant présent auprès de la jeunesse, mais tant que je ne commets aucune faute, je suis intouchable.
Une assurance, comme à l'image de mon frère qui défiait presque les autorités de venir nous chercher : Nous étions deux, contre le monde. Depuis toujours, mais j'avais un peu oublié cette sensation au profit du voyage et des ébats avec Honoka. Qu'il était bon de revoir une complicité et un avenir commun avec Hayato.
- En plus, maintenant, nous sommes tous les deux placés dans l'administration du village. D'un coup d'épaule, doux, je faisais signe à mon frangin. Ils peuvent parler de pistonnage, mais en tout cas on est en place pour être ! Posant mon verre, je tendais le bras vers l'horizon. Ouais, le temps va montrer qui mérite... Et cela n'a aucun lien avec le sang, c'est sûr !
Peu après, Hayato se ravisa sur le sujet du domaine et du clan pour un questionnement presque normal et logique : Qu'est-ce que j'avais foutu tout ce temps hors de Suna ? J'avais sous-ligné par quelques mots les grandes intrigues de mon périple, une main sous le menton, j'essayais de me souvenir pour remplir les trous laissés...
"J'ai été au pays du feu, où j'ai rejoint quelque temps une troupe de fête foraine... Tadake Masoru. Il m'a appris quelques petits trucs, cela m'a servi, car on a été attaqué. Un Akuma... J'ai dû le tuer moi-même. Je suis ensuite parti vers la mer, près de Uzushio j'ai pris un bateau et pendant quelques jours j'ai été marin. Je suis monté vers l'Isthme de gel et j'ai failli mourir. Une attaque d'ours, j'ai dû me réfugier dans une cabane de pêcheur et j'ai attrapé une sale infection. J'ai déliré pendant des jours."
Voilà ce que j'avais, plus ou moins, annoncé dans le réfectoire, quand l'intendant m'avait proposé de devenir l'explorateur de Suna. Ce même type, le numéro deux du village, se couchait comme un vagabond sur le muret, pour m'écouter parler... Quel double personnalité.
- Tout le voyage, je n'ai pas utilisé mon nom... Trop dangereux, tu imagines si quelqu'un connaissait le clan Nozomo ? J'ai préféré devenir Yukio Imin, un genre de civil un peu zélé. Lorgnant sur la tour du Kazekage, dans le fond de ma vision, je continuais. Malheureusement, je n'ai pas réussi à tenir ma couverture tout le temps... Au pays du feu, le cirque me connaissait et j'ai vite été découvert, ils n'étaient pas méchants, juste un peu curieux de l'utilité de cacher mon identité. Avec les événements que je t'ai raconté, l'attaque d'Akuma, ils étaient tout de suite plus ouverts à moi. C'était un genre de compagnie de ninja itinérant, qui utilisaient leur talent pour faire autre chose que tuer ou détruire... J'ai appris une technique là-bas, qui demande plus que juste faire cramer des trucs. Le type qui me l'a enseigné, Tadake Masoru, il a une vision du ninjutsu un peu alternative... J'ai compris certains trucs. L'alcool me rendait plus bavard, mais le calme du récit donnait une autre allure à mon alcoolémie. On a toujours appris à se battre, avec le ninjutsu, mais si on pouvait créer ? Lui, il utilisait ses flammes pour faire de beaux spectacles, je n'avais jamais pensé à ça... Pourtant, c'est tellement simple ! C'est ce que j'ai essayé d'appliquer sur le bateau, mobiliser le vent pour le faire avancer : Donner de la force aux voiles. J'ai malheureusement dû aussi l'employer contre des pirates, qui attaquaient, et c'est là où l'équipage à découvert que j'étais un shinobi... Tu sais, ils avaient peur de moi, au début. Être bloqué avec un mec capable de faire voler des gens de quelques gestes, ça peut filer les chocottes si on n'est pas habitué. Je soupirai, le malaise était encore un peu prégnant chez moi. On n'est pas au même niveau qu'eux, on a un truc en plus... Et ça, ils le craignent. Ils m'ont parlé de ninja, à Uzushio, qui se prenaient pour des demi-dieux. Je n'ai jamais eu cette mentalité, mais je peux la comprendre, comment ne pas être grisé par le pouvoir du chakra et des mudra ? À la fin, ils me prenaient pour un genre de héros, un sauveur... C'est une autre façon de voir les choses, au moins ils n'avaient plus peur, mais cette adoration n'était pas saine non plus. J'ai presque été obligé de m'enfuir pour qu'ils ne me retiennent pas.
Me relevant du muret, je fis quelques pas dans le terre-plein qui bordait le vide. La suite n'était pas agréable, mais il fallait en parler : C'était le but ultime du voyage.
- J'ai toujours été un peu bloqué : Sabreur, utilisateur de ninjutsu, homme, shinobi... J'étais partagé. En arrivant dans l'Isthme, je voulais juste visiter et voir une extrémité du monde, mais je me suis retrouvé à couper des rochers en deux, comme un surhomme, pour ensuite être vaincu par un ours... Je me suis enfui, car il était trop fort. J'ai passé quelque temps au bord d'un lac, à me remettre, mais c'étaient des moments difficiles... La blessure de mon dos s'était infecté et je n'avais aucune force pour juste continuer à vivre. J'ai... J'ai vu des choses, des trucs dans ma tête qui se sont matérialisé sous mes yeux...
Où était le moment fraternel ici ?
J'évacuais une tension dans mon histoire, peut-être que je cassais l'ambiance. Hayato voulait des aventures intenses ou des beaux paysages, pas des moments de doutes et de difficultés. Me ravisant, je me rapprochais de la vue en posant mes deux paumes contre la pierre froide.
- Bref, j'ai survécu, hein ? Je suis là et j'ai compris d'autres trucs sur moi, comme "je n'ai pas besoin de choisir" vu que je suis un peu tout ça en même temps. C'est ce qui fait ma personne. C'est ce qui m'a permis d'apprendre à couper de l'eau et même... hmm... De l'air, genre des nuages en deux. Ricanant, faussement pour remontrer un visage heureux, je conclus. J'ai vu tellement de beaux paysages, des trucs limite absurde de beauté. La mer, bordel, la mer, c'est intense... C'est grand. On peut passer des jours dessus à avancer, sans jamais voir une terre. On roule sur les vagues, ça bouge tout le temps... Ce n'est jamais plat, on est toujours en mouvement. Et puis... Il y a des grands sommets, plus au nord, tu peux tout voir de là-haut, si tu as le courage de monter. J'en ai eu l'occasion... Le monde te semble si petit, alors qu'il est si vaste.
Arrêtant de parler, je laissais le flux monter dans la cervelle embrumée du paresseux couché, moi-même il me fallait un temps pour respirer tellement c'était entraînant... Voyager, c'était terrible d'excitation. "Certains pensent qu'ils font un voyage, en fait, c'est le voyage qui nous fait ou nous défait." Je l'avais enfin compris, à cet instant.
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Nozomo Hayato
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Bercé par les éclats de voix de son cadet, Hayato sirotait en silence sa bouteille. Intervenant çà et là en écho aux révélations sur le périple que Yukio avait entrepris. "Civil avec des aptitudes particulières quand même..." Une autre mention fit tout de suite après tiquer notre héros. "Un cirque ? Le célèbre Danzaemon ?" Millénaire selon les légendes, la caravane des saltimbanques naviguait librement dans tout le Sekai. Ils s’étaient déjà par le passé rendu proche de Suna… Hayato n’était alors pas plus qu’un pré adolescent, mais il en gardait un souvenir… Mi-figue mi-raisin. Toujours était-il que le personnage rencontré par le sabreur semblait avoir exercé une influence positive. Porteur d’une idéologie nouvelle : créer plutôt que détruire à l’aide du ninjutsu. Une idée intéressante, à y réfléchir un peu il pouvait être aisé de faire le bien, par le biais de la manipulation élémentaire. Sauf peut-être… "Après c’est plus simple pour certains que d’autres… Le Doton et le suiton notamment, ça me semble si simple pour eux d’utiliser leurs compétences au service du bien commun… Même le katon, je peux facilement en imaginer quelques applications… Mais le futon ? À part pour faire tourner les pales d’un moulin ou souffler dans une voile… J’ai du mal à imaginer…" Hésitant quelques secondes encore sur la question, il murmura "Peut-être pour semer des graines dans un champ…" Retrouvant son attention, il poursuivit son écoute attentive.
Les pas de l’aventurier le menèrent jusque dans l’Isthme, littéralement à l’autre bout du Sekai. Un moment visiblement… Douloureux. À en juger par le côté très nébuleux de la récitation de son frère. La dernière phrase notamment, semblait revêtir une réalité silencieuse. Un instant de vie que le cadet préférait de toute évidence taire. Muet et lorgnant du mieux qu’il le pouvait depuis sa position le visage de Yukio. Hayato laissa celui-ci détourner la conversation vers un sujet moins… lourd. Des paysages, la mer… Voilà ce qu’il était parti chercher à l’autre bout du monde non ? Rassuré par cette conclusion heureuse, Hayato se redressa pour faire de nouveau tinter sa bouteille contre celle de son cadet.
"Et te voilà de retour…"
Levant bien haut le récipient, il lui fit un sort définitif. La reposant derrière le muret. Il s’éclaircit la gorge avant de continuer.
"De mon côté aussi j’ai décidé de me balader un peu… Pas aussi loin que toi, mais j’ai pu voir des forêts… c’était cool."
Un résumé bien pauvre pour un instant de vie pourtant si riche.
"J’en avais presque oublié mon quotidien. Le retour à la réalité en revenant au village n’en a été que plus sévère…" Repliant une de ses jambes pour la maintenir contre son torse, il laissa autre pied pendouiller dans le vide. "Je suis content que tu aies pu t’évader un peu… Tu as l’air de t’être endurcie." Un petit rire puis il renchérit. "La barbe sans doute, non sérieusement ! Tu as pris 15 ans d’un coup." C’était peu dire, si Hayato n’avait pas été son frère, il aurait pu si tromper. Il était impressionnant de constater à quel point le voyage pouvait changer un homme. "Un jour on partira en mer… Tu pourras emmener Honoka et moi…" Un instant il hésita, puis se ravisa. Pas tout de suite. "Je me débrouillerais pour trouver quelqu’un… Quand tout sera terminé, qu’on aura fait tout ce qu’on pouvait pour le village… On partira loin…" D’un coup d’œil espiègle, il vint bousculer de l’épaule son cadet. "Tu seras le capitaine de notre barque ! Moi je n’ai jamais vraiment navigué…" Partir au loin, pour une nouvelle vie… Ailleurs, au loin… Oui, c’était un doux rêve. "Là-bas on pourrait peut-être essayer de faire ça… Utiliser nos forces uniquement pour le bien. Pour créer, comme ton Tadake."
Un doux rêve oui... Qui pourtant semblait presque plus simple et réalisable que ses anciennes aspirations. Changer le village ? Le faire évoluer ? Si c'était si facile, tout le monde le ferait…
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Difficile de répondre efficacement quand on est perdu dans sa propre tête à revivre des moments, autant joyeux que dramatiques... Bien entendu, j'avais repéré les diverses interventions du frangin, mais je choisis de ne répondre qu'à certaine. Les plus importantes, dirons-nous ! En fin de discours, je laissais ma voix choir pour dispenser quelques éclaircissements :
- Non, ce n'est pas Danzaemon... Heureusement, même, tu te souviens de l'autre barjot avec son odeur étrange ? Non, jamais je m'approcherai de ce cirque. C'est beau, de loin, mais de plus prés, c'est presque terrifiant... Ils font du genjutsu sur des foules entières ! Mon dernier souvenir de ce cirque, c'était à Amanogawa, devant une cour entière qui ouvrait grand la bouche devant les spectacles mentaux de quelques jobards. J'avais du mal avec ce genre de jeux, préférant bien plus le feu festif d'un Tadake. C'est une fête foraine qui concentre des ninjas, l'idée est la même en fait... Mais sans la folie grandiloquente.
Ce fut au final tout, préférant lever les épaules devant l'analyse de l'intendant sur les éléments et leurs effets positifs... Même le vent pouvait servir à autre chose qu'à couper ou frapper, il fallait être inventif. "Sans doute plus que pour tuer." J'étais encore partagé sur la question, j'avais eu une autre vision, mais je restais un ninja qui allait, dans les prochains mois, réitérer un emploi agressif de mes arts.
- Ne t'inquiète pas, je reste opérationnel... J'ai aperçu une nouvelle philosophie, cela ne fait pas de moi un pacifiste. Juste, j'imagine que je peux contrebalancer le mal que je crée... Sur mon temps libre ? C'était peut-être ça le pire, le paradoxe de savoir que l'on est sur une mauvaise voie, en tout cas le monde, mais continuer... "L'ignorance est parfois une bonne chose. "
Être conscient que l'on est ignorant était un grand pas vers le savoir ? Pas forcément... Pas dans mon cas, du moins. Je savais, depuis mon adolescence, que j'étais un outil et cela m'avait pourri la vie... Pourtant, je continuais pour devenir un juunin, et maintenant un fonctionnaire de l'exploration de l'objet étatique qui m'utilisait. "Un outil de première !" C'était terrible.
Attrapant un gobelet, pour m'alléger le gosier, je laissais l'autre feignant prendre la parole pour donner sa version de cet été : Des balades, loin de Suna, pour revenir et être encore plus dégouté... Une raison de plus, sans doute, de ne pas plus viser de fonctions politiques. Être un explorateur, c'était le meilleur compromis possible ! Bien vite, il prit le virage vers mon physique : Plus fort, plus barbue... Oui, j'avais changé. Clairement. L'idée de la barque, me fit sourire, je pouvais me débrouiller pour naviguer et j'allais continuer sur ce délire-là avec lui, mais la mention de "Quand tout sera terminé, qu’on aura fait tout ce qu’on pouvait pour le village" me fit tiquer et me laissa pensif un instant...
Vraiment ?
En y réfléchissant, je ne voyais pas de fin à cette vie... Enfin si, mais en mission, pas d'autres chemins possibles. Comme le ninjutsu, j'étais encore bloqué sur une vision classique, sans perspectives alternatives.
- Tu penses vraiment qu'on en aura un jour fini ? Simple, basique... Que dire de plus ? Il était intendant, noyé jusqu'au cou dans la politique et les affaires du village, j'étais un shinobi nouvellement promu à une place étatique. Pouvions-nous vraiment partir ? Notre zénith était ici, après des années de galère. Partir serait abandonner, notre place et nos biens... Oui, on pourrait faire ça.
Je laissais les choses passer : Pourquoi argumenter ? Sans doute que lui aussi savait que ce n'était que des mots, nous étions trop engoncés dans cette vie pour être en capacité de changer. Un intendant et un Roi Pourpre, ça ne partait pas. Jamais.
Le bonheur recèle toujours une part d'insouciance, le malheur de constance.
Cette voie, c'était la nôtre... Des batailles, des efforts, pour en arriver là. Rien ne pouvait nous arrêter, visiblement, et je sentais bien que cette soirée était parmi les dernières de notre insouciante vie.
- On nous a dit d'être premier, jamais d'être heureux. Peut-être qu'il serait temps d'inverser la tendance, mais non, ce n'est pas aujourd'hui qu'on le sera. Alors, au sommet ? Croisant les bras, le verre toujours à la main, je laissais figurer une moue interloquée. C'est sûr qu'on serait plus heureux sur une barque, avec des filles. On part quand ?
Encore une fois, je dissimulais mes vraies pensées...
À quoi bon gâcher ?
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Nozomo Hayato
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En aurait-il fini un jour ? L’intendant avait lancé cette idée en toute innocence, le genre de déclaration qu’on aime se servir pour se rassurer, mais son cadet sembla lui rester bien plus terre à terre. Auront-ils la chance d’un jour connaître la tranquillité ? La retraite et le repos ? Pourraient-ils vraiment un jour tout laisser pour ne vivre plus que de leurs propres moyens ? Seraient-ils pourchassés ? Seraient-ils oubliés ? Peu probable et Hayato le savait pertinemment. Pourtant, aussi surprenant que ça réponse put être, elle s’échappa dans un souffle murmuré.
"Dans cette vie ou dans l’autre…"
Comment ? Lui qui pourtant freinait toujours des quatre fers lorsqu’il s’agissait de croyances. Parlait aujourd’hui, sur ce petit muret, de vie après le trépas ? Eh bien oui. Mais il ne s’étendit guère plus sur la question. Préférant écouter son frère qui rebondissait sourire aux lèvres à son idée saugrenue. Partir, tout plaquer, tout quitter et naviguer ! Le tout en bonne compagnie… L’image avait tout de l’idylle. Pourtant la mine de l’intendant restait maussade et ses réflexions sombres.
"Atteindre les sommets ? Si tu veux mon avis c’est beaucoup plus simple qu’on ne le pense. Il suffit de marcher sur les gens, de les tordre et de médire… En te servant de chaque cadavre laissé derrière toi comme d’une marche supplémentaire vers ton succès… Non, arriver au sommet n’est pas une fin en soi… Y parvenir en respectant ses valeurs, ça c’est un idéal…"
Un sacré rêve oui, semblant presque impossible dans le monde qui était le leur. Comment réussir à faire progresser le bien commun quand tout l’univers ne semblait que s’intéresser à son sort propre ? Du plus petit des paysans, jusqu’aux grands maîtres de cités resplendissantes : Tous n’avaient à la bouche que leurs intérêts, leurs avenirs, leurs conforts… Quelle place laissait-on à l’orphelin ? Aux victimes et aux nécessiteux ? Eux-mêmes, étaient incapables de s’entraider, alors pourquoi diable les autres s’inquiéteraient de leurs sorts ? N’y avait-il donc personne à même de penser d’abord à la communauté ? Avant de penser à leurs petites intrigues personnelles ?
"Si tu n’étais pas là et que ça n’avait pas été si lâche, je pense que je serais parti depuis belle lurette… Sur un bateau ou dans les montagnes… Je ne sais pas, mais loin."
Décidement, la morosité du junin était palpable. Jugeant qu’il était finalement plus urgent qu’il ne l’avait pensé de prime abord de partager son fardeau. Après avoir nerveusement balayé les environs du regard pour s’assurer qu’aucune oreille indiscrète ne put l’entendre (Allant jusqu’à user de sa vision amplifiée de chakra). Il cracha finalement le morceau.
"Sérieusement, je suis fatigué… Je ne doute pas un seul instant que tu as eu vent des contestations qui gronde un peu partout… Tu es ami avec Ogawa et tu as sympathisé avec Shirokuma après tout, ils ne sont pas les seuls bien sûrs, partout on entend des échos de protestation… Mimant des voix qui n’étaient pas les siennes. La situation est injuste ! Il faut changer les choses ! Suna doit progresser ! Levant la tête vers le ciel étoilé, Hayato poussa une longue expiration vers l’infini avant de reprendre. De tous les côtés et depuis que j’ai été nommé intendant, je n’ai pas arrêté un instant de remuer terre et ciel pour activer les choses. Pour faire de Suna le village que tous réclament… Après je ne sais combien de semaines de tractations, j’ai enfin obtenu l’aval du Kazekage pour réformer les institutions et faire le ménage parmi les membres fantoches. Dynamiser le village et mettre en place de nouvelles têtes ! Les porteurs de l’avenir ! C’était ça mon but ! Sortant une cigarette, il l’alluma et laissa sa phrase en suspens. Il avait besoin de nicotine. Attentif, il aurait écouté son frère si celui-ci avait jugé bon d’intervenir. Dans tous les cas, il aurait commencé par terminer son cheminement de pensée.
"Mais tu vois, aujourd’hui j’ai rencontré quatre personnes. Toi, Ogawa, Kirai et Honoka. Pour répondre à ta question de tout à l’heure… Nous avons dans l’ordre : L’exploration, bonjour monsieur. La diplomatie, les services secrets et l’éducation. Eh bien figures toi qu’à part pour toi. Je n’ai pour l’instant aucune réponse positive. Et histoire couronner le tout, je me retrouve même avec deux dossiers de plus sur le feu."
Pointant du doigt l’une des bouteilles, il quémanda celle-ci auprès de son cadet. Son long monologue couplé à la cigarette encore fumante commençait à assécher sa gorge.
"Tu savais qu’Ogawa était parti voir un clan de l’Isthme ? Jusque-là, aucun problème. Mais voilà pas que le gars me dit qu’il veut traiter directement avec eux et refusera toute intrusion du village dans les négociations ! C’est quoi le projet ?! Fonder un nouveau village avec à la tête des Akayuki ? Je te jure j’étais outré ! M’enfin bon… Passons, admettons. Un peu plus tard, je me retrouve donc devant monsieur Kirai, aka le mec le plus louche du village. Même si je peine à faire confiance à cet homme, je ne peux que reconnaitre ses qualités dans son… domaine. Puis l’embaucher, c’était potentiellement l’occasion de le garder à l’œil et même de faire… Je ne sais pas… Créer un truc sain et utile à partir d’un truc dangereux ? M’enfin bref, je te passe les détails. Mais voici la meilleure. En gage de bonne foi, il m’a communiqué une information… sensible et même si ça demande encore à être creuser… Il se pourrait que la dite info implique... Shirokuma. Les Akayuki sont dans tous les bons coups…"
Marquant un temps d’arrêt plus appuyé que les précédents, il tira nerveusement sur sa cigarette. Bien entendu tout ce qu’il venait de déclarer était de l’ordre du secret. Mais il n’avait aucune inquiétude quant à la langue acérée de son frère. Pas de cachotteries en famille, il avait en lui une confiance aveugle pour protéger ses secrets. Son arrêt était justifié par son jugement : l’avalanche d’information allait réclamer quelques éclaircissements et il laissait donc le temps à Yukio de formuler ses questions.
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Quel virage dans la conversation... D'une sortie presque espiègle, il en sortait une oraison sur la motivation politique et les valeurs associées. Assis, je me resservais un verre devant le discours de mon frère : Vaincre en montant, ce n'était pas la fin de la route, c'était plutôt rester entier. Intègre. Qui était vraiment la clef du "succès".
"C'est quoi vraiment le succès ?"
Pour un type comme moi, c'était assez personnel... Mais je voyais bien que dans l'étang politique où barbotait Hayato, c'était une autre paire de manche. Tout était calculé, millimétré, réfléchis autant dans la tête que dans le regard des autres... On agissait pour les autres, leurs actions et leurs réactions. "Un enfer." Un échiquier politique où on pouvait vite perdre son fou en espérant attraper la reine... En gros, faire des sacrifices, plus ou moins important.
Silencieux, apathique, j'accueillais les paroles de mon intendant de frère en regardant devant moi, n'essayant pas de le gêner avec des questions ou des commentaires : Il avait des trucs à confier.
Sans moi, il serait parti : Une vérité générale qui sonnait comme le début de quelque chose de bien plus terrible. Il était fatigué et l'affirmation de ce que je voyais dans ses traits ne fit que me percer plus le cœur... Je le laissais seul dans ce climat hostile, alors que je m'amusais à batifoler dans l'eau et la neige. Il essayait de lancer des projets, d'amener des gens à aider l'état, mais finalement seul moi avait répondu à l'affaire... Honoka à l'éducation et Ogawa à la diplomatie ? Un choix était plus évident que l'autre, mais cela allait revenir plus tard.
Une odeur de cigarette, pour se réconforter le grand dadais se donnait une dose de nicotine.
Les choses n'étaient pas simples, mais des éléments en plus se rajoutaient... Quel emmerdement. D'un geste faussement distrait, je donnais servais à Hayato sa dose d'alcool. Sacré duo que les deux poisons. Aussi sacré que les bombes qui furent lâchées ensuite :
Ogawa avait rencontre une peuplade lointaine et refusé de céder les discussions à un autre, c'était son dossier et ses rencontres... Une curieuse prise d'intérêt qui m'étonnait, surtout aussi directe et véhémente. Ensuite, les confessions secrètes au sujet de Shirokuma, de la part de Kirai faisait peut également à l'intendant, surtout saupoudré de la menace clanique : Deux Akayuki dans les mauvais coups, c'était vraiment puant.
Un silence.
Soit il s'étonnait de ma non-participation, soit il attendait mes propos : Je ne pouvais le décevoir.
- Apparemment, d'autres ont mis de côté leurs valeurs pour monter... Un léger sourire aux lèvres, je continuais. À part le choix curieux de Honoka a l'éducation, alors qu'elle... Parle peu, dirons-nous, je vois bien pourquoi tu as choisi Ogawa pour la diplomatie. Il a du bagout, clairement, mais son choix d'aller voir des clans sans en parler à Suna... Est-ce bien sain ? La main sur le menton, je réfléchissais. Il te l'a dit, clairement et directement, alors que tu es l'intendant, il n'a donc pas de mauvaises intentions, mais c'est quand même surprenant de le voir ainsi refuser ta participation ou celle du village... Qu'importe son rang dans son clan, il reste un sujet de Senshi. L'autre main libre, enfin, occupée par un verre, je sirotai en laissant le fil de pensée à cette surface ambrée. Il en est sorti quoi de votre discussion ? Il y a bien une finalité à cette confession du roux... Tu n'as pas pu laisser passer ça.
J'avais clairement pas les informations, mais je voyais mal Hayato laisser dire et faire le manchot... Soit il lui avait remonté les bretelles, soit tout avait été conclus dans le calme. Soupirant, je passais à l'autre dossier épineux.
- Tu es sûr que Kirai n'invente pas pour te décontenancer ? Il est du genre à aimer étonner et surprendre, dans le mauvais sens. Il a apporté des preuves ? L'affaire dont tu me parles relève de la haute trahison ? Portant de nouveau le verre à mes lèvres, je me préparais à prononcer quelques mots sincères. S'il s'avère que Shirokuma a trahi le village, tu sais ce qu'il nous reste à faire... Il n'a pas l'honnêteté de Ogawa de son côté, s'il cache des choses, c'est un problème. D'une moue pensive, je développais. Il a une vision assez moderne de Suna, du genre réformateur, il pourrait même se rapprocher pas mal de notre vision à nous... Mais peut-être m'a-t-il menti ? Je ne suis pas un aussi bon politicien que toi, donc je peux me laisser abuser. Soupirant, je baissais le bras pour regarder l'horizon. S'il m'a manipulé, c'est la pire des ordures.
La présomption d'innocence ? Sans doute, dans un monde merveilleux, mais chez les ninjas, c'était beaucoup trop. J'attendais un développement de mon frère, avant de me prononcer sur la sentence... Mais il y avait d'autres vérités à donner.
- Tu sais, je me suis toujours laissé de la marge... Je ne veux pas faire de la politique, donc la place d'explorateur me va très bien, mais peut-être que tu as besoin de moi. Je pourrais être un assistant ou un fonctionnaire détaché sous ta direction... Histoire de t'alléger. Je ne suis pas très bon dans la paperasse, mais s'il faut je peux apprendre ! Laissant mon regard dériver dans les yeux de Hayato, j'insistais. Tu n'as pas à te faire bouffer par cette fonction, Suna n'a pas besoin que tu lui donnes tout ce que tu as... Ni les villageois, ni les ninjas du village. Tu fais ta part, depuis longtemps. Ce n'est pas parce que tu es le meilleur que tu dois te mettre à plat. Arriver au sommet ne doit pas te coûter, ni tes valeurs, ni ta santé. Surtout, tu n'as pas à être seul, au sommet.
Ricanant, j'essayais adopter une posture plus saine et joyeuse :
- Il s'en passe des choses dans mon dos, tiens !
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Les mots s’écoulaient comme une pluie discontinue. Il avait besoin de décharger une partie de son fardeau et surtout, il savait qu’il trouverait en Yukio un allié de taille. Il allait devoir confronter sous peu le protégé de Senshi. L’Akayuki qu’ils avaient rencontré quelque temps plus tôt. Cette montagne de puissance… Un potentiel traitre ? Ou bien la victime d’une machination ? Dans tous les cas, il faudrait au jeune homme faire la lumière sur l’affaire et qui de mieux que son frère pour couvrir ses arrières ?
Calme, presque placide, Yukio avait écouté tout le long laïus sans interrompre son ainé. Le servant généreusement lorsqu’il le réclama et permettant ainsi à Hayato de cumuler ses vices. Cigarette et alcool, le cocktail parfait pour une soirée fraternelle. Seul manquait le canapé en fin de compte. Remplacé ici par… un muret. Méthodique, le cadet avait repris points par points le discours, commençant par revenir sur les différentes affectations en évitant soigneusement toute mention du chapelier. Du tac au tac, l’intendant qui commençait à sentir son estomac s’échauffer répondit scrupuleusement.
"C’est une kunoichi en qui j’ai confiance… Le bas conseil doit travailler main dans la main avec l’intendant. Autrement dit… avec moi. Si je peux faire face à quelques profils particuliers, c’est bien plus rassurant d’avoir des présences… amicales. Puis comme je l’ai dit à Honoka. Je reste persuadé qu’elle ferait une bonne enseignante. Son handicap pourrait même devenir sa force… Regarde avec nous, elle n’a jamais eu de mal à nous enseigner quelque chose."
Un choix éminemment politique, dont l’archer ne s’était pas caché. Avec Honoka à l’éducation et son frère à l’exploration, il pouvait à minima compter sur ce noyau dur en toutes circonstances pour tenir le bas conseil. Bien vite la conversation coulissa vers Ogawa. Raison suffisante visiblement, pour justifier une belle nouvelle rasade pour l’intendant. Une histoire de forme plus que de fond ? Probablement oui. Les intentions du manchot étaient probablement bonnes, mais la manière dont il avait dirigé l’opération restait inacceptable.
"C’est ce que je me suis tué à lui faire comprendre… Il ne pouvait pas se permettre un caprice pareil. Je veux dire... merde ! Je suis intendant certes, mais les gens ont-ils tous oublié que j’étais avant tout Hayato ? Il aurait pu m’en parler et j’aurais pu lui apporter mon soutien là-dessus… On frôle la trahison avec une affaire pareille ! Il a du bagou, c’est le moins qu’on puisse dire, puis c’est un membre important du village en tant que chef de clan, mais ça ne justifie pas tout !"
La colère de l’intendant sonnait un peu creuse au vu de son état général. Il était fatigué et commençait à sincèrement ressentir les effets de l’alcool. Ses idées, bien que clair, ressortaient de manière plus brutale qu’il ne l’aurait souhaité.
"Bref. J’ai calmé le jeu et obtenu le droit de mettre mon nez dans cette affaire."
Il garda sous silence le profond sentiment de trahison qu’il avait ressenti et les conséquences qui en découlaient. Un homme refusant de lui faire confiance dans le bas conseil ? Était-ce bien un choix avisé ? Le jeune homme en doutait fort. Après un soupir, auquel Hayato répondit par le sien. Yukio coulissa vers ce qui représentait sans doute le dossier le plus lourd.
"Des preuves… Oui et non. De toute manière, les preuves ça se falsifie. Faut en avoir le cœur net. J’irais confronter Shirokuma au plus vite… D’ailleurs si tu pouvais trainer dans le coin, je ne dirais pas non. Juste au cas où… Autant pour me défendre qu’éventuellement… répandre la justice façon sunajin. Je ne sais pas trop qu’en penser, je ne le connais que très peu. Mais je sais au moins une chose… Il est très fort. Tout comme Ogawa d’ailleurs… À croire que la puissance rend complétement con."
Un trait d’esprit aux allures de déclaration de pilier de bar. Bien entendu la conclusion de l’intendant était simpliste au possible. Son cerveau baigné d’éthanol semblait vouloir d’étendre l’atmosphère et il se laissa porter. Confiant à son cerveau, qui lui semblait être à l’instant un être indépendant, tout le luxe de la conversation, il en profitait lui pour reposer son corps et son âme.
"C’est peut-être le nintai… Je devrais faire gaffe en m’entraînant…"
Si l’humeur de l’intendant s’adoucissait donc à la suite de son avalanche de complainte. Le cadet lui, nouveau porteur d’une partie des fardeaux de son ainé, se retrouvait bien plus mélancolique. Il proposait son aide. Aide qu’il apportait déjà. Surtout et cela creva le cœur de notre archer. Il lut dans ses yeux, dans cet échange de regards, le sentiment dominant chez son frère : De l’inquiétude. Écoutant attentivement, un sourire vint poindre sur le visage du jeune homme aux cheveux longs.
"Tu as raison. Au fond le bas conseil serait une première étape dans ce sens… Encore faut-il trouver des soutiens… Mais bon, je compte déjà le meilleur dans mes rangs donc j’imagine que je suis tranquille."
Un regard en coin vers son frère, les yeux rieurs et le culot de bouteille en bouche.
"Ah ça… Il s’en passe des choses dans notre chère litière."
Un petit rire qui ne laissait que peu de doute quant à la nervosité de l’intendant. Un moyen d’évacuer la pression en la laissant s’envoler, morceaux par morceaux, entre chaque onomatopée. Retrouvant son sérieux et portant son regard sur le village, l’âme poétique de l’ainé Nozomo sembla s’éveiller à la faveur de cette nuit si particulière.
"C’est beau… Les lumières du village, la lune, le désert en fond… C’est beau."
Tout à sa contemplation il resta ainsi dans le silence quelques secondes. Il était étonnant de voir à quel point le simple fait de parler pouvait permettre d’alléger toutes les peines. Que se serait-il passé si l’intendant avait choisi de se murer dans le silence ? Serait-il devenu un homme aigri ? Un paranoïaque a l’affut de la moindre trahison ? Les shinobis étaient formés au combat et à certaines extrémités, comme la résistance à la torture. Jamais ils n’étaient entraînés aux poids inconscients qu’apportait inexorablement une charge officielle. Le Nozomo n’était qu’un orphelin avec peut-être un peu plus de jugeotte que les autres. Il n’était pas destiné à devenir ce qu’il était aujourd’hui. Comment aurait-il pu s’y préparer convenablement ?
"On est au moment de notre vie où on peut devenir qui on veut…" Sa tête coulissa et ses prunelles scrutèrent celles de son frère. "Sois qui tu veux être. Pas ce que les autres veulent que tu sois. Si tu décides de partir, de tout arrêter ou de devenir Kazekage. Pour moi ça ne changera rien… Je serais là pour assurer tes arrières."
Une manière détournée de refuser sa proposition. Du moins, en l’état des choses. C’était à l’ainé d’endosser les coups pour protéger le plus petit. Dans la mesure du possible, il ferait tout pour éviter que Yukio ne devienne que l’un des trop nombreux sacrifiés à la gloire de Suna. Le ventre rendu plus léger, Hayato décida de poser la bouteille à laquelle il se cramponnait comme à une relique ancienne. La moindre goutte supplémentaire serait une minute de gueule de bois en plus pour le lendemain.
"Ça fait du bien de causer… On devrait faire ça plus souvent."
Reprenant sa place sur le muret, notre ami chancelant laissa un instant ses pensées vagabonder.
"On devrait acheter un nouveau canapé…"
Nozomo Yukio
Suna no Jonin
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Tout était plus clair, véritablement : Honoka représentait un atout de poids pour le bien né, par sa façon d'enseigner valorisé par Hayato, mais sans doute aussi par notre lien de confiance... "Comment pourrait-elle trahir mon propre frère ?" Une pensée charmante, même si un peu directe. C'était un genre de beau-frère, pour elle, non ?
- Elle sera un parfait soutien, je ne vois pas vraiment comment elle pourrait nous faire un coup dans le dos... À toi ou à moi. Un sourire en coin, j'écoutais plus en avant le déroulé coté Ogawa... L'intendant était courroucé, car son statut était passé devant sa propre identité. Le roux nous connaissait, il pouvait avoir confiance dans les deux Nozomo que nous étions... Même moi, je n'avais pas eu d'infos sur ses agissements dans l'Isthme. Alors on va faire un tour dans l'Isthme ? Il me reste des choses à voir ! Un grand sourire, cette fois, comme un enfant à qui on annonce une bonne nouvelle... C'en était une, véritablement.
En revenant sur le sujet de Kirai, il fut obligé de nuancer le propos : Preuve ou pas, on pouvait inventer... Et il était vrai que le vilain pouvait bien s'amuser à ça, pour semer la zizanie ? Ce questionnement fut vite balayé par la demande semi-dissimulée de Hayato : Être proche, au cas où.
Mes pensées étaient partagées.
Il était regrettable de le dire, mais nous étions des tueurs... Par définition, un shinobi était un assassin, furtif et agile. Le ninjutsu n'avait qu'apporté de nouveaux outils à nos talents et cela ne nous rendait que plus... Dangereux. Associé à un groupe, un état, il nous revenait de défendre les intérêts de celui-ci. Avec mon frère comme intendant, donc comme représentant très important de l'état, je me devais d'être un membre fort de cette protection alors...
- Oui, bien entendu. En espérant qu'on n'en vienne pas à ce genre d'extrémité, mais il ne faut dégager aucunes options. Il est fort, très fort. Il pourrait bien nous affronter tous les deux sans s'essouffler. Dans mon esprit, sa prestation lors de l'entrainement autour du Shunshin et ma vision de tout son chakra lors de notre entrevue concernant le Kaï. Il alliait autant force brute que vitalité mentale. Un gros morceau, assurément. Devant la petite vanne du picoleur, je ne pus que sourire, amusé devant le trait d'esprit. J'ai appris quelques tours, aussi, du côté du nintaï... Il est vrai que je me suis senti devenir plus stupide, pourtant la taille de mon pénis n'avait pas forcément augmenté en contre-partie... Je ne comprends pas cette capacité des Akayuki à se prendre ainsi pour les piliers du village ! Tout le monde sait pertinemment que les Nozomo sont les vrais fondateurs de ce patelin ! Un bras, dans un geste théâtral, qui s'étendait vers le ciel... Oui, c'était forcément une vanne. Isolé dans leur domaine d'ivoire, les conservateurs n'étaient que des chiens fous pour le pouvoir politique.
À trop sucer un héritage lointain, on se retrouvait en bout de course. Malheureusement, ce qui me semblait être en bout de course, c'était Hayato et ma proposition sembla lui mettre un coup, comme si je l'avais giflé par mes mots... Même s'il finit sa prise de parole avec une petite boutade, je pus saisir une légère tristesse.
- Comme avec le clan, le mérite s'obtient par les actions... Tu gères plutôt pas mal, le village n'a pas pris feu et les claniques ne se tapent pas dessus, enfin pas plus qu'avant. Avec la muette et moi dans le bas conseil, tu auras une bande de branquignole fidèle, au moins, ça changera des traitres hypothétiques. Un petit soupir, faussement frustré, pour appuyer ma propre blague.
Tapant mes talons en cadence contre la pierre, assis sur le muret surplombant le monde de sable, je ne pus qu'affirmer en hochant la tête : Les lumières du village, la lune, le désert en fond… Oui, c'était beau, terriblement même. Dur à croire, à cette heure de la nuit, que le village était en condensé de violence et de brutalité, peut-être l'épicentre de la haine dans le Sekaï. Dans ce paradoxe, que je soulignais dans mes pensées, Hayato relança les choses : Devenir qui on voulait ? Il serait toujours mon soutien ?
- Tu m'apportes déjà assez, devenir l'explorateur de Suna me permet de rester moi-même... Pouvoir partir, découvrir et avoir une justification pour ça, enfin autre que la pure fantaisie. Un petit rire, franc, je ne m'étais pas senti aussi léger depuis un temps. J'avoue que ça faisait un moment que je n'avais pas senti ainsi la vie, je veux dire... On est des ninjas, on tue des gens, on détruit des choses. On a inventé une technique pour faire exploser un entrepôt, on est foutu enfin. C'est dans notre nature : Tu te vois être autre chose ? Bien sûr que tu te vois être autre chose, ce n'est pas une vie qu'on choisit. On est ninja, car on était au mauvais endroit quand les Nozomo ont choisis de faire une descente sur des nomades, alors... Quoi ? Bah je sais pas. Cela me pesait, avant, car je m'imaginais autre part, dans une autre vie... J'pensais me lever un matin, être un homme. Sûr que la vie que j'ai choisie est la bonne. Fiable, avoir construit quelque chose de stable, mais je ne suis qu'un sale gosse sur un château de sable. Comme si ce n'était pas moi, le type qui tenait le katana, mais si. C'est moi. Aujourd'hui, je comprends mieux... On est comme ça, c'est la voie qu'on a pris, autant rester le plus intègre possible dans cette branche et surtout... Ne pas se perdre. Rester stable. Délivrant une petite goutte dans mon gosier, je répétais mes mots précédents : On est foutu, autant bien se faire foutre.
Ouais, l'alcool commençait à taper.
Un discours fantaisiste, utopique. Habituel, dans nos conversations tardives. Nous étions jeunes et c'était notre seule passerelle pour ne pas se visualiser comme de simples rouages, comme des monstres... Comme des outils. "On a choisi." Si Hayato était intendant, c'était car il avait les capacités, pas l'envie réelle de s'amuser à nager au milieu des requins et de discuter avec des Kirai sordides et mortels.
Pour l'instant, mon frère discutait avec moi, ce que je prenais comme son meilleur rôle, celui pour lequel il était fait : Être avec moi. D'ailleurs, il valorisait cette pensée, l'enrobant dans une petite remarque sur l'achat d'un nouveau canapé.
- Ouais, il commence à faire frais... Les prochaines discussions seront pas sur un muret dehors. Un petit ricanement, mais chez moi un curieux malaise arrivait. La vie a mis un peu de distance entre toi et moi : Tes fonctions et mes fantasmes de voyageur. Notre rituel du combat mensuel, ça fait un moment. Maintenant je suis là. Un moyen de rassurer le grand dadais ? Ou moi ?
Qui sait ?
- Il y a des trucs qui ne changeront jamais.
Sphinx. Yukio 021
Nozomo Hayato
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En silence Hayato hochait la tête. En effet, un voyage vers l’Isthme était à prévoir et qui de mieux placé que son cadet pour l’accompagner dans des contrées aussi reculées ? D’autant qu’il devait connaître au moins en surface la topographie des lieux.
Et la faune locale aussi…
Réflexion qu’il garda néanmoins pour lui, le souvenir semblait douloureux. Inutile de relancer la question. Une chose à la fois. Les jérémiades d’un frère suffisaient amplement pour l’heure. À la manière d’une petite statuette des plus kitchs, Hayato continua à dodeliner de la tête en réponse aux propos de son cadet. En effet, il espérait lui aussi ne pas avoir à atteindre de telles extrémités. Mais prudence était mère de sureté. Aujourd’hui il n’aurait jamais imaginé tomber des nues devant Ogawa. Que ce serait-il passé si, prît de rage, celui-ci avait décidé d’attaquer le représentant du village ? Il n’avait que trop sous-estimé les intentions secrètes de chacun et mis en péril sa mission.
Faire confiance aux gens, ça amène que des emmerdes…
Pouffant sur les précisions du samouraï quant au nintai. Hayato se détendait lentement mais surement. L’alcool et le spectacle magnifique qui se jouait sous ses yeux, l’aidant à apaiser le poids de ses responsabilités. La présence de son frère jouant bien entendue un rôle majeur dans ce revirement. En silence, il écoutait la voix de Yukio qui le berçait lentement. La pression retombante, la fatigue, elle, remontait en flèche. Une bonne nuit de sommeil. Depuis quand n’avait-il pas pu profiter d’une matinée pour lézarder sous le soleil ?
Un laïus plus tard, Hayato comprenait toute la portée initiatique que le voyage avait eu pour son frère. Tous les questionnements qui jusqu’alors abimaient les neurones du cadet, avaient enfin trouvé une réponse. Ou plutôt, l’acceptation d’un fait. Riant carrément à la dernière remarque, Hayato appuya sa manière de penser.
"Se faire foutre en beauté ouais ! En tout cas, je suis content de te revoir… de pouvoir discuter comme avant. On est tous des sales gosses sur un château de sable ici. Les autres plus que toi si tu veux mon avis… Depuis combien d’années je m’imagine pouvoir changer les choses. Aujourd’hui tout est à portée de main et pourtant si loin. Tu sais, la nuit je sens souvent la froideur de la vérité m’embrasser. Je finis par me dire que rien n’a de sens et qu’on peut que regarder le temps passer. " Un rire, un poil gêné devant cet aveu d’impuissance. Des années durant Hayato avait masqué cette partie de sa personnalité. Il avait peur. Régulièrement et souvent de nuit, "ses démons" refaisaient surfaces et apportaient avec eux une angoisse paralysante. Bien qu’il y travaillât d’arrachepied, les conditions actuelles était un vivier fertile pour ses pensées les plus sombres. Réminiscence de l’enfant aillant du devenir bien trop vite adulte. Coupé de tout confort familial et endossant de fait le rôle de protecteur absolu de son petit frère. Il avait nié ses peurs, nié l’injustice. Ses démons étaient comme un rappel de ce qu’il aurait pu devenir : Un être tourmenté et vengeur… Loin de s’appesantir sur cette idée, l’intendant reprit en réalité courage. "Je vais les dompter… On ! Va les dompter ! Tous !"
Une seule assurance à laquelle Hayato ne put que consentir d’un hochement entendu de tête.
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