Temple of Doom [Mission rang B]

Depuis qu’il avait appris la mission qu’il devait réaliser, l’humeur de Kougen n’avait pas arrêté de vaciller. D’un côté, il était ravi d’avoir l’occasion de partir de Konoha avec un tout nouveau camarade potentiel. Un jeune Senju, qui plus est, tout comme son senseï adoré. C’était un signe du destin, qui lui annonçait une ère nouvelle et la possibilité de dispenser les enseignements qui lui avaient tant servis, perpétuant ainsi une chaîne vertueuse, qui lui avait permis de s’affirmer et d’évoluer, plus jeune. En même temps, il se rappelait à quel point il avait été impuissant, lors du siège de Baransu et la simple idée de se retrouver à la tête d’un duo, surtout avec quelqu’un de plus jeune que lui, avait de quoi le faire se remettre en question. L’Aburame avait longuement réfléchi et même hésité à refuser poliment la recommandation, en attendant que quelqu’un (voire même une équipe complète) de plus compétent, serve d’accompagnateur au genin.

Finalement, il avait décidé de prendre son courage à deux mains, plutôt que de s’apitoyer sur lui-même ou d’imaginer le pire. Après tout, il ne s’agissait potentiellement que d’une mission de sauvetage, pour une bande d’explorateurs du dimanche, dans laquelle il ne devrait pas y avoir de grand danger. Il faisait confiance à la hiérarchie de son village et dans l’attention qu’ils mettaient pour jauger les requêtes de leurs clients mais par-dessus tout, il faisait confiance à Raion, qui commençait à le connaître et ne lui aurait jamais imposé un contrat qu’il n’aurait pas été à même de réussir. Il y avait également de grandes chances que ce soit un bon moyen de se remettre dans le bain, pour se relancer de plain-pied sur sa voie du héros ! Pour l’occasion, il avait révisé différentes techniques avec ses insectes, potassé des manuels shinobis en tout genre, appris tout ce qu’il y avait à savoir sur leur travail et même travaillé son sourire, afin de minimiser les chances de se faire surprendre ou de se retrouver en mauvaise posture.

Le chuunin prenait son affectation très au sérieux et entendait bien être le meilleur exemple possible, pour former au mien l’un des bourgeons de la nouvelle génération. Les Senju étaient influents dans le village et le jeune homme avait même eu la visite de plusieurs responsables de son propre clan, ce qui n’arrivait que très rarement, pour lui expliquer ce qu’ils attendaient de lui et de la façon dont il les représenterait. Tout ça avec énormément de faux-semblants et quelques menaces vaguement dissimulées, dans l’éventualité d’un échec. Loin de leur en vouloir, de retourner leur veste quand il commençait à avoir des responsabilités, le petit optimiste voyait cela comme une nouvelle chance de montrer sa valeur aux siens, qui n’avaient jamais jugé bon de lui accorder un peu de leur temps.

Le jour J, il se présenta aux portes du village avec l’air plus épuisé qu’à l’accoutumée, les yeux cernés et enfoncés dans ses orbites faisaient encore plus ressortir son iris carmin et sa sclérotique injectée de sang. Bien incapable de dormir la veille, trop préoccupé à simuler une infinité de scénario concernant son déploiement, faire, vérifier puis refaire son sac ou la façon dont il comptait se présenter, Kougen avait fini sa nuit à crapahuter dans les bois à la recherche de fleurs colorées, pour en faire un bracelet. C’était un bon moyen de confier son Kikaichuu à quelqu’un, sans que celui-ci ne se balade dans les vêtements ou le long de la peau, ce qui n’était pas au goût de tout le monde. Depuis qu’il avait eu cette idée, c’était même devenu un rituel pour l’Aburame, qui l’avait intégré à ses préparations basiques. Il portait une épaisse veste à capuche ainsi qu’un pantalon bouffant, tous les deux noirs, qui faisaient ressortir son teint blafard.

Ento était arrivé avant lui, respirait la joie de vivre et semblait avoir du mal à tenir en place, ce qui n’était pas pour déplaire à l’albinos. Il préférait largement ce genre d’ambiance décontractée à celle, étouffante, du protocole habituel et ce simple constat suffit à le mettre à l’aise. Rasséréné, il s’avança vers le genin d’un pas assuré, en lui faisant de grands signes de main. Pour briser la glace et instaurer une ambiance chaleureuse dès le début, il passa outre sa fatigue qui lui tirait les traits, pour afficher un sourire qui se voulait rassurant. Ses lèvres, étendues à l’extrême, élargirent certaines de ses plaies tout en dévoilant une dentition carnassière, entourées par un rictus de goule hilare. Sa tignasse sèche tombait comme un rideau rapiécé, qui recouvrait en partie sa face marquée de profondes ridules dûes à l’épuisement et ses yeux, certes assassins, mais qui brillaient d’excitation retenue.

« Senju Ento ? Je suis là pour m’occuper de toi. »

Lâcha-t-il de sa voix cassée et grinçante.

Satisfait de son introduction, Kougen leva la main pour tendre son cadeau champêtre au sabreur, une femelle Kikaichuu tranquillement posée sur un pétale chatoyant, en analysant son nouvel hôte temporaire avec curiosité.

« Enchanté, je suis Kougen. Aburame. » Présenta brièvement l’adolescent, avant d’en venir à son insecte. « Grâce à elle, je pourrais te retrouver, où que tu sois. On a pas mal de route à parcourir, alors il faudra faire attention. »

Plutôt que de faire une présentation en tête à tête interminable, ce qui risquait de les mettre tous les deux mal à l’aise, il le dépassa de quelques pas, pour se mettre en marche et réduire la nécessité de maintenir un contact visuel gênant.

« Tu sais faire du Mokuton, toi ? » S’enquit le chuunin, qui portait fièrement l’emblème de son village en brassard. « Dans la vallée rocheuse, ça pourrait nous faire penser à la maison ! »

Dès l’arrivée de l’Aburame, le petit Senju s’était immédiatement tendu, avec un air inquiet. Celui-ci était si parlant que même Kougen, qui n’était pas forcément très doué avec les indices sociaux, le remarqua immédiatement sans même avoir besoin que quelqu’un ne le lui souffle. Bien évidemment, depuis sa nomination en tant que chuunin, il n’avait jamais eu à s’occuper ni même à interagir avec un genin lors d’une mission et n’avait même pas songé au fait que l’on puisse être intimidé par son grade ! C’était sans doute de ça qu’il devait être question, puisqu’il n’avait rien fait d’étrange, comme à son habitude, se contentant de rester le plus courtois et souriant possible, comme on le lui avait si bien appris. La mission serait un bon exercice pour que l’albinos apprenne à instaurer un climat de confiance entre lui et les nouvelles générations, qu’il aurait peut-être lui aussi à sa charge, un jour ! A condition que sa cheffe lui fasse une pub suffisamment élogieuse et qu’il ne rate pas sa première affectation, surtout en ayant la responsabilité de partir avec un jeune Senju.

Le beuglement de son élève du jour lui fit élargir encore plus les lèvres, qu’il trouvait somme toute adorable, avec son petit air timide, même s’il devait bien avouer que son comportement était un peu étrange, à ce gamin. Heureusement que ce dernier était tombé sur un potentiel mentor sympathique et compréhensif comme Kougen, qui était bien loin de s’arrêter à si peu ou de juger les gens pour leurs particularités. Ca aurait été de toute façon bien hypocrite de sa part et au contraire, la bizarrerie était une qualité qu’il trouvait absente chez bien trop de ses confrères. Il rigola de bon cœur, en entendant la question du garçon, que la petite femelle avait dû entendre, car elle y répondit d’elle-même en se dévoilant à sa vue, tout en agitant ses petites antennes adorables.

« Ne t’en fais pas, elle ne dépassera pas les fleurs, sauf si tu le lui autorise ! » Assura l’adolescent, en tapotant amicalement l’épaule d’Ento, qui avait soudain pris des couleurs qui n’engageaient rien de bon. « Tout va bien ? Tu es tout pâle ! Je peux me charger de la mission tout seul, si tu es malade. »

Pauvre de lui ! Le jeune asocial ne pouvait s’empêcher de compatir, car même si son corps à lui était en parfait état et bien solide, lui permettant de ne jamais tomber malade ou d’être vraiment en mauvais état, il avait également connu une période où il lui arrivait assez souvent de chopper un peu tout et n’importe quoi, avant que son système immunitaire ne se développe… Il faut bien dire qu’à l’époque concernée, il passait plus de temps à crapahuter dans sa petite prison humide, sous terre, sans avoir suffisamment de nourriture (et encore moins équilibrée) pour le corps du gamin en pleine croissance qu’il était et que le plus clair de son temps était occupé à passer sur le billard, aux mains de ses ravisseurs, dans un environnement qui n’avait rien de stérile ! Somme toute, il était soulagé de ne plus en être là, même s’il en était ressorti grandi et plus résistant que jamais. Dans la vie, il fallait savoir voir le verre à moitié plein, plutôt que de se concentrer sur la partie vide, sinon, on avançait jamais.

Aussi, lorsque le Senju avoua sèchement être incapable de se servir du Mokuton, sans que l’aîné du duo ne remarque le moins du monde la gêne qui s’était installée entre eux, il lui passa la main dans la tignasse en l’ébouriffant avec délicatesse, geste qu’il avait sciemment volé à Raion, car elle savait toujours le rasséréner de cette manière, lorsqu’il en avait besoin. Peut-être qu’il pourrait réussir à faire de même, pour Ento, qui semblait attristé de ne pas avoir développé le Kegai de son clan ?

« Boah, c’est rien ça, ça viendra ! Et puis y’a des super Senju qui s’en servent pas, ou peu ! » Affirma-t-il, en haussant les épaules. « Tiens, je parie que t’es un vrai petit crac, avec ton sabre, pas vrai ? »

Il cherchait à lui remonter le moral comme il le pouvait, avec son positivisme à toute épreuve. Intrigué, il haussa les sourcils en entendant le timide débuter une question, pour finalement rétropédaler à la vitesse de l’éclair, ce qui n’était pas forcément étranger au maître d’insectes.

« Vas-y, vas-y, y’a pas de question bête. » Appuya le chuunin, en opinant énergiquement du chef. « On va passer un bout de temps sur la route, en plus. Faut pas se formaliser, plus on en apprend l’un sur l’autre, mieux on pourra travailler en binôme, pas vrai ? »

Effectivement, ils n’étaient pas rendus. La route jusqu’à la vallée rocheuse allait prendre du temps et risquait de ne pas être de tout repos. Tant que les questions pouvaient encore être posées, il valait mieux ne pas se retenir, car la curiosité d’aujourd’hui pourrait bien être ce qui ferait la différence entre la vie et la mort, demain. Aussi maladroit pouvait-il être, Kougen préféra tout de même garder cette pensée pour lui, plutôt que d’inquiéter son nouveau camarade, qui ne semblait déjà pas tout à fait dans son assiette.

Leurs pas, plus ou moins assurés, les guidaient tout droit vers leur objectif, aussi éloigné qu’il était. Les vivres étaient préparées, la glace brisée, il n’y avait plus qu’assez de kilomètres à pied, pour bien user leurs souliers.