La matinée n’ayant pas encore tout à fait touché à sa fin alors qu’Hayato sortait de son entrevu avec Yukio, il décida de continuer sa longue tâche du jour. Direction le domaine Akayuki, sorte de deuxième maison des deux frangins, dans laquelle au moins, ils n’étaient pas dévisagés comme des pestiférés. Cette seconde conversation serait sans doute bien plus simple à tenir, voire sommaire. Aucune hésitation sur la personne devant remplir cet office, celui-ci le remplissant déjà de son propre chef.
Une sorte d’accord gagnant-gagnant, celui-ci pourra continuer avec en sus le secours du village et en retour, le village aura une plus grande visibilité sur l’avancement de ses rapprochements. Par l’intermède de Yukio, Hayato avait entendu parler d’une tentative de rapprochement diplomatique avec un lointain clan. Au doux nom de Chinoike. L’initiative était bonne, bien que le Kazekage ce plaignit du caractère trop « indépendant » de l’entreprise. Comment reprocher à un Akayuki de rechercher des alliances ? Après tout, c’était encore le chemin le plus court vers un commerce florissant.
En terrain connu, Hayato avançait le menton relevé en direction de la bâtisse luxueuse du triumvir. S’arrêtant quelques instants pour caresser les quelques dromadaires qui trônaient aux écuries. Un subreptice sentiment de culpabilité l’envahie à la vue de ses braves bêtes de charge. Toujours prête à aider leurs cavaliers en échange de seulement quelques touffes d’herbes. Malheureusement pour eux, lorsque les cavaliers en question s’avérait être des shinobis…
"Au nom de vos frères tombés au combat, je jure de vous amener quelques friandises…"
Encore quelques caresses et excuses dispensées à voix haute plus tard (ce qui dut lui valoir certains regards interloqués). Hayato parvint finalement jusqu’à la porte de la mai… du manoir ? À sa grande surprise, l’immense armoire à glace aux cheveux roux n’ouvrit point la porte et quelques secondes plus tard, une jeune femme au chapeau de paille et aux yeux d’un vert menthe à l’eau s’adressa à lui.
"Vous cherchez maître Ogawa ? Il n’est pas ici. Il est parti tôt ce matin pour assister à une réunion de triumvirs."
"Oh !? Je vous remercie ! Sauriez-vous m’indiquer le chemin pour me rendre au lieu de rendez-vous ? Je dois m’entretenir d’urgence avec lui." Aimable et mignonne, la providence semblait avoir placé cette jeune femme sur la route de l'intendant.
"Bien sûr ! C’est très simple ! Vous voyez l’écurie ? Vous contournez par la gauche. Ensuite vous devriez vous retrouver devant une petite fontaine sur laquelle prône une statue en pierre. Vous savez, celle qui représente le Kazekage qui écrase un kaigan ? Enfin du moins c’est ce qu’on raconte… Moi j’ai toujours pensé que c’était un konohajin. Mais c’est vrai que sans couleur on peut hésiter ! Ahahah ! En tout cas. Vous la passée et vous arriverez devant une auberge ; celle de Teshô. Avec toujours des nouilles chaudes. Vous n’y êtes jamais allé ? Vous devriez ! Elles sont délicieuses ! Je vous assure ! Euh… Ou j’en étais déjà ? Ah oui ! Donc vous arrivez à cette auberge et vous prenez à droite. Là-bas vous marchez jusqu’à trouver un petit puits. Il est bouché depuis des années mais les habitants du quartier l’ont gardé en souvenir. Du moins c’est ce qu’il dise, d’après d’autres son fond serait pavé d’or ! Et les habitants du quartier le garderaient jalousement ! Mais bon, personne n’a jamais eu le courage d’aller le vérifier […]" Après de longues minutes d'explications partant en tout sens. N'y tenant plus, il décida de l'interrompre.
"Mais du coup… La salle du conseil des triumvirs !?"
"Je lui ai toujours dit que la tarte au… Ah ? Oui ! Eh bien vous tournez à gauche et vous y êtes. Vous ne pouvez pas le rater il y a un grand escalier en bois. D’ailleurs on peut le voir d’ici." La jeune fille pointa du doigt une bâtisse non loin d’ici. Avec le meilleur sourire dont il pouvait disposer, Hayato la remercia avant de partir à grandes enjambées.
Arrivée au bâtiment, celui-ci s’alluma une cigarette et patienta devant la porte, assis sur un rondin de bois.
Inutile d’interrompre une réunion… Puis il sera bientôt midi. Ils vont forcément sortir pour manger…
Une réunion du triumvirat Akayuki n’était généralement pas une partie de plaisir. Du mieux qu’il le pouvait, Ogawa s’efforçait toujours d’agir comme un médiateur entre ses deux compères. En effet, les rapports entre Shirokuma et Shiro étaient au mieux houleux et au pire particulièrement explosifs. Le rôle du manchot était de faire en sorte que tout se déroule pour le mieux et que tout le monde puisse repartir chez lui en un seul morceau. Dire qu’il était le plus diplomate des trois ne manquait pas de le faire rire. Si jamais on lui avait dit une telle chose lors qu’il était jeune, jamais il ne l’aurait cru. Telle était pourtant son quotidien à présent. Une tasse de thé dans sa main légèrement tremblante dû au manque d’alcool, le jônin participait malgré tout à la réunion comme les autres. Aujourd’hui, par chance, l’ambiance était bonne et il n’y eut presque pas un mot plus haut que l’autre. Prenant congé de ses collègues à l’issue du rendez-vous, le manchot se rendit dans une pièce où étaient stockés divers balais et autres ustensiles destinés à l’entretien. De sa poche intérieure, il sortit une flasque dans laquelle se trouvait un peu de liqueur de riz. Sans se faire prier, il l’ouvrit et avala la moitié de son contenu.
« Pfiou, ça fait du bien y’a pas à dire. »
Soupirant de contentement, l’ivrogne rangea l’alcool et remit son chapeau de paille en place. Avant de quitter le bâtiment, il revint à la salle de réunion et y déroba quelques uns des gâteaux au miels qui avaient été servis. À son âge, il ne pouvait se permettre de rester sourd aux demandes de son corps. S’il lui réclamait un peu de carburant, qui était-il pour l’ignorer ? Repu, il quitta finalement l’endroit. En sortant, il jeta un regard vers les cieux, s’attardant quelques instants sur le soleil. Clignant nerveusement des paupières, il se mit à avancer pour rentrer chez lui quand il reconnut un visage particulièrement familier.
« Oh, Hayato-san. Content de te voir. »
Approchant du frère de son bon ami, qu’il aimait également, le manchot grimaça en voyant la cigarette qu’il avait entre les lèvres. Quelle vilaine habitude décidément. Quel intérêt cela pouvait-il avoir ? L’alcool faisait des ravages mais son goût en valait le coup. Alors que le tabac, en plus d’être désastreux pour la santé était infect une fois en bouche. Quel formidable paradoxe.
« J’ai vraiment l’impression d’être un vieux con qui radote à force de vous le répéter à Honoka et toi, mais franchement tu devrais arrêter cette saloperie. »
L’ironie était palpable de se voir ainsi sermonner pour ses vices par un homme qui s’était entièrement laissé consumer par les siens. ne disait-on pas, après tout, que les cordonniers étaient toujours les plus mal chaussés. Dans le cas du triumvir, l’adage ne pouvait être plus vrai.
« Que me vaut ta visite ? Le nouvel intendant du village ne doit pas avoir une minute à lui. Laisse moi deviner... Hum... Tu viens me rembourser la perte tragique des dromadaires que vous avez perdu en mission ton frère et toi ? » le questionna le rouquin avec un sourire malicieux.
Il était vrai que cela avait été tragique, mais c’était après tout ce qu’on appelait les risques du métiers. Les pauvres bêtes n’avaient de toute façon pas eu le temps de souffrir. Du moins de ce qui lui avait été rapporté. Non, la raison de la visite d’Hayato devait être toute autre. Ogawa avait bien quelques idées, mais il préférait simplement attendre de savoir plutôt que de se lancer dans de folles conjectures.
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Nozomo Hayato
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Par chance l’attente d’Hayato ne fût pas bien longue et alors qu’il n’était pas encore venu à bout de son bâton fumant, les têtes bien connues des différents triumvirs sortirent de la bâtisse. Un rapide salut d’un hochement de tête vers Shiro, une chaleureusement poignée de main pour Shirokuma. Puis enfin le principal intéressé. L’air peut-être plus nerveux qu’à l’accoutumée, l’impressionnant roux vint à sa rencontre.
"Heureux également, je voulais te voir…"
Face aux narines retroussées de son interlocuteur et se rappelant une conversation passée avec Honoka, le jeune intendant voulut écraser rapidement sa cigarette. Trop tard malheureusement, le bon Ogawa, en ambassadeur de l’anti-tabagisme lui en rappela les effets nocifs. Bien entendu, il avait raison. Car la fumée qui encrassait les poumons du jeune homme, l’empêchait d’exploiter au maximum ses capacités. Parfois essoufflé plus vite qu’il n’aurait dû l’être, devant prendre bien plus garde à son hygiène dentaire et empestant pour un nez averti à quelques mètres.
"Chacun ses tares tu le sais bien…"
Car si l’un était porté sur la cigarette, l’autre était connu pour son incroyable enfilage de verre. Tout aussi pernicieux, son abus le rendait plus mou, plus irascible et parfois tout simplement inefficace. Car si le manque de nicotine pouvait rendre l’intendant tendu et nerveux. Le manque d’alcool pouvait paralyser un homme, lui déclenchant des spasmes. Chacun ses tares donc, chacun son moyen de s’évader des problèmes de leurs quotidiens. Les ninjas étaient particulièrement sujet aux manies et addictions. Un travail incertain, avec la mort au tournant n’encourageant pas la tenue d’une vie saine.
"Pour tout te dire j’ai déjà ralenti la cadence depuis mes nouvelles responsabilités… Mais que veux-tu, les habitudes ont la vie dure."
Enfin, le sujet embrailla vers son principal objet. Bien que passant par le lourd souvenir de pertes animales pour lesquels Hayato se confondait encore en excuses. Le soleil atteignant bientôt son zénith et le ventre encore vide, le jeune homme proposa à Ogawa de poursuivre la conversation dans le confort d’un restaurant. Quelques minutes plus tard et après l’échange de quelques banalités, tournant principalement autour de Yukio. Les voilà installé au comptoir d’un izakaya du centre-ville. Si la petitesse du bâtiment ne payait pas de mine. Les plats, au demeurant y étaient plutôt bon et servis rapidement et avaient en sus le mérite d’être toujours accompagnés de boissons alcoolisées diverses. Au vu de la journée chargée qui l’attendait Hayato n’accepta qu’un verre de sake suivit d’une bière. Profitant d’avoir enfin trinqué et que les plats soient servis, Hayato embrailla sur un tout autre sujet.
"Santé ! Bon… Si nous commencions les choses sérieuses. Tout d’abord, j’aimerais que tu m’en dises plus sur ton rapprochement avec les Chinoike. J’ai entendu dire que tu leur avais rendu une petite visite. Un clan de l’isthme c’est bien ça ? Comment c’est passé la rencontre ?"
L’intérêt du jeune homme était réel. L’emplacement du clan était des plus stratégiques et offrirait en cas d’alliance un certain plus sur leurs voisins. Capable de servir à la fois de base avancée ou d’allier prenant à revers les autres villages. En outre, il offrait également la possibilité d’ouvrir de nouvelles voies de commerce. Qui serait bientôt exploitable, du moins, dès que Suna aura enfin mis la main sur la côte d’Omui. Laissant le paternel à la tignasse rousse établir son rapport. Il gardait pour plus tard la suite logique de la conversation.
Pour l’heure… Le jeune intendant profitait de sa bière et de ses petits plats. Car après cette entrevue au demeurant agréable, il devrait vivre une tout autre histoire.
Ogawa ne pouvait qu’approuver. Les habitudes avaient en effet la peau plus dure que l’acier. C’en était parfois ridicule et il était bien placé pour le savoir. Après avoir échangé les politesses d’usage, Hayato proposa au triumvir qu’ils aillent à l’isakaya. Connaissant le manchot, il y avait bien peu de chances qu’il refuse. De plus, il commençait à avoir faim, rendant l’idée particulièrement alléchante. Une fois les deux ninjas installés au comptoir de l’établissement, qu’Ogawa connaissait fort bien par ailleurs, ils commandèrent à boire et à manger. L’ainé suivit le nouvel intendant en prenant également un verre de saké et une choppe de bière blonde. Pour agrémenter le tout, il demanda des brochettes de viande, de la friture et quelques onigiris. Quel mal pouvait-il y avoir à se faire plaisir après tout ? Et puis ce n’était plus à son âge qu’on se posait des questions sur ses habitudes alimentaires.
« Santé. » répondit-il par réflexe en levant son verre de saké
Ce ne fut qu’alors que l’intendant en vint aux choses sérieuses: l’affaire Chinoike. Haussant lentement un sourcil, Ogawa comprit que Yukio, une fois de plus, n’avait pas su tenir sa langue. Quelle sale petite commère il pouvait faire parfois. Qu’importe, ce n’était pas un secret d’état de toute manière et il était grand temps qu’il parle de tout cela. Le manchot n’aimait cependant pas sentir derrière tout cela la patte lourde et sournoise de Senshi.
« Yukio t’a bien informé. Je me suis effectivement rendu dans l’isthme du gel il y a de cela quelques semaines pour me rapprocher du clan Chinoike. »
Terminant son verre de saké qu’il reposa de suite, Ogawa observa le jeune homme qui lui faisait face. Cette affaire était délicate et lui tenait à coeur. Il devait faire attention aux retombées qu’elle pourrait avoir.
« Soyons bien clairs, j’ai agi de mon propre chef et la responsabilité m’incombe à moi, pas au clan Akayuki. »
Cela n’était pas tout à fait vrai, mais si les choses venaient à mal se passer, mieux valait qu’il soit le seul à payer les pots cassés.
« Je n’ai pas agi ainsi pour renforcer la puissance du village ou l’aider à s’étendre plus encore. Mon but est de maintenir la paix. Or, les villages de Konoha et d’Uzushio se sont déjà rapprochés l’un de l’autre, ce qui, comme tu le sais, est une véritable menace pour nous sur le plan géopolitique. Nous sommes isolés face à de nombreux ennemis. Notre force est certes grande, mais il pourrait un jour leur venir l’envie de nous détruire par mesure de sécurité. Voilà ce que je cherche à éviter. En nous alliant avec les Chinoike de manière défensive, les forces alliés de Konoha et Uzushio seraient prises en tenaille, rendant l’équilibre des forces bien plus sûr. »
Les doigts posés sur son verre vide, le manchot était très sérieux. Quand bien même appréciait-il Hayato, il ne ferait pas de sentiment en ce qui concernait cette affaire précise. Il en était le moteur, l’acteur principal, rien ne se ferait sans lui.
« Si Senshi ou toi même aviez pour idée de corrompre ma vision de ce projet, je le ferai avorter. C’est auprès de moi que Chinoike Etsu s’est confiée, c’est avec moi qu’elle a conclut un accord préalable. Pour l’heure, nous avons décidé qu’un traité de non agression et de sous traitance mutuelle seraient les plus appropriées pour tâter le terrain. Nous pourrions ainsi faire en sorte de rapprocher nos deux entités et faire travailler nos shinobis ensemble pour qu’une véritable entente puisse se faire. Plus tard, si tout se passe bien, alors nous pourrons éventuellement parler d’une alliance en cas de guerre commune, mais il y a encore du chemin à faire pour en arriver là. Voilà, tu sais tout. »
Les menaces d’Ogawa n’étaient pas dites en l’air. Il préférait en effet voir tout le projet échouer plutôt que de le voir perverti par de sordides idées conquérantes sunajins. Le manchot n’avait pas la force de s’opposer frontalement au Kazekage, mais il savait pouvoir faire échouer le projet en prévenant les Chinoike des véritables intentions du village caché du sable si cela était nécessaire. Etsu l’appréciait et elle n’aurait aucun mal à le croire. Même s’il devait le payer de sa vie, jamais Ogawa ne participerait à une telle chose. La conquête de la côte d’Omoi, d’autant qu’elle était pacifique, se justifiait par la nécessité d’un accès à la mer, mais c’était tout ce qu’il accepterait. Ni plus, ni moins. En tant que marchand, il savait pertinemment qu’il y avait bien d’autre moyens d’affirmer et renforcer sa puissance que la guerre.
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Le manchot semblait penser que l’information avait fuité depuis Yukio ? C’était bien sous-estimer les capacités du village. En réalité il n’avait pas abordé le sujet avec son frère, comment aurait-il pu alors que celui-ci était en vadrouille à l’autre bout du monde ? Non, ses informations il les détenaient du service de renseignements. Il n’était certes pas suffisamment efficient pour connaître l’entièreté du périple Akayuki. Mais il avait au moins pu assurer que son voyage le menait très au nord jusqu’à l’Isthme. Le jeune intendant avait rapidement fait le rapprochement. Pour quelle autre raison un marchand se serait-il déplacé si loin ? De fort soupçon il était donc passé à la certitude.
L’opération avait donc pour but de maintenir l’équilibre des forces dans le Sekai, Hayato ne put cacher complétement son attristement. Les mots du triumvir faisaient écho à ses propres convictions et il était déçu d’être perçu comme un potentiel indésirable dans la planification de ce rapprochement. Ne voulant pas interrompre le laïus de son compagnon, il enterra ses émotions sous un voile de froideur. Devenant de plus en plus glacial à l’avancement de son rapport. Voilà qu’il le menaçait franchement maintenant ? Avait-il donc si peu de considération pour l’intendant ? Voilà donc comment il était perçu… Un homme indigne de confiance et propre à corrompre des desseins de paix ?
La conversation avait perdu tout attrait agréable et le jeune intendant se tenait simplement droit comme un « i », les méninges en fusion et l’estomac retourné. Finalement le grand roux fini par conclure, un rapprochement encore incomplet et demandant un suivit. Mais il avait été clair : Il refusait toute intrusion de la part d’Hayato. Il était venu pour proposer un poste à Ogawa qui lui permettrait d’officialiser sa situation. Il avait espéré y trouver un allier de poids, une personne qui partageait ses visions et avec qui il pourrait avancer main dans la main.
Et me voilà face à un mur de méfiance…
Hayato prit le temps de boire une gorgée de bière et d’attraper ses baguettes, agitant son plat et retournant les aliments sans pour autant les porter à sa bouche… Il n’avait aucune envie de tenir cette conversation… Mais les impératifs de sa fonction l’y contraignaient.
"Ogawa-sensei… Vous êtes un ami de mon frère et pour tout vous dire, je partage l’estime qu’il vous porte." Redressant son visage et durcissant ses traits, il continua d’une voix ferme. "Mais ça ne veut en aucun cas dire que vous pouvez me menacer ouvertement et encore moins le Kazekage. Vous êtes un soldat de Suna, vous avez des droits certes, mais aussi des devoirs vis-à-vis de lui, ne l’oubliez pas." Radoucissant tout juste ses traits et posant finalement ses baguettes sur la table, il poursuivit. "Passons déjà outre le fait que vous partiez sans rien dire à l’autre bout du monde. Mais votre discours ne tient pas. Vous ne pouvez pas à la fois me présenter l’entreprise comme personnelle puis me parler d’équilibre dans le Sekai. Cette affaire concerne directement le village de Suna, puisque c’est lui qui devra, à terme, signer ou non une alliance avec les Chinoike…"
Encore un peu piqué par la méfiance de l’infirme, Hayato ne put se retenir d’aborder le sujet après quelques secondes d’hésitation. "Je ne suis pas votre ennemie. Je pense tout comme vous qu’un rapprochement avec les Chinoike serait intéressant pour le village. Un point aussi éloigné dans lequel nous pourrions faire relâche de quelques hommes afin de refermer l’étau sur nos adversaires en cas de conflit ouvert… Je ne le souhaite pas, mais c’est une sécurité qui serait appréciable pour le village… J’étais présent lors de l’ouverture de nos relations avec Konoha et du mieux que je le peux, je continue dans ce sens… En bref, ne me prenez pas pour ce que je ne suis pas : Un tyran."
Son égo avait été plus durement touché qu’il ne le pensait. Il oscillait entre colère et tristesse et son argumentaire s’en ressentait. Esquissant un sourire de politesse, Hayato développa le fond de sa pensée.
"Et puis… Vous pensiez sincèrement pouvoir vous soustraire totalement du village ? Dans d’autres circonstances, vos mots pourraient être associés à de la trahison Ogawa ! Que vous le vouliez ou non, il vous faudra bien obtenir l’aval des autorités un jour ou l’autre pour continuer votre opération et ce n’est pas en me menaçant de faire capoter l’affaire que vous parviendrez à vos faims… Nous devrions avancer main dans la main, non en nous tournant le dos."
Prenant finalement son verre en main, il le vida d’un trait. Cette conversation risquait finalement d’être plus compliquée que prévu… Il fallait calmer le jeu, aussi reprit-il dans ton plus calme et avenant.
"Aussi, je pense que nous devrions reprendre depuis le début… Non plus en nous regardant en chien de faillance. Mais comme deux camarades qui avancent vers un but commun : La paix."
Face aux paroles du triumvir, le jeune intendant manifesta un mélange d’agacement, de colère et de tristesse. Tout cela était bien difficile à décrire, mais Ogawa comprit rapidement, conjointement à ses paroles, qu’il avait blessé Hayato. Cela ne lui faisait pas plaisir car il n’avait pas cherché à atteindre un tel but. Silencieux, il l’écouta sans l’interrompre en prenant également son verre de bière en main. Il en avala presque frénétiquement les trois-quart avant qu’il n’ait enfin terminé de parler. Quand le silence revint, il termina la choppe et la reposa délicatement. Tournant sa langue dans sa bouche et avant un peu de salive, l’ainé toisa l’intendant d’un regard perçant.
« Hayato, il me reste très peu de choses dans la vie. Principalement des démons et mes quelques principes ayant survécu aux affres de mon existence. Je sais fort bien quels sont mes devoirs ou mes obligations, je n’ignore rien de tout cela ni du village ou de son dirigeant. J’ai été l’instigateur principal du rapprochement entre les Akayuki et les sunajins. J’ai convaincu les autres triumvirs, en mon âme et conscience, qu’il s’agissait du meilleur choix à faire. Parfois je le regrette, mais je sais qu’il s’agissait du meilleur choix. Ceci étant dit, je suis trop vieux aujourd’hui pour avoir peur des conséquences que vaudrait mon refus de trahir mes principes. De la trahison ? Vraiment ? Un peu de sérieux. La loyauté est une vertu, mais la loyauté aveugle certainement pas et je doute qu’une chose pareille puisse te caractériser. »
Voyant la tenancière de l’isakaya passer non loin, le jônin l’interpella d’un signe de main. De ses doigts, il désigna les verres vides puis fit simplement le nombre deux pour en commander de nouveaux.
« Je connais Senshi depuis bien plus longtemps que toi. C’est lui qui m’a fait ça, dit-il en désignant les cicatrices autour de son oeil gauche. Son clan a décimé le mien et il n’a pas été le seul dans son désir d’unification du désert. Ne te méprends pas, je ne suis pas habité par la haine ni le moindre désir de vengeance, seulement je sais parfaitement qui est à la tête de ce village. Nous sommes gouvernés par un belliciste assumé et tu viens de devenir son nouvel intendant. Je connais fort bien ton frère, mais toi finalement assez peu. Par égard pour lui, et aussi parce que je t’apprécie malgré tout, j’ai décidé de parler à coeur ouvert, sans rien te cacher. Crois moi sur parole, si j’étais convaincu que tu étais un laquais de Senshi, je n’aurai pas agi de la sorte. J’avais le sentiment que tu étais de mon côté et je cherchai simplement à m’en assurer. Parfois, il est plus simple de prendre le taureau par les cornes, même si l’on risque de se blesser. »
Voyant les bières arriver, Ogawa remercia la femme d’un sourire chaleureux. De son unique main valide, il poussa une choppe vers Hayato en signe de pardon.
« Pardonne mes méthodes, mais je préférais cela au fait de te prendre pour un idiot en te servant comme à d’autres de belles et vaines paroles. »
Être encore et toujours un bon marchand poli et diplomate pouvait peser sur les épaules du manchot. Par moment, l'honnêteté faisait du bien, mais il fallait choisir minutieusement avec qui l’employer. Si Hayato lui assurait être un partisan de la paix, alors il accepterait de travailler avec lui. Cependant, s’il venait un jour à trahir sa confiance en pervertissant son travail, il le tuerait de sa propre main.
« Si tu le veux bien, revenons sur quelques détails. Mon entreprise était personnelle, pas ses conséquences. Je voulais simplement dire par là que si cette prise d’initiative devait être punie, la faute m'incomberait à moi et non au clan Akayuki. Quant à l’aval de nos hautes instances, je ne comptais pas m’en passer. Mon désir était seulement de les placer devant le fait accompli pour qu’elles n’aient pas dans l’idée de pervertir mon oeuvre avant qu’elle ait eu le temps d’être mise sur pieds. En me rendant préalablement dans l’isthme, j’ai obtenu l’accord de principe que je souhaitais. Suna n’a plus qu’à accepter ou refuser. L’on peut remettre en cause mes méthodes, mais pas mes résultats. Quoiqu’il advienne, je serai seul responsable de ce voyage et je ne chercherai pas à fuir mes responsabilité. Et ne t’en fais pas, je saurai adoucir mon discours pour nos chères têtes pensantes. »
L’audace aurait-elle été justifiée ? Le triumvir savait très bien qu’il s’était accordé des prérogatives qui ne lui avaient pas été accordées. Senshi était parfaitement en droit de lui faire payer. Cela dépendrait toutefois en grande partie du bon vouloir d’Hayato. Le nouvel intendant pouvait largement faire peser la balance d’un côté comme de l’autre. La seule inconnue restait de savoir de quel côté il trancherait. Était-il réellement un rêveur cherchant la paix comme Ogawa ? Quoiqu’il en soit, le triumvir ne regrettait rien. Il était trop vieux pour cela à présent.
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Hayato espérait qu’après ses quelques explications la conversation puisse reprendre une allure plus sympathique. Au moins, il semblait évident que l’Akayuki avait parfaitement écouté et cherchait désormais la meilleure façon de répondre. Si la discussion aurait pu, d’un œil extérieur, paraitre animée au vu de son contenu. Il n’en fut rien, puisque chacun respecta le temps de parole de l’autre, ne pipant mot et écoutant attentivement. Lorsque le triumvir retrouva finalement sa langue, son regard ne manqua pas d’être notifié par le jeune intendant. Il y avait ce petit quelque chose, cette étincelle, cette intention dans le regard de son vis-à-vis qui suffisait à exprimer une pensée claire.
Il est l’ancien et pense manger tous crue le jeunot
Les paroles qu’il exprima ensuite ne manquèrent pas de souligner cet aspect. Rappelant son bagou et sa vie passée déjà bien remplie. Une manière détournée de rappeler la jeunesse de l’intendant ? Peut-être bien. Il écarta l’idée d’une trahison en une pirouette qui ne tenait en réalité pas concrètement la route. La loyauté aveugle ne serait pas une vertu ? Évidemment présenté ainsi c’était probablement le cas. Mais un monde séparait la théorie de la réalité. Chaque shinobi du village devait une loyauté sans failles envers à minima le Kazekage. Loyauté qui coulait pareil à une fontaine à étage jusqu’aux couches les plus basses de l’organisation militaire.
Le génin doit obéir au chunin, qui obéit au junin et ainsi de suite…
Bien entendu Hayato savait la question plus complexe : Qu’aurait-il fait si le Kazekage lui avait ordonné de tuer son frère ? Il aurait désobéi sans nul doute. Mais il aurait alors eu conscience d’avoir trahi la confiance dont il était l’objet et se serait de lui-même considéré comme un hors-la-loi. C’était donc plus pour son caractère assumé que sur le principe lui-même qu’Hayato s’opposait au dire de son ainé. Il hésita quelques secondes à faire part de ce point auprès de lui, alors qu’il s’occupait de réapprovisionner la table en bière. Mais il y préféra le silence. Certaines questions n’étaient probablement pas d’actualité. Peut-être pourraient-ils en rediscuter dans d’autres circonstances. Pour l’heure des questions plus importantes étaient à traiter.
Posant la main sur la bière fraiche tout juste déposée, Hayato n’en but pas une goutte préférant garder l’esprit clair. Finalement Ogawa dévoila son jeu. Une intimidation volontaire, une tentative de déceler le vrai en prêchant l’agressivité. Des paroles crues en guise de signe de confiance. L’idée pouvait faire sens, oui, même si Hayato ne pouvait la considérer comme éclairée. Il s’imagina à la place de l’Akayuki et considéra que démarrer la conversation de cette manière ne lui aurait probablement apporté que plus de difficultés. Cependant, c’était une chose plutôt remarquable. Que d’oser abandonner les faux-semblants et de se montrer parfaitement honnête.
Comme Hayato l’avait fait remarquer plus tôt, les paroles du triumvir auraient été suffisantes pour lui attirer quelques ennuis. Pour peu que le jeune homme s’en empare et les laisse s’étendre jusqu’aux oreilles de Senshi du moins. Pourtant il n’avait pas hésité et avait joué franc jeu. Devait-il l’en féliciter ou s’en méfier ? Son avis était partagé.
Quelqu’un de parfaitement honnête avec moi serait un plus non négligeable. Mais…
Mais le problème était interne, il avait été piqué dans son orgueil. Les trop grandes références à l’expérience du père Akayuki lui semblaient offerte en parallèle à son relatif arrivisme, jeune homme tout juste promu. Par chance, le dernier point abordé par son compagnon aux cheveux roux, apaisa un peu son égo meurtri. Hayato n’avait rien à redire sur ses objectifs ni ses visibles résultats mais… Le ton employé et les méthodes n’étaient pas acceptables.
Il veut une conversation à cœur ouvert ? Très bien.
Laissant passer quelques secondes durant lesquelles Hayato fixa son regard sur la bière toujours non entamée. Il se décida finalement à prendre la parole.
"Puisque tu sembles vouloir de l’honnêteté alors je le serais aussi. Je n’aime pas la manière dont tu me présentes les choses. J’ai bien compris que tu ne cherches qu’à conserver ce que tu penses être… ton œuvre. Mais je ne pense pas que ton approche soit la bonne."
À ces mots, l’envie d’allumer une cigarette commença à titiller le jeune homme. Écartant l’idée pour l’instant, il reprit d’une voix qu’il voulait moins rude.
"Si tu te méfies de moi, je peux le comprendre. En effet nous ne nous connaissons finalement que par le biais de mon cadet. Et tu ne pouvais pas deviner que cela suffirait à t’attirer mon soutien. Mon frère m’a parlé de toi et de certaines de tes idées. Il t’estime et d’une certaine manière, je pense qu’il te voit comme un… sensei. Ou au moins comme un ami."
Il n’y avait qu’à voir avec quels yeux pétillants il avait relaté son affrontement avec un certain Noka. Yukio estimé la puissance de l’Akayuki et d’une certaine manière, devait l’envier. Les amis des frères Nozomo se comptaient sur les doigts d’une main. Hayato se plaisait à considérer ceux-ci comme un élargissement de leur mini-famille. Car d’une certaine manière, trahir l’un de ses amis reviendrait à trahir son frère. Il ne pouvait l’accepter.
"Je ne viens pas vers toi avec des intentions néfastes. Pour tout te dire j’étais même là pour discuter promotion. Je n’ai parlé des Chinoike que par curiosité… Mais puisque le sujet est lancé, alors parlons-en. Nous aurons tout le temps de revenir sur cette histoire de promotion plus tard… Que tu prennes l’initiative de négocier au nom de Suna n’est pas acceptable. Le haut conseil ne voudra pas laisser passer une telle preuve d’outrecuidance. Heureusement pour toi, tu es un triumvir et tu as visiblement réalisé un bon travail. Ça devrait jouer en ta faveur. Je pense en effet qu’il sera plus que nécessaire d’adoucir ton rapport lorsque tu le feras parvenir officiellement. Pour ce qui est de la teneur du traité, je ne comprends pas bien tes inquiétudes. Je ne vois pas comment le projet pourrait être perverti. Une annexion ? Le territoire est trop lointain et Suna ne dispose de toute manière pas des forces nécessaires pour prendre le contrôle d’un territoire aussi vaste et… Si différent de notre coutumier désert… Nous avons plus à gagner qu’à perdre dans cette histoire, même les plus bellicistes d’entre nous le reconnaitront. À la limite certains s’opposeront au projet par pur principe, ne voulant pas s’abaisser dans une alliance avec « plus faible que nous ». Mais ce seront les mêmes éternelles têtes qui s’opposeront à tous renouvellements de notre village. Comme dans le cadre de notre rapprochement avec Konoha."
Marquant un arrêt dans son flot continu de parole, Hayato prit le temps de respirer et d’humecter ses lèvres de sa bière.
"Pour autant, même s’ils râlent. Le rapprochement a eu lieu et continuera d’avoir lieu. Cependant, dans le cas des Chinoike… En choisissant cette approche tu décrédibilises ta cause. Tes opposants vont focaliser l’attention sur tes méthodes plus que sur le résultat. Considérant à tort ou à raison que de mêmes résultats auraient pu être obtenus de manière officielle… Sans parler de Senshi qui pourrait très bien interpréter cela comme une tentative de renverser son influence. Car si je peux comprendre en te connaissant que ton but est avant tout de pousser notre village vers la paix. D’autres verront simplement un moyen de te faire l’interface de Suna avec le monde extérieur. Après tout, qui d’autre qu’un chef pourrait négocier en son nom pour le village en son entier ?"
L’affaire était épineuse… et le manchot risquait concrètement de s’y piquer… Un profond soupir accompagna l’affaissement des épaules de l’intendant lorsqu’il continua.
"N’aurais-tu pas pu simplement venir m’en parler en privé ? J’aurais pu faire passer ça pour un test de tes compétences diplomatique… C’est toujours possible bien sûr. Mais j’aurais aimé ne pas être pris au dépourvu."
Posant ses coudes sur le bar, Hayato attendit la réaction de l’ancien. Il avait accepté d’arrondir les angles et de passer outre bien des aspects du discours Akayuki pour se concentrer sur le fond. Il s’était montré direct et avait présenté la situation de son point de vue. Apportant même une solution… Mais une intuition lui indiquait qu’elle ne serait pas acceptée.
Yukio avait oublié de me parler de l’égo de son ami…
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