Transmettre et évoluer. [PV Shindo]

    « Un paquet de riz, un beau morceau de bœuf, un sachet d’oignons et un assortiment d’épices… Tout y est, voilà pour vous jeune homme ! »

Yashiro remercia le vieux vendeur d’un geste de la tête, attrapa le sac de courses qui lui était tendu et sortit de l’échoppe. Le shinobi n’anticipait jamais ses repas et allait toujours faire ses courses au jour le jour dans différentes échoppes et sur différents marchés selon ses envies du moment. Certes, ce manque d’organisation lui coûtait beaucoup de temps, mais lui permettait de profiter de la vie animée du village et d’échanger avec ses habitants.

Cette fin de matinée était d’ailleurs particulièrement animée puisque Yashiro fut interpellé par les bruits d’une foule qui manifestait sa joie, sa vive impression et sa stupeur. Le chûnin se demanda bien quel pouvait être la raison d’un tel brouhaha : ce n’était pas un gros jour de marché et aucune fête n’était à l’ordre du jour. Il suivit le son de la population, avançant rapidement pour ne pas rater ce potentiel événement.

Il arriva sur l’une des plus larges places de Konoha qui commençait à être très bien remplie ; le shinobi dut même jouer des épaules pour se faufiler entre les passants et les badauds afin de pouvoir espérer voir quelque chose. Il finit par apercevoir une sorte de scène de théâtre en bois ; elle n’inspirait guère confiance : les planches avaient l’air d’avoir pris l’eau plus d’une fois, les clous qui fixaient la structure étaient presque rouillés, le marron du bois virait au jaune par endroit et l’ensemble semblait prêt à s’écrouler à tout moment. Au milieu de cette scène, plusieurs protagonistes se tenaient là, face à face. Un homme aux allures de samouraï raté restait debout raide comme un piquet et agrippait son sabre de toute sa force ; à bien y regarder de plus près, il avait l’air plus bovin qu’humain. À côté de lui, vêtu d’un costume fait de bric et de broc qui semblait trop serré pour lui, un homme alpaguait la foule, l’air hésitant. À n’en pas douter, il s’agissait de l’instigateur de cette bien étrange compagnie. Mais c’est surtout le gamin qui faisait face à l’homme bœuf qui interpella Yashiro ; que diable allait faire un enfant face à un homme de cette constitution. C’était également ce que se demandait le voisin du shinobi, qui attira son intention et l’interpella en lui donnant un léger coup de coupe.

« Hé, vous venez d’arriver c’est ça ? Ce gamin est venu sur scène et a provoqué le samouraï avec la ferme intention de le battre. Ils ont bien essayé de lui dire de partir mais il a l’air déterminé… Le pauvre, il va sûrement se faire écraser… »

« Il était à ce point en confiance face à cet homme-bœuf hein ? », Yashiro n’écoutait déjà plus son voisin qui continuait de lui parler des animations au sabre de la matinée ; le shinobi lui répondait de manière automatique par de petits bruits de bouche de temps à autre. Il était plutôt concentré à analyser la posture des deux combattants. Et à y regarder de plus près, le gamin avait peut-être raison d’être confiant pour ce combat. Le samouraï bovin n’avait l’air d’être qu’un balourd et, à en juger par sa posture, à ne rien connaître au kenjutsu. À contrario, la position du garçon était impeccable : ses jambes étaient placées de manière très scolaire et sa main n’était pas crispée sur son arme. Au contraire, elle embrassait délicatement la poignée du katana ; il était prêt à dégainer à tout instant.

Le samouraï de pacotille déclencha les hostilités chargeant de toute sa force. L’enfant l’imita, avec un assaut beaucoup plus dans la souplesse et dans la technique. En un clignement d’œil, tout était joué. La majorité de la foule n’avait probablement rien vu, mais Yashiro n’avait lui rien raté du spectacle. D’un ample mouvement de bras, le gamin avait accompagné le tranchant de sa lame et avait arraché un beau morceau du pantalon de l’adversaire. Le morceau de vêtement ne tint plus en place et s’écroula d’un seul coup aux chevilles de son propriétaire, dévoilant un caleçon des plus ridicules.

Yashiro ne réussit pas à réprimer un pouffement de rire ; il tenta de le camoufler en se cachant derrière sa main. L’enfant était audacieux et semblait être loin d’avoir froid aux yeux, ce qui plaisait au shinobi. Il aimait bien les fortes têtes. En tous les cas, ce petit tour de sabre produit son petit effet : le reste de la foule éclata de rire et applaudit de toute sa force le combattant victorieux.

« Impressionnant… Vous avez vu ça ? Quel phénomène ce petit… », le voisin de Yashiro ne put s’empêcher d’à nouveau exprimer sa surprise. Le sabreur se contenta de lui répondre d’un sourire complice et tourna de nouveau son regard sur la scène.

La situation semblait d’ailleurs sur le point de dégénérer. Le samouraï bovin, mais aussi son autre camarade de combat, une sorte de monsieur muscle accoutrée d’une veille tenue de shinobi qui ne dupait personne, et l’organisateur de cette mascarade n’avaient pas l’air d’avoir apprécier la plaisanterie. Ils se tournèrent tout trois vers l’enfant, prêt à se venger et à lui infliger la correction de sa vie. Même s’il était indéniable que le gamin était plus compétent que ses adversaires, à trois contre un, et d’autant plus vu la différence de carrure, il risquait de subir les foudres des trois escrocs.

Yashiro s’élança à toute allure depuis la foule – infligeant ainsi un monumental vent à son voisin qui venait encore de lui poser une question – et bondit brusquement sur la scène, à côté de l’enfant. Arrivé droit comme un piquet, il frotta sa main dans les cheveux du gamin comme pour le saluer et lui signaler sa présence, puis s’adressa aux trois brutes qui s’étaient interrompues dans leur course, surpris de la vitesse avec laquelle le shinobi s’était déplacé.

« Mon élève vous a fait fort impression et vous vouliez le recruter dans votre troupe n’est-ce pas ? Vous n’étiez pas sur le point de vous en prendre à un enfant quand même… Surtout à trois contre un ? »

Yashiro retira la main du crane de son nouvel « élève » et la posa sur la poignée de son sabre. Les trois compères face à lui ne valaient cependant même pas la peine qu’il dégaine son arme et s’il blessait qui que ce soit, il s’exposait potentiellement à de lourdes répercussions de la part du village. Le mieux était donc de les faires dégager. Il concentra son chakra une demi-seconde et le libéra d’un coup en direction des trois hommes. Prenant conscience de la différence de niveau entre eux et le shinobi, ils ne purent bouger le petit doigt : ils étaient totalement tétanisés.

« Maintenant filez et que je nous revois plus ! »

Le sabreur lâcha la poignée de son katana et claqua des doigts, ce qui eut pour effet de faire sortir les trois larrons de leur paralysie. Ils se retournèrent aussitôt et prirent leurs jambes à leur coup, prenant à peine le temps de rassembler leur pécule et leurs armes. Yashiro regretta presque ce geste de bonté, constatant que ce serait aux gardes du villages de s’occuper de démonter l’épave qui servait de scène à ces faux samouraïs. D’ailleurs, il allait devoir s’éclipser rapidement à son tour, s’il ne souhaitait pas passer une heure à s’expliquer avec les autorités sur la présence de cette structure en bois au milieu de la place.

Mais le plus important pour l’instant était de se présenter en bonne et due forme à celui qu’il avait introduit comme étant son élève. Il regarda le gamin droit dans les yeux. Il constata qu’il avait l’icône de Konoha sur son casque ; c’était donc très probablement lui aussi un ninja, ce qui expliquait sa capacité à se débarrasser si facilement d’une masse de muscle – aussi mauvaise était-elle au combat.

« Tu sais que t’es marrant toi ? Très sympa ta technique secrète du pantalon. C’est quoi ton nom ? Moi je m’appelle Yashiro Shindo et tout comme toi, je suis un shinobi du village »

    L’enfant était un gai luron et semblait enthousiaste devant la petite démonstration de force de Yashiro. Il se présenta en bonne et due forme. C’était un descendant du clan Senju. Yashiro avait déjà croisé une de ses représentants, dénommée Himiko. Il se demandait d’ailleurs si l’un des Senju qu’il avait rencontré était capable d’utiliser les techniques de Mokuton propre au clan. En tous les cas, le joyeux Ento semblait moins sérieux que l’archétype du clan Senju que s’était imaginé Yashiro – ce qui n’était pas pour lui déplaire, il préférait les bons vivants aux shinobis austères et souvent trop imbu d’eux-mêmes.

« Je suis preneur de la technique du pantalon, je connais une ou deux personnes sur qui j’aurai bien envie de la tester. Et tu peux me tutoyer tu sais, on n’est pas obligé d’être très à cheval sur le protocole shinobi… Personnellement je m’en fous un peu »

Les présentations n’eurent pas réellement le temps de durer bien plus longtemps : de premiers gardes commençaient à arriver sur les lieux, probablement attirés par le bruit et la foule rassemblée. Ce fut le petit Senju qui les remarqua en premier. À peine avait-il averti Yashiro de leur présence qu’il partit en courant sans demander son reste. Le sabreur l’observa se ruer à toute allure dans une direction et le vit grimper quatre à quatre le mur d’une maison, sous les yeux abasourdis de son propriétaire qui observait la place depuis sa fenêtre.

« Ah, la fougue de la jeunesse ! »

Ento avait l’air de préférer l’action à la réflexion ; Yashiro ne pouvait pas réellement s’en moquer, il avait lui aussi prévu de s’éclipser discrètement, ce qui lui aurait demandé bien moins d’effort que de baratiner les shinobis en charge de la surveillance des rues. La fuite avait l’avantage d’être la solution facile, c’est pourquoi Yashiro emboita le pas de son nouvel acolyte.

« Hey ! Arrêtez-vous ! »

La discrétion de l’un des deux shinobis devait être à revoir, puisque les deux gardes s’exclamèrent de concert en voyant ce délit de fuite. C’était très probablement Yashiro qui s’était fait repérer, mais, un peu honteux de s’être fait griller aussi facilement, il se persuada que le jeune Ento était encore trop maladroit pour se déplacer sans se faire remarquer. Il rattrapa d’ailleurs rapidement le Senju et les deux ninjas avancèrent de concert de toit en toit. Yashiro se contenta de suivre son jeune acolyte, le laissant tracer le chemin à suivre, esquivant les réservoirs d’eau et autres structures installées sur les toits des bâtiments.

Le rythme n’était cependant pas assez élevé. Le genin avançait certes rapidement, mais pas assez : Yashiro sentit que les deux gardes commençaient à les rattraper ; se retournant, il vit en effet deux silhouettes au loin qui leur courraient après. Il fallait accélérer et vite, avant que leurs poursuivants ne puissent les distinguer et donc potentiellement les identifier.

« Tu m’excuseras par avance mon petit Ento, mais il faut qu’on aille un peu plus vite je crois ! »

Le sabreur regarda le petit Senju dans les yeux, l’air de lui adresser un pardon sincère puis l’attrapa avec toute sa force. Il l’enroula dans son bras droit et le bloqua contre ses côtes, comme s’il était un vulgaire objet à déménager. Le jeune shinobi n’avait certes pas l’air dans une position ni très confortable, ni très honorable, mais il valait mieux ça qu’un tour au poste de police. S’ils avaient discuté directement avec leurs poursuivants au lieu de s’enfuir, peut-être auraient-ils pu s’en tirer avec un peu de bagou ; mais ils avaient décidé de s’enfuir, et c’était un choix difficilement défendable et justifiable.

En quelques instants, la vitesse accéléra du tout au tout. Yashiro imprégna un rythme bien plus soutenu, courant à peine deux ou trois foulées sur chaque toit avant de sauter sur le suivant. La distance avec les deux gardes se creusa aisément et les silhouettes qui se rapprochaient précédemment finirent par s’éloigner, puis disparaître définitivement. Le duo était sorti d’affaire.

Le sabreur continua sa course sur encore quelques toits, toujours avec son Senju sous le bras, jusqu’à ce qu’il se rende finalement compte que plus personne n’était en mesure de les avoir suivis. Il descendit alors du toit où il se trouvait pour atterrir dans un parc qui se trouvait juste en dessous. C’était l’un des nombreux endroits verts du village : on y trouvait une vaste étendue d’herbe, avec quelques parterres fleuris et des arbres ça et là pour avoir des zones d’ombres en plein été, lorsque le soleil se faisait trop insistant. L’endroit avait de nombreux usages : certains y venaient pour lire, d’autres – des shinobis – pour entraîner certaines techniques dans les endroits aménagés pour ne pas déranger les autres, et quelques-uns y venaient également pour pique-niquer ou pour peindre ce magnifique lieu de verdure. C’était ainsi une foule hétéroclite qui vit Yashiro descendre brusquement d’un toit avec un gamin en guise de colis à livrer. Le sabreur salua les passants interloqués d’un geste de la main maladroit, ne sachant trop où se mettre ni comment réagir, puis reposa au sol son colis shinobi.

« Toutes mes excuses pour ce voyage peu confortable ! », mais plutôt que de se noyer en excuses et que de culpabiliser, le sabreur décida de renvoyer la responsabilité à son camarade ninja. « Mais dis-moi, t’es un petit voyou toi en fait ! T’es recherché par la police pour des délits en tout genre pour fuir dès que tu vois une figure d’autorité ? »

Yashiro taquinait son interlocuteur avec un large sourire, pour être certain que le Senju comprenait bien l’ironie et ne se vexe pas. Après tout, au départ, le chûnin avait lui aussi prévu de s’enfuir : Ento lui fournissait juste un prétexte pour ne pas avoir à lui-même se justifier. Il avait déjà suffisamment de problème avec les autorités entre ses nombreux déplacements peu justifiés et ses missions à rallonge ; il ne voulait pas ajouter à cette liste des problèmes internes au village. Mais Yashiro décida bien vite d’oublier ce petit délit de fuite et de s’intéresser à son nouvel acolyte au tempérament bien trempé.

« D'ailleurs Ento, ça fait longtemps que tu pratiques le kenjutsu ? Je ne savais pas que le clan Senju était versé dans l’art du sabre. »

Ento n’affichait pas une mine ravie ; au contraire, il avait plutôt l’air de bouder. Yashiro n’avait pas imaginé qu’il avait pu le vexer en le transportant comme un vulgaire sac à patates. Il aurait pourtant pu s’en douter : lui-même n’aurait pas aimé être traité de la sorte et son orgueil de shinobi aurait alors été touché. Il en regretta presque son comportement, mais les circonstances jouaient se faveur. Un peu honteux, il se dit qu’il lui apprendrait deux ou trois astuces de kenjutsu pour se rattraper.

Néanmoins, si le garçon était vexé, cela fut de courte durée, et il abandonna vite sa moue bougonne et ses bras croisés pour sa joie de vivre initiale initiale. Ento semblait faire partie de ces gens qui ne prenaient pas les choses trop à cœur et dont la bonne humeur était contagieuse. Cela rassura Yashiro ; il se dit également qu’il venait là de rencontrer un jeune shinobi attachant.

La raison de la fuite du Senju provoqua un petit rire presque imperceptible de Yashiro. Ce n’était qu’un enfant : il n’était pas étonnant que sa figure d’autorité sa mère. Yashiro repensa à la sienne. Il s’était déjà dit récemment qu’il devait aller lui rendre visite, mais il n’avait toujours pas pris le temps de le faire. Il se jura, à nouveau, qu’il prendrait sous peu le temps d’aller la voir dans son village de paysans à quelques jours de Konoha.

« Ah les mères, elles peuvent être terribles… Quand j’étais encore plus jeune que toi, je passais mon temps à courir et à découvrir les forêts aux alentours de mon petit village. Et je rentrais tous les soirs couverts de terre et de bleus. Autant de dire que ça ne remplissait pas ma mère de joie… Aujourd’hui encore, j’entends sa colère ! »

Yashiro se grattait sa barbe de trois jours ; il se replongea dans ses souvenirs. Il se rappelait encore des teintes vert sombre de l’épaisse forêt qu’il arpentait, de ses déjeuners à base des baies qu’il pouvait trouver et d’animaux qu’il réussissait à chasser, de ses cabanes qu’ils construisaient dans les arbres et dans les clairières en plein cœur de la forêt. Et dire qu’à l’époque, le shinobi ne comprenait pas pourquoi on le surnommait « le sauvage ». De toute façon, ce surnom dérangeait plus la mère de Yashiro que lui-même : elle n’aimait pas que son foyer se fasse remarquer pour de mauvaises raisons et aurait préféré avoir une vie discrète. Déjà qu’elle avait suffisamment souffert et avait suffisamment été jugée par le départ de son mari quelques années auparavant, le comportement de son fils ne venait qu’empirer une situation déjà peu confortable.

C’était d’ailleurs le point commun entre Ento et Yashiro : les deux avaient été initiés au kenjutsu par leur père. Cependant, si le Senju continuait son apprentissage auprès de son parent, Yashiro lui avait été abandonné par le sien à ses douze-treize ans. Mais il ne gardait pas la moindre rancœur de ce départ et, peut-être qu’un jour il songerait à le retrouver.

« Et ça va, c’est pas trop chiant d’être l’élève de son père ? », Yashiro se garda d’envoyer une petite pique supplémentaire, qu’il n’enverrait que plus tard si l’occasion se présentait. « J’ai commencé à m’entrainer au sabre quand j’étais tout petit, je pense que je devais avoir sept ou huit ans tout au plus. Pareil, c’est mon père qui m’a appris les bases, mais ensuite il est parti. Et après, j’ai appris par moi-même dans la nature ou au cours de mes voyages lorsque j’ai pu rencontrer et observer d’autres grands sabreurs ! »

Il se rappelait également de son arrivée à Konoha, lorsqu’il était encore pré-adolescent. Tout curieux et peu habitué à la ville, il avait mis du temps à trouver ses marques dans son village. Il était difficile pour lui de s’entraîner en ville : il avait passé des années à répéter ses exercices seul au milieu de la nature ; se retrouver au milieu de pleins de gens, parfois sous leurs regards, l’avais longtemps mis mal à l’aise. Mais au fil du temps, il avait réussi à s’accoutumer à cet univers urbain et s’était trouvé de nouvelles méthodes d’entraînement : dès qu’il voyait un shinobi armé d’un sabre, il se mettait à le suivre jusqu’à ce qu’il aille s’entrainer et observait ses mouvements pour ensuite les imiter à son tour le lendemain. Si méthode lui avait plus permis de s’améliorer à la furtivité qu’au sabre, elle avait malgré tout permis au jeune shinobi d’apprendre quelques mouvements intéressants. Néanmoins, cela faisait maintenant quelques temps qu’il n’avait pas croisé d’adepte du kenjutsu digne de ce nom au village ; peut-être n’était-il pas assez souvent à Konoha pour les croiser.

« Une Hyuga tu dis ? », Yashio réfléchit quelques instants. « Non, ça ne me dit rien, mais ça attise ma curiosité. Si tu la croises un jour tu me mettras en relation ! »

Yashiro leva les bras au ciel et commença à s’étirer. Il avait encore un peu de temps à tuer avant d’aller déjeuner ; autant le mettre à profit. Il voulait se rattraper de son comportement sur les toits ; il se tourna vers le genin.

« Bon pour m’excuser de t’avoir traité comme un vulgaire colis, tu veux que je te montre un ou deux petits trucs ? »

Il s’avança vers l’un des mannequins en bois du parc. À en juger par son état, il avait déjà été bien utilisé par de nombreux shinobis depuis des années ; l’un de ses bras était en piteux état et semblait prêt à tomber à tout instant. Yashiro sortit son sabre et se mit en posture de combat.

« Le plus important, ce sont les bases. Si tu respires bien et que tu ne te précipites pas, tu es certain d’avoir les capacités de devenir un grand sabreur ! »

Le shinobi inspira, puis expira. Il changea sa position de combat : épaule et coude droits en arrière, il arma son sabre au-dessus de lui ; l’arme était prête à piquer. Il se concentra une demi-seconde supplémentaire, comme pour faire le vide en lui. Son art du sabre était instinctif, il ne réfléchissait pas à ses mouvements, à où il devait placer son arme et à quels gestes ils devraient faire ; son corps suivait de manière inconsciente et presque animale son sabre.

Yashiro commença par une ample frappe diagonale, puis suivit instantanément par une large série d’enchainements qui s’abattirent sur le mannequin. Taille, frappe, estoc, toutes les types de coups y passaient et frappaient la cible en bois en tout point ; le sabreur prenait juste garde de ne pas frapper le bras abimé du mannequin, de peur de l’arracher. En deux ou trois secondes, de nombreux coups étaient partis et laissèrent de violentes et profondes marques dans le bois de la cible.

« Qu’est-ce que tu dis de ça ? »

Spoiler:

    Yashiro écoutait avec attention les explications d’Ento ; en revanche, il n’y réagit pas spécialement lorsque le Senju évoqua l’histoire de son clan. En soit, le sabreur étant arrivé à Konoha dans son adolescence, il n’était pas trop au fait de l’histoire du village. On ne lui avait pas raconté tout le folklore shinobi propre au pays du feu pendant son enfance : il avait donc de sérieuses lacunes à ce sujet ; par ailleurs, les histoires de clan et de vengeance ne l’intéressaient pas vraiment, il trouvait ça trop cliché. Mais, ne voulant vexer son acolyte, ou plutôt ne voulant pas passer pour l’ignare de Konoha, il se contenta de quelques platitudes lorsque le genin avoua s’être perdu dans ses pensées.

« Ah que veux-tu, on ne peut pas refaire l’histoire, il faut faire avec ! »

Le jeune homme n’étaya pas plus, ne sachant réellement qu’ajouter. Il observa simplement le jeune Ento tenter d’expliquer son art du kenjutsu. Le gamin avait l’air de plus brasser de l’air qu’autre chose, mais Yashiro en vint à se dire que s’il devait expliquer comment il se battait, il ferait probablement une explication aussi convaincante. « Spécial, c’est ça que tu veux dire ? », s’exclama le sabreur en tapant du poing dans sa main. « En effet, du peu que j’ai pu en voir, c’est plutôt spécial », Yashiro affichait un large sourire railleur.

Lorsqu’Ento évoqua l’empire de Tetsu, cela fit remonter de nombreux souvenirs au chûnin. Il y avait en effet été il y a quelques années lors d’une mission. Il avait alors failli perdre la vie face à un mystérieux samouraï qui n’avait même pas pris la peine de lui dire son nom. Pire que la défaite, le ninja avait alors à l’époque connut la peur. Yashiro se demanda si l’écart de niveau s’était comblé depuis et était curieux de croiser à nouveau cet étrange adversaire. Qui sait, peut-être aurait-il l’occasion de se rendre dans cette région hostile dans les mois à venir ?

« Oui l’empire de Tetsu regorge de puissants samouraïs, mon père vient d’ailleurs de là-bas », il s’interrompit quelques instants puis repris. « Je pense que c’est à Tetsu que j’ai pu affronter le plus puissant de mes adversaires. J’ai d’ailleurs perdu haut la main ce combat. Enfin, nul doute qu’aujourd’hui je m’en débarrasserai en deux-trois mouvements », le sabreur mima quelques mouvements de sabre pour accompagner ses paroles. Il n’était pas spécialement assuré de ses propos, mais cela l’amusait de se créer une image de sabreur parfait aux yeux du genin.

Apprenant que la spécialiste du kenjutsu Hyuga vantée par Ento n’était qu’une genin de son âge, Yashiro eut bien du mal à cacher sa déception. Il espérait pouvoir rencontrer une puissante adepte de l’art du sabre avec qui échanger et apprendre de nouvelles choses, mais il s’agissait plus certainement d’une élève ayant encore beaucoup de choses à apprendre. Ne perdant jamais une occasion de se taire, le chûnin en profita malgré tout pour envoyer une pique au jeune Senju.

« Ah oui, je vois pourquoi elle t’intéresse ! T’es un jeune beau gosse, fonce t’as toutes tes chances ! », le shinobi ne put retenir un rire nerveux face à ce coup d’éclat qui mettait son acolyte plus mal à l’aise qu’autre chose, à en juger par ses « non » mimés de la tête.

C’était ensuite au tour d’Ento de se moquer de Yashiro et de ses « explications » sur ce qui faisait l’art du sabre ; la raillerie était totalement méritée et de bonne guerre. Elle ne manqua pas de faire rire à nouveau le chûnin, qui n’avait aucune phrase bien sentie pour surenchérir. Il dut se contenter de reconnaître son manque de pédagogisme.

« Hm… Mais c’est pas facile à expliquer, moi je me base globalement sur le ressenti, je réfléchis pas trop à tout ça. Et comme j’ai jamais eu d’élèves, ni véritablement de maître, j’ai pas réellement appris à mettre les mots sur les choses… », Yashiro réfléchit un instant, comme si quelque chose le dérangeait. « Pourtant j’écris beaucoup, je comprends pas. Peut-être que je devrais être essayer de mettre sur papier mes pensées concernant le kenjustsu ! »

S’il n’était pas convaincu par les enseignements de Yashiro concernant l’art du sabre, le gamin fut bien plus impressionné par la technique montrée par le chûnin. L’illustration par l’exemple était souvent plus parlante qu’une théorie un peu insipide. Le sabreur invita son nouvel élève à l’imiter et s’appuya contre un arbre, regardant le petit Senju à quelques mètres de là. Avant de se mettre à l’œuvre, le garçon tenta de déchiffrer le secret de la technique par une phrase mystique qui ne manqua pas de faire réagir le shinobi.

« Effectivement, ouais, le « truc » à savoir pour bien employer cette technique c’est bien shh shhhhh fwww shhh », Yashiro hochait la tête et gardait son sérieux, encourageant son acolyte dans son attitude désinvolte.

La situation lui rappela son adolescence ; il était un poil plus âgé qu’Ento à l’époque, mais lui aussi avait répété encore et encore des mouvements pour apprendre un nouveau geste, pour être plus rapide ou tout simplement pour que son art du sabre devienne plus instinctif. Considéré comme un paria à l’académie ninja à cause de la différence d’âge avec les autres élèves, il avait eu besoin de trouver un moyen de se démarquer positivement : devenir de plus en plus fort avec son katana avait été la solution. Il n’hésitait pas à défier les fortes têtes qui tentaient de se moquer de lui et leur faisait alors ravaler leurs paroles.

« Mhh.. C’est plus complexe que ça on dirait »

L’incertitude du jeune Senju vint sortir Yashiro de ses souvenirs. Malheureusement, plongé dans ses pensées, il n’avait absolument pas observé le genin et était bien embêté. Il s’en sortit avec une cabriole des moins discrètes.

« Ne soit pas si dur avec toi-même, c’était pas si mal. Réessaie un coup voir ? »

Ento refit une tentative et cette fois-ci, Yashiro garda l’œil ouvert et analysa les faits et gestes de son apprenti. Ce n’était pas si mal, mais c’était encore trop brouillon : le genin ne se tenait pas assez droit et se précipitait ; il était plus concentré sur l’idée de mettre rapidement énormément de coup que sur le fait d’asséner réellement des frappes précises s’enchainant avec fluidité. Le chûnin vint se tenir à côté d’Ento et se remit en position, tentant d’expliquer au mieux les choses à corriger.

« T’es trop concentré à taper, faut que ce soit plus instinctif. Regarde comment je me tiens et fais pareil », Yashiro invita le Senju à redresser son dos et à garder une posture bien droite. « Après tu veux trop aller vite, prends un peu plus ton temps, la vitesse ça viendra après, d’abord il faut s’appliquer à mettre les bons coups », le sabreur mima au ralenti les différentes frappes qu’il enchainait, afin que le genin puisse bien les oibserver. « Tu vois ? L’idée c’est que tu ailles bien au bout de ton mouvement, pas que tu te précipites. Soit plus souple et veille à ce que tes différents mouvements se suivent naturellement ».

Il abaissa son sabre et regarda le genin dans les yeux, lui adressant son plus beau sourire d’encouragement.

« Allez ! Tu réessaies ? »

    Yashiro observa son élève du jour se remettre en position de combat. Le chûnin fut amusé de constater à quel point le Senju était sérieux lorsqu’il semblait concentré et dans l’action. Il devait avoir un fort désir d’apprendre pour écouter si timidement les explications de Yashiro alors qu’il avait jusqu’ici été plutôt causant et extraverti.

La préparation d’Ento prenait un peu de temps, il paraissait plongé dans ses pensées, comme s’il se parlait à lui-même ou qu’il essayait de visualiser quelque chose. Le jeune homme se demandait d’ailleurs bien ce que faisait le gamin, car pendant quelques instants, le genin ne fit littéralement aucun mouvement. Il hésita à s’interposer pour lui demander s’il y avait un problème, mais finalement le Senju arma son bras, prêt à frapper.

Ento exécuta la technique de façon naturelle et, ma foi, presque parfaite. Les coups s’enchainaient instinctivement, les frappes allaient jusqu’au bout de leur mouvement et le corps du Senju suivait son arme de manière optimale. Le tout pouvait encore être quelque peu amélioré, mais si peu, et uniquement par l’expérience et par la répétition du mouvement encore et encore pour qu’il soit totalement ancré dans le corps du genin. D’un point de vue technique, Yashiro ne trouvait réellement aucun défaut majeur.

« Hé ben… Franchement pas mal du tout ! », le chûnin ne sut trop que dire, il était impressionné par la vitesse d’apprentissage de son acolyte. « La prochaine fois, je pense que c’est toi qui va me coacher et m’apprendre une ou deux techniques, parce que là, c’est à se demander si t’es pas plus fort que moi… », le chûnin avait un sourire satisfait et vint mettre une tape amicale dans le dos de son élève.

Yashiro était en effet plus qu’impressionné : lorsqu’il avait lui-même perfectionné cette technique, il était déjà un poil plus âgé qu’Ento, mais il avait pris bien plus de temps avant de la maitriser. Le jeune Senju avait le kenjutsu dans le sang, ou alors il disposait d’une capacité d’observation hors normes. S’il fut ravi de rencontrer un petit sabreur aussi compétent, il était en même temps presque jaloux de ne pas avoir eu le même potentiel dans son adolescence.

« J’ai juste noté un ou deux petits trucs à corriger », comme par esprit de contradiction et pour se convaincre que le petit Ento avait encore un peu de travail à effectuer avant d’être totalement au point, Yashiro s’efforça de chercher quelques défauts dans l’exécution du Senju. « Au moment d’asséner le bout de ta frappe, je te sens un peu crispé et tendu, ce qui fait que tu perds un peu de puissance dans ton coup. Essaie de ne pas visualiser l’impact, ça te détendra », le sabreur réfléchit un instant : il lui fallait trouver un deuxième défaut, mais rien ne lui vint à l’esprit. Il divagua un peu plus loin que sur l’aspect technique de l’exécution d’Ento, mais au moins, ce conseil là était sincère. « Et sinon, de manière plus générale, pense que si tu tombes contre un adversaire potentiellement plus fort que toi, il peut trouver une opportunité dans ton enchainement en ainsi contrecarrer ce que tu voulais faire », Yashiro s’arrêta à un nouveau un petit instant, puis conclut son instant conseil. « Bon tu la refais une dernière fois pour la forme et on se dit qu’on est bon je pense ? »

Le chûnin culpabilisa presque un peu de s’efforcer à trouver des défauts à Ento et de lui demander un nouvel essai, mais d’un côté, cela ne lui demanderait pas trop d’effort et répéter le mouvement encore et encore ne pouvait que lui faire du bien et lui permettre de progresser.

    Yashiro – par mimétisme du Senju, mais sans pour autant le vouloir – hocha à son tour la tête lorsque le Senju expliqua son ressenti sur sa technique apprise. « Exactement, la mémoire musculaire ! », s’exclama le chûnin. « C’est le terme que je cherchai, mais je le trouvais pas ! »

Yashiro se mit à sourire, puis poursuivit avec un rire lorsque le genin le complimenta à son tour. Ento semblait gêné d’avoir été mis en valeur, ce qui ne manqua pas d’amuser le jeune homme. Il hésita à surenchérir d’autant plus pour voir le visage du Senju se transformer en tomate, mais voyant qu’il était déjà en position pour effectuer une nouvelle fois l’enchainement, Yashiro laissa couler et se contenta d’observer le spectacle.

Techniquement, la technique était aussi maitrisée et fluide que lors de l’essai précédent. Le genin était déjà bien au point ; mais Yashiro sentait également que son élève était plus en confiance : les coups étaient plus assurés et plus puissants, s’abattant avec force sur le pauvre mannequin en bois dont le bras droit semblait encore plus fragilisé et ne restait en place que par miracle. Une fois la série de frappes terminée par un impact de la pointe de l’épée qui fit raisonner le bois de la cible, Yashiro applaudit le genin qui lui rappela qu’il avait lui aussi une technique signature à lui apprendre.

« Bien sûr que je suis chaud pour apprendre le coup du pantalon tu crois quoi ?! », le chûnin allait d’ailleurs proposer de s’y mettre dès maintenant, mais Ento fut comme pris d’une crise de panique. : le gamin sursauta d’un coup et ne bougea plus, son visage et son corps se crispèrent et ses yeux prirent la forme de deux énormes ronds. « Bah… Qu’est-ce qu’il t’arrive Ento ? »

Le Senju, débitant ses mots à toute allure, bougeant ses membres dans tous les sens et sautillant sur place, semblait devoir partir – voire même être déjà parti depuis belle lurette. Yashiro lui adressa un rapide sourire et n’eut même pas le temps de lui répondre que le genin lui dit au revoir et parti dans une course aussi rapide que lorsqu’il s’échappa des gardes de Konoha. La situation ne manqua pas de faire rire à nouveau le chûnin qui lui répondit à voix haute, se servant de ses deux mains pour amplifier le son de ses paroles comme un porte-voix.

« Salut Ento ! Bon retour à la maison, mais crois pas t’en tirer à si bon compte. Hors de question que tu gardes le coup du pantalon que pour toi, je passerai au domaine Senju te chercher s’il le faut ! »

Le sourire de Yashiro s’effaça quasi-instantanément lorsqu’il discerna le sac de courses sur l’épaule du gamin. Qu’avait-il fait des siennes ? Il avait acheté de quoi se cuisiner un bœuf aux oignons juste avant de rencontrer le petit Senju, mais aucun sac de nourriture ne trainait sur l’herbe du parc fraichement coupée. Essayant de se refaire le fil des événements, le jeune homme imagina qu’il avait perdu la trace de ses provisions au moment où il était arrivé sur la scène de théâtre en bois, pour faire face aux trois gredins qui menaçaient de s’en prendre à Ento. Avec l’arrivée des gardes du village, la précipitation de la fuite avait pu faire oublier au chûnin ses courses.

Il se rendit à nouveau sur les lieux du « crime ». Il y avait encore çà et là quelques badauds qui observaient la structure en bois en train d’être démontée par des membres de Konoha. Les planches arrachées étaient empilées en un tas informe. Yashiro ne remarqua aucun sac blanc au loin ; il devait s’approcher un peu plus pour en être sûr. Il se fit le plus discret qu’il le pouvait, baissant la tête, la rangeant dans ses épaules et déposant sa main sur son front, faisant mine de se gratter pour cacher au mieux son visage, et s’avança, tentant au mieux de se trouver toujours derrière un ou deux passants.

Il s’approcha ainsi de la scène en bois et constata là, probablement déposé par quelqu’un à côté du tas de bois, un sac en toile, identique à celui qu’il avait en sortant de ses courses. Son visage s’illumina et il était prêt à foncer à toute allure pour récupérer son futur repas du midi. Néanmoins, il se ravisa instantanément lorsqu’il constata qu’à côté de ce sac, en train de redécouper des planches trop grosses, se trouvait un garde à l’air familier. Yashiro prit quelques instants, mais il reconnut l’un des deux gardes qui leur avait couru après avec Ento, identifiables par ses petites lunettes rondes et par ses longs cheveux blonds.

Le chûnin recula derrière un des poteaux de la place, comme pour mieux se cacher, et réfléchit pendant de longues secondes. Il hésitait : devait-il sacrifier son repas de midi ou prendre le risque d’aller le récupérer ? Il était tout à fait possible que le garde ne le reconnaisse pas, mais d’un côté, si Yashiro avait pu identifier son poursuivant, alors l’inverse était également très probable.

Fouillant dans ses poches et constatant qu’il lui restait quelques pièces, le sabreur choisit la voix de la raison. Il sacrifierait son précieux bœuf aux oignons et se « contenterait » de manger dans un restaurant ce midi. De mémoire, la famille Senju avait l’air plutôt riche, il trouverait bien le moyen de demander à son nouvel acolyte de lui offrir un bon repas en remerciement du cours de sabre pour compenser ! Faisant demi-tour et s’éloignant ainsi de cette place où il était pour l’heure persona non grata, Yashiro partit s’engouffrer dans les rues du village, à la recherche d’un endroit où déjeuner.