Nozoyuki Showdown - Shirokuma VS Yukio (Tournoi de Suna)

Au fond d’une salle d’attente plongée dans la pénombre la plus complète, une bête fauve attendait impatiemment le moment où elle serait appelée, pour pouvoir se déchaîner. Sans un bruit, sans même le moindre geste, un Ours Blanc aiguisait ses crocs et ses griffes, afin de se conditionner à triompher de cette journée sordide, à laquelle il ne s’était pas attendu. Tout comme nombre de Sunajin, il s’était immédiatement intéressé au fameux tournoi, qui semblait avoir attiré l’attention de l’intégralité du peuple du désert. Là où nombreux avaient vu une somme substantielle, son regard à lui n’avait été attiré que par les mots “reconnaissance éternelle de votre pouvoir”. Voilà déjà bien des années, qu’il avait travaillé d’arrache-pieds, dans l’espoir de voir une telle opportunité se présenter. Un moyen de faire étalage de sa force devant tous les siens, pour montrer le chemin qu’il avait parcouru et se hisser au-dessus de ses adversaires, pour qu’il ne puisse rester le moindre shinobi sur ces terres, capable d’ignorer qui il était.

« Akayuki Shirokuma..? » L’appela une petite voix qu’il reconnaissait bien, celle du pion qu’on lui avait assigné, qui étaient tous là pour s’assurer que les participants ne retardent pas l’événement. « Les demi-finales vont commencer. Dans cinq minutes, ce sera à vous. »

L’assistant n’avait même pas osé dans la salle, qui semblait emplie d’une tension palpable, ainsi que d’une agressive odeur animale. Celle d’un prédateur, affamé après une longue hibernation et qui avait longuement fantasmé sur son prochain repas, avant de voir lambiner quelque proie, à l’orée de sa grotte. Ce tournoi était une véritable aubaine pour Kuma. Même s’il était bien loin de se douter des projets de Senshi, qui devait être l’organisateur du jour, le chemin de pensée de l’ancien élève du Serika avait décelé un moyen de servir ses projets, sans se douter qu’il était sur la même longueur d’onde que le vieil homme. Tout le gratin du village allait assister aux combats et les participants se devaient de représenter l’élite de Suna. Un moyen d’apprécier les Daimyô ? Un stratagème pour se racheter la confiance du peuple ? Une façon de dénicher les meilleurs potentiels, pour un projet quelconque ou une mission suicide ?

Au final, peu importait les manigances du doyen manieur de sable. Le marchand comptait bien tourner ce magistral coup de publicité à son avantage. Pour cela, il lui fallait bien sûr écraser la compétition, pour briller le plus possible, jusqu’à menacer même de faire de l’ombre à la Légende Serika. Une fois le tournoi remporté et tous les yeux tournés vers lui, il ne lui resterait alors plus qu’à provoquer l’ancêtre, pour une dernière exhibition, destinée à clôturer le spectacle de cette longue journée mouvementée. Devant son charmant public chauffé à bloc, le Kazekage n’aurait sans doute d’autre choix que d’accepter la joute, au risque de perdre la face devant ceux qui l’idolâtraient, depuis si longtemps. Ensuite… Et bien, pour l’instant, il n’y était pas encore. La dernière étape serait la plus dure de toute et il n’était pas encore rendu.

Pour le moment, il avait avancé dans la compétition sans accroc, ayant eu suffisamment de chance au tirage pour ne pas se retrouver immédiatement confronté aux gros bonnets, ce qui lui avait permis de mener des rencontres expéditives, explosives et au cours desquelles il n’avait pas eu à trop se dévoiler. A contrecoeur, il s’était forcé à quitter la pénombre apaisante de son vestiaire, afin d’observer le plus de combats possibles, pour estimer le potentiel de ses adversaires, repérer leurs points forts ou faibles et établir ses propres pronostics, afin de savoir contre qui il avait le plus de chance de se retrouver, en bout de course. C’était surtout Ogawa qui avait attiré son attention, car il connaissait, mieux que quiconque, le danger que pouvait représenter son oncle. Ils ne s’étaient jamais adonnés à un combat véritable, se contentant de quelques sparrings et entraînements moins risqués, pour éviter de raser leur charmant domaine.

Il y avait également un étrange type encapuchonné, tout de noir vêtu et dont les traits restèrent secrets, tout comme la plupart de ses tactiques et de ses victoires successives et douteuses, qui signalaient certainement qu’il y avait anguille sous roche. Genjutsu ? Poison ? Chantage ? Marché établi au préalable ? C’était difficile à dire, car tout au long de son parcours, le fameux Dakuwanda Kirai ne révéla finalement rien, au cours de ses combats.

La dernière étoile montante de l’épreuve était un Nozomo qu’il ne connaissait pas, mais dont il ne pouvait nier les capacités. Celui-ci portait d’ailleurs le même prénom que Yukio, bretteur du même clan, ce qui n’était pas sans rappeler au Triumvir sa propre situation, avec le dénommé Shiro, l’un de ses pairs qu’il s’était étonné de ne pas voir dans l’arène. S’il avait d’abord été déçu de ne pouvoir assister aux prouesses de son ami sabreur, il avait tout de même été bluffé par les compétences de cet homonyme, malgré l’écart de compétence qui le séparait de ceux qu’il avait vaincus. Lui qui avait pour habitude de dénicher tous les talents locaux, il se demandait bien comment celui-ci avait pu échapper à sa vigilance. Cet homme, qu’il estimait être son aîné, pouvait bien être une arme secrète des Nozomo, pour revenir sur le devant de la scène et voler la vedette aux deux frères de coeur de l’Akayuki. Lui vivant, jamais il n’autoriserait un tel affront.

Un peu avant que les combats qui précédaient les siens ne se terminent, le martialiste s’isolait, afin de se mettre en condition pour sa prochaine performance. Toute sa journée s’était découpée de la sorte et, plus elle avançait, plus il se sentait impatient d’en arriver au bout. Les préparations de toute une vie se mettaient en place autour de lui, peu à peu. Toutes les promesses qu’il avait faites, tous les efforts dont il avait fait preuve, tous ceux qu’il avait perdu, tout ce qu’il avait prévu. Il semblait si proche du but qu’il avait l’impression de presque pouvoir l’effleurer. Une chance qu’il avait préparé toute sa vie. Une chance qu’il ne pouvait pas se permettre de rater.

Les cinq minutes étaient presque écoulées, lorsqu’il se leva du banc qui le soutenait. Pour tous ceux qui l’avaient soutenu et hissé là où il se trouvait désormais. Comme un automate, il se dirigea vers la sortie de la pièce d’un pas lourd, ses yeux acérés plantés droit devant lui, assassins. Pour Soren, pour Mirai. Pour Sanae, qui aurait été bien meilleure que lui, pour jouer ce rôle qu’il ne pouvait qu’émuler. Tout en aspirant intensément l’air environnant, la bouche entrouverte et les crocs dévoilés, l’Ours progressait dans l’obscurité du corridor, en direction de la cible à abattre. Pour Yukio, pour Hayato, pour son oncle. Pour Raion, qu’il aurait aimé avoir, pour le rasséréner, au milieu du tumulte de ce point clef de son existence. Au fond de son ventre, l’Ours pouvait sentir la tempête emplir ses sens, dans un bruit sourd, accompagné, au loin, par le brouhaha du public au-dessus de lui, qu’il percevait à peine, perdu dans ses pensées. Pour les siens. Pour tous ceux à qui il voulait, à terme, épargner davantage d’horreur, de perte.


S’extirpant des ténèbres pour apparaître à la lumière du jour, le visage et l’attitude de Kuma changèrent d’un extrême à l’autre. Au moment où il se trouva illuminé par la clarté de l’astre solaire, l’Ours enragé se camoufla, derrière les traits rassurants et amicaux d’Akayuki Shirokuma, l’éternel bout-en-train, bien plus présentable devant la foule pour une foule que l’animal sauvage, qu’il comptait déchaîner, pour la première fois depuis bien longtemps. Pour Suna. Avec un grand sourire, il apparut dans une tenue d’exception, tissée à la main par sa talentueuse promise. Élégante, l’ensemble était composé d’un haori bleu sombre à capuche, long mais léger, fin et dépourvu de manches, laissant son torse et ses bras nus. Dans le dos, on y trouvait également l’emblème de son clan, qu’il arborait fièrement.

Il portait quelques bracelets d’or, de formes et de tailles différentes, aux biceps et aux poignets. Autour du cou, un collier cérémoniel qu’il tenait de son père trônait fièrement, comme pour lui permettre de l’accompagner, pour cette nouvelle étape de son ascension. Une tassette d’armure légère d’apparat, qui portait les armoiries Akayuki, lui ceignait les hanches et était nouée d’une épaisse ceinture rouge, de corde tressée. Un pagne léger et fendu en tombait également, le tout lui permettant de stocker et camoufler l’essentiel de ses équipements ninja, qu’il portait toujours sur lui. Enfin, pour éviter de le gêner dans ses mouvements, il portait un tobi confortable, assorti à son manteau et resserré à ses chevilles pour épouser ses déplacements.

Les deux mains levées et tournées vers le public, le commerçant haranguait les foules, en les intimant à donner tout ce qu’ils avaient, pour cette demi-finale. Cette fois-ci, il comptait bien leur donner du spectacle, mais pour ça, il lui fallait d’abord jauger celui qui allait lui faire face. Une fois arrivé à portée d’oreille, il haussa un sourcil circonspect, face à la question que lui posa l’inconnu, avec une familiarité peu coutumière, pour un Nozomo. S’il pouvait paraître détendu et tranquille pour les gens, éloignés dans les gradins, il avait de plus en plus de mal à contenir la brutalité, accumulée tout au long de son isolation. La référence au maté, allié au prénom de Yukio, ne pouvait être une coïncidence.

Quelqu’un, quelque part, était en train de lui jouer un tour qu’il n’était pas certain d’apprécier. Le jeune bretteur l’avait converti à cette fameuse boisson le soir même où il lui avait révélé son penchant pour le Genjutsu, méprisé par les siens. Avaient-ils découvert son secret ? A bien y réfléchir, il n’avait pas eu l’occasion de voir le jeune homme et ce depuis un bon moment. Où était-il donc passé ? Usurper le nom de son camarade et révéler une telle information pouvait-il être une odieuse tentative de pression, pour lui faire abandonner la compétition ? Fronçant les sourcils, Kuma s’imagina le pire et fusilla l’individu du regard, en se faisant craquer les doigts un à un.

« J’ignore qui tu es vraiment, mais si vous touchez un seul cheveu de sa tête… Vous le regretterez amèrement. » Lâcha-t-il sèchement, en laissant ses bras retomber le long de son corps.

Examinant les propos de son interlocuteur, il l’écouta sans répondre, en essayant de lire entre les lignes, pour comprendre où il voulait en venir. Il parlait de la richesse du clan Akayuki et lui demanda s’il venait pour se tester. Menace ? Tentative d'extorsion ? Demande de rançon ? Dans la périphérie de sa vision, Kuma aperçut finalement Senshi, dont la présence ne fit qu’aggraver les choses, faisant bouillir le sang de l’Ours, dont le corps commençait déjà à se gorger de chakra. “On nous regarde”, avait dit son adversaire, avant de lui adresser un clin d’oeil lourd de sous-entendu.

Le martialiste commença à s’avancer, en serrant férocement ses poings, plus que déterminé à en découdre. Ce match déjà personnel venait de prendre une toute autre tournure, maintenant que quelqu’un avait osé utiliser la vie d’un de ses proches comme une vulgaire monnaie d’échange.

« Je ne sais pour qui tu te prends, mais la plaisanterie a assez duré. Tu as choisi la mauvaise journée, pour venir tester ma patience, Nozomo. » Grogna l’Ours, de manière totalement inaudible pour tout autre que son opposant. « Maintenant, tu vas me dire ce que vous avez fait à Yukio. C’est ta dernière chance de parler, avant que je t’en rende incapable. »

résumé intro:

Face à lui, le présumé coupable recula légèrement, intimidé, à raison, par la bestialité que dégageait Kuma. Celui-ci ne décèlera pas l’allure une seule seconde, serrant les dents en entendant son opposant rigoler comme si de rien n’était, comme si jouer avec la vie des gens n’était qu’un jeu, pour ces malades de Nozomo ! Le pauvre Akayuki n’avait jamais été très physionomiste, son monde orbitant plus souvent autour d’armoiries, de noms et de compétences. Toutefois, lorsque le bretteur continua ardemment d’affirmer qu’il était bel et bien le Yukio originel, petit jeu qui aurait été bien inutile à partir de ce moment-là, il commença à avoir quelques doutes, quant à sa première interprétation de la situation. Ses pas ralentirent, en discernant plus distinctement le visage du jeune homme, lorsqu’il se tira les cheveux pour dévoiler plus facilement ses traits. Cette façon de plaisanter, pour apaiser même les sujets les plus tendus, avec nonchalance… Pris de doute, il se stoppa complètement, devant les nouvelles informations, que seul son ami aurait été à même de connaître. Si quelqu’un voulait vraiment essayer de faire pression sur l’Ours Blanc ou détenait vraiment son compère en otage, tel qu’il l’avait supputé, il n’y avait plus rien à gagner pour l’épéiste, à continuer de jouer la comédie. Il devait donc sans doute dire vrai… La seule autre option viable, à laquelle il pouvait penser, était que quelqu’un d’autre soit au courant de leur lien et n’essaye de l’amadouer, voire lui faire baisser sa garde, en se faisant passer pour son ami. Si c’était le cas, il le découvrirait bien assez tôt et, de toute façon, l’essentiel était que dans ce cas de figure, Yukio ne courrait finalement aucun danger.

Attrapant son menton dans une coupelle, formée de son index et son pouce, le martialiste s’apaisa finalement, maintenant que les risques pour un être cher étaient écartés, il pouvait se focaliser sur sa tâche du jour. Il poussa un léger rire, en entendant le sabreur lui citer ses propres mots, après s’être permis une petite blague aux allures de vantardise.

« Ah bah là, je sais que tu n’es définitivement pas le vrai Yukio, tu m’as l’air bien trop sûr de toi ! » Annonça-t-il, avec un sarcasme amusé, haussant les épaules, tout en secouant la tête. « L’assurance est une couleur qui te va bien, camarade. »

Il lui adressa un sourire tendre, lorsqu’il joignit les mains pour le saluer, mimiquant son geste pour lui faire preuve du même respect, avant que les hostilités ne commencent. Son adversaire parlait trop bas pour qu’il puisse correctement discerner ce qu’il était en train de dire mais, une fois les courbettes expédiées, l’Ours se remit en condition rapidement, en reprenant sa marche, posément. Lorsqu’il vit l’autre combattant commencer à exécuter ses mudras, il haussa de nouveau un sourcil, bondissant en avant pour espérer lui mettre la main dessus avant qu’il n’ait le temps de lui mettre des bâtons dans les roues. Malheureusement, c’était bien trop optimiste, car avant qu’il n’ait le temps de vraiment réduire la distance, il se retrouva assailli par un cercle de flammes, lui coupant virtuellement toute échappatoire ainsi que son champ de vision. Pas mal. Il leva les yeux au ciel, avant de replacer son regard droit devant lui, avant de hausser négligemment les épaules, pour reprendre sa course en exécutant à son tour des signes incantatoires, prêt à braver les flammes pour passer à l’offensive, lui aussi.

Le prenant alors totalement par surprise, Yukio attisa la barrière de Katon  qu’il avait disposé, à l’aide d’un puissant courant de Fûton, plongeant alors un Kuma admiratif dans une vague brûlante, qui souffla au loin son sifflement admiratif, devant cet habile jonglage entre différents éléments complémentaires. Encaissant la fournaise en se retenant de faire le moindre bruit, il se força à continuer d’avancer, en espérant sortir du guêpier dans lequel il était fourré, avant de sérieusement y laisser des plumes. Ses doigts continuèrent leur petite danse, momentanément interrompue par le combo habile dont il était la cible. Fort heureusement, la même bourrasque qui avait renforcé le brasier, sans oublier de lui roussir le cuir au passage, finit par souffler définitivement les restes du terrible incendie.

S’extirpant de la fumée, c’est un Kuma cramoisi, qui réapparut aux yeux de tous, comme s’il se promenait en plein centre-ville, l’air de rien. La majorité de ses vêtements était carbonisée. Son manteau s’était déjà répandu en cendres sur son chemin et son tobi n’était plus qu’un tas de loques carbonisées, qui semblaient prêtes à s’étioler au moindre geste de sa part. Il n’y avait guère que ses tassette et sa ceinture, à s’être bien sorties de cette brutale entrée en matière, même si la corde s’était consumée sur plus de la moitié de sa longueur, sauvée uniquement par la dissipation de la technique. Fort heureusement, son équipement s’en était bien tiré et rien n’avait explosé, ce qui aurait pu grandement aggraver sa situation, dans le cas contraire.

Toutefois, le plus impressionnant restait la carrure épaisse et travaillée du marchand, presque mis à nu et dont toute la musculature était mise en valeur par le chatoiement éphémère des flammèches que l’on pouvait encore voir danser sur sa chair, encore en train de s’éteindre. Il n’y avait pas de trace de brûlure, sur la peau du shinobi, mais un étrange revêtement noir de jais, comme une coloration impie qui s’étendait de sa poitrine à tout le reste de son corps. Stoïque, il continua de ronger la distance, pas à pas, en sentant les derniers vestiges du ninjutsu infernal se dissiper.

« Chaud, chaud, chaud ! Raion va me tu-er ! » Lâcha-t-il dans un soupir, son regard ambré planté dans celui de son vis-à-vis. « A chaque fois que je pense avoir réussi à jauger tes capacités, tu trouves un nouveau moyen de me surprendre. »

La douleur lui léchait encore la peau, même si elle commençait quelque peu à s’estomper maintenant que les flammes n’étaient plus, mais il fallait bien donner le change. L’Ours porta la main droite à sa nuque, pour l’aider à craquer, alors que tout autour de lui, une brise légère commençait à se lever, traçant quelques arabesques sur le sol meuble, avant de se condenser en lui enserrant les chevilles. Doucement, l’élément remonta le long de son maître, comme une cape légère, translucide mais bien visible, qui se concentra autour de ses bras et de ses jambes, tournoyant en sifflant, comme si le zéphyr tentait de lui redonner un peu de pudeur.

« Koraion Kogarashi, ma toute première création. » Expliqua-t-il, en pliant les appuis et se compactant sur lui-même, un sourire carnassier se dessinant sur ses traits. « En tant normal, j’évite de m’en servir, encore moins devant un tel attroupement… Mais tu n’es pas n’importe qui, pas vrai ? »

Détendant ses jambes, il se propulsa soudainement à toute vitesse vers l’avant, en se jetant dans une course effrénée, qui ressemblait davantage à une succession de bonds vivaces, qui pouvait donner l’impression qu’il glissait sur le sol. Lâché comme un bélier destructeur, il voulait que son adversaire se prépare à l’accueillir au contact, mais s’arrêta bien avant d’y arriver. Pilant net, contre toute attente, alors qu’une demi-douzaine de mètres les séparait encore l’un de l’autre. Son bras droit, armé pendant sa course, se relâcha comme un élastique au moment où il interrompit brutalement son momentum, pour délivrer un puissant crochet en plein air, d’apparence totalement inoffensive. Cependant, l’air déplacé par son mouvement, modulé et contrôlé par le Kogarashi visait, lui, à cueillir Yukio en plein menton, avec la même sauvagerie que si les combattants s’étaient trouvés au corps à corps. Kuma espérait ainsi lui rendre la monnaie de sa pièce, pour le surprendre à son tour, après le petit tour de force dont avait fait preuve l’épéiste. Taquin, le jonin resta ancré à sa place, bien en garde, le visage déformé par une expression belliqueuse, sauvage. Il voulait briser la détente de son opposant et lui faire redouter la suite des événements.

Les banalités d’usage étaient désormais effectuées, les gants allaient désormais pouvoir tomber et les choses sérieuses commencer.

Spoiler:

Un juggernaut ? C’était très flatteur, mais Kuma n’était pas sûr de mériter de telles éloges. Il avait eu l’occasion d’en voir défiler, des monstres de ténacité et de résistance, qu’il s’agisse de meilleurs soigneurs que lui ou tout simplement de forces indétrônables de la nature. Toutefois, il avait toujours fait de son mieux pour émuler ces modèles et trouver des façons de pallier ses lacunes. Peu à peu, l’Ours se prenait au jeu de cet agréable affrontement, enrobé de leur échange de politesses, si bien qu’il aurait presque pu oublier les enjeux qui reposaient sur cette journée, pour lui. Yukio était encore jeune, mais si le manque d’expérience lui faisait grandement défaut et creusait la différence qui existait présentement entre lui et l’Akayuki, sa vitesse de progression était ahurissante. Si bien que le martialiste se demandait combien d’années il avait encore devant lui, avant que la balance ne s’inverse avec le jeune bretteur. Souriant, il songea pour lui-même qu’il aurait intérêt à redoubler d’efforts, s’il voulait éviter de se faire distancer en quelques maigres mois, s’amusant de se dire que l’un de ses plus gros challenges serait, finalement, de conserver son avance, à la sueur de son front. Le Nozomo pouvait bien trouver le marchand solide, c’était tout ce sur quoi il avait été capable de se reposer, pour ne pas se faire balayer par ses combinaisons brutales dès l’ouverture des hostilités.

Comme l’ursidé s’y était attendu, sa première frappe à distance fit mouche, en pénétrant sans mal la garde d’un Yukio qui n’eut pas le temps de s’attendre à une telle technique. Au sein d’une caste comme celle des Akayuki, qui brillaient par leurs prouesses au corps-à-corps, trouver un moyen de moduler sa portée avait été un sacré challenge pour le jeune ourson, mais également une véritable clef de voûte pour le reste de son arsenal. Même après y avoir été confronté un nombre incalculable de fois, la plupart des siens ne savait toujours pas comment gérer cette particularité, qu’il avait continué de sublimer, tout au long de son évolution personnelle. C’était maintenant le moment de voir comment allait s’y prendre le bretteur, pour composer avec un Taijutsu unique et exotique, auquel il se retrouvait confronté pour la toute première fois.

Sans se précipiter, Kuma laissa son opposant se relever à son propre rythme, sans chercher à le clouer au sol ou à profiter de sa perte d’équilibre momentanée pour renforcer son avantage. Il avait envie de le voir cogiter et s’interrogeait déjà sur la prochaine manœuvre qui découlerait de son esprit retors. Combattre un spécialiste de ninjutsu était un bon moyen de se confronter à un style auquel il n’était pas habitué, le sortant ainsi de sa zone de confort et lui révélant des faiblesses qu’il n’aurait peut-être même pas soupçonnées, autrement.

Allant à l’encontre de toutes les attentes du commerçant, l’épéiste exécuta des signes à une vitesse admirable, avant de cracher un épais nuage de cendres brûlantes, qui menaçaient tout aussi bien de s’en prendre à sa cible principale qu’à tout le reste de l’assistance, qui risquait donc de servir de dégâts collatéraux. Le regard de l’Akayuki se déplaça brusquement de droite à gauche, pour essayer de trouver un moyen de contrer la propagation de l’attaque, avant qu’elle ne fasse d’innocentes victimes. Qu’est-ce qu’il pouvait bien avoir en tête, ce bougre d’idiot ? Son temps en dehors du village lui avait-il fait subir une terrible insolation, qui lui avait fait perdre la raison ? Était-il à ce point transi à l’idée de gagner, que la fin justifiait les moyens ? Il refusait bien d’y croire et, pourtant, ne put s’empêcher de relâcher son attention et de lâcher le regard de son adversaire, l’espace de quelques secondes fugaces. Dans tous les cas, si l’Haijingakure pouvait bel et bien lui infliger quelques dommages, les particules grises étaient bien incapable de coller à sa peau bronzée, sur laquelle la bourrasque du Kogarashi continuait de tournoyer sans relâche.

« Qu’est-ce que..? » Questionna-t-il soudain, lorsque le vent se mit de nouveau à vrombir, au beau milieu de l’arène.

Afin de condenser sa cendre et de l’empêcher de se répandre dans tout le colysée, Yukio utilisa un nouveau mélange d’arcanes dont il avait le secret, pour localiser la dispersion des braises et piégé un Shirokuma aveuglé, dans un véritable four sifflant. Outre le fait d’épargner totalement le public, cette petite mise en scène permettait non seulement d’empêcher à la victime de fuir, mais aussi de neutraliser momentanément son armure de Fûton, permettant ainsi à la cendre de s’agglutiner sur sa peau noircie, la faisant passer d’une couleur ébène à une teinte grisâtre. De nouveau, sa chair se retrouva confrontée à une nouvelle torture, qui neutralisa temporairement les bienfaits du Kaisei Reigen. Alors que les tornades se déchaînaient, un rire tonitruant se mit à emplir les lieux, en couvrant le brouhaha incessant du vent.

« Bien, Yukio ! TRES BIEN ! » Gronda-t-il à son adversaire, encore camouflé par le jutsu. « Prépare-toi. Prépare-toi… »

Tout autour des deux concurrents, une vague de chakra dense et épaisse, presque palpable, se mit à suinter de manière inquiétante, pour envelopper aveuglément la proie qui essayait vainement d’avancer dans sa direction. La dose d’énergie pure, pleine d’intentions meurtrières cinglantes, dessina les contours d’une ombre vaporeuse, au centre des typhons cendrés. Véritable représentation de la bestialité de Kuma, visible uniquement de Yukio, qui était le seul à portée, les vents féroces firent danser la forme indistincte d’un ours noir, lardé de moultes cicatrices et qui posa des un regard vide, menaçant, sur le barbu, dans le but de l’intimider et de le clouer sur place. L’animal fantomatique ouvrit sa gueule aux dents acérées, comme prêt à engloutir sa cible en une simple bouchée, avant de laisser résonner au fond de ses tympans un grognement sourd et impitoyable.

« J’ARRIVE ! »

Il n’était peut-être pas très doué en Genjutsu, mais le martialiste savait tout de même comment militariser son animalité. Il n’avait même pas besoin de voir Yukio, pour l’enrober de son chakra et le soumettre à un Kanashibari impitoyable, qui illustrait la bête intérieure qui sommeillait, habituellement, au fond du Triumvir. Le Vent Divin finit par s’épuiser, disparaissant peu à peu, pour dévoiler un homme méconnaissable, couvert d’une plaque épaisse de poudre de charbon incandescente, qui ne faisait qu’accentuer son air démoniaque. Ayant décidé de subir l’assaut sans bouger d’un pouce, pour renforcer encore davantage son ascendant psychologique, le jonin, désormais libéré, s’avança, pas à pas, jusqu’à se trouver juste en face de Yukio, mais toujours en dehors de sa portée, à un peu plus de trois mètres.

Pliant les genoux, il élargit sa posture pour renforcer ses appuis, avant de poser son poing droit, solidement fermé, contre sa paume gauche. Tout en prenant une puissante et longue inspiration, il commença à rassembler une épaisse couche de Fûton tout autour de ses phalanges, les pupilles froidement fixées dans celle de sa cible. Le chakra qui ne cessait de s’accumuler et de grandir balaya légèrement la cendre et le sable sous leurs pieds, sur lequel s’incrusta un tourbillon rageur.

« Suna Reppu... » Marmonna-t-il entre ses dents, en serrant la mâchoire.

Puis, les muscles de l’Ours se relâchèrent et il déploya tout ce qu’il avait rassemblé, pivotant vers l’avant pour donner le plus d’ampleur possible à son geste, son poing fendant l’air avec un bruit éclatant d’explosion, qui résonna avec un écho tonitruant dans l’intégralité du stade. Il n’y avait toujours pas le moindre contact entre les deux hommes et, pourtant, un véritable boulet démesuré et venteux prolongea le direct du droit, prévoyant de s’enfoncer profondément dans le plexus du sabreur avec une force démesurée. Il s’était peut-être un peu trop emporté, en se retrouvant devant quelqu’un d’un tel calibre, qui lui avait fait retrouver de vieilles sensations, depuis longtemps assoupies au fond de son être. Il ignorait totalement la morsure brûlante qui tentait vainement de lui carboniser la peau, orientant tout ce qu’il avait sur cette brutale offensive. C’était ce qui arrivait, lorsqu’on faisait bouillir le sang d’un vétéran chevronné et dangereux.

*Ne m'en veux pas trop, Yukio* Songea-t-il, en abattant son poing.

Spoiler:

Paralysé, à la merci totale de son assaillant, Yukio fut bien incapable d’esquiver la violence du vent des sables, qui le coucha de nouveau sur le sol, à quatre mètres d’un Kuma qui se redressa lentement, en ouvrant et refermant le poing qui venait de s’abattre, machinalement. Toute son attention était tournée sur le bretteur, dont il avait pu voir le torse s’enfoncer violemment sous l’impact de son coup, vision particulièrement graphique qui l’avait sorti de sa transe belliqueuse. Il prenait un malin plaisir à cet affrontement, qui opposait deux styles très différents et faisait office de retrouvailles entre les deux camarades, mais la ténacité du Nozomo commençait à quelque peu l’inquiéter. En le voyant haleter au sol, l’Akayuki déglutit avec peine, ignorant totalement le brasier qui lui courait encore sur la peau. S’ils continuaient sur cette lancée… Même s’il ne l’avait pas touché directement, il pouvait encore entendre le bruit des os craquer brutalement, son expertise en médecine lui faisant déjà craindre le pire. Le jeune homme crachait du sang, ce qui signifiait qu’il y avait des dégâts internes, qui pourraient bien mettre sa vie en danger, si rien n’était fait pour le soigner. Les débris d’un squelette malmené n’étaient pas quelque chose qu’il fallait prendre à la légère et, déjà, l’Ours commençait à espérer la fin de la joute, afin de pouvoir examiner son nakama et s’assurer de son bien-être.

*Reste au sol… Tu t’es bien battu, Yukio.* Scandait-il intérieurement, en sentant une goutte de sueur lui couler le long de la tempe, en emportant avec elle un amalgame cendré.

Il se mordit la lèvre inférieure, en le voyant ainsi peiner et rouler sur le côté, avec une aisance remarquable, pour quelqu’un dans sa condition. Le martialiste était obligé de se faire violence, pour ne pas lui hurler d’abandonner et de se rendre compte de l’état dans lequel il était, de faire plus attention, mais il n’en fit rien. Plus encore que de le briser physiquement, il refusait d’insulter sa détermination ou sa hargne, ce qui aurait sans doute plus de dégât que n’importe quelle technique ninja. La question de l’épéiste lui fit l’effet d’un boulet en plein ventre, renforcée par l’image de son adversaire qui se remettait en position de combat, toujours prêt à en découdre. Devant lui, une image du passé se superposa sur les traits du barbu si déterminé, qui, encore une fois, lui donnait l’impression d’être face à un miroir. Il secoua la tête de gauche à droite, peiné, en faisant un pas en avant.

« Il n’y a aucune honte à perdre un combat, Yukio. A ton âge, je n’aurais pas réussi à tenir plus d’une minute, contre toi. » Lui expliqua-t-il, pour essayer de le rassurer, en vain.

Le cadet des frères Nozomo avait quelque chose à se prouver. Il n’était pas venu pour la gloire, il n’était pas venu pour l’argent. Il était venu pour lui-même, il était venu pour se trouver. C’était quelque chose qui résonnait particulièrement bien avec Kuma, qui avait passé sa vie à courir après des ambitions démesurées , sur un chemin qui n’était pas fait pour lui, dans des chaussures trop grandes. Pour qui, finalement ? Pour la paix ? Pour ses êtres chers ? Pour lui-même ? Peut-être pour tout ça, finalement. Il voulait le féliciter, autant pour sa performance que ses progrès, mais il était encore trop tôt pour ça. Il serait incapable de l’entendre, avant d’avoir trouvé satisfaction.

Le Koraion Kogarashi arrivait déjà à sa fin, même s’il lui restait encore suffisamment de jus, pour un dernier assaut, qui signerait, il l’espérait, la fin de cet affrontement. Les trombes venteuses se concentrèrent toutes ensembles, pour aller tournoyer autour des deux pattes de l’Ours imposant, se recyclant ainsi en Tezaiku Shunpu, la Brise Printannière. Un jutsu estampillée Akayuki, qui, tout comme un bon verre de maté et l’apprentissage du Kai, avait scellé le début réel de leur amitié. La technique semblait toute indiquée, pour finir ce combat entre les deux shinobis, trop fiers et braves pour leur propre bien. Cependant, Yukio semblait encore avoir du répondant et, après avoir regagné un certain équilibre, jeta son fourreau droit sur la tête du Triumvir, qui ne put s’empêcher de tiquer, face à cette tentative désespérée. D’un revers de la main, il balaya négligemment le projectile de fortune, qu’il ne pouvait s’empêcher de trouver quelque peu pitoyable.

« Être fort, c’est aussi réaliser la différence entre soi et… » Commença-t-il, agacé, avant que l’incantation du bretteur, ainsi qu’une llueur sur le bout du fourreau ne lui redonne le sourire, tout en lui coupant la parole.

Loin d’être un simple acte désespéré, le véritable but du lancer n’était pas un assaut contondant, mais un moyen de dissimuler un parchemin explosif, pour le faire exploser directement à bout portant. Il était trop tard pour esquiver et Kuma eut à peine le temps de se protéger à l’aide de ses bras, avant que la déflagration ne le cueille de plein fouet.



La puissance du souffle le fit reculer légèrement, menaçant de le faire tomber, mais il tint bon sur ses appuis, glissant sur le sol qu’il marqua de deux profondes tranchées. La manigance avait réussi à perturber sa concentration, annulant le maintien de son Iroujutsu, ne laissant intact que ses tourbillons venteux, qu’il pouvait maintenir de manière presque instinctive, à force d’habitude. L’explosion était loin d’être agréable et avait ramené la morsure cinglante des cendres, qu’il n’avait toujours pas pris le temps de retirer. Avant qu’il n’ait le temps de se remettre de ses émotions, le nuage soulevé par le parchemin se fit trancher en deux par un shuriken prolongé d’une dangereuse scie de Fûton. N’ayant que peu de temps pour se prémunir du nouvel assaut, il eut à peine le temps de faire un pas de côté et d’utiliser son propre courant, pour dévier le projectile au mieux. Les lames éthérées lacérèrent avidement ses chairs, laissant un sillon sanglant sur son torse et son flanc, avant d’aller s’enfoncer par terre, quelques mètres plus loin. Les muscles crispés, Kuma encaissa tant bien que mal la douleur, qui se mêla à celle de ses brulures, remerciant ses réflexes de lui avoir permis un tant soit peu de réaction. Quelques centimètres de plus sur la droite auraient peut-être suffi à inverser la vapeur. Même après ce qu’il avait subi, Yukio restait un adversaire redoutable, qu’il ne pouvait décemment sous-estimer. Un animal blessé, certes, mais qui n’en était que plus dangereux.

Un Ours et un Loup, perdus dans le désert, en plein duel.

Kuma referma ses plaies après quelques mudras rapides mais avant même d’avoir terminé son traitement, son adverse le gratifia d’un autre cadeau empoisonné, sous la forme d’une boule incandescente de Katon.

« Tu te f… » Se fit-il brutalement couper, par l’attaque affinitaire.

Il avait dû combattre son réflexe de bloquer le projectile avec les bras, ce qui aurait pu risquer d’attiser la technique, choisissant plutôt de la prendre directement. La fin de l’enchaînement du Nozomo l’envoya valdinguer plus loin, l’étalant de tout son long, sur le dos, disposé en étoile. Maugréant de douleur, légèrement sonné, il ne s’accorda qu’une poignée de seconde, avant de se relever d’un bond, suite à une flexion du bassin. L’effort lui arracha une grimace douloureuse, mais il ne pouvait se permettre de rester inerte et vulnérable, tant que l’autre combattant n’était pas hors-jeu.

« Tu es encore plus tenace que moi, on dirait. » S’amusa l’Ours patibulaire, en ramenant son poing droit face à son menton et laissant l’autre battre la mesure, se préparant à ce qu’il espérait être la passe finale de cette dangereuse échauffourée.  

En frappant le sol de son talon, il se propulsa d’un bond, pour initier une charge qu’il arrêta brusquement, pour dérouler son bras gauche, qui délivra la première impulsion de sa Brise Printannière, en une courbe ascendante serrée, pour un uppercut appuyé. Ramenant son coude vers l’arrière juste après l’impact, il utilisa ce momentum pour pivoter le reste de son corps vers la gauche, en levant le genou droit. Le typhon qui lui restait autour du poignet se recula en une spirale serpentine, qui s’aventura sur son corps en épousant son mouvement, tandis qu’il se penchait en avant pour donner plus d’ampleur à son geste et basculer la jambe au-dessus de sa tête. La bourrasque alla se repositionner tout autour du tibia de Shirokuma, afin d’asséner un puissant coup de pied à distance, décoché comme un claquement de fouet, mais qui allait s’abattre avec tout le poids d’une tonne de briques.

« Tu t’es bien battu, mais je vais devoir te faire dormir, maintenant, mon frère. »

Spoiler:

En dépit de la situation dans laquelle il se trouvait, Yukio ne se laissait pas décourager. Kuma avait essayé d’être imposant, il avait essayé d’être imperturbable et finalement, il avait même essayé d’être coulant. Ce n’était pas un match à mort et il s’en serait voulu, de laisser à son ami des séquelles, tout ça pour un combat d’exhibition. Malgré tout, il était bien forcé de constater qu’espérer un dénouement en douceur, face à quelqu’un comme ce bretteur, était complètement naïf. Possiblement insultant, aussi. En face de lui, il semblait avoir affaire à un mélange habile, dans lequel il voyait les meilleurs points des Nozomo mais aussi des shinobis en général. Il s’agissait là d’un être complet et complexe, qui était en train de se révéler entièrement, de montrer au monde qui il était vraiment. Il voulait juste briller, comme l’étoile montante que Kuma avait toujours vu chez lui et semblait se foutre que son ambition ne le consume tout entier. Il ne tenait pas à être celui qui soufflerait définitivement sa flamme, mais il ne pouvait pas non plus le prendre de haut ou y aller avec des pincettes. L’Ours avait bien tenté de se lâcher, de faire comme s’il se trouvait en face de n’importe quel autre ennemi, mais son esprit l’en avait empêché, en dressant des barrières psychologiques inconscientes, qu’il aurait sans doute été incapable de remarquer, seul. Si les rôles s’étaient trouvés inversés, il aurait sans doute éprouvé une certaine rancune envers son nakama, pour s’être retenu, comme s’il n’était pas digne de le voir à pleine puissance.

Ce n’était pas une injure qu’il comptait répéter.

Une fois relevé, le marchand pouffa légèrement, de concert avec son opposant, qui arrivait à garder une certaine dose d’humour, même dans cette posture désavantageuse. Le combat s’approchait de la fin, mais le dernier assaut de l’ursidé s’écrasa contre les mêmes tornades qui avaient recouvert son corps de suie incandescente. Un bon recyclage pour dresser une défense in extremis, que le Triumvir observa en haussant un sourcil, qu’il ponctua d’un sourire amusé. Pour ne pas réussir à percer une défense de son élément fétiche, il devait vraiment s’être bridé plus qu’il ne l’aurait cru. Etaler celui qu’il voulait hisser au rang de Roi Pourpre, ce n’était peut-être pas la meilleure marche à suivre, mais il ne pouvait pas non plus se faire passer pour plus faible qu’il ne l’était, de peur de perdre son public, principalement composé de ses compatriotes. Le marchand avait bien essayé de jongler avec ces deux paramètres, pour trouver un équilibre adéquat, mais son adversaire ne lui facilitait pas les choses. Comme s’il s’agissait réellement de son cadet, Yukio ne comptait pas se laisser envoyer au lit, tant qu’il aurait son mot à dire sur la question. Il fallait donc ne pas lui laisser le choix, pour son propre bien, finalement.

Il était têtu, déterminé et ne comptait pas se laisser faire aussi facilement. Et bien soit. En attendant de voir ce qu’avait prévu l’épéiste, qui parlait de perdre avec panache, Kuma se refusa de bouger, intrigué par ce qui l’attendait. Ses pupilles ambrés se posèrent dans celle de l’adversaire et, subitement, d’épaisses racines, qu’il ne connaissait que trop bien, sortirent du sol pour venir l’enserrer. Après la Brise Printannière, c’était les chaînes de haricot, qui s’autorisaient leur petit cameo, pour continuer de faire écho à la soirée où ils avaient appris à se connaître. S’il avait été surpris et quelque peu effrayé la première fois, ce Genjutsu n’était plus suffisant désormais, pour le prendre de court. Il savait bien que faire usage de sa force serait inutile, à part pour se fatiguer bêtement et il se refusa à fermer les yeux pour exécuter un Kai, ce qui pouvait potentiellement lui coûter assez cher.

Le visage toujours braqué devant lui, où devait encore se trouver l'illusionniste, il savait déjà où celui-ci comptait réapparaître, pour avoir déjà expérimenté son tour de passe-passe. Après une courte réflexion, se préparant à réagir, si jamais il en voyait la nécessité, il laissa ses membres se faire rabattre par les lianes, lui faisant ainsi ouvrir les bras en le laissant vulnérable. C’était également une façon d’expier l’arrogance dont il avait fait preuve, jusque là et de saluer sa performance, avant d’y mettre un terme, une bonne fois pour toute. Comme prévu, le sabreur fit apparaître sa cosse démesurée à quelques centimètres du visage de l’Ours, avant de s’en extirper en dégainant son arme.

« Quelle arme est la plus acérée à ton avis ? Ta lame ou mon corps ? » Railla le Triumvir en déglutissant, tentant de jouer les braves mais malgré tout bien conscient du danger.

Il pourrait toujours éviter que sa vie ne soit mise en réel danger, grâce à l’Irou, mais il tenta quand même de condenser son chakra, auquel il donna l’attribut de son affinité primaire, pour dresser une légère protection de Fûton, qui devrait empêcher que ses entrailles ne se répandent sur le sol. Même s’il se doutait que son compère ne comptait pas frapper pour tuer, il savait aussi qu’il ne comptait pas y aller de main morte et l’espace de quelques instants, il regretta presque son acte de bravoure. Comme l’acier implacable d’un bourreau, le katana du Nozomo lacéra les chairs de l’Akayuki en retraçant les blessures infligées, plus tôt, par la Lame du Vide.



Grinçant des dents en poussant un grognement douloureux, la cible du sabre fit de son mieux pour ne pas laisser transparaître la souffrance à laquelle il était soumis, car Yukio ne s’était pas plaint une seule seconde, même après avoir servi de sac de frappe pour l’une des plus grosses brutasses de Suna. La découpe sectionna également les tiges de haricot, qui se dissipèrent comme ils étaient arrivés, pour s’évanouir dans des méandres oniriques, chassés par celui-là même qui venait de les convoquer. L’Ours Blanc, ainsi libéré, ne perdit pas une seconde pour engager ses représailles, malgré la sensation de vertige qui accompagnait immanquablement la sortie de l’illusion, la douleur du fauchage et sa perte de sang considérable. Maintenant qu’ils étaient tous les deux au contact, il pouvait s’en donner à coeur joie, sans avoir besoin de réactiver l’un de ses Vents spécial Nintai.

D’un mouvement vif, il envoya son genou s’enfoncer dans le ventre de Yukio, pour lui couper le souffle et faciliter la suite de son enchaînement, en ramenant vivement le pied sur le plancher des vaches. Le barbu avait fait de son mieux, pour mettre des bâtons dans les roues de son aîné, il était temps de lui rendre la monnaie de sa pièce. C’était une preuve de respect, chose que le jeune homme n’avait pas eu la courtoisie de rendre à la foule de ses compatriotes, éberlués par la vulgarité de son geste. Un bon moyen de s’attirer leurs bonnes grâces, pour l’ourson intrépide.

« Ne t’en fais pas, je ne vais pas te laisser mourir. » Précisa le chef de clan, en déposant le bout de ses phalanges sur le torse meurtri de son camarade. « Je ne fais pas de l’Irou pour rien. »

Sa main tendue trôna un bref instant contre l’épéiste, avant de se transformer en un poing impérieux, qui s’enfonca solidement dans ses chairs d’une furieuse impulsion, sans le moindre élan, prêt à démolir les os et froisser les muscles, sur son passage.



Pour l’occasion, Kuma avait déployé toute la force qu’il était capable de rassembler, bien décidé à ne plus faire dans la demi-mesure mais en utilisant ses connaissances médicales pour limiter de véritables risques, dans la mesure du possible. Expirant lourdement, le Triumvir leva le poing qui venait de s’abattre, pour annoncer sa victoire à toute l’assemblée, qui retenait encore son souffle.

« La première escarmouche du Roi Pourpre et du Nidaime Kazekage. » Murmura-t-il, dans un souffle épuisé, audible uniquement de son rival du jour. « Un vrai carton, pour tous les bardes du Sekai, d’ici quelques années. »

Spoiler:

Enfin ! Il avait enfin son compte ! Lorsqu’il vit le corps de son adversaire s’affaisser, Kuma poussa un léger soupir de soulagement, effrayé des conséquences s’il devait continuer à s’acharner sur le pauvre bretteur. Une sacrée escarmouche, effectivement. Retrouvant quelque peu son calme, il tentait de réguler sa respiration au maximum pour cacher le fait que la force qu’il avait appliquée, pour mettre un terme à l’affrontement, l’avait quelque peu épuisé. La finale était maintenant toute proche et il leva les yeux sur Senshi, son ancien maître et spectateur numéro un, qui avait l’occasion de voir la férocité qui se cachait derrière ses coups. “On nous regarde, Shirokuma”. Et comment ! Il n’appréciait guère l’idée de servir de divertissement au vieil homme, qui devait sans doute avoir une idée néfaste au fond du crâne, pour avoir mis en place un tel événement, sur ce qui ressemblait à une crise précoce de la cinquantaine. L’Akayuki leva le poing droit, qui avait posé la dernière pierre des demi-finales, déclenchant la clameur de la foule. Le regard braqué sur le chef du village, cette mimique avait une autre signification, dirigée spécialement vers lui, sans même savoir s’il était à même de la comprendre. Encore quelques marches… Les plus dures, mais qui lui ouvriraient les portes sur la première étape d’une longue et périlleuse route.

L’Ours laissa sa patte retomber lourdement, reportant son attention sur Yukio, aux côtés duquel il posa genou en terre, pour s’assurer au plus vite de son état et le stabiliser, pour éviter tout risque de séquelle ou d’hémorragie interne. Il écouta le résumé élogieux de son adversaire, en esquissant un sourire tendre, en réalisant pleinement tout le chemin qu’avait parcouru son camarade, autant sur le plan martial que psychologique et en un temps record. L’un comme l’autre, ils ne s’arrêtaient jamais et continuaient de courir, marcher, ramper, en utilisant chaque parcelle de leur force pour continuer, encore et toujours. Tout pour continuer à aller de l’avant. Le trentenaire exécuta quelques mudras, pour faire apparaître au creux de ses paumes jointes une petite boule verte, de chakra curatif.

« Arrête de parler, tu vas réussir à aggraver ton état. » Conseilla-t-il sur le ton de la plaisanterie, mais tout en appliquant une dose d’Iroujutsu sur chacune des parties qu’il avait endommagées. « On a tous encore du boulot. Je vais devoir mettre les bouchées doubles, si je ne veux pas me faire distancer. Je ne pourrais pas me le permettre. »

Il s’inquiétait légitimement pour la santé de son nakama, mais comme tout ce que réalisait le marchand, il s’agissait également d’une prestation, pour toute l’assemblée. Une façon de montrer son fair-play et son respect pour son opposant, bien sûr, mais avant tout, cela lui permettait de confirmer, devant témoin, qu’il maîtrisait les arts de vie, conjointement à ceux de mort. Le pronostic n’avait rien d’alarmant, le médecin arrêtant les écoulements de sang du barbu, sans se préoccuper de ses propres blessures. Le patient en venait même à le remercier, alors que c’était bel et bien la faute du Triumvir, s’il se retrouvait dans cette situation !

« Moi aussi, Yukio. Aujourd’hui, la victoire m’appartient, mais j’attendrais impatiemment ta revanche. » Avoua l’Ours Blanc, arrivé au bout de son auscultation, ponctuant sa phrase d’un clin d’oeil entendu. « Qui sait ce qui se passera, la prochaine fois ? »

Dissipant son jutsu, il essayait de se remettre de ses émotions, pour passer à la suite du traitement et permettre au sabreur de se remettre sur pied de lui-même, sans avoir besoin d’un brancard ou de s’appuyer sur celui qui l’avait battu. Kuma s’inclina légèrement en avant, suite aux félicitations du combattant. Une fois remis d’aplomb, après quelques minutes de discussion, il passa cette fois-ci à l’application de sa Paume Mystique, déployant une dose de chakra bien plus conséquente, pour permettre au blessé de se rétablir. L’opération lui prit une bonne partie du chakra qu’il lui restait, mais au moins, de cette façon, ils pourraient quitter l’arène tous les deux, sans nécessiter la moindre intervention extérieure. Sur leurs propres pieds et la tête haute. Une fois terminé, il expira fortement et se redressa sur ses appuis, avant de tendre la main au concurrent évincé de la compétition, maintenant qu’il devait être en état de la saisir.

« Je ne peux pas te laisser partir à l’hôpital et te faire rater le reste du spectacle. Ce serait criminel. »

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