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Alice au pays des asticots - PV Kougen

Kamiko Raion
Kamiko Raion
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Alice au pays des asticots
Feat Kougen-kyun ~

 
La forêt. A perte de vue s’offrait un vert émeraude presque parfait, les feuilles se trémoussant doucement sous les caprices d’un vent nourris, sous le regard voilé de nuages du soleil. Les troncs, depuis la lisière, créait un rideau compact de nuances kaki peu engageant, mais dont la diversité forçait le respect. Chênes, cerisier, bouleau et conifères se disputaient ardemment les places sans doute restreinte au milieu des bois fournis, pour savoir quelle espèce parviendrait à l’emporter sur les autres. La flore, vivace, dévorait à moitié l’arche qui gardait l’entrée du paradis végétal. La peinture rouge, écaillée, des piliers envahit par la végétation ne laissait qu’à peine dépasser le symbole du clan devant lequel Raion faisait la grue depuis déjà une heure, incertaine de la marche à suivre.

L’intendante de Konoha savait bien ce qu’elle faisait là, mais ne savait comment gérer la foule d’improbabilité qui venait s’arranger en file indienne autour de son motif de visite, pour le simple plaisir de lui briser les ovaires copieusement. Kougen Aburame. Un nom de plus, sélectionné à la sueur de son front, mais dont les détails du dossier la rendaient soucieuse. Kidnappé, torturé, si cet enfant n’avait pas gagné au loto de la vie, cette dernière n’avait pas hésité à le lui rappeler, quelques années plus tard, en lui volant ce qu’il y avait de plus précieux pour un ninja après son village. La Team Kai, décimée par Baransu, s’était ajouté à la liste, déjà lourde, des pertes du siège, plongeant à nouveau le jeune homme dans une solitude forcée. L’accumulation de malchance l’avait même condamné, malgré lui, à poursuivre son métier à l’écart des autres, sans que personne ne se décide à le reprendre sous son aile. Un gâchis sans nom, auquel la Kamiko avait décidé de mettre fin sans se soucier de la difficulté émotionnelle qui s’y ajoutait.

Aujourd’hui, entourée par les odeurs boisées, elle le regrettait suffisamment pour encore hésiter à franchir la porte du la réserve naturelle Aburame. La jeune femme, bien que persuadée de faire la bonne chose, ne pouvait négliger l’avis de celui qu’elle souhaitait recruter, après tout ce qu’il avait traversé. La perspective d’un « non » ne la décourageait pas, mais rendait l’exercice à venir frustrant, tant il était difficile d’évaluer le traumatisme que le chunnin pouvait porter. Pourquoi la hiérarchie l’avait laissé à l’écart ? Certains s’était-ils véritablement arrêtés aux quelques rumeurs qu’on lui avait rapportées, lorsqu’elle avait consulté le dossier ? Avait-il ce regard, si caractéristique, des shinobis ayant assistés à l’horreur ? Peut-être que lui aussi, comme son père, se réveillait parfois en sueur, hurlant son désespoir. Et il traversait ça seul, sans personne ? Un pincement de cœur étreint Raion, alors que son poing droit se resserre de frustration. Elle n’avait rien vécu de tout ça et pourtant, la mémoire, vive, chaude et tranchante, des nuits passées à consoler le grand gaillard de presque soixante ans lui retournait toujours autant l’estomac. Par quel miracle, pouvait-on imposer à un gamin de traverser autant d’épreuve sans même avoir l’élégance d’au moins lui fournir un support mental ? La négligence lui donnait envie de hurler et d’égorger elle-même cet abruti de Sora qui les avait quittés trop tôt. Il la laissait avec un bien drôle de fardeau, que personne n’avait eu le courage de prendre après Senju Itagaki. Mais avait-elle seulement les genoux assez solides pour ça ?

Après une grande inspiration, les yeux clos, pour chasser ses pensées, Raion franchit enfin l’entrée du domaine Aburame et s’enfonce dans la forêt. Se perdre en conjecture ne la mènerait à rien et le temps défilait. Il n’y avait, de toute façon, aucune réponse universelle à trouver, il fallait qu’elle l’admette. Pas à pas, la jeune femme voit la lumière se réduire inexorablement alors qu’elle tente de suivre le chemin forestier dont les contours disparaissent dans les buissons, de temps à autre. Et, à mesure que le soleil cesse de percer les frondaisons, le petit peuple des bois se révèlent à l’aventureuse Kamiko qui s’avance dans son domaine. La première chose qui lui parvient, c’est le vrombissement. Discret d’abord, il croit bien vite, jusqu’à devenir omniprésent. Les airs s’emplissent d’insectes de tailles diverses et variées, certains profitant du passage pour se déposer et s’emmêler dans les longs cheveux bruns de leur visiteuse, pour son plus grand déplaisir. Puis vint la sensation. Les petites pattes, fines, délicates, provoquaient des vagues de chair de poule à chaque fois que Raion les sentait l’effleurer, sans pour autant se résoudre à chasser les bestioles, consciente que c’était peut-être aussi un moyen d’annoncer sa venue à ce clan si discret et si secret. Franchissant les lieux de son pas vif et pressé, un étrange scarabée ayant élu domicile dans sa chevelure, la jeune femme semblait presque être aux couleurs locales, si ce n’était sa tenue bien trop ouverte pour un membre des Aburame.

Son aventure en terrain étranger s’éternise, doucement mais surement quand, une bonne heure plus tard, elle parvint à retrouver son chemin sous les frondaisons mais ne put, malheureusement, que revenir à son point de départ, sur ce qu’elle imaginait être le carrefour principal de l’endroit, près d’un énorme chêne d’un âge avancé au vu de son diamètre gargantuesque. Pas une seule fois, au court de ses différents essais, elle n’avait réussi à apercevoir la silhouette familière d’une maison, lui ôtant le secours de l’aide d’un habitant du coin qui aurait pourtant pu grandement la dépanner. Tournant et retournant le petit parchemin où elle avait dessiné sa carte, Raion tentait maladroitement de se repérer, en vain.

« Mais quel enfer ! Il ne pouvait pas au moins mettre des panneaux ? » Renonçant un court instant à la logique pure, espérant peut-être vainement qu’une des petites créatures qui ne cessait de la suivre transmettrait son message, elle se risque à une improbable question. « Hé oh ? Y'a quelqu’un Je ne sais pas moi, Kougen ? N’importe qui ? »


Une minute passe, puis deux. Quand bientôt la cinquième commence, la brune et son pote scarabé descendu sur son épaule pour l’occasion ne peuvent que se résoudre, accentuant un peu plus le désespoir de la visiteuse. De frustration, la Kamiko bute du bout de sa chaussure dans un caillou proche, l’envoyant voler dans les fourrés au mépris des possibles habitants de celui-ci, avant de se replonger dans sa carte. Qu’avait-elle bien pu rater comme intersection pour se retrouver perdue au milieu de nulle part ?
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Aburame Kougen
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Alice au Pays des Asticots
Feat
Princesse Kamiko

 
Éreinté, las, Kougen revenait d’un débriefing, suite à son retour d’une mission qui avait duré… Bien plus longtemps que prévu. Le client avait caché certaines informations, notamment sur les dangers potentiels auxquels s’attendre, au cours de son contrat. Les ennemis étaient principalement des mercenaires et n’avaient l’aide d’aucun ninja, mais leur nombre s’était révélé tout bonnement ahurissant. Toutefois, les commanditaires se trouvaient justement être une mère de famille, tout ce qu’il y avait de plus attendrissante et qui lui aurait sûrement rappelé la sienne, s’il avait eu la chance d’en conserver le moindre souvenir. La première partie de son travail lui avait demandé près de la moitié d’un mois entier, avant qu’il ne s’en rende compte de l’étendue de ce qu’il lui restait encore à accomplir. Durant cette période, il avait réussi à s’acclimater bien plus qu’on n’aurait pu le penser de prime abord. Le village qui l’engageait était petit, reclu et ne s’attiraient en général que peu de soucis, en dehors de quelques taxes sauvages de la part de brigands, ce qui se déroulait secrètement depuis plusieurs mois, désormais. Le début de son intégration avait certes été compliquée, mais après avoir sauvé la vie aux natifs à plusieurs reprises, en mettant sa vie en jeu, ils avaient fini par arrêter de le craindre, par force d'habitude.

Alors, plutôt que de les abandonner, il s’était mis en tête de démanteler tout un réseau de scélérats, sur le long terme, en envoyant des rapports réguliers (et légèrement fallacieux) à Konoha, pour les prévenir de complications inattendues, mais qui ne dépassaient pas le domaine de ses compétences. Ainsi, il passa presque deux mois, à gérer la menace en la travaillant au corps, profitant du côté terrifiant de ses insectes et de ses illusions pour mener une guerre psychologique. A force de nombreux efforts, il avait fini par se débarrasser des troubles-fêtes, la plupart ayant fini par déserter le pays du feu, poussé par la terreur que leur avait infligé Kougen.

Dans la petite bourgade, il avait été acclamé comme un héros, pour la première fois de sa vie. Bien évidemment, les adieux furent déchirants, autant pour lui que pour tous les nouveaux camarades qu’il avait pu se faire, si loin des murailles de sa ville natale. S’il commença à regagner celle-ci avec un engouement tout particulier, requinqué par son affectation des plus agréables, mais cela n’avait pas duré longtemps. Le jeune homme en vint rapidement à penser à son ancienne équipe, qui n’était plus et compara instinctivement le regard des étrangers qu’il avait aidé, à ceux de ses propres concitoyens. Incapable d’avoir un avis objectif sur la question, il ne savait pas vraiment où se situait la différence et regretta de ne pas avoir tenu un journal plus fourni de ses activités, pour essayer de décoder cet étrange mystère.

C’est le cœur lourd, qu’il arriva finalement aux portes de Konoha, alors que le plus gros de la nuit était déjà passé. Professionnel et zélé, l’Aburame sortit une tenue de son sac démesuré, qu’il avait préparé spécialement pour son retour, afin d’aller faire un rapport immédiat, avant de s’occuper de quoi que ce soit d’autre. Il s’agissait d’un ensemble très formel, noir et blanc, qui ressemblait plus à un costume cravate qu’à une tenue de shinobi. Le tout, accompagné d’un large manteau délavé, avec un col de fourrure, était le meilleur ensemble qu’il possédait et le seul qu’il pouvait encore présenter sans rougir à sa Hokage.

En raison de l’heure plus que tardive, il avait été incapable de voir Yuriko personnellement et avait dû se contenter d’explications données à une assistante épuisée, tout comme lui, et mal à l’aise, pour une raison qu’il ne comprenait pas vraiment. Peut-être s’était-elle inquiétée pour lui, tout simplement ? Sa face était couverte d’hématomes, de coupures et de bandages divers, après tout. Pour une fois qu’il pouvait trouver une raison valable au désarroi d’un de ses interlocuteurs, il ne questionna pas trop les faits. Son rapport rendu, il prit enfin la direction du domaine Aburame, en traînant les pieds, pensif. S’il avait passé de bons moments, lors de ses excursions professionnelles, il semblait éprouver de plus en plus de mélancolie, dès qu’il se retrouvait dans son village.

Il arriva sans mal jusqu’à sa demeure, sans croiser le moindre Aburame, ni se demander ce qui pouvait bien en être la cause. Son clan était déjà très secret à l’origine, mais lorsqu’il était personnellement concerné, ils savaient vraiment se distinguer par leur absence ou leur dédain, au choix. Le garçon haussa les épaules, en se disant que ça n’avait rien d’inhabituel et, sans qu’il ne s’en rende vraiment compte, il sentit les larmes lui monter aux yeux. Le plus douloureux n’était même plus l’exclusion dont il était la victime, mais dans le fait de réaliser que c’était si fréquent, pour lui, qu’il finissait par ne même plus s’en rendre compte.

Une fois arrivé à l’intérieur de sa demeure, dont il ne prit même pas la peine de refermer correctement la porte, il se laissa échouer sur son fauteuil rapiécé, avant de se saisir d’un des nombreux parchemins qui envahissaient la seul table de sa bicoque, déjà à la recherche de sa prochaine mission. Dès les premières lignes, il commença à pousser quelques bâillements fatigués, tandis que ses Kikaichuu lui séchaient les pleurs, avant même qu’ils n’aient le temps de couler. Les récompenses ne l’intéressaient même plus, il voulait des contrats longs, il voulait des contrats loin. Il voulait découvrir du pays et se faire de nouvelles expériences, plutôt que de rester dans l’ombre des arbres, dans son propre patelin.


Raion arriva sur le domaine bien plus tard, restant seule un bon moment, personne ne semblant véritablement décidé à la renseigner. Tout autour d’elle, des nuées d’insectes grouillaient, dissimulés (ou non) ça et là, sans vraiment oser l’approcher. Lorsqu’elle frappa sans ménagement dans un caillou solitaire, elle le propulsa sans le savoir dans une petite dune de bestioles, qui se mirent à fourmiller en tout sens, s’extirpant du buisson où elles s’étaient terrées, pour venir se présenter devant la Kamiko, en tant qu’épais tapis, épais et informe. Elles se rassemblèrent toutes au même endroit, pour former une structure étrange et branlante, qui adopta peu à peu des formes abstraites, avant de devenir une véritable statue humanoïde, sans le moindre trait distinctif. Peu à peu, ils se modelèrent pour affiner leur représentation, allant même jusqu’à reproduire des cheveux et ce qui ressemblait à un manteau noir de jais. Sans un mot, l’étrange apparition, qui avoisinait le mètre soixante-quinze, s’inclina, avant de lever un bras sans bouger, dans une direction vraisemblablement aléatoire.

Puis, la fabrication de l’essaim commença à s’effondrer sur lui-même, pour redevenir une boule mobile, qui semblait frétiller d’impatience. Un Kikaichuu solitaire se sépara des siens, pour aller se placer devant tout le monde. Il fut rapidement rejoint par l’un de ses petits camarades, puis un autre et encore un autre, qui se mirent à créer une chaîne qui se renouvelait constamment et guider leur invité jusqu’à celui qu’elle était venue chercher. Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent sur une petite cabane sordide, sombre et qui paraissait presque en ruines. Les minuscules guides continuèrent leur avancée, pénétrant dans la bâtisse et finirent par rejoindre leur maître, au bout de leur balade.

Celui-ci, affalé sur le dossier de son siège, dormait à poings fermés, bien incapable de remarquer l’entrain de ses petites bêtes, qui venaient de lui rapporter un étrange présent. Pour une fois, il avait l’air paisible, presque rassurant, malgré ses blessures. Perdu dans ses songes, il pouvait même ressembler à n’importe quel enfant de son âge, ses vêtements et bandages servant par hasard de cache-misère. Pour la première fois depuis longtemps, Kougen faisait de beaux rêves.


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Alice au pays des asticots
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Si le premier réflexe de quiconque devant le spectacle grouillant qui faisait actuellement face à la Kamiko aurait été de hurler à s’en briser les cordes vocales, sa fierté l’en empêcha. Immobile devant le tas informe de créatures rampantes, la brune retrousse ses lèvres dans une expression purement et simplement dégoutée par la forme humanoïde. Pourquoi diable personne n’était capable de sortir de sa maison forestière pour simplement lui dire « A droite, au fond là-bas, derrière le chêne un peu moche qui a pris la foudre la semaine dernière. » ? Si la répulsion la faisait désagréablement frissonner, la Kamiko n’eut malgré tout pas l’audace de refuser l’aide de son peu ragoutant guide. Elle emboite le pas à l’amassement d’insecte, priant presque frénétiquement pour qu’aucun d’entre eux n’ait l’idée saugrenue de s’essayer à lui grimper dessus, sous peine de représailles, toujours plongée dans le silence inquiétant du domaine. Chose intéressante, cependant, la silhouette mal dégrossit que les compagnons à antennes des Aburames avait tenté de mimer lui rappelait le portrait, quoi que légèrement altéré, du jeune homme qu’elle cherchait.

Est-ce qu’il l’avait entendue et prise en pitié ? Possible. Toujours était-il que, perdue comme elle l’était, elle devrait malgré tout remercier l’essaim secourable qui formait maintenant une ligne continue et évolutive le long du chemin qu’il semblait déterminé à lui faire parcourir. Bientôt, la ligne dense de la forêt s’éclaircit petit à petit, laissant percer sur ce qui s’apparentait à une clairière un peu oubliée, les rayons du soleil mourant. Combien de temps avait-elle tourné en rond, sans la moindre idée d’où elle devait aller ? Longtemps, visiblement. Peut-être même plus longtemps que prévu, mais Raion n’aurait pu l’affirmer, tant la vision du ciel crépusculaire lui était bouchée. L’intendante franchit donc la lisière des arbres, délaissant le chemin presque invisible et les petites créatures brutalement s’envoler vers la silhouette de maison qu’elle avait pu apercevoir au fur et à mesure de son avancée.

Du moins, si on pouvait décemment encore appeler ça une maison. L’édifice en bois, branlant et mal entretenu, était couvert, ici et là, par la mousse et la végétation, à un tel point qu’il était maintenant difficile, si ce n’est impossible, d’estimer qui des deux maintenait toujours la structure en place. Un tout petit puit, un peu moins rustique, semblait avoir servi encore récemment et quelques buches s’entassaient dans un recoin, signe que la petite bicoque devait disposer d’une cheminée en état suffisamment bon pour y allumer un foyer. La distinguée intendante avance, les sourcils froncés, incapable de savoir si elle avait affaire à une farce ou véritablement à une habitation. Dans d’autres circonstances, le paysage aurait pu appartenir à un conte de fée et l’aurait peut-être même poussée à venir y dessiner quelques patrons pour sa collection personnelle. Aujourd’hui, l’endroit soulevait en elle cet étrange de mélange de colère froide et de hurlement silencieux. Dix-sept ans. Il avait seulement dix-sept ans et il vivait là, sans aucun contact avec qui que ce soit, dans une maison si délabrée qu’il serait sans doute plus simple de la raser pour en refaire une autre, plutôt que de la réparer.

Si pourquoi était la première question qui avait flotté sur son visage interloqué, elle s’était bien vite effacée sous la houlette d’une fureur silencieuse. A mille lieu de sa culture, les raisons de l’isolement du jeune homme échappaient à Raion. Pas un seul Kamiko ne pouvait se retrouver dans cet état d’abandon. C’était presque une question d’honneur chez eux, dont les entrelacs des diverses familles avait encore plus exacerbé le besoin de cohésion à tout épreuve du clan. Ils étaient frères, cousins, une famille, avant même d’être Konohajin, marchands ou ninjas. Comment les Aburame avaient-ils pu seulement penser à laisser un adolescent livré ainsi à lui-même ?

La jeune femme quitte ses guides peu ragoutants, oubliant presque leur présence alors qu’elle franchit la clairière d’un pas vif. Posant le pied sur le perron, elle le considère d’un regard dubitatif, s’attendant presque à passer au travers, sans prévenir, avant de finalement le délaisser pour se préoccuper du plus important. Où pouvait bien se trouver Kougen ? Alors qu’elle s’apprête à frapper, c’est l’essaim qui lui pousse la porte, qui n’était visiblement pas fermée. Avant même que l’intendante s’en sente offusquée, elle réalise avec ironie que, si voleur ou assassin il devait y avoir, il n’aurait très certainement pas mis un pied à l’intérieur de la bâtisse par simple analyse critique : trop endommagée pour être habitable. Après un soupir résigné, la brune pénètre à la suite des insectes, se faufilant en douceur avant de refermer la porte derrière elle. Il lui fallut une bonne paire de seconde pour s’habituer à la faible luminosité pour finalement apercevoir le jeune garçon.

Les insectes, qui l’avait accompagnée jusque-là, s’empressent de remonter dans les manches de sa veste sombre. Pour peu, la Kamiko les entendrait presque soupirer d’aise alors qu’ils se lovent contre leur propriétaire. Ce dernier, immobile, inquiète un instant la jeune femme jusqu’à ce que le souffle discret, presque imperceptible, d’un ronflement lui parvienne aux oreilles. La scène, douce, aurait presque pu faire sourire Raion si son regard n’était pas tombé sur le reste. Epuisé et couvert de bandage, le jeune Aburame ne payait pas de mine. Son teint blafard, bardés de bleus visiblement frais, lui donnait un étrange air malade que ne venait qu’accentuer un peu plus les quelques coins de peaux asséchés visible entre les bandes de tissus. Affalé comme il l’était dans son fauteuil, il était difficile de savoir s’il dormait d’épuisement ou assommé par la douleur des blessures que l’intendante devinait entre les pansements disposés comme il avait pu. La raison, au fond, importait réellement peu à la princesse Kamiko : elle n’avait de toute façon pas le cœur de secouer ce pauvre petit.

Aussi, poussée par l’heure tardive et la curiosité, la brune se mit en tête d’explorer la petite maison délabrée. Promenant son regard acéré sur les murs et ouvrant aussi discrètement que possible les différents placards, elle commence un inventaire silencieux et méticuleux des possessions du chunin, avant de se rendre compte d’une triste vérité de plus. La cuisine, organisée dans un bazar calculé, ne contenait que des nouilles instantanées et, si elle en jugeait par l’absence de vaisselle ni de chaleur sur l’unique bouilloire de la pièce, l’albinos n’avait pas encore mangé. Si elle pouvait encore tout à fait comprendre l’état aléatoire des vêtements dans l’armoire et le matelas qui prenait discrètement mais surement l’humidité, elle n’arrivait que difficilement à appréhender que le jeune homme, seul, n’ait même pas le réconfort silencieux d’un repas agréable à son retour.

A vrai dire, elle s’en voulait même horriblement, réalisant que l’administration de Konoha avait honteusement et délibérément délaissé le garçon, comme l’effectif dispensable qu’il représentait. Le cœur serré, Raion se saisit de la couverture du garçon, la glissant sur ses épaules avant de signer les mudras de quelques techniques puis, le plus discrètement possible, de quitter les lieux. Elle n’était peut-être pas la meilleure cuisinière du monde, mais elle disposait de plein de choses dans ses ressources. Notamment assez d’argent pour se permettre de s’occuper d’autrui. Prenant son courage à deux mains, maintenant qu’elle avait un moyen de revenir en quatrième vitesse jusque chez Kougen, la chef de clan s’aventure à nouveau dans la forêt du domaine Aburame, déterminée à apporter un peu de paix à cette pauvre âme qu’elle allait bientôt prendre sous son aile.

*

Elle revint à peine une heure plus tard, guidée à travers les frondaisons par une bobine de fil dans la vitesse de déroulement la faisait courir à vitesse modéré malgré les deux grands sacs qu’elle transportait. Le plus dur, dans l’épaisse forêt peu entretenue, était d’ailleurs sans doute de progresser sans abimer le précieux et savoureux contenu qu’elle amenait. Une nouvelle fois, la Kamiko franchit la clairière, s’affranchissant des quelques minutes d’observation qu’elle avait déjà prises pour rentrer à l’intérieur de la maison et déposer ses colis sans plus de cérémonie. Dans un étrange silence qui la mettait profondément mal à l’aise, Raion s’installe à la cuisine, priant pour que l’absence de tablier ne lui joue pas des tours pendant qu’elle tenterait du mieux qu’elle peut de créer quelque chose qui ressemblerait, de près ou de loin, à ce qu’elle avait vu dans les placards. Elle n’avait pas voulu investir dans autre chose, de peur que son « invité » ne l’apprécie pas, et devait maintenant se contenter d’un livre de cuisine dans une pièce presque totalement sombre, pour espérer réussir l’exploit de confectionner quelque chose de comestible. Une grimace pensive déforme son visage, alors qu’elle tente de déchiffrer les instructions à la bougie. Une catastrophe, à tous les coups. Et, pourtant, malgré son scepticisme et la difficulté de l’exercice, elle se met au travail.

Il lui faut bien une bonne dizaine de minute pour rassembler les ustensiles et peut-être tout autant pour découper les ingrédients en chantonnant à voix basse les étapes qu’elle avait préféré apprendre par cœur pour plus de facilité. Emincer les légumes n’étaient, en soit, pas une épreuve insurmontable, mais elle n’avait toujours pas réussi à maitriser la technique qui permettait à certains de ne pas pleurer pendant les coupes d’oignons, ce qui rendit la confection des nouilles bien plus lente et l’étape de cuisson dans le bouillon bien plus satisfaisante que prévue. Derrière elle, l’endormi commence à remuer doucement, sans doute motivé par l’odeur et les sons de cuisine, l’enjoignant à sortir du silence qu’elle s’imposait jusqu’alors.

« Bien dormi ? » Elle parle tranquillement, s’asseyant face à lui pour qu’il puisse bien la voir malgré la lumière vacillante, déroulant la pâte à l’aide de son jutsu, son regard gris quittant à peine l’ouvrage alors qu’elle grimace. « Pas de panique, il n’y a aucun danger. Du moins, si on exclut la tentative en cuisine. » Elle jette un regard, équivoque, à son futur élève avant de se lever pour s’occuper du bouillon qui mijote doucement, sur le feu qu’elle avait allumé en rentrant. « Tu as un kit de soin avancé sur la table. Je n’ai pas tout vu en entrant, alors j’ai préféré couvrir large. Ça devrait être prêt dans une quinzaine de minutes, environ. »


Sans rien ajouter de plus, elle enroule délicatement l'immense nouille à ramen qu'elle venait de confectionner, avant de lui asséner un coup de couteau un peu hésitant et de les plonger dans le bouillon. Raion pria alors, secrètement, que le plat soit commestible, avant de se rassoir face à l'Aburame chez qui elle s'était finalement invitée.


Récapitulatif de l'entrainement:
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