Croiser le Fer avec l'intendante (PV Kamiko Raion)

Le soleil de l’aube perce tranquillement à travers les frondaisons des jardins Kamiko, déversant ses rayons encore timides jusqu’à une petite maison de bois sombre, traversant l’une de ses fenêtres grandes ouvertes pour se déposer, lascivement sur le tatami beige. La pièce, petit à petit, s’éveille à mesure que le jour continue à s’élever, chatoyant des multiples couleurs vives des différents rouleaux de tissus entassé çà et là. Presque entièrement dépourvue de meuble si ce n’est une commode et un futon négligemment repoussé dans un recoin, la chambre est parcourue de multiple rouleau ouvert, sur lesquels se penche, concentrée, une silhouette à la chevelure noir corbeau. Le chant des oiseaux, ravie que la vie reprenne son cours, viennent bercer les mouvements rapides de pinceau qui recouvre, un à un, le papier de riz à portée immédiate de schéma divers et variés.  

Un trait d’encre sur la joue, Raion en oublie toute élégance, alors qu’elle tente de redessiner l’enchevêtrement de cercle complexe qu’elle a sous les yeux. D’un geste sûr, son pinceau trace un à un les minuscules symboles et, après une énième tentative infructueuse d’y infuser son chakra, la jeune femme finit par étaler davantage sa blessure de guerre en frottant le dos de sa main contre sa joue. Confrontant les deux dessins identiques, la brune se laisse tomber en arrière, découragée. Dos contre le sol encore chaud de sa présence, ses longs cheveux en corolles autour de sa tête, elle ferme les yeux, à la fois agacée de son échec et dérangée par les rayons du soleil qui viennent caresser son visage offert. Tante Heiwa y arrivait pourtant si bien, pourquoi devait-elle tant se battre pour un sceau de ce genre ? Quelque chose devait bien lui échapper, mais l’éternelle question était quoi : les sceaux étaient parfaitement identiques mais l’infusion de chakra rendait le sien inutile, signe qu’il n’était sans doute pas mal tracé. Mais alors, d’où provenait l’erreur ?

Repoussant le rouleau à l’encre encore fraiche du bout de son pied nu, la chef du clan Kamiko inspire profondément, se laissant aller en profitant de la chaleur du soleil qui lui chatouillait la peau. Lentement mais surement, elle tente de reconstituer le souvenir de sa rencontre avec sa tante. Le rouleau, oublié sur l’établit qu’elle avait laissé derrière elle, sans autre précision qu’un simple « Je suis sûre que ça te plaira. ». Un casse-tête, un autre, qu’elle adorait semer derrière elle pour forcer ses petits étudiants à remuer ciel et terre pour trouver une réponse, même sans que ce soit la bonne. Un sourire, mi-figue mi-raisin, éclaire le visage de l’intendante, alors qu’elle repense à ses – trop – nombreuses tentatives d’élucider les mystérieux défi d’Heiwa et aux éclats de rire que la vieille femme avait toujours eu à chaque fois. Une réponse imprévue, voilà ce qu’elle devait chercher. Mais qu’est-ce qui pouvait être inattendu, avec un sceau sur tissu ?

Sa nature. La pensée fit écho dans l’esprit en ébullition de Raion, qui se dresse soudainement, droite comme un i. Son regard d’acier scrute les quatre coins de sa chambre et, une fois l’objet de sa convoitise en ligne de mire, la jeune femme s’y traine, froissant son pyjama en soie sans aucun égard. Elle déroule les gigantesques rouleaux de tissu, mélangeant allègrement lin, soie, satin, flanelle, coton et chanvre, saisissant au vol le pot d’encre et le pinceau qu’elle avait manqué de renverser au passage et, avec l’énergie d’un éclair de génie spontané qu’on aurait trop peur de voir partir avant d’être réalisé, se met à tracer sa technique sur toutes les surfaces disponibles. Malheureusement pour elle, alors qu’elle pose les mains sur ses ouvrages, infusant à nouveau son chakra dans ses tracés, rien ne se produit. Le tissu inerte n’était donc pas la réponse, lui tirant un soupir là, alors que son regard tombe dans le miroir qui agrémente l’alcôve où elle range sa tenue favorite. L’agacement et le découragement se transforme alors en sourire, alors qu’elle tombe sur un reflet peinturluré de noir, cerné par la fatigue d’une longue nuit passée à faire des recherches sur le fuinjutsu qu’on lui avait laissé en cadeau. Combien de temps allait-elle continuer à tirer sur la corde comme elle le faisait, avant de finalement tomber de sommeil ? Un jour ? Deux, sans doute, estime-t-elle bien trop consciente qu’il allait tôt ou tard falloir qu’elle se lâche du lest.

Jetant son regard sur son reflet digne d’un enfant de dix ans, puis sur l’objet de ses réflexions matinales, le sourire de Raion s’étire alors qu’une nouvelle idée nait. Pourquoi ne pas le faire aujourd’hui ? Ni une ni deux, la jeune femme laisse tomber ses essais infructueux et se glisse le plus discrètement possible en direction de la salle de bain. L’oreille tendue à la recherche des ronflements sonores de son père, elle entreprend un ravalement de façade en règle, ne laissant pour seule trace de son passage qu’une serviette noircie d’encre, négligemment jetée dans le bac à linge sale. Une poignée de minute plus tard, rafraichie et habillée, l’intendante et chef du clan Kamiko dépose un rouleau sur la table de son salon, avant de s’échapper par l’une des fenêtres de chez elle. Sautant dans l’arbre le plus proche, elle entame alors son trajet vers la liberté, ne laissant comme seule explication à sa disparition qu’un :
   

Motivée par son envie d’être en paix, Raion avait choisi avec soin l’un des terrains les plus à l’écart de la ville. Elle connaissait Tansei comme sa poche et, malgré le gain de tranquillité que pourrait lui obtenir son géniteur, elle savait qu’il finirait, tôt ou tard, par lui remettre la main dessus. Pour l’heure, elle comptait bien profiter de son temps de repos durement acquis pour se replonger dans l’étude approfondie de cette technique qui lui donnait tant de fil à retordre. Marchant tranquillement jusqu’à l’un des arbres jouxtant le terrain d’entrainements, criblé de taillades de tailles variables signe que quelques-uns avaient copieusement raté les cibles, elle entreprend d’y tracer les premiers symboles du Fuin avec une minutie toute particulière. Un idéogramme par-ci, un autre par-là, le sceau prend forme, petit à petit, sous les mains expertes de la kunoichi qui en vient à tirer la langue pour aider un peu plus sa concentration, alors qu’elle décide d’y insuffler son chakra pour lui donner corps.
   
La voix, familière, manque de la distraire, alors qu’elle termine le dernier symbole et qu’elle tente, une fois de plus, d’exécuter la technique. Le sceau lui brièvement sur l’écorce, signe un peu plus encourageant que les précédents mais s’éteint presque aussitôt, arrachant un grognement d’agacement à sa propriétaire, encore une fois vaincue par sa création. Dans un soupir à fendre le cœur, la Kamiko se redresse et s’appuie contre l’arbre qu’elle tentait de maltraiter pour saluer la jeune Katsuya, hésitante, qui la rejoignait sur le terrain.
   
Elle sourit, taquine, sachant pertinemment la réponse à cette question rhétorique pour avoir vu sa cadette en action. Si elle maniait à merveille les mots, il était indéniable que le talent de l’Akakitsune résidait toute entier dans la lame flambant neuve qui brillait entre ses omoplates. L’objet, nouveau, fait tiquer la lionne de Konoha, qui ne peut que laisser son sourire s’élargir.
   
Le souvenir, désagréable, de Chinoona planait encore sur Konoha, dans des relents putrides et désagréables mais, malgré tout, le plus dur était passé. L’économie perturbée s’était redressée et le village avait retrouvé son essor comme au bon vieux temps, ne laissant aux deux jeunes femmes que le plaisir d’un travail accompli, non sans encombre. Avec le recul, la Kamiko réalise qu’elle n’avait pas revu sa coéquipière de circonstance depuis l’incident et, à bien y réfléchir, cela rendait les sujets de discussion bien plus complexe à trouver. Aussi Raion se rapatria-t-elle presque naturellement sur ce qui les réunissait ici, à cet instant précis.
   
Elle propose, en pointant poliment l’achat récent de la jeune fille, suspendant momentanément son exercice sur sceau récalcitrant. Peut-être quelques échanges viendraient lui fournir un nouvel éclair de génie.

Récapitulatif de l'entrainement:

Un sourire carnassier apparait sur le visage tranquille de l’intendante. Elle, pas taillé pour encaisser. L’ironie était gigantesque mais la blague sur ses chaussures, presque savoureuse. Une preuve que sa minutie sur son apparence payait, doublée par la taille volontairement provocante et pratique de sa robe. Féminine et délicate, avait-elle pensé ce masque-là, juste assez pour qu’on la prenne en cible dès qu’on la voyait, pas assez pour qu’on ne la soupçonne pas de le faire exprès. Le souci du détail allait même jusqu’aux long gants qui couvraient les cicatrices auto-infligées issues de ses recherches, en passant par les long cheveux sombres et détachés de la jeune femme, comme une incitation à venir s’en servir contre elle. C’était ainsi qu’elle voulait qu’on la voit, petite poupée de soie, lancée sur un champ de bataille où elle est étrangère : véritable incarnation de la brebis cachant le loup qui y sommeillait. Elle aurait pu, de bien des manières, se sentir offusquée mais à quoi bon ? A vrai dire, Raion préférait se contenter de ce maigre commentaire, son sourire gigantesque et son air narquois trahissant déjà bien assez ses pensées, concentrée sur l’image d’une Katsuya stupéfaite de la voir courir en talon haut sans s’éclater grossièrement une cheville.

Finissant de transformer l’arme en fil, elle enroule la matière obtenue sur l’une des bobines vides qu’elle porte, laissant la jeune fille prendre connaissance de cette nouvelle information. Il était pour elle naturel, presque trop, de montrer à sa cadette ce qui lui manquait pour pleinement saisir l’intégralité du clan qu’elle avait vraisemblablement étudié avec attention. Passion ? Curiosité ? Volonté de bien faire ? La raison, finalement, importait peu à l’intendante qui ne put qu’en valider l’initiative. Qui pouvait se vanter ici, parmi les ninjas de Konoha, d’avoir fait cet effort ? Peut-être les membres de l’ANBU, et encore. Parfois, Raion doutait que quiconque d’autre qu’elle ne soit assez control-freak pour se permettre ce genre de hobby étrange qu’était la collecte et l’analyse d’information. Pour l’heure, elle voulait, sincèrement, encourager ce petit bout de pousse dans la direction qu’elle semblait déjà emprunter d’elle-même.

La pause, bien que courte, offre à Katsuya tout le temps nécessaire pour réfléchir à ce que vient de lui offrir la lionne de Konoha. Cette dernière était même curieuse de voir jusqu’où la jonin en tirerait ses propres conclusions, aussi s’abstint-elle de terminer ses explications pour lui laisser le loisir d’approfondir sa curiosité, si elle le désirait.

Soudainement, alors que le dernier mot de sa phrase s’envole, que l’esprit de Raion percute. Erreur de jugement. Et si les surfaces n’avaient pas fonctionné parce qu’il était non pas question d’un piège mais d’un effet sur quelque chose ? La réflexion de la jeune femme, jusqu’alors grippé par le sommeil, se met en branle comme une usine à gaz et, sans que la pauvre Katsuya n’ait le temps de comprendre, elle se met en position. Les yeux gris, jusque-là paisible, renvoient directement à l’activité intense du cerveau qu’ils précèdent, tandis que les mains de l’intendante se meuvent d’elle-même. Fruit de la mémoire musculaire durement acquise, les premiers symboles du sceau se forment dans les airs, aidés par la paume aux doigts écartés de la ninja et, sans prévenir, cette dernière s’avance à rapidement vers sa comparse.

L’ordre sonne avec un demi temps de retard alors que déjà, Raion frappe avec délicatesse sa cadette au niveau de l’estomac pour y déposer sa technique. Le chakra reflue dans sa paume, comme brusquement absorbée par la construction de fuinjutsu et, alors que la brune recule pour observer si son intuition était la bonne. Le sceau, sagement en place, luit d’une lueur violacée légèrement agressive à l’œil mais, cette fois-ci, ne se délite pas au bout d’une poignée de seconde, tirant enfin une moue satisfaite à la ninja.

Parce que si la tante de Raion avait effectivement bien laissé un sceau à la disposition de son ancienne élève, elle avait volontairement omis tout ce qui s’approchait, de prêt ou de loin à quelque forme d’explication sur ses actions, en plus de son exécution, bien trop amusée à l’idée de voir la si fière chef du clan remuer ciel et terre pour résoudre une énigme qu’elle aurait pu élucider en consultant les rouleaux de technique du village, si elle y avait bien sûr pensé.

Récapitulatif de l'entrainement:

La voix de l’intendante décroit progressivement, jusqu’à ne plus être qu’un murmure contrarié et pensif. Difficulté à malaxer le chakra, oui, mais pour quoi ? Ce n’était pas une impossibilité complète, sinon Katsuya l’en aurait informé immédiatement. Ce n’était donc rien de semblable à un sceau de restriction, et pourtant il l’était sans doute, à en juger par la forme et les quatre kanjis principaux qui le décoraient à l’extérieur. Stagnation, Perturbation, Altération et, un peu moins à propos, Soi. Les quatre symboles, qui a trois faisaient un sens certain, rendait le dernier si cryptique qu’il était difficile de savoir si on pouvait, réellement, y accorder un véritable intérêt. Plongée dans sa concentration grammaticale, la Kamiko manque de sursauter en détachant son regard du sceau pour tomber nez à nez avec Katsuya, revenant dans la conversation par la force des choses, yeux dans les yeux avec la jeune fille.

L’invitation à la concentration était bien passée mais malheureusement pas dans le sens souhaité et, distraite par la discussion et le fond de son cerveau toujours en train de retourner son casse-tête en fuinjutsu, Raion en avait oublié l’essentiel de son métier : l’observation. Ses appuis soudainement balayés manque de la faire chuter les fesses dans la poussière, si ce n’est la gentillesse d’une Katsuya grande gagnante dans l’affaire qui la rattrape au vol. Encore stupéfaite par la démonstration qu’elle n’avait qu’à peine vu en fin de compte, la Kamiko perd le fil de ses pensées et de ses paroles, entrainée par le soudain changement d’apparence de sa cadette. Une technique puis un Henge ? Qu’est-ce que la petite pouvait bien avoir en tête ?

Devant l’apparence de Katsu-geisha, Raion ne peut s’empêcher d’éclater de rire, chassant bien vite les restes de stupéfaction et d’incompréhension qui flottait encore sur son visage. L’image était certes parfaitement exécutée mais il était difficile, même impensable, pour l’intendante de voir la jeune Katsuya dans un rôle aussi controversé qu’était celui de courtisane. A travers les longs cheveux noirs dont le reflet soyeux paraissait presque irréel, le maquillage impeccablement documenté et les ongles bien trop long pour être réellement pratique, la caractérielle chef de clan ne voyait que la petite femme hésitante qui lui avait fait une bonne blague une poignée de seconde plus tôt. Elle crut même bon de rectifier par réflexe, d’une main experte, le col bien trop évasé pour une geisha de métier, assurant un ourlet bien plus élaboré à la tenue simple qu’elle portait. Elle avait, effectivement, bien eu son lot d’infiltration comme elle l’avait clamé et l’espace de quelque seconde, Raion regrette de ne pas avoir pu profiter du spectacle qui, elle en était persuadée, avait dû valoir son pesant d’or si on prenait en compte le caractère naturelle de la kunoichi.

Une perte d’appui, qu’elle pouvait poursuivre et accentuer d’un coup de poing avant de siphonner le chakra de sa victime à terre ? Un sourire amusé barre le visage de l’intendante, alors qu’elle sent le chakra lui démanger la main. Une occasion de plus de disposer de trois solutions différentes pour punir un ennemi venu la chercher au corps à corps avait de quoi la réjouir bien plus que de raison. Reculant de quelques pas, elle se met en quête d’un morceau de bois de diamètre respectable, se doutant qu’une brindille serait bien trop fragile pour l’exercice. Une fois son arme improvisée en main, elle revient se mettre face à la jeune fille et, alors qu’elle l’enjoint de lui remontrer le mouvement quelques fois, son regard tombe sur le sceau actif qui la décorait de son étrange ombre violacé. Son attention, soudainement divisée entre l’étude du mouvement et la focalisation sur le fuinjutsu, mit une bonne minute à se réorienter correctement, observant tour à tour d’abord le mouvement rapide et complexe de l’épéiste puis l’écriture tarabiscoté qui la décorait. Etait-ce bien une putain de faute de kanji, qu’elle venait de voir dans le second cercle extérieur ?

Récapitulatif de l'entrainement:

Une variante, avait-elle dit. Une variante, à une technique dont le but ressemblait, à si méprendre, à une parade contre-attaque relativement élémentaire, maintenant qu’elle y songeait un peu plus en détail. Jetant tour à tour un œil à sa compagne d’entrainement, sa chétive et ridicule imitation de katana et, pour finir, son ouvrage dont les contours commençaient petit à petit à s’estomper, Raion ne savait réellement que choisir. Oui, oh que oui, elle avait envie de continuer sur la piste de l’étrange sceau à l’effet non identifié, mais pourquoi se priverait-elle d’une corde de plus à ajouter à son arc ?

Sans un bruit, pourtant, elle tourne autour d’une Katsuya brutalement bien plus loquace et passionnée par son sujet. Les explications, limpides, manquait peut-être un peu de détail sur la posture mais, après quelques démonstrations patientes, la Kamiko juge qu’il est temps pour elle de passer à la mimique. Tranquillement, elle se place face à la jonin, dans une garde approximative mais dont l’existence trahit quelques tentatives d’entrainement au maniement du katana. Après tout, pourquoi Kenta n’aurait-il pas tenté d’apprendre son art favori à sa toute petite fille, fier de partager cette passion avec elle ? Et pourtant, Raion était là, sachant convenablement tenir son arme mais guère davantage, malgré des bases relativement convenables. Un mystère de plus qui n’était, pour une fois, pas savamment calculé et, au grand désespoir de la jeune femme, dont elle n’avait malheureusement pas toutes les clés. Il était de notoriété public, au sein de son clan, que rien ni personne ne devait lui remettre ce qui pouvait s’apparenter, de près ou de loin, à une arme de kenjutsu mais les raisons demeuraient obscures pour la plupart des cousins. Seule la tête, livide et épouvantée, de l’ancien chef des Kamiko à chaque fois qu’on lui posait la question, dissuadaient quiconque de tenter l’expérience. Mais était-ce vraiment de la terreur, qu’ils lisaient dans ses yeux ?

Fouettant l’air devant elle, ses yeux fixés sur son mentor, Raion arque un sourcil d’interrogation, quant à si elle devait, oui ou non, tenter ses premiers essais sur une cible. Elle se fend même d’un sourire, secouant la tête pour cacher le début de rire qui menaçait de s’échapper alors que la jeune fille se confondant une nouvelle fois en politesse maladroite.

Croisant les deux armes, l’intendante fait appel à son chakra pour renforcer un peu la triste brindille. De simple bois, l’objet se recouvre bientôt d’un halo bleuté régulier, familier qui, en un battement de cil, se distord dans une multitude de crissement désagréable. Maintenant décoré d’un étrange fourreau de chakra Raiton, l’arme improvisée, si elle n’avait malheureusement l’air guère plus solide, avait au moins le mérite d’être un peu plus impressionnante à défaut de menaçante. La Kamiko, elle, espérait que ça suffirait pour lui éviter de devoir emprunter le katana de sa compère, formatée comme elle l’était à l’ordre paternel.

Malgré son assurance, Raion n’avait, en réalité, aucune fichue idée de quelle technique il s’agissait. Sans doute quelque chose comme un amorti ou peut-être un autre contre, mais rien pour en être certaine. Bientôt, la jeune femme reproduit la gestuelle qu’on venait de lui montrer. Pas à pas, avec une lenteur délibérée, elle tourne sur elle-même et fouette comme elle peut les talons de son adversaire. Une fois, deux fois, trois fois. Elle tend l’oreille, même si son regard s’égare de temps à autre sur le sceau qui s’estompe maintenant à vue d’œil, prête à rectifier son geste à la moindre sollicitation de Katsuya. Concentrée comme elle l’était, elle en oublie presque cette histoire de kanji mal tracé, se prenant au jeu de l’accélération progressive de son mouvement, cherchant à chaque instant à balayer plus vite les pieds qu’on lui offrait, avant qu’ils ne lui échappent pour une raison X ou Y. Sa posture de combat, rudimentaire, trahissait bien malgré elle ce qu’elle s’apprêtait à faire, à plus forte raison encore que la brune qui lui faisait face connaissait sa technique par cœur. Peu à peu, la concentration réfléchie de la lionne de Konoha se focalise sur chaque partie de son coup, décomposant pour améliorer sa rotation, en premier lieu, puis son mouvement de fauchage, en second. Seul les quelques éclairs semés sur son chemin et l’air un peu piteux de son arme improvisée rendait l’exécution laborieuse, peut-être même plus qu’elle ne l’aurait dû.

Après deux bonnes heures de répétition, l’intendante suait à grosse goutte. Bien plus habituée à des postures patientes et immobiles en attendant sa proie, la jeune femme devait bien avouer qu’elle n’était plus tout à fait taillée pour ce type d’exercice. Un aveu de faiblesse qui n’avait rien de dommageable mais qui, pour la parfaite chef de clan qu’elle était, sonnait comme une vérité inacceptable. Un génie devait être bon partout, en permanence, et ça lui fournissait, indirectement, une riche excuse pour quitter son travail de bureaucratie plus tôt que prévu. Cet instant d’égarement, facilité par la mémorisation progressive de la technique dans un cerveau forgé à contrôler la moindre parcelle du corps qui l’abrite, finit par produire un miracle inattendu. Si de prime abord, la Kamiko semblait peut-être trop lente, elle se surprit inconsciemment. Le coup suivant, bien que fichtrement moins bien effectué, fit mouche dans un double craquement. Le tonnerre, tout d’abord, ravi d’enfin pouvoir poser ses crocs sur la petite créature qu’elle chatouillait parfois. La branche, ensuite, qui sous l’assaut de la vitesse n’eut d’autre choix que de faire ce qu’elle aurait dû faire depuis un bon moment déjà : céder. Terminant son mouvement en lâchant le cadavre de la pauvre brindille, Raion joint ses deux mains devant elle et compose une série de mudra avant de lancer une main secourable à la jonin.

Récapitulatif de l'entrainement:

Oops. C’est la pensée, brève, qui parcourt l’esprit contrarié d’une Raion en pleine chute. Toute cadette qu’elle fut, Katsuya disposait d’excellents réflexes qu’elle n’avait pas réussi à anticiper. Une constatation qui la fâchait d’autant plus que, une fois finalement tombée les fesses au sol, elle eut la désagréable surprise de voir son professeur et élève du jour tutoyer Morphée. Ilico, l’intendante roule dans la poussière, poussée par l’urgence des cours de premier secours dispensés par sa tante. Une de ses mains glisse à hauteur du nez, tandis que l’autre se pose sur la pulsation, rassurante, d’une carotide en parfait état de marche. Le souffle, chaud, achève de rassurer la jeune femme qui se pose alors, une brève seconde, pour regarder la main avec laquelle elle avait effectué l’absorption de chakra. Y avait-elle mis trop d’énergie ? Elle n’avait pourtant pas souvenir de ce genre d’effet, même sur ses tentatives les plus hasardeuses, lors de son entrainement. Matérialisant son énergie à l’intérieur de sa paume, Raion regarde le revêtement s’étendre puis se stabiliser, pensive. L’exécution, comme elle s’y attendait, était parfaite. Alors, pourquoi ?

Un soupir s’échappe de l’intendante, encore penchée sur la pauvre Katsuya. La suite n’allait pas lui plaire, mais s’imposait comme nécessaire pour savoir si elle devait, oui ou non, l’embarquer jusqu’à l’hôpital. Armant son bras, libérée de l’impératif de vérifier les fonctions vitales, elle n’avait plus qu’à se focaliser sur l’apothéose de ce cours de premier secours made in Kamiko : une claque suffisamment solide pour réveiller un mort. Lorsque sa paume mord la peau tendre de la joue de la jonin, l’intendante grimace, contrite, avant de lui en asséner une deuxième. Elle manquait décidément de force, et cela ne lui plaisait guère. Malgré tout, le second essai fut le bon et, après un grognement de mécontentement compréhensible lorsqu’on venait de se faire baffer sans sommation. Un clignement d’yeux, puis deux, achève le travail de réanimation de la brune, alors qu’elle s’écarte un peu de sa cadette pour la laisser reprendre ses esprits.

Silencieusement, alors que la jeune femme se remettait de ses émotions, l’esprit de la lionne s’était mis à tourner à vive allure. Son regard, plongé sur sa main, se fronçait de temps à autre, à mesure qu’elle modifiait l’emprise qu’elle avait sur son chakra, allégeant toujours un peu plus ce dernier dans l’exécution de son drain. Quelque chose clochait, au-delà de la technique, mais pourquoi était-ce celle-ci, en particulier, qui avait mise Katuya K.O. ? Autre chose qui la chagrinait au plus haut point, c’est la négligence personnelle dont elle avait fait preuve, sans cette information primordiale. Jamais elle n’aurait autorisé la jeune fille à sortir du village, avec de pareils symptômes, aussi bien pour sa sureté que pour celle de l’équipe qu’elle aurait pu accompagner.

Alors seulement, à l’écoute de l’approbation imposée de sa cadette, Raion se redresse et époussette sa tenue poussiéreuse. Elle doit, cependant, renoncer à l’espoir de débarrasser son dos nu de la terre qui l’orne, faute d’avoir le bras assez long ou d’avoir de quoi faire onduler l’impressionnant tatouage rouge sombre qu’elle portait. Comblant légèrement l’écart entre elle et l’Akakitsune, elle finit par lui tendre une main secourable, prête à l’aider à se remettre sur pied, à son tour.

Elle avait exclu la possibilité de reprendre l’entrainement, incapable d’évaluer si la jeune fille serait en état ou non pour l’aventure. Elle-même n’était pas prête à se plier, une nouvelle fois, à l’exercice d’une claque bien senti, pour la ramener parmi les vivants, de peur de finir par lui arracher la tête par mégarde.

Récapitulatif de l'entrainement:

Assise devant une tasse de son thé préféré et suffisamment de douceur pour tempérer son froncement de sourcil contrarié, Raion écoutait sa partenaire d’entrainement en jouant avec ses dangos du bout d’une de ses brochettes vides. Son air concentré trahissait la réflexion intense à laquelle elle s’adonnait à chaque nouveau rebondissement dans l’histoire de la malade, la laissant toujours un peu plus dubitative. Le phénomène lui rappelait, désagréablement, les moments d’absence de son géniteur, ce qui n’était pas pour la rassurer. Les cauchemars, d’abord, étaient difficile à gérer mais demeurait encore, jusque-là, gérable. Mais était-ce un traumatisme ou une bribe de passé qui s’était réveillé ? L’intendante n’en avait aucune idée et elle n’aurait d’autre choix que de se plier à l’examen d’une personne tierce pour en avoir le cœur net. Devait-elle orienter la jeune Katsuya vers sa tante ? Non pas que sa confiance en Yuriko ne soit remise en question mais savait-elle gérer ces cas, si particuliers ?

La kunoichi avait prononcé sa dernière phrase sur le ton de la plaisanterie, mais elle en pensait chaque mot. Un Senseur, un Médecin et Katsuya, une équipe efficace qui pourrait, à l’avenir, éviter de croiser quelques indépendant en circulant sur le territoire mais aussi s’éviter de fâcheuses retombée si l’exercice de réminiscence devenait risqué. Raion ne pouvait, malgré elle, pas s’empêcher de comparer les situations de sa cadette et de son père. Obéissait-elle aux même règles un peu étrange comme celle de la citronnelle qui le faisait vriller ? Y’avait-il une raison, pour laquelle le traumatisme de la jeune fille restait dormant, là où son géniteur pouvait le revivre en permanence, à chaque instant, pour peu que le déclencheur arrive ? Souffraient-ils seulement de la même chose ? L’intendante n’en savait rien, elle n’était pas médecin mais la curiosité l’emportait sur l’ignorance. Il faudrait qu’elle pose la question à sa tante mais d’abord, pouvait-elle confronter ses connaissances à Katsuya.

Alors que la jeune femme laisse son interlocutrice reprendre le contrôle de la conversation, son attention dérive. Elle attrape la théière de thé au jasmin, offerte par la tenancière qui semblait particulièrement heureuse de voir sa petite protégée accompagnée, pour s’en resservir dans un geste millimétré, sans fioriture. L’habitude la pousse même à manquer de resservir gracieusement sa cadette dans la foulée, bien que celle-ci dispose de sa propre boisson. Lorsque l’objet en terre cuite retrouve délicatement le réconfort de la nappe traditionnelle, Raion s’empare de sa tasse à nouveau et la déleste, bien vite, de quelques gorgées de son breuvage encore chaud. Le regard de la brune s’échappe sur son environnement, glissant sur les autres clients et la décoration avant de s’immobiliser sur l’une des affiches qui décoraient le mur.
Le Kanji.
Les yeux de l’intendante passent, involontairement, sur la bannière promotionnelle derrière Katsuya, s’attardant sur les courbes, imaginant les coups de pinceaux. Sens. Il ressemblait à s’y méprendre à l’autre idéogramme qu’elle avait dessiné sans relâche, il y a une poignée d’heure de ça. Soi. D’ailleurs, Sens ne ferait-il d’ailleurs pas plus logique, dans l’épais mystère de ce sceau qui se refusait à lui révéler ses secrets. Inconsciemment, la main de la Kamiko s’anime, s’emparant du squelette en bambou de son pic à dango pour s’en servir de crayon sur la pauvre serviette qu’on avait mis à ça disposition. Petit à petit, les cercles concentriques, chargés de symboles, réapparaissent alors que l’intendante poursuit sa conversation, sans réellement s’attarder sur cette dissociation un peu étrange de son corps et de son cerveau.

La main s’immobilise bientôt, son ouvrage finalement terminé ou, du moins, presque terminé. Le regard de Raion quitte alors sa comparse, pour observer, dubitative, le Fuin parfaitement répliqué de tantôt. Et si sa fameuse faute de Kanji venait simplement d'une orientation malheureuse du trait qui séparait Soi et Sens ? Si l'idée lui semblait un brin facile, elle n'en avait à vrai dire pas de meilleure, d'autant plus qu'elle n'était pas certaine que le Fuin soit bel et bien fonctionnel, si ce n'est qu'il ne se brisait plus quand elle l'apposait.

Récapitulatif de l'entrainement: