Encore oit ? [Mission rang D - Solo]

« C’est un peu comme un retour aux sources, au final, cette mission, » marmonna Shishio pour lui-même.

Assis sur le toit de la Tour du Hokage, il avait pris avec lui toute la documentation que l’intendante, Kamiko Raion, avait pu lui fournir quant aux larcins de sous-vêtements qui infestaient le village de Konoha depuis quelques semaines. Ce n’était pas sans lui rappeler des souvenirs : sa première mission en tant que Genin de l’armée régulière du village, il y a bientôt un an, était également une traque au dégénéré. À l’époque, un jeune garçon complètement sauvage sévissait dans les bains publics, se glissant dans les vestiaires féminins dès que ceux-ci étaient vides pour s’emparer des dessous féminins qui y traînaient et filer avec. Pour l’arrêter, le jeune Uchiha avait été contraint de se mettre dans une position pour le moins embarrassante : se dissimulant lui-même dans le vestiaire, il avait pris le voleur la main dans le sac et avait dû l’affronter avec tout ce qu’il avait pour le mettre K.O et mettre fin à ses agissements pervers. Shishio n’était pas certain de ce qui était arrivé à son adversaire : il s’était contenté de le livrer aux autorités compétentes ; la punition pour ces quelques vols ne pouvait pas être bien excessive. Il aimait croire qu’il avait réussi à le remettre sur le droit chemin : la force et la ressource du délinquant étaient admirables pour quelqu’un n’ayant jamais reçu le moindre entraînement, il pourrait sans doute faire de grandes choses s’il était formé en tant que ninja. Encore fallait-il qu’il le veuille…

Tandis que son esprit se perdait dans un mélange hasardeux de souvenirs et d’espérances pour l’avenir, les yeux noirs de Shishio parcouraient les documents qui lui avaient été confiés. Ces vols-ci seraient autrement plus difficiles à traquer : le coupable, en admettant qu’il n’avait pas de complice, frappait à travers tout le village sans logique visible.

« Ce ne sont pas des tours réguliers, il n’y a pas de forme précise… Pas non plus d’enchaînement logique envers ses différentes victimes. S’il agit uniquement en suivant ses pulsions… C’est un miracle qu’il ne se soit toujours pas fait prendre, » énonça-t-il, réfléchissant à voix haute, « mais il est peut-être simplement très doué dans ce qu’il fait. Les vols sont toujours espacés de plusieurs jours… »

Comparant les dates des différents larcins, Shishio haussa lentement un sourcil. Un voleur qui agissait uniquement selon ses pulsions enchaînerait sans doute les vols à un rythme rapide, s’emparant de chaque sous-vêtement qui attirait son œil. À l’inverse, quelqu’un suivant une méthode pour ces vols aurait sans doute une logique qu’il était possible de tracer. Même en admettant que le coupable prenait le temps d’observer sa prochaine victime pendant une période prolongée pour se saisir de son butin lorsqu’elle serait absente de son domicile, il devait y avoir un déclencheur – un dénominateur commun entre ces femmes, outre le fait qu’elles étaient toutes particulièrement belles – du moins, c’était l’opinion de Shishio en découvrant les portraits qui ornaient le dossier.

« Fort heureusement pour moi, il y a une femme là-dedans dont l’emploi du temps est assez… Facile à traquer. »

C’était le rouge aux joues que Shishio baissa le regard sur la page du dossier qui concernait une victime quelque peu plus notable que les autres – Tadake Yurikô, la Hokage seconde du nom en personne. S’efforçant de ne pas laisser son esprit (trop) dériver vers l’idée qu’il se faisait des sous-vêtements de sa chère enseignante, il rangea la paperasse dans son sac à dos et se releva. S’il y avait bel et bien un dénominateur commun entre toutes ces femmes, alors ce serait sans doute chez Yurikô qu’il pourrait le trouver. Étant la kunoichi la plus importante du village, chacun de ses déplacements était noté et connu par son service de sécurité – et une fois que ce déplacement était terminé, le secret tendait à s’éventer auprès des personnes les plus proches de la dirigeante du village.

Ce qui voulait dire que le jeune Uchiha allait devoir rendre une nouvelle visite à la secrétaire qui lui avait mis une misère quelques minutes plus tôt.

Il soupira longuement.

Le cœur résigné, Shishio s’apprêtait à se diriger vers l’intérieur de la tour du Hokage une seconde fois afin d’interroger la harpie qui l’avait humilié quelques minutes plus tôt. Un mouvement étrange dans sa vision périphérique attira alors son attention ; se tournant légèrement, il aperçut quelqu’un se déplacer sur un balcon en face du toit où il se trouvait. Le jeune Uchiha plissa les yeux, incertain de ce qu’il était en train de contempler tant ce spectacle manquait de cohérence et de logique.
À quinze mètres de lui, debout au milieu du balcon de l’une des résidences les plus cossues du village, un adolescent portant une tête de sanglier en guise de masque tenait entre ses mains une culotte blanche qu’il étirait de toutes ses forces contre le mufle du macchabée de porc sauvage.

« … Encore toi ? »

Il devait forcément rêver, n’est-ce pas ?
Son visage prenant lentement la couleur d’un dégoût sans pareil, la bouche légèrement entrouverte et les yeux mi-clos, Shishio resta longtemps immobile et silencieux. Une telle situation ne pouvait pas avoir lieu en face de lui, c’était simplement impossible : qu’il traque un voleur de sous-vêtements, c’était une chose. Qu’il ait une telle mission deux fois, c’était encore quelque chose qu’il pouvait accepter. Mais que le même dégénéré primitif, affublé d’une tête de sanglier vidée, se présente à deux reprises devant lui et n’ait toujours pas la présence d’esprit pourtant élémentaire d’enlever son masque ridicule pour renifler une culotte, c’était forcément une mauvaise blague que son cerveau lui jouait, non ?

Et pourtant il était bien là, en face de lui, ses yeux vides d’intelligence fixés sur les siens, se statufiant au milieu de son méfait à l’instant où il se sût découvert.

Puis, après quelques instants de silence intense, comme si un coup de feu imaginaire avait ouvert les hostilités…
« GWAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !
- Alors toi je vais te fumer. »

Laissant derrière lui le dossier de feuilles éparses, Shishio courut le long du toit de tuiles rouges de la tour du Hokage, sautant à travers les airs pour se précipiter sur le coupable pris sur le fait. De son côté, le pervers n’était pas en reste. Dégainant aussitôt les deux lames ébréchées qu’il portait toujours dans son dos, il s’élança à la rencontre du Genin de Konoha. Les deux silhouettes s’entrechoquèrent au-dessus du balcon, kunai contre katana, front contre mufle. Se servant de son opposant comme appui, Shishio prit un nouvel essor dans les airs, atterrissant sur le toit de la résidence. Se réceptionnant d’une roulade, il se retourna prestement pour faire face au jeune homme.

« Presque un an et tu n’as absolument pas évolué, Tête de Porc ? Toujours à gâcher tes capacités pour voler des sous-vêtements ? Tu pourrais être tant de choses et tu te contentes de rester un dégénéré, c’est épuisant…
- GWAAAAAAAAAH ! »

Surgissant à sa poursuite, l’homme à la tête de sanglier se propulsa vers Shishio, ses deux lames serrées entre ses mains. Décidé à lui répondre, Shishio raffermit sa prise sur les deux kunaïs qu’il tenait et concentra son chakra pour aiguiser ses sens à l’extrême.

Satsujin Hon'nô:

Guidé par son Instinct de Tueur, Shishio fit glisser son pied sur le sol, se tenant de profil, le visage tourné vers le voleur pervers. Se faisant, il esquiva sans peine le premier coup d’estoc que tentait de lui porter Tête de Porc ; glissant une de ses lames entre les crans ébréchés du katana, il bloqua celui-ci en place et contre-attaqua en traçant sur le bras musclé une estafilade rougeoyante avec sa seconde arme.

« Mais si toi tu n’as pas évolué, moi, j’ai grandi. Pas autant que je l’aurais voulu… Mais j’ai travaillé dur pour progresser ! Je ne perdrai pas contre quelqu’un que j’ai déjà battu ! »

Tête de Porc revint aussitôt à la charge mais, comme Shishio le lui avait reproché, le cleptomane n’avait pas évolué le moins du monde en un an. Il était toujours plus rapide et plus fort qu’un adolescent sans aucun entraînement ne devrait l’être, mais ses mouvements étaient rectilignes, faciles à deviner à l’avance. Même en étant indubitablement le plus faible des deux sur le plan physique, le jeune Uchiha parvenait à se maintenir à distance, dansant plus ou moins littéralement entre les coups de sabres hasardeux menés par Tête de Porc. Cela lui valut bien quelques coupures, mais les quelques blessures qu’il encaissa étaient extrêmement superficielles comparées aux mutilations qu’elles auraient pu être avec un peu plus de technique.

*Ça pourrait durer longtemps comme ça, mais si je ne le couche pas rapidement, je vais me fatiguer avant lui…*

Se débarrassant des kunais qu’il avait déjà en main en deux prestes lancers facilement déviés, il se saisit d’un petit parchemin de stockage.

*Tant qu’il agite ses katanas dans tous les sens, je ne peux pas m’approcher pour le blesser sérieusement – il faut que je neutralise au moins l’un de ses bras pour lui mettre un coup significatif !*

D’un rapide pas chassé, Shishio se plaça sur la gauche de Tête de Porc, tendant soudainement le parchemin dressé d’une main, le frappant d’un revers de l’autre.

Kaifûjutsu :

Les étoiles d’acier surgirent du papier pour voler en direction du pervers. Malgré les réflexes rapides de celui-ci, la surprise le ralentissait ; alors qu’il reculait d’un bond, Shishio put constater non sans une certaine satisfaction que plusieurs d’entre elles s’étaient plantées dans son épaule, maculant son bras nu de sang. Après un coup pareil, le jeune homme aurait du mal à se servir de son bras gauche comme il l’avait fait jusqu’ici, offrant à Shishio un angle d’attaque bien requis.
Le jeune Uchiha, adressant un sourire narquois à sa cible pour mieux la provoquer… Lui tourna soudainement le dos, filant à toutes jambes là où le combat avait commencé, quelques minutes plus tôt. Se laissant tomber sur le balcon, toujours orné du butin tant convoité, il disparut du champ de vision du voleur de culottes.

Malgré son expression faciale, soigneusement choisie pour agacer son adversaire, Shishio était intérieurement très tendu. Il avait un plan pour écourter le combat et mettre Tête de Porc hors d’état de nuire, mais il avait intérêt à ne pas rater son coup. Le dos plaqué contre le mur de la résidence, il s’était emparé d’un soutien-gorge, dont la taille suggérait une propriétaire pour le moins gâtée par la nature, et retenait son souffle, les yeux fixés sur la bordure du toit pour prendre sa cible par surprise.
Rapidement, le dégénéré surgit exactement là où le jeune Uchiha l’y attendait. Le garçon se propulsa instantanément dans les airs, se saisissant de la tête de sanglier, et… Y agrafa le soutien-gorge. Vu la façon dont il avait pressé cette culotte contre son mufle quelques temps plus tôt, c’était sans doute la seule voie respiratoire pour lui dans cet accoutrement ridicule. Enfonçant le museau creux en le pressant contre l’un des seins du soutien-gorge, refermant aussitôt le sous-vêtement derrière la nuque, Shishio bloqua complètement cette unique voie. Bien entendu, il était probable que son adversaire ait la présence d’esprit d’enlever le masque avant de mourir d’asphyxie, mais il comptait utiliser les quelques secondes que la confusion lui offrait à bon escient.
Atterrissant à nouveau sur le balcon, il joignit ses mains en une série de mudras rapides.

« Fûton : Reppûshô ! »

Fûton :

Alors que le chakra venteux se réunissait autour de sa main droite, il en asséna la paume dans l’abdomen de Tête de Porc, enfonçant son coup en pivotant légèrement sa main contre les muscles. La bourrasque ainsi générée propulsa le pervers dans les airs, le jetant en tourbillonnant sur la façade de l’immeuble d’en face avant qu’il ne chute vers le sol, ralenti par les multiples cordes à linge qui déviaient sa course.

Surpris lui-même par ses résultats, Shishio regarda un temps sa main droite.

« Un mouvement de torsion… C’est vite redoutable… » Puis, alors que le choc sourd d’un adolescent de son âge s’écrasant au sol le ramenait à la réalité, il secoua la tête. « Bon, plus qu’à le livrer pour terminer cette mission, maintenant ! En espérant qu’il retienne sa leçon, cette fois-ci. »