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Ne te découvre pas d'un fil || PV Kuma

Kamiko Raion
Kamiko Raion
Konoha no Chunin
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Kamiko Raion


 
Ne te découvre pas d'un fil
Feat Kuma

 
La voilà. La réaction, infime, presque étouffée de Shirokuma, laisse la tisseuse perplexe. Etait-ce de la tristesse qu’elle avait sentie, l’espace d’une seconde, avant qu’elle ne disparaisse derrière le sourire charmant qu’il affichait depuis le début de la rencontre ? Le trouble était réel, Raion n’en avait aucun doute, mais elle était incertaine de la portée de ce qu’elle venait de faire. Tristesse. Surprise. Mélancolie. Colère. La foule d’émotion était là mais son identité était cachée habilement, de quoi donner du grain à moudre à l’esprit retors de la brune. Ebranler son adversaire était chose faite, mais aucune ouverture, aucun indice n’était apparu pour la guider davantage. Le plan de pied de nez était donc une défaite amère, qui aurait été cuisante sans l’éclair d’émotion qui avait traversé le regard trop confiant de son adversaire. Mais pouvait-elle se servir de cette minuscule fêlure ? D’instinct, Raion sut que non. C’était trop tôt, trop léger, trop ambigu. Trop susceptible de se retourner contre elle. Elle naviguait donc à vue, dans un océan qu’elle savait trompeur et dangereux. Cette sensation d’inconnu, de perte de contrôle, lui déplait aussi grandement qu’elle attise sa curiosité.



Un sourire carnassier s’esquisse sur le visage couvert de la kunoichi. Elle s’amuse. Cette pensée, simpliste, la frappe comme un bœuf en pleine charge. Depuis combien de temps prenait-elle plaisir à ce jeu de chat et souris ? Depuis les lettres, c’était certain, mais laquelle ? Le plaisir se transforme alors immédiatement en culpabilité. Elle ne devait pas perdre de vue l’objectif, ne pas s’éloigner d’elle-même et de son ambition démesurée. Et, d’un autre côté, elle avait envie de le pousser plus loin, de tester la moindre parcelle de ce téméraire qui se hissait à sa hauteur avec aisance. Faire naitre comme faner ce sourire charmeur qu’il utilisait comme une arme au mépris de la productivité de celle-ci. Elle avait envie de le faire danser sur un versant de montagne aride et effilé, de le pousser à bout, de voir de quel bois il était fait, de … Cette fois-ci, Raion se mord la lèvre. Elle perd le fil. Elle n’avait besoin que de deux choses : une concentration parfaite et un esprit clair. Ses caprices étaient mauvais pour les affaires et elle le savait.

« Et te priver de ta meilleure arme ? Tu n’oseras jamais. »
 

La jeune femme soutient le regard de son interlocuteur, le compliment dans sa voix émoussée par le soudain changement de distance qu’on lui impose. Les deux iris d’acier dardent sur le visage à demi dissimulé dans un baisemain de convention, à moins que ce ne soit une façon discrète et rusée d’apercevoir un début de son visage sous le voile qu’elle avait gardé jusqu’à présent. Elle s’interdit aussitôt de tressaillir du contact, malgré le gant qui protégeait sa peau. Il était habile, mais elle ne tomberait pas pour si peu. S’il voulait obtenir quelque chose, il faudrait frapper plus fort, plus sournoisement. Sinon jamais elle ne renoncerait à la marge de sécurité que représentait le voile qui dissimulait son visage.

« Ils m’agacent. » répond-elle, légère mais sincèrement contrariée, son regard déviant vers son dur labeur. « Comment espérer ne serait-ce qu’un accord dans ces conditions ? Quitte à se mettre sur la tronche, qu’il le fasse maintenant, qu’on en finisse une bonne fois pour toute. »




Sans prévenir, elle pose un doigt sur l’endroit où il avait rangé l’autre partie de son cadeau, franchissant d’elle-même la distance de sécurité qu’il avait lui-même établit. Pensait-il qu’elle aurait peur d’être si proche ? Qu’elle ignorait les manœuvres de domination non verbale ? Un sourire, franc, se réverbère alors jusque dans la prunelle de ses yeux gris et peu chaleureux. Le bout de son index traverse l’étoffe avec une aisance mue par la volonté, réelle, de le déstabiliser à nouveau, maintenant qu’il ne pouvait plus se cacher. Elle ne pouvait guère sentir ce qu’elle avait sous sa phalange au travers du tissu mais elle ne pourrait pas rater un changement, même subtile, de respiration.

« Je suis ravie, malgré tout, que ce petit coup de théâtre… » Raion s’avance, comblant le dernier pas qui les sépare pour se pencher en avant, jusqu’à ce qu’il puisse sentir son parfum. Elle aurait pu murmurer à son oreille mais elle se contenta d’une ridicule poignée de centimètre pour les séparer, tout juste matérialisée par les morceaux de tissus qu’ils portaient tous les deux comme des boucliers. « … ne t’ait pas laissé indifférent. »  


La kunoichi le repousse alors légèrement du bout de son index, comme pour lui intimer de reculer le premier. Le mouvement, purement de défi, lui sert à dissimuler l’avidité qu’elle ressent quant à la palette d’émotion qu’elle cherche à provoquer pour mieux le cerner. Prendrait-il ça pour un aveu de faiblesse, une tentative de séduction maladroite, un défi délibéré ? C’était difficile à dire et, sans technique pour tricher, Raion ne pouvait être certaine de la réponse. Qu’est-ce qu’elle aurait aimé avoir plus de matière, plus de marge de manœuvre. Maintenant prise dans l’étau de sa propre attaque, elle dévisage l’Akayuki avec une certaine sérénité, comme si l’issue au combien importante de cette entrevue n’avait pas autant d’importance.

« Quel est la suite du plan, Shirokuma ? Parce qu’il va nous falloir plus qu’une poignée de vêtements et de bonne volonté, pour lutter contre des ânes bâtés de cette envergure. »

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Akayuki Shirokuma
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Akayuki Shirokuma


 
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Feat Raion

 
A peine lancée, la balle revenait immédiatement à l'envoyeur, dans un jeu inattendu, qui avait commencé dès le moment où ils s'étaient retrouvés à portée, l'un de l'autre. Le coup d'envoi avait sonné de manière tacite et pourtant, aucun des deux ne l'avait loupé. Plus que de maintenir un climat amical le temps des négociations avec les envoyés de Konoha, plus encore que certaines batailles qu'il avait pu mener au péril de sa vie, le jeu auquel il participait avec Raion lui donnait l'impression de devoir avancer en équilibre, sur un fil, au-dessus d'un effroyable précipice.

Le moindre faux pas pouvait terminer immédiatement la partie, ce qui risquait de retarder nombre de ses projets, ou encore de le discréditer totalement aux yeux de Konoha, dont le soutien pourrait s'avérer primordial, pour la suite. Beaucoup de pression et d'enjeux, à miser ainsi sur un coup de poker, qui reposait principalement sur ses talents de séducteur... Autant dire qu'il ne partait pas gagnant. Il n'avait jamais été très à l'aise avec les choses de l'amour, n'ayant été qu'avec une seule et unique personne, qui avait rendue les choses si simples... C'est avec audace et assurance, qu'elle avait conquis le timide petit ourson, comme s'il s'agissait d'un simple puzzle, dont elle seule pouvait faire ressortir le sens. Si simple...

Avec un pincement au coeur, c'était grâce au souvenir de Sanae, qu'il avait réussi à tenir la cadence avec la redoutable adversaire qu'était l'héritière des Kamiko, depuis le début de leur correspondance jusqu'à leur toute première rencontre, au beau milieu d'un cadre idyllique. Comme à son habitude, il émulait le comportement nécessaire mais cette fois-ci, l'exercice était assez amer. Malgré tout, il ne regrettait pas un seul instant la manière dont il avait décidé de négocier avec le village de la feuille. Cela faisait bien longtemps, qu'il n'avait pas eu un challenge à la hauteur de ses attentes et pour une fois, il était servi. une certaine tension taquine s'était manifestée presque immédiatement entre eux, en dépit de la formalité du rassemblement. Plus les secondes s'égrenaient, plus il se prenait au jeu, sans avoir besoin de jouer un rôle.

Avant même qu'il n'échange le moindre mot à l'oral, avec sa correspondante, il s'était déjà passé plusieurs tours, sur lesquels il avait le sentiment d'avoir plusieurs temps de retard. Incapable de savoir s'il avait été percé à jour dans sa démarche, il ne pouvait qu'espérer rattraper l'avance de son opposante, au cours de cette joute sentimentale. Chaque coup allait devoir être savamment calculé, s'il espérait pouvoir faire mouche. Très vite, sans qu'il ne puisse s'en rendre compte sur le coup, il n'existait plus rien d'autre pour Kuma que lui et celle qu'il voulait... non, qu'il devait impressionner !

Au fon de son esprit, il avait l'impression uver seul avec la princesse couturière avait cependant très nette de se retrouver devant un plateau de jeu, où chaque parole, chaque mouvement, chaque micro-expression représentaient les pièces à sa disposition, qu'il devait avancer intelligemment. Aussi loin pouvait-il être de sa zone de confort, l'Ours du désert n'était pas homme à s'avouer vaincu aussi facilement. Il pouvait bien voir à son sourire que son interlocutrice semblait prendre un malin plaisir à leur petit manège, mais ne comptait pas pour autant lui simplifier les choses. Bien... L'inverse l'aurait surpris, après ce qu'il avait pu analyser de leurs nombreuses lettres. Déçu, aussi. Inconsciemment, le challenge lui faisait peu à peu oublier ses propres réserves, l'obligeant à se concentrer dans la compétition, au risque de se faire distancer.


*Viens, je t'attends !* Pensa-t-il, en songeant aux routes qui s'offraient à lui.

Raion commençait fort, la voir ainsi se mordiller la lèvre, sans savoir ce qui pouvait lui passer par la tête à ce moment là, l'Akayuki sentit ses poings se resserrer, lui tendant les muscles alors qu'il s'efforçait de rester impassible devant cette expression inattendue. Sans lui laisser le temps de se remettre de ce premier crochet du droit, elle enchaîna avec un compliment, frappant en plein visage, directement au travers de sa garde. Etait-elle sincère, ou se moquait-elle outrageusement de lui ? Difficile à dire, à ce niveau là de la partie... Dans tous les cas, elle osait des mouvements audacieux, sans la moindre crainte d'un contre.

Peut-être qu'elle se contentait de le tester, sans trop se mouiller. Ou elle surfait sur le bord des limites, en espérant les lui faire dépasser en premier ? Qu'à cela ne tienne ! Sa manoeuvre de défense avait été balayée (il n'avait pu s'empêcher un sourire franc, suite au doux complliment), il allait donc passer à l'offensive, lui aussi. Il visualisa une pièce, arrivée juste à sa portée, qu'il se décida de prendre, armé d'un tendre rictus et d'un ton équivalent à celui de son interlocutrice.


« Tu penses vraiment que c'est ça, ma meilleure arme ? C'est mignon. » Entama le Sunajin, en hochant doucement la tête. « Je ne suis peut-être pas aussi transparent que ça alors. Tu ne vas pas être déçue. »

Le premier contact n'avait pas semblé très efficace, contre son ennemie de coeur, mais il ne comptait pas lui laisser imposer son rythme. C'était bien trop risqué. Raion parvint tout de même à lui arracher un rire, avec son franc-parler qui répondait au sien, en soutenant un revirement de la conversation sur un ton plus léger, taillant allègrement leurs deux camps opposés, comme s'ils étaient des amis de longue date, qui se retrouvaient après une longue séparation. Quelque part... Ils avaient déjà passé tant de temps à converser et à refaire le monde, sous des montagnes d'encre, que cette impression n'était pas si éloignée de la réalité, pour le vieil ursidé solitaire. A quel moment la corvée pour le bien du village était-elle devenue aussi grisante ? Quand est-ce que ses plans de mariage politique étaient passés de sacrifice à opportunité ? Avait-il seulement eu conscience de ce changement de position, pourtant majeur, qui s'était opéré d'une manière si fluide et inattendue dans son esprit, en apprenant à connaitre l'héritière ? Pas encore. Pas vraiment. Pas tout à fait.

L'espace d'un bref instant, il sembla qu'un certain calme était revenu, sur leur échange de flirts interposés. Sournoisement, Kuma chercha à en profiter, pour prendre de l'avance et gagner des points, tant que la garde adverse semblait baissée. C'était une chance inespérée, qu'il ne pouvait laisser passer. Elle venait d'abandonner sa priorité, pour alléger l'ambiance et calmer les hostilités. C'était tout à son honneur, mais, malheureusement pour elle, il n'y avait ni temps mort, ni pitié, dans le tournoi de l'amour. Méthodiquement, il commença à aligner sa réplique, en fermant les yeux, les traits apaisés.

« Ah non non non, j'ai fais beaucoup de chemin pour te voir... » Eut-il à peine le temps d'entamer, avant qu'elle ne l'arrête en plein élan.

Bien joué... Il avait été bien naïf. Elle lui avait habilement fait miroiter une position avantageuse, avant de revenir en force, au moment où il s'y attendait le moins. Il avait été assez confiant pour repasser à l'offensive, sans se méfier, mais avant même qu'il ne puisse espérer faire mouche, elle était arrivée au corps à corps, franchissant ses premières lignes sans la moindre hésitation, pour porter un coup qui risquait d'être coûteux. Son index insidieux et la proximité qui en résultait étaient semblables à des boulets de canon en plein coeur, qui commencaient à sérieusement entamer ses défenses.


* Cou... Counter ?! * S'écria intérieurement Kuma, dont le palpitant manqua la mesure.

Touché. La demoiselle voilée, profitant de l'avantage qu'elle avait réussi à se créer, rongea encore plus la distance qui les séparait, pour effacer le monde, en le remplaçant par son odeur sucrée, son toucher délicat et sa voix suave. Elle le moucha sur place, le laissant momentanément incapable du moindre retour élaboré. Indifférent ? Depuis quand avait-il arrêté de l'être ? Le fait de l'entendre ainsi à voix basse, comme un secret qu'ils auraient été les seuls à connaitre, lui fit réaliser le poids qui se cachait derrière ce qu'elle venait de lui dire. . Elle était loin de le laisser de marbre et il en était le premier surpris. La brune était encore plus fabuleuse en personne et il manqua bien d'en rester sans voix.

Son hésitation ne dura qu'une brève poignée des secondes, mais la Kamiko n'en aurait sans doute pas raté une miette. Il avait cherché son regard, au travers du tissu et s'était mordu le bout de la langue, pour éviter la lèvre, lorsque le parfum et la voix de la belle s'étaient mêlées pour l'assaillir de plein fouet. Quoi de plus redoutable, que de se retrouver plongé en plein Genjutsu et ce, sans l'utilisation de la moindre technique, de mudra ou de chakra ? Il ne bougea pas d'un pouce, lorsqu'elle le repoussa sans grand effort du bout du doigt, mais arborait une expression bien plus authentique, sans le moindre filtre, alors que la réalité de la situation le rattrapait, comme un élastique soudain relâché lui revenant en pleine face. Il finit par se rendre compte que, depuis que l'index de Raion avait rencontré son torse, il avait totalement arrêté de respirer.

La suite du plan ? A la fois il commençait à en douter et à la fois... Une certitude naissait en lui, un enjeu, qu'il n'avait pas encore décelé. Qu'il avait peut-être simplement ignoré. Cela faisait bien longtemps, que personne n'avait réussi à l'enfermer dans l'instant présent. Il avait déployé tellement d'efforts, pour ne jamais avoir à s'arrêter, au risque de se faire rattraper par tout ce qu'il essayait vainement de fuir, en essayant de se convaincre qu'il allait de l'avant. Pourtant, à ce moment précis, il était totalement immobile, presque figé dans le temps mais aucun fantôme ne revenait le hanter. Aucune pensée lugubre ou crainte pessimiste à écarter n'arrivait à se frayer un chemin.

Il n'y avait qu'eux, ici.

Les yeux du Sunajin pétillèrent, en se plantant dans ceux masqués de sa princesse de Konoha, malgré le textile qui les séparait. Ce n'était plus le moment de reculer et de toute façon, Kuma n'en avait aucunement envie. Exploitant la maigre distance qu'il y avait entre eux à son profit, il passa une main aventureuse sur la hanche droite de Raion et s'avança d'un ultime pas, en avançant son visage vers l'avant. Le ninja relâcha son souffle chaud, proche de la nuque de la jeune femme, alors qu'il se rapprochait de son oreille. C'était elle qui lui venait de lui inspirer cette manoeuvre osée, qu'il avait décidé de mener à son terme.

« Cette délégation est juste une formalité, il faudra bien plus que ça, pour endiguer tout le mauvais sang qui nous sépare. » Murmura-t-il,  avec une pointe notable de déception dans la voix.

Sa main libre se dirigea quant à elle au niveau de la joue de Raion, qu'il effleura du revers, avant de revenir lentement au niveau de son menton.

« Lorsque je t'ai écris la première lettre, pour du commerce, je ne pensais même pas que tu y donnerais suite. Encore moins de me languir de tes réponses. »

Il recula le visage, sans pour autant chercher à rompre l'étreinte qu'il avait engagé, pour s'aligner sur celui de la kunoichi. Kuma lui attrapa délicatement un angle de son voile, qu'il attrapa entre le majeur et l'index, pour le rabattre et se défaire d'un obstacle de taille, s'il voulait garder la moindre crédibilité dans leur parade mystérieuse. Sans faux-semblant, sans chercher à se cacher lui non plus, il lui sourit avec candeur. Plongé dans ses iris, il avait l'étrange impression de perdre pied, de manière plus inextricable que des sables mouvants. Pourtant, il se sentait rempli d'une étrange quiétude, qui n'avait rien à envier à celle qu'apportait le cadre forestier.

« Ce voyage, je l'ai fais pour tester la température sans la présence de Senshi, mais surtout, c'était pour te voir toi, Raion. Je voulais ouvrir des négociations entre nos deux villages, des échanges pour ouvrir un comptoir Kamiko à Suna... » Avoua-t-il, sans hésitation. « Je veux que ce soit toi, qui vienne le mettre en place. »

Il avait beau ne pas le dire directement, pour mener un tel projet à terme, surtout dans les conditions actuelles, il n'y avait pas trente-six solutions. Kuma venait d'abattre une de ses cartes maitresses, ce qui était presque équivalent à révéler toute sa main, mais il n'en avait cure. Lui aussi, attendait impatiemment de voir la réaction suite à sa révélation, lorsqu'elle aurait compris où il voulait en venir. Pour appuyer davantage ses propos, il raffermit tendrement sa prise, avant de lever le moindre doute, avec deux mots sans équivoque.


« Avec moi. »

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Raion sourit. Ce genre de sourire, puissant, qui se répercute jusque dans ses prunelles jolies prunelles grises. Elle sent. Elle sait. La satisfaction répond au trouble qui fait vibrer la confiance de l’Akayuki comme une corde de guitare. Elle voit son esprit s’animer, danser pour elle en quête de sa répartie, suspendu à son seul geste. L’absence de mouvement de la cage thoracique sous sa phalange lui permettrait presque de percevoir les lointains battement de son cœur pris à l’assaut, malgré le rempart de soie. Grisée par les quelques secondes où elle le tenait presque dans sa paume, la Kamiko en oublia la prudence. Elle rate le moment où le masque tombe, légèrement, pour laisser place à un adversaire qui s’éveille d’un sommeil chaotique. Elle rate les précieuses secondes où l’authentique vient parfaire le tango à haut risque auquel ils se livrent tous les deux, corps et âmes.

Lorsqu’il revient à la charge, la grande brune n’a qu’une poignée de seconde pour se rétablir de son erreur d’inattention. Un premier frisson lui échappe en sentant la paume décidée effleurer son flan et emprisonner sa hanche. Elle parvient, de justesse, à réprimer le second mais se crispe, trahissant sa surprise réprimée. L’arroseur arrosé, comme disait l’adage, mais sans la sensation de défaite honteuse qu’elle aurait pu – du – ressentir.

Le nez envahit par des odeurs inconnues, Raion se surprend à fermer les yeux pour mieux les ancrer dans sa mémoire. Elle demeure coite, les yeux écarquillés, en sentant la douceur du mouvement à travers la voilette, inspirant d’anticipation par pur réflexe. Elle voulait conserver ce moment, rare, ajoutant mentalement Shirokuma à la liste très fermée des personnes capables de lui couper le sifflet.
La lionne se retrouve alors piégée par ses propres perceptions, partagée entre l’attente et l’impatience de le voir aller jusqu’au bout de sa pensée. Jamais, pourtant, il ne daigne lui donner satisfaction et, de peur de paraitre trop bouleversé, la jeune femme s’en remet à sa verve, pleine de fourberie et de dérapage contrôlé. Cacher sa faiblesse, relancer la joute, son corps tout entier à surveiller pour ne pas se livrer davantage.
Consciemment ou non, l’Akayuki venait de consommer sa vengeance.

« Remercie ton audace, elle a sauvé ta lettre des flammes. » Elle le laisse saisir le voile, pleinement consciente qu’après son coup d’avant, c’était un juste retour des choses. Le mode facile l’était trop et la capricieuse jeune femme ne saurait renoncer à ce frisson d’excitation à l’idée du jeu en cours. Elle l’observe donc, les yeux brillant d’un amusement félin, poursuivant sa phrase alors que l’air chatouille la peau nue de sa mâchoire. « Je n’ai jamais vu quelqu’un d’assez fou et culotté pour tenter une manœuvre pareille. C’est intéressant, à bien des niveaux. »


Fou. Culotté. De véritables euphémismes, en toute honnêteté. Leurs échanges de lettres flirtaient entre la haute trahison et la génie militaire audacieux. N’importe qui d’extérieur à leur petit jeu y verrait là la présence discrète des braises d’une conspiration naissance, et à raison. Bien loin des élans patriotiques, les deux marchands avaient discuté comme de vieux amis, se taquinant allègrement dans l’espoir qu’un jour, apparaisse les mots de la victoire dans les lignes à la politesse exagérée. Ils restent ainsi, face à face, yeux dans les yeux, à tenter de se déchiffrer sans pour autant y parvenir. Ils n’en avaient pourtant guère besoin, les pas de l’un étant instinctivement accompagné par l’autre dans une chorégraphie complexe. Résolue. Endiablée par les coups qui s’échangent comme des formalités.

« Le comptoir est déjà prévu, Shirokuma. » La vérité dans la voix de la commerçante sonne comme une promesse. Elle travaillait sur ce projet depuis des années et il ne se limitant pas au désert. Raion, du haut de sa jeunesse et de ses ambitions, souhaitait plus, bien plus. Là où les plus rêveurs parleraient de destin, la tisseuse se savait vouée à gagner par la force des choses. Et par chose, elle entendait son caractère catastrophique et son talent hors norme qui n’était, en fin de compte, que le fruit d’un travail qui lui prendrait toute une vie. Du haut de ses vingt-cinq ans, alors que son propre clan la bridait en lui confiant davantage de responsabilités, la lionne n’avait qu’un objectif. Aujourd’hui, c’était Suna. Demain, elle s’en prendrait au Sekai tout entier. « J’aurais fini par venir, tôt ou tard, mais autant se faire gâter par la roue de la fortune quand elle nous sourit. »



Elle lui offre son plus beau clin d’œil, avec le regard entendu de quelqu’un parfaitement conscient de ce qu’il avance. L’Akayuki, tout stratégique qu’il pouvait être, représentait une aubaine. Qui était-elle pour refuser ça ? Pire. Comment pourrait-elle refuser une chance comme celle-ci, quand elle a ce visage ? Son instinct naturel de marchande prenait vite le pas et, quitte à sacrifier son mariage, elle préférait en faire une affaire monumentale. Outre l’aspect purement pragmatique des gains, Raion n’espérait pas un époux comme celui-là, lorsqu’on lui avait annoncé son arrivée sur le marché. Elle s’était peut-être même résignée, quelque part, à partager sa vie avec une coquille pas trop laide vaguement remplie par un caractère juste assez agréable pour qu’elle n’ait pas envie de s’en débarrasser aussitôt le boulet nouer à sa cheville. C’était donc une surprise, doué d’esprit et de charme, qu’elle avait salué avec reconnaissance en ouvrant son courrier, il y a quelque mois. C’était maintenant une agréable surprise. Plus qu’agréable même, il fallait l’avouer. Raion n’était pas superficielle, mais elle ne pouvait pas nier ses goûts d’esthètes. La petite fille romantique dont on avait brisé les rêves y trouvait là un semblant de vengeance satisfaisant, loin du manque d’ambition et de la facilité Konohajin envisagé par ses cousins. Si elle n’avait pas de Senju, ils n’auraient rien, soufflait la petite âme d’enfant encore pétillante dans les prunelles de la chef de clan.
Pourtant, cette lubie idiote, enfantine, se trouvait des conditions d’exclusions. Depuis quand avait-elle laissé qui que ce soit la faire changer d’avis ? Personne depuis Kensai.

« La température est polaire, j’en ai bien peur. »

Elle plaisante, légère, mais un léger plissement de ses jolis yeux, suspicieux, trahit sa volteface muette. Lui et elle. Ensemble. L’image était charmante, certes, mais lourde de sens. L’espace d’un instant, le silence vient gâcher le trait d’humour que la Kamiko avait tenté pour préserver les apparences. Maintenant devant la conscience réelle de cette demande voilée, la si réfléchie et si stratégique requin des affaires qu’elle marquait le temps d’arrêt méfiant de la petite maligne qu’elle était. Une pause qui se mua en véritable tourbillon dans l’esprit de la kunoichi. Voulait-elle partager ? Méritait-il qu’elle partage ?
« Qu’est-ce qui te manque donc tant chez toi, pour venir le chercher chez une Konohajin avec ma réputation ? » Elle caresse la joue de l’Akayuki avec une tendresse presque étrange, rapprochant leur corps enveloppé dans l’étreinte comme ils l’étaient pour mieux lui murmurer à l’oreille, à son tour. Ses yeux, eux, trahissent, le temps d’un battement de cil, leur intention de jauger l’homme sans honte. Une fraction de seconde qui dévoile toute l’ampleur de la réflexion qu’elle lui porte depuis le tout début, dans un mélange déstabilisant d’envie et de fatalité. « La gloire ? L’argent ? L’amour ? »
 


Raion susurre les mots, un à un, goutant jusqu’à la dernière note, pressée contre le torse de son voltigeur. Elle sent son cœur trembler et répondre au sien, sans réussir à en décrypter les battements épars. Privée du repère de son visage, elle choisit de se fier à ce corps inconnu qui ment visiblement moins bien que sa tête. Il allait mentir, elle le savait, mais elle avait l’espoir idiot qu’il ne le ferait pas jusqu’au bout. Qu’il se trahirait comme il l’avait déjà fait. La jeune femme souffle doucement dans le cou de son cavalier, reprenant contenance avant de le regarder, à nouveau.
« Qu’aimes-tu vraiment chez moi ? »

L’acier de ses pupilles le transperce, à la recherche de la moindre fissure dans son masque de bonhommie. Mentir à l’écrit était simple, si simple, mais la réalité elle était complexe. Bien plus complexe que le glissé de sa main le long de la mâchoire de celui qui la tenait dans ses bras, ses doigts découvrant naturellement les muscles de son cou, jusqu’à finalement s’arrêter avec délicatesse sur son épaule. Il avait ce talent, cruel, de la tourmenter par sa seule présence, sa seule promesse dont elle connaissait l’issue. Pourtant elle refusait, sottement, de renoncer à sa part d’innocence fleur bleu qui lui avait fait clamer, haut et fort, qu’elle aurait les trois qualités qu’elle lui avait jeté à la figure comme une volée de kunaï. Cette fois-ci, ils dansaient tous les deux au-dessus d’un vide gigantesque, au risque de basculer.

Malgré tout, elle restait là, posée sur lui, en proie au doute que seul pouvait susciter un adversaire à sa taille. Devait-elle vraiment ressentir pour lui le frisson de la chasse, comme lorsqu’elle s’en prenait à une nouvelle boutique à annexer à son domaine ? Devait-elle avoir ce besoin scandaleux de posséder l’étincelle de défi que représentait Shirokuma ? Devait-elle … Encore une fois, Raion reprend contenance lorsque sa lèvre entre en contact avec ses dents. Elle réfléchit trop, beaucoup trop pour son propre bien. Avant même que le ninja ne réponde, elle enchaine.


« Je dois dire que, malgré tout, je suis surprise que tu n’es pas parlé davantage de ça. » Sa main, prisonnière entre eux, remue légèrement alors qu’elle se pose entièrement sur lui. « Aurais-tu raté l’autre ? »

Le doute laisse place à la malice, outrageusement affiché. Elle voulait qu’il perde pied, puisqu’il était encore « protégé » par le kimono qu’elle avait cousu pour lui et qu’il utilisait comme un bouclier. Les sens utilisés comme des armes, il avait posé sa première pierre à l’instant où le voile s’était levé. Non, il l’avait posé bien plus tôt, avec une plume effrontée et avenante. Le sourire de la Kamiko renait, alors qu’elle ressert doucement sa main sur l’épaule qu’elle tient encore.
« Un indice : sud tu chauffes, nord tu perds. »
 
Seau d’eau froide, seau d’eau chaude. La danse reprenait ardemment après une courte pause, cyclothymique. Le pauvre garçon ne devait rien y comprendre mais il devait sans douter. Il avait entendu parler d’elle, avant même de la voir. Que pensait-il, maintenant mis devant le fait accompli de son humeur ambivalente ? Allait-il fuir ? Persister ? La curiosité était sincère, badine.
Comment pouvait-on être assez fou pour choisir de la supporter en son âme et conscience ? L’idée la fit discrètement pouffer, comme à chaque fois. Peut-être était-ce l’angle d’attaque qu’elle cherchait désespérément, alors qu’elle l’avait déjà utilisé mainte et mainte fois, dans ses premières lettres. Ses paupières, qui s’étaient closes quelques secondes dans son rire étouffé, se rouvrirent et l’ambre envahie les prunelles de Raion.

C’était Shirokuma Akayuki qui se tenait devant elle. Un adversaire de valeur qui n’avait pas fuit après des mois de maltraitance postale. Pourquoi le ferait-il maintenant qu’il touchait cette ultime affront de réponse, qu’elle portait à la jambe ?
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Akayuki Shirokuma
Akayuki Shirokuma
Kazekage
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Akayuki Shirokuma


 
Ne te découvre pas d'un fil
Feat Raion

 
Le début de l'échange avait été dynamique, impitoyable, sur le champ de bataille de l'amour. L'Ours et la Lionne se livraient un affrontement sans merci, dans un cadre un contexte pourtant si délicat, la romance faisait rage. S'il avait bien failli rester bouche-bée éternellement, devant l'audace de la jeune femme, il avait toutefois réussi à lui rendre la monnaie de sa pièce, en lui coupant le sifflet, à son tour. Il s'était presque attendu à voir tomber des représailles, mais rien ne venait. Ni claque sèche en pleine face, ni de "goujat" placé avec dédain, ce qui montrait déjà, en soi, qu'il n'était pas si fou que ça. Raion pouvait bien jouer la calculatrice taquine, totalement détachée de ses sentiments, pour le simple amour du profit, mais Kuma n'est pas dupe. Le frisson de la belle, lors du passage de sa main assurée, ainsi que quelques infimes mouvements crispés, afin de garder une contenance, parlent d'eux-mêmes.

Il la tenait contre lui et, même s'il avait osé partir assez loin dans l'excès, il se demandait s'il n'aurait pas pu en faire un tout petit plus... Elle ne semblait pas être si réfractaire à l'idée et, s'il devait être totalement honnête avec lui-même, l'Akayuki n'était pas non plus contre l'idée de sceller son accord du bout des lèvres. Toutefois, il lui fallait être patient. Il avait fait mouche, certes, mais il ignorait encore à quel point et à tout moment, ses actes pourraient se retourner contre lui. L'instant où sa promise ferme les yeux, semble s'étirer dans le temps, perturbant le flot temporel, comme s'ils étaient tout deux enfermés dans une bulle chaleureuse, où n'existait aucune distraction. Rien d'autre qu'eux deux. En posant le regard sur la brune, toujours silencieuse, il se surprend à remarquer qu'il sourit, à la contempler ainsi, suspendue entre deux phrases.

Contre sa paume, le corps voluptueux de la belle s'imprimait contre sa peau, avec un subtil mélange de légéreté et de fermeté. Pendant quelques secondes, il ferme les paupières à son tour, pour cacher sa nervosité, après avoir abattu ses cartes. Bien entendu, tout son plan reposait sur l'efficacité de sa séduction et essuyer maintenant un refus pouvait s'avérer catastrophique, pour la suite des événements, mais ce n'était pas vraiment ça, qui menaçait de le paralyser. Le moment présent était tellement agréable, inattendu, malgré toutes les simulations qu'il avait pu essayer d'élaborer, qu'il appréhendait le moment où celui-ci allait se terminer. Aussi bien pouvait-il être, pour la première fois depuis bien longtemps, le martialiste sentait une ombre enserrer son coeur, lui donnant l'impression d'avoir un creux dans la poitrine. La réponse de Raion, il l'avait attendue bien avant de lui faire ses aveux, mais n'avait jamais vraiment saisi la réelle importance que celle-ci pourrait avoir à ses yeux.

Sa fierté et son pragmatisme l'empêchaient encore de le réaliser pleinement, mais son objectif avait insidieusement dévié de sa trajectoire initiale, l'affect venant contaminer peu à peu sa raison et son objectivité. A la fois, il était impatient de savoir ce qu'elle en pensait et en même temps, il espérait naïvement qu'elle ne dise rien. Ainsi, ils pourraient rester un peu plus longtemps, dans la quiétude de leur étreinte. Finalement, Raion brise le silence, la surprise de son aveu faisant même légèrement reculer la tête du shinobi, qui parvient à peine à se retenir, tout comme un acide pincement au coeur. Entre le ton de la Kamiko, ses propos, ses gestes et ses yeux, Kuma ne savait pas à quels signaux se fier, afin de savoir sur quel pied danser.


Pourtant, pour la première fois, alors qu'elle évite volontairement de lui donner un vrai retour à sa déclaration stratégique, il pose les yeux sur son visage et manque de se perdre dans les siens, qui scintillent comme des pierres précieuses. Son iris de platine l'envoutait, l'obligeant à se répéter les phrases de la tisseuse en boucle, pour éviter de tout oublier sur le coup, ou de se laisser avoir par son Dojutsu, ce qui était peut-être pire. Elle était belle, à couper le souffle. Sa moue taquine s'harmonisait  sur ses traits fins et, en dépit de tous ses efforts, il était incapable d'y trouver la moindre imperfection. Littéralement incapable de les voir, si toutefois il en existait. Raion était à la fois tout ce à quoi il s'y était attendu, pas du tout et bien plus encore. Il n'avait attaché aucune importance au physique qu'elle pouvait avoir et en règle général, il n'avait pas vraiment tendance à s'arrêter sur l'esthétique. Il n'avait pas vraiment de type, ni de goût particulier et pouvait objectivement évaluer la beauté des représentantes de la gente féminine, mais jamais au point d'en perdre ses mots. On aurait pu croire à l'effet de l'exotisme et de l'inaccessible, mais les autres kunoichis de Konoha n'avaient absolument rien à voir avec le spectacle qu'il avait sous les yeux. La Hyûga était mignonne et leur Hokage somptueuse, mais il s'agissait là de tout autre chose.

Ce simple constat, qui aurait pu paraitre superficiel, commençait déjà à lui ouvrir les yeux sur ce qui commençait à naitre au fond de sa poitrine. Il n'y avait qu'une seule autre personne au monde, qui avait pu autant l'éblouir, après tout. Il se fichait bien de la symétrie de son visage ou de ses atouts physiques, mais en la contemplant, Kuma en venait à se rappeler ses lettres, ses piques, sa fougue, la douceur qu'elle essayait tant bien que mal de camoufler... Il remettait sa voix, sur certaines de ses tirades. Il voyait son air, lorsqu'il avait commencé à être plus entreprenant. C'était elle, la femme qui lui avait donné tant de fil à retordre, fait froisser milles brouillons ridicules. Elle, qu'il avait commencé par respecter pour l'habileté de sa verve et de son sens des affaires, puis qu'il avait commencé à apprécier, pour ses valeurs, son humour parfois (souvent) cinglant et les points communs qu'il avait été bien obligé de déceler entre eux. Toutefois, il avait toujours cru que les choses s'arrêteraient là. Il avait une mission à accomplir. Il ne pouvait pas se permettre de se laisser distraire. Mais maintenant... Maintenant... Il ignorait où il se trouvait.



Fou ? Culotté ? Sans doute. Pourtant, ce qu'il avait prévu initialement ne s'était pas exactement déroulé comme prévu... Il n'avait pas pensé avouer ses plans, avant la fin de leur séjour de plaisance, quitte à ne pas obtenir de réponse immédiate. Pourtant, il s'était fait emporter par un flot imperceptible, fauché sur ses appuis alors qu'il ne s'y attendait pas le moins du monde et avait réagi en conséquence, à l'instinct, avec ses tripes, pour ne pas se laisser submerger par les sentiments contradictoires qui s'accumulaient en lui.

Il reste silencieux, jusqu'au moment où elle lui annonce que leurs projets coincident, prononcant des mots qui prennent des allures de promesse, en soulageant son âme. Ses jambes, devenues amas de coton, à peine capable de soutenir son propre poids, se raffermissent immédiatement, alors qu'il pousse un soupir de soulagement inconscient, qu'il ne songe même pas à arrêter. son clin d'oeil le fait chavirer, même s'il ne laisse rien paraitre, pour donner le change et essayer de rester le plus stoïque possible, sûr, en plein contrôle de la situation. En réalité, il sentait son propre piège se refermer sur lui peu à peu. Il avait sous-estimé son adversaire, fait une ou plusieurs erreurs de calcul et maintenant... L'ourson était totalement à la merci de la féline. Pourtant, plutôt que d'être sonné une nouvelle fois, lorsqu'elle en vient à parler de la température, dans une plaisanterie qu'il est déjà trop perdu pour comprendre, il se contente d'un sourire, en rapprochant encore plus leurs corps, ses doigts s'aventurant dans le dos de la belle, dont il soutenait les pupilles avec assurance.

« Tu n'auras jamais ce problème à mes côtés, Raion. » Répondit-il, avant de se crisper légèrement, en se repassant ses propres mots en tête.

Avant qu'il n'ait le temps de se rattraper, les doigts de l'héritière viennent se perdre sur son cou, les lèvres douces et fines s'approchent de son oreille, qu'elle enveloppe d'un souffle chaud. Kuma ferme les yeux, intrigué, titillé, terrifié, ravi, inquiet, apaisé. Il s'ancre dans le présent, pour s'enivrer de son parfum, de son toucher, de sa voix, qui s'infiltre dans ses tympans, en un murmure assourdissant, tournant inlassablement dans son esprit. Est-ce qu'il s'agit d'une manoeuvre d'intimidation ou un interrogatoire, qu'elle menait en profitant de son charme irrésistible ? Elle enchaina avec une nouvelle question, comme si elle cherchait à vérifier la nature des sentiments du Sunajin. Il rouvre les yeux et elle est là, elle le fixe, avec insistance, comme si elle attendait qu'il lui dise quelque chose et pourtant, elle ne lui en laisse pas le temps. Etait-ce la preuve qu'il n'était pas le seul, à laisser sa garde tomber ? Qu'aimait-il vraiment chez elle ? Mieux encore, que pouvait-elle aimer chez lui, sans réellement le connaitre, autrement que par plume interposée, qui pourrait justifier une quelconque réussite de la démarche ambitieuse du jonin ?

Le Triumvir sent ses joues s'empourprer, alors qu'elle mentionne finalement le cadeau surprise qu'elle lui avait fait plus tôt, arrivant presque au bout de sa tirade, dans une ultime provocation. Bien sûr que non, il ne l'avait pas raté, ce fin bout de tissu, qui lui entourait élégament la cuisse. Sur le coup, il aurait sans doute préféré que ce soit le cas, mais avec le recul, il était soulagé d'avoir eu un moment, pour encaisser un premier rappel frontal de ses engagements passés. Sa gêne s'était envolée et pour le moment, il n'arrivait pas imaginer quoi que ce soit d'autre que celle qui se tenait en face de lui, si proche qu'il pouvait presque sentir l'arome sucré de ses lèvres.

Plutôt que d'utiliser ses mots, qui refusaient encore de sortir, il laissa sa main baladeuse revenir sur ses hanches, avant de descendre peu à peu vers la jambe effilée qu'elle avait découverte, pour le simple plaisir de le faire réagir. La patte adroite de l'Ours s'attarda sur la peau de la Konohajin, jusqu'à se retrouver au niveau de la jarretière, qui continuait de le narguer. Sa prise se raffermit autour de la cuisse, pour l'attirer contre lui, en faisant plier le genou à la belle. De quoi effacer le moindre doute qui pouvait encore subsister. Kuma retira la tenue encore empaquetée, qui les séparait, avec sa main libre, qu'il alla positionner à son tour dans la chute des reins de Raion, pour remplacer celle qui venait de se faire la malle, pour pousser le jeu au niveau supérieur. Ainsi, il n'y avait plus que ce qu'ils portaient, pour séparer la chaleur de leurs corps, qui commençaient déjà à vibrer à l'unisson, dans une position semblable à celle d'un tango immobile.


« J'espérais un cadre plus intime, pour te rendre ce que tu as égaré, voilà tout. » Susurra-t-il, à mi-voix.

Maintenant, il semblait être enfin en posture de lui répondre quelque chose d'intelligible. Le shinobi aurait bien pu tenter de mentir à son interlocutrice, de calculer ses propos méthodiquement, pour réfléchir à la manoeuvre qui aurait le plus de chance de réussir... Cependant, il ne s'y essaya même pas. Quelques heures auparavant, il aurait sans doute été impossible d'une réponse honnête, car il n'aurait tout simplement pas su quoi dire.

« J'ai participé à plusieurs guerres. Bien plus encore de missions, dangereuses, où j'ai mis ma vie et celle des miens en jeu. J'ai affronté des prodiges et je prêche même la paix aux Sunajins... » Enuméra le ninja, avec un sourire en coin. Sa bouche effleurait presque celle de son homologue, électrisant le marchand sur place, malgré le mal qu'il avait, à rester en place. « Pourtant, c'est bien la première fois que je m'inquiète autant... Ou que j'y prends autant de plaisir. »

Il rapproche le encore un peu son visage, rongeant encore plus les quelques centimètres qui les séparent, alors que sa voix se fait de plus en plus basse. De moins en moins affirmée, alors qu'il se sent happé par un courant contre lequel il ne peut déjà plus rien.

« Tu demandes ce qu'il me manque, chez moi ? Du défi. De l'esprit. Des ambitions, capables de rivaliser les miennes. Je ne pensais pas que ça existait. » Commença le chef de clan, dont les pupilles ambrées s'embrasaient, prêtes à faire fondre l'acier de ceux de la Kamiko. « Tu n'as pas ta langue dans ta poche, Raion. Tu es la personne la plus impitoyable aux affaires avec qui j'ai eu l'occasion de marchander; Tu as un tempérament bien à l'image de ton pays, et tu ne t'en caches pas. Je t'ai contactée, en cherchant un moyen d'enrichir Suna et de nouer un premier contact avec Konoha, en me disant que tu me simplifierais la tâche... »

Perdu entre ce qu'il pensait vouloir, ce qu'il voulait, ce qu'il pouvait faire, ce à quoi il devait se limiter et ce qu'attendait Raion, il avait peur de basculer, à tout moment, dans une abîme dont il ne pourrait alors plus jamais ressortir.



« Tu es une adversaire remarquable. Tu me demandes ce qu'il me manque, chez moi ? » Réitéra-t-il, comme si la question n''avait pas le moindre sens. « C'est toi, qui me la fait comprendre. C'est pour ça, que je suis là. C'est pour ça que tu es là. »

Il rapprocha encore légèrement son visage, de plus en plus proche de la dernière limite à franchir, qu'il lui démangeait de franchir, sans outre forme de procès. Etait-ce bien raisonnable ? Avait-il suffisamment positionné ses pions, pour franchir un tel pas ? Combien d'étapes était-il en train de griller ?

« C'est aussi pour ça, que tous les autres prétendants n'ont pas la moindre chance. » Rajouta l'Ours, dans un nouvel élan de taquinerie, ce qui ne l'empêchait pas de rester authentique. « Mes rêves ne s'arrêtent ni à Suna, ni à Konoha. En revanche, je veux qu'ils commencent avec toi. »

Cette fois-ci, c'était à lui, de ne pas lui laisser le temps de répondre. Le ninja remonta sa main, du dos aux épaules de Raion, pour l'étreindre cette fois-ci, au plus proche de lui possible. Faisant fi de ses inquiétudes, de la prudence et même de la raison, qui lui intimaient davantage de patience, il brula les interdits, en les scellant au fer rouge de ses lèvres incandescentes d'envie, qui vinrent rencontrer celles de la lionne, qui n'attendait plus que son retour, pour les emporter dans une danse passionnelle.



Ce n'était peut-être plus un jeu, depuis bien longtemps, mais il venait de faire tapis et avait décidé de jouer carte sur table. La partie s'achevait, mais ne faisait pourtant que commencer.


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Kamiko Raion
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Kamiko Raion


 
Ne te découvre pas d'un fil
Feat Kuma

 
Il était là, avant même que la kunoichi ne puisse répliquer. Naturellement, il chasse le défi qu’elle vient de lui lancer comme s’il était accessoire et, même si Raion savait éperdument à quel genre de jeu elle se livrait, sa volonté vacille. Leur corps à corps est une nouveauté, là où le bon sens d’années d’histoires et de leur métier respectifs leur intime de s’écharper sans remord. Les mètres de distance prudente s’étaient mués en centimètres puis en milimètres timides, presque encore honteux de se trouver là, juste entre eux. Elle sentait son souffle, chaud, réconfortant, glisser le long de son visage et elle s’en sentait presque davantage menacée que par la main qui avalait chaque parcelle de peau qui la séparait de la si fine pièce de tissu qui orne sa cuisse.

« Pas égaré, non. »


Elle le soupire, bien plus qu’elle ne le murmure, ses yeux aimantés aux miroitements chamarrés qui lui renvoie son reflet. Ses lèvres restent entrouvertes une poignée de seconde, alors qu’elle cherche la meilleure façon de formuler sa phrase. Vive ? Douce ? Timide ? Brutale ? Raion ne sait plus. Totalement suspendue dans l’instant, elle cherche à reprendre un appui familier, rassurant, pour reprendre l’échange, sans pour autant y parvenir. Elle aurait dû continuer à le tourmenter, continuer à le faire trembler de sa prochaine réponse, continuer à … Les mots restent bloqués dans la gorge de la jeune femme, qui souffre alors, brutalement, de ne pouvoir répondre. Avait-elle rêvé sa mélancolie précédente ? Pour la première fois depuis une éternité, la Kamiko se sentit prisonnière d’elle-même, incapable de trouver de pique appropriée, et elle dut faire un choix. Elle pouvait continuer à mentir, mais quelque chose, discret, ténu, le lui interdisait. Douloureusement, elle finit par laisser échapper la fin de sa tirade dont le début s’était totalement évaporé.

« Judicieusement investi. »


La main de Raion, toujours posé sur l’épaule du Sunajin, se resserre à chacune des respirations qu’ils partagent, froissant sans vergogne le joli costume d’apparat jusqu’à ce qu’elle ne sente plus que l’humain sous le tissu. Si la chaleur la frappe en premier, la brune ne peut s’empêcher de remarquer la tension qu’elle tient fermement sous ses doigts. Cette sensation, fébrile, lui fait écho jusqu’à son genou qu’il maintenait férocement dans cette pose étrange. Savait-il que, lentement mais surement, sa poigne se raidissait à mesure que son sourire s’élargissait ? Tout taquin qu’il était, elle sentait l’hésitation qu’il mentionnait juste. Ses doutes étaient siens et un certain soulagement la submerge, à la simple idée de ce point commun inattendu. La valse n’était pas à sens unique, mais était-ce vraiment une bonne chose ? Elle sentait qu’ils passaient un cap à pas de loup, sans pour autant réellement savoir lequel. Cette sensation, ô combien frustrante pour une maniaque du contrôle comme Raion, se cheville à elle avec force. Que devait-elle faire de cette impression, ambivalente, de gagner et de perdre à chaque retournement de situation ?



L’Akayuki, prenant son silence pour ouverture, s’engouffre dans la faille, infime, laissée par ses réflexions. Les compliments pleuvent, caressant l’oreille de celle à qui ils étaient destinés, tandis que la retenue du soupirant disparait. S’il avait pu s’enflammer, la Kamiko est persuadée qu’il l’aurait fait, tant son visage irradie de ce mélange d’enthousiasme ingénu et de respect profond. Une combinaison à laquelle, elle l’avouait sans honte, elle n’avait pas songé dans ses prévisions de bataille d’aujourd’hui et dont la spontanéité lui faisait l’effet d’un vent d’air frais bienvenu. La couturière se sentait jaugée, appréciée mais pas jugée et cette nouveauté lui plaisait. Comme le contact ferme de la main posée sur ses lombes. Comme la distance timide qu’il se retenait avec peine de franchir. Se maudissant silencieusement, Raion réalise qu’elle prend énormément de plaisir à défier le jeune homme et, encore plus qu’il puisse tenir la cadence.

« Je ne sais pas si je dois me sentir outrée ou me moquer de ta naïveté. »


Bien que consciente de sa posture incertaine sur l’échiquier, la lionne ne peut s’empêcher d’éclater de rire. Avec toutes les rumeurs qui courrait à son sujet, la fausse certitude de facilité qu’aurait pu avoir le Sunajin à la corrompre sonne comme une bonne blague. Comptait-il donc fleurette à toute ses partenaires commerciales pour les faire flancher ? Etait-elle la première à avoir assez d’honneur et d’ego pour lui fermer la porte au nez ? C’était idiot, mais la chef de clan en ressenti une certaine satisfaction. Elle s’était vu par tant de prisme différent qu’elle oubliait, parfois, qui elle était vraiment au-delà de l’héritière, la couturière et la kunoichi.

Toujours occupée, toujours à cent à l’heure, elle ne se posait jamais de questions existentielles, ne souffrait jamais de son chagrin et ne trouvait finalement le repos qu’au moment de s’écrouler dans la fatigue d’un jour achevé… avant de recommencer le lendemain. A chaque jour sa peine, et pourtant Raion les cumulait, les confondant pour mieux les exploiter jusqu’à, enfin, obtenir une courte allégresse au prix de monstrueuses heures de travail. Aujourd’hui, elle redécouvrait une partie d’elle-même qu’elle oubliait trop souvent. Son cœur de femme, bercé par la romance candide des livres, rate un battement alors qu’il cumule les checkpoints sur la route des phrases passionnelles. Mais pourquoi maintenant, alors qu’elle avait déjà, mainte et mainte fois, envoyé balader les petits malins comme lui qui s’y était essayé ?

« Les autres n’ont jamais pu la tenter, surtout, petit veinard. »


Elle joue avec la distance, infime, qui les sépare, effleurant le jeune homme avant de se soustraire, à nouveau, temps qu’elle le pouvait encore. Une vérité pure, puisque jamais elle n’avait laissé ne serait-ce qu’un seul de ses « prétendants » passer la porte du domaine. Combien de fois avait-elle ris de les faire tourner en bourrique, voire même en ridicule ? Un petit jeu vengeur, qu’elle avait mené au nez et à la barbe de son propre père sans qu’il ne daigne lui montrer la moindre once d’agacement. Et aussitôt, dégoutée de son jouet, les tentatives de séductions s’étaient taries, tuées dans l’œuf à mesure que la jeune Kamiko faisait enfler les rumeurs à son propos. Capricieuse. Sarcastique. Hautaine. Cruelle… Tendre n’aurait certainement pas été un mot qu’elle aurait envisagé, et pourtant elle ne pouvait le nier. Raion, encore une fois, fut privé de la possibilité de se mentir à elle-même lorsqu’elle vit l’étincelle mutine de Shirokuma. A ce stade, il n’était plus possible de retenir l’ourson du désert extatique qui la tenait dans ses bras. Il n’était plus possible, non plus, de libérer la main coincée entre eux pour, éventuellement, se défendre et cela la frustra un peu. Elle partait donc avec un handicap certain dans cette danse bien plus ardue que prévu, sans réellement être certaine que s’en était vraiment un. Du moins, c’est ce que la tisseuse pensait, environ cinq secondes avant que le Sunajin n’ose.


D’abord une main, puis un souffle. Le grain de leur peau qui se rase avant de se quitter, alors qu’il traverse le tatouage de fil complexe qui orne une bonne moité de son dos. La sensation a quelque chose d’exceptionnel, puisqu’au lieu de s’attarder sur l’immense symbole, l’Akayuki part à l’assaut d’une nouvelle frontière, englobant la naissance de son cou avec une ferveur inattendue. Avant même que Raion n’est pu s’interroger sur la raison de cette manœuvre, il s’empare de ses lèvres avec un appétit qui manque de faire rougir la jeune femme. Prisonnière d’une étreinte dont la passion était presque entièrement assumée, la Konohajin sombre. Son esprit, habituellement si fécond, se vide sans rien lui laisser pour se rattraper de cette expérience. Plus de femme d’affaire implacable, plus de Kunoichi rusée, plus de créatrice originale. Toutes parties en vacances, elles laissent les commandes à une fille totalement perdue. De plan, il n’y avait plus qu’un immense silence inquiétant et rassurant à la fois, sans que Raion puisse vraiment expliquer pourquoi.

L’étreinte, douce comme le velours, lui renvoyait une foule de sensation si pure et si contradictoire qu’elle ne sut, sur l’instant, comme se les approprier. L’explosion des battements de cœur, la suspension des respirations, la tension fébrile des bras, l’avidité d’une bouche, la chaleur d’un rougissement de joue incontrôlable. Réunies et dissonantes, elles tourbillonnaient toutes, frappant et repoussant les bribes de réflexion qui luttaient encore jusqu’à dominer le vaste terrain vierge qu’était devenu la tête de la Kamiko. Fantastiquement terrifiant, juge-t-elle dans une minuscule seconde de conscience. Elle comprenait maintenant pourquoi sa tante l’avait tant mise en garde. Ce qu’elle ressentait là, avec toute la puissance de la première fois, avait fait basculer des clans, sombrer des pays, détruit comme crée des vies. Elle savoure la passion du ninja comme elle l’aurait fait avec le thé et décrète, très vite, que c’est plus qu’à son goût.

Elle empoigne le tissu qui couvre le jeune homme et se tente à cette nouvelle manière de négocier, à son tour. Sa maladresse curieuse est bien vite corrigée par l’instinct et Raion, bien que légèrement frustrée par son incompétence, rajoute sa touche dans ce pas de danse. Sa jambe, toujours suspendue de force, s’enroule autour de la taille de l’Akayuki dont elle tire le manteau avec force. De proche, les deux jeunes gens deviennent noués à mesure que l’enlacement se partage et se prolonge. Finalement, la kunoichi finit par rompre le lien de leur lèvre, forcée par la conscience, un peu honteuse, qu’il était temps pour elle de respirer. Depuis combien de temps était-elle en apnée ?

« Quel enfer. » Le juron, murmuré, décalé, essoufflé, jure avec le moment et Raion ne peut s’empêcher, de rire aux éclats devant la mine de son interlocuteur. « Sérieusement, si tu conclues tout tes contrats comme ça, ça va être in-fer-nal. »



La jeune femme était de retour, égale à elle-même. Ou tout du moins, elle le semblait, parmi les vestiges de leur débordement. Sa longue chevelure effarouchée avait laissé échapper une mèche taquine, dont le noir bleuté renforçait davantage le teins pourpre des pommettes de la Kamiko. Digne, malgré tout, elle se tenait contre lui, ses iris argentées rayonnant d’éclairs et d’étoiles, esquivant les possibles prochaines tentatives de kidnapping labial sans oser se séparer de l’intimité créée. A nouveau pleinement opérationnelle, elle tente de faire le bilan. En vain. Il était impossible de dire qui gagnait et perdait dans l’échange précédent et il lui coutait d’avouer que cela lui plaisait. L’œil neuf, elle considère le grand brun qui la détenait serrée contre son cœur comme une peluche. Elle avait voulu de l’authentique, elle avait été servie. Remuant un peu, elle teste le bras qui l’enserre, déplaçant subtilement son poignet engourdi vers une sortie moins douloureuse.

« Il va falloir qu’on parle sérieusement de ses rêves, si on veut que ça marche. » Sa main quitte le goulot étroit formé par leurs deux corps et la kunoichi la remue, quittant de toutes petites secondes des yeux son interlocuteur pour vérifier l’intégrité compromise de ses doigts pour mieux y revenir. Elle poursuit alors, tranquillement, en chassant les fourmis de son articulation endolorie. « Je veux le Sekai, et je ne partagerais qu’avec quelqu’un qui le mérite. »


Elle le défiait ouvertement, bien sagement nichée dans ses paumes avec sa jarretière de provocation bien en vue, mais ce n’était pas la meilleure partie. Son sourire, franc, taquin, illuminait les traits d’un visage habitué à des moues plus sombres, faisant apparaitre des ridules mutine au coin de ses yeux plein de défiance. Profitant de sa nouvelle main libre, elle l’attrape par le col, frôlant leur lèvre à dessein pour disparaitre le long de sa mâchoire. Soufflant allègrement dans son cou, elle ne peut réprimer un frisson d’anticipation.

« Qui me mérite. » Elle marque une pause, s’approchant encore de quelques centimètres jusqu’à pouvoir, presque, toucher le pavillon de l’oreille du bout des lèvres. « Mais ce n’est pas un problème, n’est-ce pas ? »


Torse contre torse, ils respirent en duo et cette sensation se joint au contingent de la découverte du jour pour se glisser dans le sac, pourtant bien fourni, de l’imagination de la créatrice. Elle façonnait, silencieusement, la prochaine pièce maitresse de sa collection, auréolée par le besoin, obsessionnel, de reproduire ce qu’elle venait de vivre. Une pièce qui, pour la première fois de sa vie, lui était exclusivement destinée. Aussi, quand l’idée fusa, parfaite, elle ne put résister à son tour. L’épaule de l’Akayuki, dont elle serait encore le vêtement, subit la nouvelle lubie de la modiste. Vengeance mesquine ou humour grivois en devenir, la manche fut prise du besoin, impérieux, de laisser sortir un fil rebelle entre les doigts de la jeune femme. Fil qu’elle saisit du bout des doigts, tirant lentement le tissu vers elle alors qu’il se défaisait sournoisement en suivant la main de Raion le long du dos de son cavalier. Reculant à nouveau pour lui faire face, son air mutin largement affiché sur le visage, transformant ses deux billes d’aciers tranchants en ondulations de félin amusé. S’en rendrait-il compte avant qu’elle ne file avec son manteau ? Petit à petit, le fil grossis dans la paume qui parcourt le dos de Shirokuma et la Kamiko doit se résoudre à relancer la conversation pour ne pas lui laisser l’occasion de découvrir son petit manège.



« C’est bien la première fois de ma vie que j’ai autant envie de conclure une affaire. » Une petite moue impatiente ponctue la voix et les yeux pétillants de la demoiselle. « J’avais préparé, étudié, recoupé des milliers de données pour avoir un micro aperçu de toi, en parallèle des lettres. Un angle d’attaque pour chaque approche, une pique pour chaque séduction et même de quoi te botter les fesses si ça s’avérait nécessaire… » La manche s’amenuise doucement, alors qu’elle poursuit. « Mais c’est loin, bien loin de tout ce que j’aurais pu prévoir. Tu n’as pas hésité une seule fois à répondre, tu n’as pas hésité non plus à te mouiller quand la situation l’exigeait. Et bien plus encore. »


La main encore libre de Raion effleure le menton de Shirokuma, qu’elle relève légèrement du bout de doigt sans quitter son visage des yeux un seul instant, avide de la moindre réaction qui pourrait y apparaitre. Continuant son aventure, elle remonte jusqu’à l’angle de sa mâchoire et disparait délicatement derrière ses oreilles pour saisir sa nuque. La lionne dissimule alors bien mal le sourire qui accompagne le plaisir immense qu’elle prend à le faire tourner en bourrique, pendant que les coutures disparaissent sous ses doigts experts.

« De l’audace, de l’improvisation et surtout du courage. C’est ce qui manque, pour réussir le tour de force de réconcilier deux villages ninjas qui se voue une haine millénaire. » Assénant la phrase comme si elle cherchait à établir son prochain plan, elle guette un début de réaction pour continuer à l’occuper assez longtemps, loin de son vilain petit manège. « Quelle chance exceptionnelle que les derniers ingrédients de ce crime parfait me tiennent très précisément dans ses bras en ce moment. »


Elle ponctue la fin de sa tirade par un tirage de langue espiègle et une légère tension sur la main qui maintenait toujours son genou, alors que le raccord de la manche droite de Shirokuma capitule. Il allait certainement s’en rendre compte, mais l’idée amusait tellement la Kamiko qu’elle fut soudainement totalement indifférente à son manque de discrétion. Elle se demandait même quelle teinte d’émotion pure allait apparaitre à l’instant précis où il sentirait le début de bobine de fil qui s’amoncelait en petit tas timide derrière lui.


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Kazekage
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Akayuki Shirokuma


 
Ne te découvre pas d'un fil
Feat Raion

 
La danse dans laquelle le duo s’était lancé ne leur accordait aucune pause et ainsi, ne laissait que peu de place à de longues réflexions finement travaillées. Plus que tout autre, c’était là un jeu qui nécessitait, certes, un intellect affuté mais, surtout, de la réactivité, de l’intuition, de l’audace, la capacité de lire son adversaire ainsi que des tripes. Une infinité. La partie d’échec s’était transformée en véritable combat en cage, une joute martiale qui reposait sur leurs instincts et leurs réflexes, plus que sur leur capacité à prévoir sur le long terme. Toute la préparation en amont avait servi à préparer le terrain pour ça et à les amener ici même, l’un en face de l’autre, pour un affrontement décisif. Le seul moyen d’assurer la réussite de leur projet, c’était de sortir vainqueur de leur échange endiablé, qui n’avait de cesse de prendre toujours plus d’ampleur. Jab, jab, crochet du droit, bien appuyé. Esquive, contre. Puissant uppercut, bien calé sous la mâchoire. Kuma avait combattu des bêtes terribles, des shinobis redoutables et parcouru autant de champ de bataille que d’arènes à l’amiable, sans jamais avoir à rougir de ses performances, mais Raion n’était pas n’importe qui.

Alors qu’il avait joué un gros atout, pour tenter de la déstabiliser et d’imposer son rythme, la jeune femme revint sans hésitation à la charge, dans un soupir prometteur, pour le perdre à nouveau dans les disques de platine, rayonnant de malice. Elle portait un masque, bien plus opaque que son voile, qu’elle s’échinait à maintenir en place. Chaque nouvelle tentative de l’Ours fissurait un peu plus la façade, mais sans jamais réussir à la faire céder ou à y créer de vraies ouvertures : Raion tenait bon. Comme si ça ne suffisait pas, elle en profitait pour mêler l’offense à sa solide défense, pour le faire vaciller, toujours un peu plus. A la voir, l’entendre et la sentir si proche de lui, pouvant presque deviner le plus fin de ses mouvements, sans même avoir à la suivre des yeux, Kuma devait faire face à un déchaînement d’émotions, contre lesquels il devait lutter pour ne pas se laisser dépasser.

Lui qui pensait son coeur dépossédé de toute fibre romantique, après ce qu’il avait vécu, s’étonnait de ce que lui faisait ressentir la Kamiko, au moindre geste le plus anodin. Plus encore que ses manoeuvres mesquines, pour tenter de l’aguicher plus qu’il ne l’était déjà, il s'attendrissait des moments de doutes qu’il pouvait déceler chez elle, ses légères pauses incertaines, avant de reprendre le taureau par les cornes, avec une force et une adresse à couper le souffle. Lorsqu’elle lui parlait, il était partagé entre l’envie de lui fixer les pupilles, pétillantes comme une nuée d’étoiles filantes, ou les lèvres, qui dessinaient chacun de ses mots, dans une chorégraphie serpentine prête à le faire chavirer. Ses doigts graciles, qui pressaient de plus en plus fermement son épaule, lui faisaient machinalement resserrer sa propre emprise, pour la tenir au plus près de son corps.

Sans savoir s’il était pris dans son propre jeu ou celui de son interlocutrice, il se laissait porter par celle-ci et la situation, pensant de moins en moins à l’objectif final et de plus en plus à celle qu’il avait sous les yeux. C’était là qu’il avait frappé fort, pour tenter de prendre le plus possible l’avantage, mais en vain. Il s’était senti extrêmement proche du but, avec la réponse qu’il avait pu apporter au questionnement de la kunoichi et dont il n’était pas peu fier, d’avoir réussi à lancer sa tirade, comme au travers du chas d’une aiguille dissimulée. Le poids de l’expérience l’avait amené à faire ce qu’il faisait de mieux : Militariser la vérité et sa confiance en lui, pour désarçonner l’opposition. Elle n’avait pas dû s’y attendre et le combo du Sunajin aurait dû être décisif, mais il fit malheureusement l’erreur de baisser sa garde, surpris qu’il avait été de ses propos, dont il n’avait réellement compris la véracité, qu’une fois formulés à voix haute.

Raion commença par une pique, bien plus acerbe qu’il n’aurait pu le croire, à ce stade là de la compétition, mais ce n’était rien d’inattendu, venant d’une telle opposante. Il ne voyait ça que comme un énième coup de bluff, pour tenter de sauver la face, après qu’il lui ait livré le fond de ses pensées. Malheureusement, il ne s’agissait en réalité que d’une vile feinte, dont l’efficacité lui fit encaisser l’assaut suivant en plein dans son angle mort, le sonnant sur place, sans qu’il ne puisse rien y faire…



Comme si de rien n’était, elle avait soudainement éclaté de rire. Véritable coup en pleine mâchoire, qu’il avait été incapable de prévoir. Immédiatement, son cerveau partit dans différentes directions, pour essayer de comprendre le paramètre qu’il avait pu rater, pour en arriver à une conclusion qu’il n’avait pas prévu. Avait-il été si ridicule que ça, alors qu’il s’était tout de même retenu, de partir dans de vraies envolées lyriques, pour lesquelles il n’avait aucun talent ? S’était-il laissé emporter et abattu ses cartes trop vite ? Des questions futiles, bien loin de celles qu’il aurait réellement dû avoir en tête, l’affection qui s’était insidieusement développée en lui, lui avaient permis de garder un quelconque détachement ou de la subjectivité, par rapport à toute sa situation. Il avait cherché à parler sérieusement, quitte à prendre quelques risques, mais ne s’était pas attendu à se faire trivialiser de la sorte. Ce n’était pas dans ses habitudes de se sentir gêné pour si peu, mais il se sentit un instant ridicule et un peu blessé, même si ce n’était pas du tout ce qui se lisait, sur son visage.

L’hilarité de la jeune femme avait été soudaine et malgré le coup en plein orgueil, elle avait également été raffraichissante, voire presque contagieuse. L’Akayuki s’étonna d’apprécier de la voir aussi honnête et joviale, sans doute pour la première fois, depuis le début de cette rencontre. Personne n’aurait été capable de rester indifférent, devant cette trogne amusée, qui continuait de le faire dangereusement flancher. C’était ce qui lui avait permis de se reprendre, avant toute autre chose, pour réduire l’impact de ce qu’il avait reçu dans les dents. Sans même lui laisser le temps de tomber, elle était parvenue à le relever, dans le même mouvement, sans même avoir à essayer. En ça, Raion était encore plus dangereuse qu’il n’aurait jamais pu l’estimer. Loin de l’effrayer ou de lui faire regretter quoi que ce soit, cela acheva de cimenter ce qu’il avait longuement théorisé.

Non seulement un mariage politique était un bon moyen de forcer, en quelque sorte, un renforcement des liens entre leurs villages, mais la Kamiko était réellement la parfaite candidate, pour une telle entreprise. A ses côtés, il ne risquait pas d’avoir le temps de s’ennuyer, ni d’avoir la moindre chance de se reposer sur ses acquis. L’avoir, comme la garder, allait être un sacré challenge, demandant certes plus d’effort que dans un simple mariage par pur intérêt, mais également bien plus engageant. Si au départ, il s’était imaginé plusieurs scénarios pour pouvoir se retomber sur ses pattes, au cas où ce plan de mariage devait tomber à l’eau, mais les derniers de ses doutes auraient bientôt fini de se changer en lointains souvenirs.

Kuma finit par se reprendre, lorsqu’elle rebondit sur le sujet de ses prétendants et surtout le fait que lui, contrairement aux autres, avait réussi à se hisser à une étape qu’ils n’avaient pu qu’espérer. Il accueillit sa réponse avec un sourire en coin, se retenant d’en rajouter à son tour. Incapable de le faire, en réalité, perdu dans ses pupilles mystérieuses. Puis, il posa les lèvres sur celles de Raion, sans réussir à se retenir davantage. Toutes ses hypothèses, ses stratagèmes, ses doutes et ses regrets s’évanouirent d’un seul coup, remplacés par une explosion sensationnelle, dont il n’était pas sûr de pouvoir se remettre. Le plus enivrant était de la sentir s’y perdre, en même temps que lui, au milieu d’une extase soudaine, qu’aucun d’entre eux n’aurait vraiment pu calculer correctement. Kuma se sentait totalement vaincu par le torrent, contre lequel il avait déjà arrêté de lutter.

Le passé n’existait plus, au milieu de leur étreinte, ni même le futur. Seul comptait l’instant présent, privilégié, qu’ils étaient en train de partager tous les deux. Même s’il avait été l’initiateur du premier pas, le Sunajin n’en était pas moins surpris que sa comparse, tant ce simple moment défiait toute loi de la nature. Il se sentait comme pris dans une dilatation temporelle, lui donnant à la fois l’impression que quelques secondes s’étiraient à l’infini, alors que tout se passait très vite. Son corps ne lui obéissait déjà plus, ne recherchant qu’à se rapprocher encore plus de celui de la modéliste, en l’agrippant fermement, pour la simple satisfaction de la sentir entre ses bras.

Puis, la belle lui répond, avec une inexpérience touchante, qu’elle s’efforça de corriger au plus vite, avec une dextérité impressionnante. Elle avait peut-être la langue acérée, comme il avait pu le constater, à de multiples reprises, mais ce baiser restait d’une douceur incomparable, dont l’opposition avec la caractérielle héritière ne rendait l’ensemble qu’encore plus irrésistible. La vrille est amorcée, comme en pleine chute libre, après une ascension vertigineuse : l’expérience est décoiffante. Le coeur de Kuma battait à plein régime, surchauffé par son cerveau en ébullition, prêt à l’embraser sur place. Raion l’entourait toute entière, en l’accompagnant tout au long de sa chute, loin des limites de sa raison. Elle l’enlaçait et contrôlait sa descente, comme s’il s’agissait d’un manège démesuré. Elle était fraîche, capable d’être calme comme brutale, guidait ses mouvements, tout en se laissant entraîner.

Ce n’était pas une surprise, que la jeune femme ait pu lui faire tant d’effet. A bien des égards, Raion lui rappelait le vent. Libre, imprévisible, une force tranquille, impossible à apprivoiser, surtout… Ou peut-être pour quelqu’un d’autre que lui, en tout cas. Alors qu’il était incapable d’estimer le temps qui avait pu s’écouler, pendant qu’il goûtait les lèvres de la Kamiko. Quelques secondes ? Quelques minutes ? Plusieurs heures ? Tous ses repères s’étaient fait la malle, pour le laisser profiter pleinement des fruits nés de son audace. C’est la tisseuse, qui met fin au baiser, que l’ourson arrête alors, presque à contre-cœur, avant de se rendre compte que lui aussi, manque de souffle. Ses yeux étaient écarquillés, pétillants d’une nuée d’étoiles éblouissantes, qu’il lui était bien impossible de réprimer.

Quel enfer, en effet. Il aurait sans doute peiné à reprendre ses marques, si le rire de l’héritière n’avait pas été sévèrement contagieux. Quel enfer et quelle femme ! Il n’était pas dupe et avait bien pu voir l’effet que cela avait eu, non pas juste sur elle, mais sur chacun d’entre eux. Il aurait été bien incapable de faire preuve du moindre trait d’humour, ni de dire quoi que ce soit de bien profond, après tout cet emportement, mais elle, elle n’avait pas bronché une seule seconde. Défiant toute prévision, c’était Kuma, en fin de compte, qui avait l’impression d’être le novice, par moments. Les qualités qui l’attirait chez cette femme, qui lui faisait perdre ses moyens et baisser immanquablement sa garde, servaient également à le maintenir dans la course, en le poussant à donner le meilleur de lui-même, sans qu’il n’ait à prodiguer le moindre effort. Ce qui aurait dû n’être qu’un jeu de manipulation lui permettait d’être le plus libre qu’il ne l’avait été, depuis bien longtemps. Une sensation qui avait bien failli l’abandonner. Qu’il croyait avoir perdu, sans espoir de la retrouver un jour.

« Où serait le plaisir, si n’importe qui faisait l’affaire ? » Demanda-t-il, sur le ton de la plaisanterie, mais avec un air entièrement sérieux. « Ton voile, ce n’était pas pour ta protection mais pour la mienne, pas vrai ? J’étais incapable de me concentrer, pas pratique, pour parler affaire… Ça devrait aller maintenant… Pour l’instant. »
 

Pour reprendre un peu de contenance, il relâcha l’étau de ses bras, sans pour autant s’éloigner d’un pouce. La Kamiko était décidément impressionnante, il ne pouvait donc pas s’autoriser à lambiner. Elle voulait le Sekai ? A terme, c’était bel et bien un des nombreux objectifs que s’était fixé l’Ours Blanc. Peut-être était-ce dû à l’environnement dans lequel il avait grandi, au monde qui l’entourait ou aux conflits auquel il avait été obligé de participer, mais Kuma ne pensait pas pouvoir atteindre le rêve de paix qu’il avait ardemment fixé, depuis son plus jeune âge, sans allier tout le monde sous le même étendard. Cependant, pour éviter de sombrer dans une dystopie terrible, il fallait s’assurer que la personne qui se tiendrait au sommet de ce mouvement serait digne de confiance. Le but de Kuma était d’incarner les vertus qu’il pensait obligatoires, pour un tel régent, plutôt que d’espérer bêtement de voir un prétendant valeureux, comme on attend un miracle. Qui veut la paix prépare la guerre.

Le martialiste réprima un frisson, en sentant le passage des doigts graciles lui parcourir le corps avec délicatesse, avant de le tirer fermement par le col. Le souffle chaud de la kunoichi lui donnait l’impression de se diffuser peu à peu dans son être tout entier, compliquant à nouveau tout contrôle, chez l’ursidé du désert. Malgré tout, il lui fallait se reprendre, se concentrer, même s’il ne pouvait retenir son air ouvertement amusé, malgré les frissons dont la belle lui emplissait le corps, par le doux son de sa voix et les contacts fantômes, qui le maintenaient dans l’expectative. Kuma ferma les yeux en opinant du chef, débordant d’une sérénité et d’une foi sans faille en son propre mérite.

« Notre rencontre pourrait être une preuve, autant de ma bonne étoile, que de la tienne. » Répondit nonchalamment le shinobi, en référence à l’une de ses piques précédentes. « Je force ma propre chance et je forge ma route selon mes propres convictions. »

Il ne remarqua pas tout de suite le manège de la Kamiko, ayant tellement d’autres choses pour accaparer son attention, mais après s’en être rendu compte, il décida de ne pas y prêter d’attention, pour le moment. Il se sentait bien et il savait que, sans doute, l’idée qu’elle avait derrière la tête ne manquerait pas de l’amuser, en plus d’annihiler les dernières traces de tension qui avaient pu espérer subsister, après tout ça. Peut-être que le contrecoup viendrait plus tard mais à ce moment précis, il était bien incapable de penser à tout autre chose.

« On dirait bien que cela nous fait des points communs en plus.. » Ajouta-t-il avec un regard malicieux.

Cela paraissait compliqué, de savoir si elle jouait la comédie où si elle était authentique et honnête, mais Raion était, plus que jamais, à couper le souffle. Voir des couleurs lui faire ressortir les joues, le tout ponctué par une moue des plus adorables. S’il s’agissait d’une simple performance, il s’agissait d’un art plus redoutable que tout ce que pouvait apporter le Ninjutsu dans sa globalité. Dans un cas comme dans l’autre, il n’en restait pas moins charmé, et s’avançait, toujours un peu plus, vers un point de non retour.

« Il y a des moments où il faut jouer cartes sur table, pour atteindre ce qu’on recherche. » Acquiesça le jonin, avec un hochement de tête appuyé. « Je me suis demandé si tu oserais faire le premier pas, mais j’ai perdu plus rapidement que je ne l’aurais cru, à cette manche-là. »

Il s’amusait de leur tango et s’enivrait du toucher de la marchande, qu’il ne quittait pas de yeux une seule seconde, malgré son envie dévorante de les fermer pour s’imprégner du passage de sa main. Il s’apprêtait à enchaîner, au sujet des plans qui pourraient les guider vers une paix durable, mais elle détourna rapidement son intention, en lui glissant discrètement des compliments durement acquis, ce à quoi il ne put s’empêcher d’adresser un franc sourire.

« Entre nous, on en aura bien à revendre, de toutes ces qualités. » Assura l’Akayuki, gaiement. « Je dirais même que… Qu’est-ce que..? » S’interrogea-t-il, soudain interrompu par la perte soudaine de sa manche, qui disparut entre les mains de Raion.

Haussant les sourcils, Kuma réalisa tout le tissu qui s’était amassé derrière lui, incapable de retenir son étonnement. Il avait compris qu’elle manigançait quelque chose, son flux de chakra et son comportement l’ayant aiguillé sur une farce quelconque, mais il ne s’était pas attendu à se faire prendre de court et de vitesse, aussi facilement. Ce n’était qu’une mise en bouche, mais parfait pour une première démonstration de ses capacités, dans un tel cadre unorthodoxe, pour conclure un marché. Plutôt que de la laisser mener la danse jusqu’au bout, cette fois-ci, il décida, lui aussi, de passer par une défense plus agressive. Elle avait commencé à lui ôter ses vêtements, d’une manière inattendue, pour guetter sa réaction et s’en amuser. Quoi de mieux que de retourner contre elle sa propre manigance, pour s’assurer de pénétrer sa garde habituellement si solide, sans qu’elle ne puisse le voir venir. L’occasion parfaite, pour se venger du ridicule qu’il avait ressenti, quand elle s’était moquée de lui, gentiment, certes, mais sans retenue. Avec quelques gestes habiles, il déposa la cuisse qu’il avait longtemps maintenue captive, avant de reculer d’un demi-pas.


Avant que Raion n’ait le temps de comprendre quoi que ce soit, le manteau estropié du jonin se trouvait déjà sur le sol, au sommet de la pile de tissu qu’on lui avait retiré.



« Toi aussi, tu mourrais d’envie de me faire essayer ton cadeau, pas vrai ? Il suffisait de demander » Avisa-t-il, les traits serrés, empreint d’une rigueur militaire.

Bien plus vite que la tisseuse ne s’était approprié son linge, il avait déjà retiré tout le haut de sa tenue de cérémonie. Décida à pousser sa blague jusqu’au bout, il se retourna, pour commencer à dénouer la ceinture de son pantalon, trop serré à son goût et bien loin de ses préférences. Il profita également de cette position pour camoufler le mouvement de ses mains. Dos à Raion, il passa la tête par-dessus son épaule gauche, en s’apprêtant à se débarasser de son dernier atour.


« Il y vraiment un sacré paysage, dans votre belle contrée ! » S’exclama le ninja, dont le textile quittait déjà la peau, pour le laisser nu comme un ver.

Toutefois, au moment même où le tissu quitta sa peau, celle-ci devint rapidement translucide, avant de disparaître totalement, empêchant ainsi la promesse tacite, représentée par la possibilité de se rincer l'œil, au détriment de sa vertu. Shirokuma s’évapora spontanément, comme un fantôme et, là où il se tenait encore une seconde auparavant, voletait la tenue soigneusement préparée comme cadeau diplomatique, par l’expertise inégalée de la Kamiko. L’habit volant commença faire des tours, légèrement éloigné de la jeune femme, tout se dépliant soigneusement, avant de se mettre en place, soigneusement, sur un mannequin invisible. Une fois totalement vêtu, Kuma se reforma, dans sa nouvelle tenue, dans le dos de Raion, sur l’épaule de la quelle il posa sa paume chaude.

« Quel travail remarquable, c'est comme si je ne portais... Absolument rien. » Enonça-t-il, avec un amusement évident. « Tu ne voudrais pas continuer notre discussion autour d’un verre ? J’ai plusieurs thés délicieux, à te faire goûter. »


Récapitulatif:

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Kamiko Raion
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Kamiko Raion


 
Ne te découvre pas d'un fil
Feat Kuma

 
Le regard de deux ninjas se croisent, subrepticement, et leurs émotions se mélangent. Surprise et malice s’observent et se jauge une poignée de seconde, alors que la danse continue entre les deux jeunes gens dont elles ornent les visages. Leurs deux cœurs battent la mesure de leur échange comme des tambours, sonnant, à chaque pulsation, le début d’une nouvelle joute. Les cartes tombent, une à une, mais aucun d’entre eux ne semble ployer. Volonté contre volonté, ils continuent de s’échanger coup sur coup, sans réussir, vraiment, à l’emporter. Une sensation que Raion se surprend à ne plus vouloir se séparer. Elle l’espère, à chaque échange, impatiente de le voir évoluer et même, parfois, surpasser des attentes qu’elle ne se serait jamais attendu à posséder pour lui. Le désir, égoïste, de ne plus arrêter l’étreint et, sans le savoir, elle succombe à cette élégance mutine de l’habitant du pays du sable. Avait-elle, une seule fois, eu cette sensation de rivalité charmante qui la repoussait, encore et toujours, dans ses retranchements ? Non, pas même dans les négociations corsées avec les nobles.


« Tu dirais même que… ? »


Narquoise, la brune jubile de le voir, de fugaces secondes, tiré de son carcan de confiance et de bonhommie. Ses prunelles d’or, si assurées, vacillent en même temps qu’il réfléchit et s’allument à nouveau, prête à poursuivre. Pourtant, la main disparaissant de sa cuisse l’inquiète malgré la douceur. Maintenant sur ses deux appuis, la jeune femme hésite, s’interroge. A-t-elle franchit la première limite ? A-t-elle fait le premier faux pas ? Avant même qu’elle ait pu guetter la réponse sur le visage de Shirokuma, ses deux mains encore posées sur lui le perde, à leur tour. Perplexe, Raion ne peut qu’observer, impuissante, l’étreinte se briser et ses doigts se refermer sur … son manteau, vide. Les deux prunelles grises tremblent, s’écarquillent alors qu’elle entend le jeune homme. Essayer son cadeau ? Il est vrai que la curiosité l’avait poussé à imaginer le porter mais … L’expression sur le visage de son homologue lui tire un frisson incertain. Si elle avait voulu chasser à grand coup de pied son sourire, sa soudaine rigueur la laissait troublée, presque tétanisée alors qu’il laissait tomber le haut de sa tunique avec indolence.

Sa peau, ainsi exposée aux yeux de la Konohajin, luit sous le soleil doux du printemps, constellée de cicatrice, dessinée par l’effort de guerre qu’ils connaissaient si bien. Un repère visuel agréable, mais qui ne saurait donner le moindre point d’appui à Raion pour se rétablir de ce coup en traitre. Son cerveau mouline, alors que le jeune homme lui tourne le dos, incapable de comprendre à quel kami se vouer en cet instant précis. Si ça avait été le geste de trop, pourquoi diable se retrouvait-elle avec un homme à demi vêtu qui, au nom des neufs bijuus, se débattait avec sa ceinture de pantalon ? Le cœur de la couturière manque un battement, réalisant sa pensée. Sa ceinture. Aussitôt, elle tente de dire quelque chose, persuadée que ça désamorcera la situation à venir qui s’annonçait terriblement gênante. Avait-il réellement pris son trait d’humour pour une demande informulée ?  Quel enfer. Cette fois-ci, le masque neutre de la Kamiko s’ébrèche à vue d’œil, mais le Sunajin ne lui laisse pas le loisir de l’arrêter.


Leur regard se croise à nouveau, le laissant pleinement constater le mélange de stupéfaction et d’agitation qu’affiche le visage pourtant si sûr de la lionne. Intérieurement, Raion se maudit de sa faiblesse mais ne peut, malgré tout, pas s’empêcher de soutenir le regard calme qu’il lui adresse. Comment pouvait-il présentement être aussi serein alors qu’il allait … Par tous les kamis. Alors que son vêtement tombe, la Kamiko se refuse à détourner le regard, avide. N’avait-il aucune honte ? Aucune gêne de faire tomber le peu de barrière qu’il avait laissé jusqu’à présent ? Elle voulait le mettre à terre, par pur amour du défi mais le voulait-elle vraiment ainsi ? Serrant poing sur le manteau qu’elle avait commencé à découdre, la jeune se prit à regretter la tournure des évènements. Et pourtant, les dieux seuls savaient à quel point elle mourrait d’envie de voir le spectacle qu’on lui offrait. Coupable et résolue à voir le grand méchant loup pour la première fois de sa vie, elle attendit la fin du petit tour de magie de Shirokuma, les pommettes rosées d’anticipation. Il y avait quelque chose d’étrange, dans le fait de passer d’une planche anatomique à une personne en chair et en os. Combien de présentation avait-elle réalisée, retouchant ses créations sur des hommes de sa taille et de son âge sans ciller ? Beaucoup. Mais pourquoi est-ce que cette fois cela la touchait autant ?

Prise à son propre jeu, Raion se mord la lèvre en le voyant disparaitre, dans un mélange de soulagement et de frustration. Peut-être avait-elle anticipé trop vite, son poing serré sur l’objet de son forfait et pour lequel le Sunajin la punissait sèchement. La Kamiko bats des paupières, le début d’un d’enfant pris la main dans le sac éclairant son visage alors qu’elle suit du regard la danse fantomatique de son kimono de création. Le tissu, ondulant dans les airs, se torsade pour mieux dessiner les contours d’une épaule qu’elle connait, à présent, relativement bien. Hors d’atteinte et pourtant terriblement proche avec la conscience accrue que son interlocuteur évolue en tenue d’Adam, Shirokuma semble prendre un malin plaisir dans sa vengeance mesquine alors que Raion se recompose difficilement un visage serein.


Ce n’est que la sensation, familière, de sa main lui enserrant l’épaule qui la ramène à la raison. Encore bouche-bée par l’audace, la Kamiko peine à retrouver son équilibre. Elle accueille donc la performance, avec toute la beauté offerte, avec le sourire d’une personne acceptant sa défaite, pour l’instant. Encore une fois, il la surprenait, la surpassait, allant jusqu’à lui voler sa propre verve pour l’asticoter un peu plus. Effectivement, il en avait bien à revendre. Bien plus que le beau parleur mesuré qu’il lui avait fait miroiter entre deux traits d’encre. Elle saisit la main du petit rigolo, jetant un regard par-dessus son épaule.


« Peut-être est-ce vraiment le cas, qui sait ? » Elle énonce son fait, un sourire mi-figue mi-raisin. « En tirant sur un fil, tout peut partir si vite ... »


De son autre main, elle remonte le long de son bras, ses doigts l’effleurant sournoisement, lascivement. Il n’avait pas besoin d’être un génie pour comprendre, immédiatement, ce qu’elle cherchait à atteindre : la manche offerte, pendant contre son avant-bras, ballottée par le vent. Une nouvelle manche qu’elle veut qu’il pense qu’elle va saboter, à mesure qu’elle part à l’assaut. Sa poigne sur sa main se renforce, emprisonnant le brun alors qu’une lueur fait pétiller son regard. Prisonniers de leur position, ils s’observent un instant, long instant, immobiles, avant que les pupilles d’acier de Raion ne s’enflamment. Et maintenant ?, susurraient-elles au Sunajin, empreint d’un nouveau défi. Fort de sa taquinerie, il lui avait offert, inconsciemment, le carburant de sa prochaine attaque en renonçant à ses propres vêtements. Lui qui regrettait son voile, regretterait-il aussi la sécurité rassurante de la tenue cérémonielle qui gisait, abandonnée, devant eux ? Réaliserait-il que son choix portait la marque de sa propre création, n’ayant pas pu se résoudre à confier le travail à quelqu’un d’autre ? Le sourire de la Kamiko s’étire, véritable incarnation de sa sournoiserie affichée sans retenue, et sa main comble un peu plus l’espace qui la sépare d’une manche dangereusement offerte. Elle juge même bon de prendre son temps, emprisonnant correctement son adversaire entre sa paume et son épaule. Sans se presser, elle soutient son regard, outrageusement amusé avant de saisir le tissu, qu’elle frotte du bout de ses doigts, sa paume effleurant la peau de l’Akayuki comme pour lui rappeler sa présence.

« Surtout si la personne qui l’a conçue en a envie. »


Elle le laisse ainsi suspendu à son air lupin, alors qu’elle froisse son œuvre dans un sens puis dans l’autre, pleinement exposée à son regard. Etait-il pire d’être surpris ou pire de savoir et de voir arriver quelque chose d’inexorable ? C’était la question centrale qui tournait dans l’esprit de la Kamiko, dont les instants de répit laissés à Shirokuma n’était qu’un moyen pour elle de guetter la palette d’émotion qu’il lui dévoilait. Au-dessus d’un vide imaginaire, la danse reprend de plus belle alors qu’elle saisit la couture invisible, qui maintient la manchette en place. Subrepticement, le chakra afflue dans ses phalanges, remontant à toute vitesse les méridiens pour venir se lover contre la matière offerte qu’elle tire délicatement, joueuse. Elle voulait qu’il marche dans le vide, autant qu’elle-même l’avait fait en voyant tomber ses vêtements, un par un. Son intention, manifeste, étire le raccord à chaque mouvement de poignet, menaçant à chaque instant d’arracher l’unique couture qui maintien l’ensemble de la veste qu’il porte. Raion en savoure chaque seconde, qui semble se dilater en minutes, puis en heures. Depuis combien de temps étaient-ils là, à se chamailler gaiement comme deux enfants ? Longtemps, assurément, mais peut-être pas assez. Elle doutait même qu’ils trouveraient une fin à leur bataille rangée, même une fois mariés. L’idée, folle, lui convenait pourtant à merveille.

Face à face, les deux ninjas s’observent, en chien de faïence, leurs deux esprits sans doute bloqués sur la même question alors que le temps ne semblait plus savoir à quelle unité se vouer. Tirer ou ne pas tirer ? Elle taraudait Raion, inlassablement, et elle espérait que l’ourson des sables subissait le même sort. Elle voulait, de bout en bout, qu’il ne puisse pas être certain qu’elle n’oserait pas. La savoir capable n’était plus suffisant, elle voulait qu’il la pense sur le point de, à chaque nouveau mouvement de ses doigts. L’équilibre, instable, dans lequel elle les maintenait prend fin lorsqu’elle pivote son buste dans une esquive préparée, elle continue d’hésiter. Le bras de Shirokuma frôle le sommet de sa tête, tandis qu’elle se baisse en faisant volteface. Elle retient sa main, s’en servant de center de rotation, accompagnant son autre prise sans jamais la déformer ni la lâcher. Toujours en pleine possession de ses moyens, c’est maintenant de face qu’elle affronte les yeux du Sunajin, confiante.

« Et encore plus si la personne concernée a montré une absence de gêne manifeste à ce propos. »


Son regard d’acier continue de briller comme une lame, acérée, qu’on aurait exposée au soleil. Sans cesser de soutenir son regard, le chakra reflux dans ses doigts, s’étend doucement dans le tissu et c’est précisément ce moment qu’elle choisit pour terminer son bluff. L’air claque, alors que la manche s’envole en écho au mouvement sec qu’elle vient de faire. Sa prise sur son épaule se raffermit et, sans un mot, elle attend, tout sourire. Les yeux dans les yeux, ils restent ainsi à se demander, l’un l’autre, qu’elle partit du cadeau de Konoha à Suna allait s’évaporer dans le vent, à son tour. Silencieusement, Raion soupèse cet adversaire et, alors que le temps jusqu’alors étrangement dilaté reprend son court, elle éclate de rire en comprenant que, ni l’un ni l’autre, n’allait oser bouger de peur que les fantasmes deviennent réalité. Pourtant elle savait, à la sensation de brulure impatiente au bout de ses phalanges, que seul se trouvait un chakra déçu de ne pas avoir pu servir.

« Loin de moi l’idée de refuser une réputation de femme fatale offerte… » Elle lui adresse un clin d’œil narquois. « Mais je préfèrerais provoquer un incident diplomatique pour d’autres raisons. » Elle lève alors ses paumes, lentement, et lui présente ses deux poings fermés, sans cesser de sourire. « Et j’ai besoin, moi aussi, de rester concentrer pour discuter. »


Un aveu, pour pardonner son coup de poker gigantesque, pour atténuer, peut être, la sensation qu’elle espérait flirter avec la sienne. Réjouie par son effet de style, Raion le ramène sur terre en ouvrant ses paumes, désespérement vides avant de croiser les bras sous sa poitrine. Elle lui désigne l’un des chemins qui poursuit le premier qu’ils avaient emprunté et l’abandonne, sans vergogne. Elle s’arrête brièvement en croisant la tenue de cérémonie abandonnée au milieu du passage et s’en saisit. Si ces compagnons devaient le chercher, elle préférait ne laisser aucune place aux malentendus, de peur que cette simple blague enfantine entre deux adultes un peu plus hardis que prévu ne viennent compliquer davantage leur travail déjà fastidieux. Elle prend le temps de les soupeser, à la recherche d’une information quelconque, mais ne peut malheureusement rien retirer du tissu si ce n’est sa texture lourde et solide. Avait-il pensé avoir froid en venant au Delta d’Ofusecho ? Une courte étincelle d’inspiration illumine le visage de la jeune femme puis disparait aussitôt dans un sourire à la signification connue d’elle seule. Qu’il n’espère pas les récupérer, elle avait d’autre projet pour eux.

« Tu préfères un thé avec ou sans voile ? Que je sache si je le laisse dans ta poche. »


Même de dos, son sourire se devine jusque dans ses mots alors qu’elle le taquine en continuant vers le chemin qu’il avait commencé à suivre, s’éloignant de l’ambiance étouffante des ambassadeurs des villages ninjas. Elle le guide encore davantage à l’écart, profitant du couvert des bambous qui borde l’allée pour se rapprocher de la clairière principale qui avait, sans aucun doute, pesé dans le choix de la Hokage quant au lieu de rencontre. Paisible, les environs se teintent de vert et de feuille, dont le bruissement du vent sinuant procure à Raion le petit plus qu’il lui fallait pour une discussion plus posée. Au loin, le frappement en cadence d’un Shishi-Odoshi vient faire écho à leur pas, tandis le fond de l’air porte jusqu’à eux l’odeur apaisante et musquée des sous-bois.  Alors que la tension dans le tissu chargé de l’odeur du Sunajin caresse son dos à chaque pas, elle prend conscience d’à quel point la petite blague de son partenaire commercial la chamboule. Pour n’importe qui, elle n’aurait pas réagi et n’aurait même pas cherché, plus d’une seconde, à lui répondre. Mais pas pour lui. Elle avait attendu le spectacle dans l’expectative et était peut-être plus déçue de ne pas avoir pu y voir, en ayant oublié de se servir de ses dons de senseurs dans la surprise. Sans prévenir, les dents de Raion se mette à mordiller sa lèvre alors qu’elle fronce les sourcils. De la concentration, que diable, se morigène-t-elle en vain alors qu’ils avancent vers l’endroit qu’elle avait choisi.


Au bout du chemin, bien à l’abri sous les frondaisons des bambous, les attendaient une table et quelques chaises de pierre, où l’on avait abandonné de quoi pouvoir se sustenter. Cette précaution, prise sur l’ensemble de la propriété, rendait encore un peu plus alléchante la proposition du grand brun. Nul doute qu’il lui avait proposé, à dessein, son rafraichissement préféré et, bien loin de s’en plaindre, Raion ne pouvait qu’approuver. Elle, dont la coutume était de négocier autour d’une coupe de saké, préférait ne pas mêler l’alcool à leur relation diablement ambiguë, de peur que la désinhibition ne finisse d’achever le peu de barrière qui leur restait.

« Je t’en prie. » La jeune femme invite son compagnon à inverser leur rôle, lui laissant tout droit sur la théière posée bien en vue sur la table. « Voyons voir ce que vaut la première denrée importée de Suna vers Konoha. »


Bien qu’elle parlait, manifestement, de leur boisson, elle ne s’était pas privée de scruter de bas en haut l’Akayuki. Le dépassant, elle prit élégamment place sur l’un des sièges, déposant les affaires devant elle comme si elle se trouvait dans son propre bureau et non pas en pleine nature. Par habitude, ses coudes se posent sur la table et ses doigts se croisent dans une posture d’attente qui dissimule une maigre partie de son visage, tandis qu’elle l’observe aller et venir selon les besoins de sa préparation. Dans un silence qu’elle ne parvint pas à meubler, elle se perd dans la contemplation des gestes, rythmés, de la cérémonie du thé qu’elle imaginait, peut-être, un brin plus exotique qu’elle ne l’était réellement. Parfois, les images de son torse viennent troubler sa quiétude pensive, renforçant la morsure sur sa lèvre pour ne pas se perdre dans les détails parasites. Elle aurait tous le temps, après leur entrevue, pour digérer l’incroyable coup bas qu’ils s’étaient échangés au mépris de toute bienséance. Pour l’instant, la kunoichi aspirait à partager la quiétude des lieux où ils se trouvaient et, plus encore, à se concentrer sur la raison primaire de cette entrevue.

« Suite à nos dernières lettres, j’ai commencé la mise en place des prérequis. » Glissant une main dans l’impressionnante chute de tissu de sa robe, elle en ressort une feuille couverte d’une écriture qu’il connait très bien. Raion croit même bon, pour marquer le ton, de se lever pour déposer le papier devant lui, terminant sa route dans le dos que Sunajin qui venait enfin de terminer son service. « A vrai dire, si ta part du marché est remplie, la seule chose dont nous devons réellement discuter concerne les denrées. Le point de rendez-vous en terrain neutre est d’ores et déjà établis pour la première rencontre officielle. » Appuyée contre son dos, elle lui désigne d’un doigt l’une des phrases pour qu’il puisse prendre connaissance des détails destinés à être connu d’eux seul. « Mais est-ce bien le sujet ? »


Toujours à son contact, elle le laisse faire murir sa réflexion, saisissant la tasse qu’il lui avait offerte. La terre cuite, aussi chaude que la peau contre sa poitrine, lui tire un frisson de bonheur, qui s’accompagne de la salivation d’anticipation d’un corps bien trop habitué à cette gestuelle. L’odeur du thé, mêlée à celle du ninja, lui emplit les narines et elle se laisse tranquillement tomber sur le tabouret à sa gauche. Les deux mains sur le récipient, les yeux mi-clos, Raion inspire profondément, savourant chaque seconde de cette autohypnose qu’elle effectue tous les jours. Cette fois-ci, pas de rapports encourageants ni de dossier sur lequel s’appuyer pour stimuler ses neurones. Même si la beauté du cadre n’avait rien à envier au domaine Kamiko, la jeune chef restait malgré tout chagrinée de ne pas pouvoir utiliser ses petites routines. Inconsciemment, l’une de ses mains quitte la tasse de thé et s’empare de l’un des vêtements abandonnés par son propriétaire.

« Est-ce bien ce que tu avais en tête, Kuma ? »


Une nouvelle estocade, qu’elle abat sur la table avec humilité avant de porter sa tasse contre ses lèvres. L’odeur inattendue, belle et bien exotique, emplie le nez de la Kamiko, qui en plisse les yeux de curiosité et d’appréciation. Il ne lui en faut pas davantage pour le gouter, l’eau chaude chassant les pensées parasites au profit d’un goût fort, amer, unique. Bien que grande amatrice de jasmin, Raion se surprit à trouver du charme à ce thé inconnu, à moins que ce ne soit la présence du Triumvirat qui n’en soit responsable. Elle n’aurait su dire et, à vrai dire, peut-être cela n’avait-il pas réellement d’importance, pour le moment. Quittant la couleur ambrée qui ondoie dans son récipient en écho à son propre souffle, les deux prunelles anthracites de la lionne reviennent se poser sur le Triumvirat, avide de voir vers quel nouveau chemin il va l’emmener.


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Feat Raion De Soleil

 
Pendant un instant, sa belle sembla jubiler, d’avoir réussi à reprendre la main et lui de court. La partie était tellement serrée qu’il en oubliait même de compter les points, en se prenant de plus en plus au jeu qui avait lieu entre eux. Très vite, il put s’amuser à son tour, de la voir perdre sa contenance, dès qu’il changea de rythme pour imposer le sien, en rompant le contact physique, qu’il avait lui-même initié. Comment allait-elle interpréter ses gestes, avant qu’il ne révèle finalement son coup de poker en disparaissant, avant de se mettre à nue ? La fierté mutine de la jeune femme semble disparaitre de son visage, pour laisser place à une mine perplexe, devant l’air sérieux qu’il lui fit miroiter, juste avant de se défaire de ses vêtements ainsi que de son opacité. Pour le coup qu’elle avait osé faire plus tôt, il cherchait à la faire marcher mais avait l’impression de la voir courir, prête à se jeter en plein dans une gueule de loup nudiste.

En plus de tester son audace et les limites que la Kamiko était prête à franchir, il avait pu jouer de son physique avantageux, qu’il avait taillé religieusement, ce qui avait dû le permettre de marquer quelques points supplémentaires auprès de son interlocutrice, dans cette partie où les règles n’arrêtaient pas de changer. Kuma avait passé tellement de temps, au cours de sa vie, à jouer un rôle qui n’était pas le sien, à porter des masques selon ses interlocuteurs, mêlant ses convictions à ce qu’ils voulaient entendre, dans la mesure du possible, sans trop se dévoiler.

Face à Raion, il avait l’impression de voir leurs façades respectives s’ébrécher et, à chaque nouveau morceau disloqué, le marchand sentait un poids énorme le quitter, à la manière d’un muscle qu’il avait gardé tendu sans même s’en rendre compte, durant plusieurs années, qui finissaient enfin par se relâcher. Cette joute, à la fois délicate et sans pitié, devenait de plus en plus légère, à mesure qu’elle le réconciliait avec une partie de lui, plus pure et innocente, qu’il pensait depuis longtemps disparue.

Sa ceinture s’envole et il voit dans les yeux de la lionne, tout le désarroi dans lequel il a réussi à la plonger, avec son manège. Malgré tout, elle ne détournait pas les yeux, comme si elle le mettait au défi de mener sa farce à son terme. A la voir ainsi affectée, par la promesse de sa nudité, il en hésita presque à se passer de sa technique du caméléon, pour lui laisser apprécier un spectacle qu’il avait bien envie de lui offrir, tant il était subjugué par sa promise. La voir ainsi drapée d’innocence, sa peau progressant doucement mais sûrement vers le rouge pivoine, n’avait tout simplement pas de prix, mais risquait bel et bien de se retourner contre lui. L’Ours pouvait savait à quoi s’attendre et pouvait gérer la femme fatale, ou alors la négociatrice chevronnée, voire même l’audacieuse kunoichi. Ce n’était pas facile, mais ça restait dans ses cordes. Par contre, qui lui avait donné le droit d’être adorable, par-dessus le marché ?!

Son manteau finit par s’échapper et ses traits s’effacèrent, juste à temps pour qu’il puisse camoufler son émoi, qui répondait à celui de la tisseuse. Cette légère parenthèse, offerte par l'invisibilité temporaire du Sunajin, permit au duo d’escrimeurs verbaux de profiter d’un temps de repos, comme entre deux rounds, prisonniers au milieu du ring qu’ils avaient eux-même bâtis. A peine le temps de souffler, qu’il fallait déjà repartir au combat. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas faire, des fois, pour la gloire des siens. Toutefois, même si l’interlude était resté relativement court, Kuma n’avait pu s’empêcher de se hâter, enfilant la nouvelle tenue avec adresse mais surtout beaucoup d’empressement, pour voir où tout cela allait les mener.

Elle lui attrapa la main qu’il avait posé sur son épaule et leur regard se croisèrent de nouveau, tout comme leurs sourires, identiques et rayonnants. Sans une seconde d’hésitation, Raion reprit la main, au propre comme au figuré, en essayant de rejouer la même carte qu’il venait de contrer, à l’instant. Les doigts effilés de la brune caressant son tissu de la dernière chance, lui faisait comprendre qu’il n’avait peut-être fait que retarder l’inévitable. Elle avait conçu chacune des tenues pour les invités du désert et pouvait sans doute les défaire bien plus vite que celle qu’il avait ramené sur lui. Venait-il tout simplement de devenir l’arroseur arrosé, s’enfonçant encore plus profondément dans des sables mouvants en se débattant, alors qu’il avait cru s’en extraire ? Peut-être avait-elle même maquillé sa gêne et son envie précédente, pour mieux l’attirer dans ses filets ? Ca, il refusait encore d’y croire, mais il n’y avait que peu d’autres options envisageables.


*Du bluff..?* Pensa-t-il, alors que ses joues se coloraient de gêne, ses yeux, écarquillés, dénotant le doute qu’il avait quant à sa propre intuition.  

Son corps réagit de lui-même, face au risque de perdre ses habits tout neuf, plus encore que de se retrouver dans le plus simple appareil. Après tout, c’était son propre cadeau, que la belle menaçait maintenant de détruire et ce, avant même qu’il n’ait eu le temps de l’examiner avec plus de détail ou d’en profiter un minimum. Dans l’espoir de préserver ce premier cadeau contre sa propre créatrice, il tenta instinctivement de reculer, en vain, pris au piège par la poigne assurée de son adversaire. Il était pris au piège, indéniablement. Forcer la séparation provoquerait peut-être la destruction totale et prématurée de sa tenue, ce qu’il voulait éviter par-dessus tout. Comme s’il avait une lame posée sur la gorge, Kuma retenait sa respiration, refusant de prononcer le moindre bruit ou de faire le moindre mouvement brusque, qui risquerait de déclencher un événement désastreux. Il appréciait son contact bien plus qu’il ne pouvait l’avouer, malgré le risque toujours omniprésent, il y trouvait un certain confort, de la sérénité et une furieuse envie de l’étreindre. Qu’allait-il se passer, si elle décidait de mener sa menace à exécution ? Au vu de leur proximité et des échanges qu’ils avaient eu, de plus en plus endiablés, n’était-ce pas réellement dangereux, pour l’un comme pour l’autre ?

Ils avaient beau s’être éloignés du reste de leurs délégations, ils n’étaient pas exactement à l’abri d’une intrusion soudaine ou de quelques yeux indiscrets, si jamais leur valse venait à prendre une tournure plus intime. C’était maintenant à lui, de trouver un moyen de désamorcer la situation, s’il ne voulait pas perdre le peu de retenue dont il était encore capable, au milieu de cette envoûtante séduction. L’ourson se mordit la lèvre lorsque la lionne se retourna sur place, avec habileté, en utilisant la main qu’il lui avait confiée comme un prolongement de son propre corps. Un point en plus pour elle. Raion était aussi agile qu’habile, ce qui la rendait à la fois dure et intéressante, à tenter de suivre.

Elle le mit face à son audace précédente, pour légitimer ce qu’elle prétendait préparer. Tout doucement, il leva son poing libre en symbole de reddition, pour lui intimer de ne pas aller au bout de sa démarche. Malgré tout, il était encore loin de s’avouer vaincu. Il lui restait encore une carte à jouer, au culot, pour botter en touche sur le ton de l’humour, en dépit de son embarras.  


« Tout, mais pas ces vêtements, Kamiko-san ! » Demanda-t-il, en ouvrant la paume. « Je les tiens de quelqu’un qui m’est cher, je ne pourrais plus la regarder en face, s’il devait arriver quelque chose au chef-d'œuvre qu’elle m’a confié. »

Il pensait avoir fait mouche, mais elle l’interrompit aussitôt, dans un claquement sonore, qui le rendit temporairement plus livide qu’un linge. Juste un court instant, cependant, avant que ses prunelles ambrées ne se résignent à leur sort, en adoptant un revêtement confiant et assuré. Si c’était ce qu’elle voulait, alors, ainsi soit-il. Dans l’esprit du Sunajin, la partie risquait déjà de se solder par son échec, paralysé dans l’instant tandis que son linge s’apprêtait à disparaître, il décida de tenter le tout pour le tout. Ses traits se firent plus sérieux, alors qu’il se préparait à faire un pas décidé vers l’avant et succomber, une nouvelle fois, au charme de la marchande.


*Kurin Hito : Kuma Chu...* Pensa-t-il, en initiant son mouvement.

Le rire de la Kamiko l’arrêta en plein vol, laissant le pied de l’Akayuki en suspension juste au-dessus du sol, juste avant son pas fatidique. Il n’était toujours pas dévêtu et bien vite, sa douce concurrente révéla le pot aux roses, ce qui lui provoqua un rire nerveux, suivi d’un long soupir mêlé de soulagement et de frustration. Il s’était bien fait avoir, au final, mais était loin d’en être déçu. L’intensité de la bataille retomba, avec un décompte incertain, alors que Raion s’en allait récupérer ce qu’avait semé l’invité, afin d’éviter quelque quiproquo malvenu.

« C’est vrai qu’un incident diplomatique serait fâcheux, pour ce qu’on a prévu, pas vrai ? » Finit-il par répondre, en croisant les bras, encore sous le choc de la tension enivrante qui s’était installée entre eux. « A moins qu’en guise de réparation, on nous demande d’officialiser notre union ? Hum… Tu tiens quelque chose, à mon avis. » Ironisa le jonin, en se grattant innocemment le menton.

Il ne peut s’empêcher de sourire, lorsqu’elle lui laisse le choix de conserver ou de se défaire de ce fameux voile, qui lui a tant gâché la vue, au début de leur rencontre. Le Triumvir attendit de se retrouver à la même hauteur que son interlocutrice, avant de lui répondre, sans la moindre trace d’hésitation, avec un haussement nonchalant des épaules.

« Le thé n’en sera que plus délicieux, avec une aussi belle vue. » Glissa-t-il après l’avoir rattrapée, l’attention davantage fixée sur elle que sur le décor, pourtant bien dépaysant, qui les entourait.

L’endroit où elle l’amène est tranquille, calme, mais ce n’est pas tant l’exotisme de la scène que celle de celle qui l’accompagne, qui le transporte en terres inconnues. A mesure qu’il se pose plus de questions sur la jeune femme, il se rend compte qu’il ne sait finalement pas grand-chose d’elle. Bien sûr, il connaissait la marchande, il s’accoutumait de la cheffe de clan... Rien de très important, finalement, pour ce qu’il commençait à envisager entre eux et, déjà, il avait hâte d’en apprendre plus. De lui en apprendre plus, également, s’il en avait l’occasion. S’il en avait les moyens, sans risquer de tout compromettre. Une fois arrivé à destination, il observa rapidement l’endroit, les mains jointes dans le bas de son dos.


« C’est vraiment charmant, comme endroit. » Se répéta le jonin, qui n’avait pas arrêté de la contempler, jusqu’à l’endroit réservé à leur dégustation.

Il la suivit et dégaina un des rouleaux qu’on lui avait préparé pour l’occasion, desquels il extirpa le nécessaire et les spécialités de chez lui, s’amusant de voir quelques ustensiles en double. Il mit en place une théière à la forme particulière, plus haute et au bec long et courbé, doté de son propre filtre, pour faciliter les préparatifs. Le Sunajin alluma un petit feu, sur du charbon charbon de bois, pour commencer à y faire bouillir de l’eau, alors qu’il commençait à doser ses ingrédients séparément. Du thé vert, semblable à de petites boules noires, qu’il conservait dans un bocal hermétique, ainsi qu’un gros pot plein de menthe encore fraîche.

« Même si nous avons bien quelques plants à Suna, on dépend encore beaucoup de l’importation, mais je n’utilise que le meilleur de l’Ouest. » Assura-t-il, avec un sourire. « La préparation, elle, reste bien locale et toujours bienvenue, là d’où je viens. »  

Une fois l’eau crépitante, il y ajouta son thé, le recouvrant du liquide pour en enlever l’amertume, en le laissant brièvement infuser, avant de s’éloigner, pour vider la flotte sur des plantes alentour. Une fois revenu auprès de sa future compagne, il ajouta la menthe dans le récipient, avant de la noyer sous un flot bouillant et une bonne quantité de sucre, qu’il disposa près d’eux, avant de s’installer tranquillement, le temps de laisser le tout se gorger de saveur.

« C’est très sucré, mais très rafraîchissant. Avec ça, je conseille des potis cookies estampillés Shirokuma et on sera prêts pour discuter de ce qu’on veut.. » Décréta le shinobi, en les sortant du parchemin, en guise de dernière surprise.

Il regrettait presque d’en revenir à une discussion à l’allure plus sérieuse, mais écouta tout de même attentivement son homologue, en remplissant les tasses qu’il avait réservées pour l’occasion, avant de les renverser immédiatement dans la théière, pour mélanger la mixture correctement. Kuma répéta l’opération, jusqu’à être satisfait, avant de les servir tout deux, en commençant par son hôte. Le marchand opina du chef, pour lui assurer que tout était en règle, de son côté aussi, penchant la tête sur le côté pour laisser reposer sa joue sur son poing, les lèvres finement étirées, avec satisfaction.

« Bien sûr, tout est bon de mon côté, Raion. Il ne me restait plus qu’à m’assurer qu’on soit bien sur la même longueur d’onde, toi et moi. » Confirma le commerçant, fermant les yeux avec quiétude, lorsqu’elle se posa dans son dos.

Il la connaissait à peine et pourtant, il commençait à être aussi à l’aise avec quelqu’un qu’il aurait partagé toute sa vie. Ce qui allait d’ailleurs être le cas, sous peu, à condition que tout se déroule comme prévu. Elle lui demandait ce qu’il avait en tête, tout comme lui, mais il aurait aussi bien voulu savoir ce qu’elle aurait dit, en voyant ce qui tournait vraiment dans le fond de son esprit. Plein de joyeusetés auxquelles ils ne pouvaient encore s’adonner et que le trentenaire n’avait même pas songé à envisager, avant de subir un coup de foudre, digne de l’affinité Raiton de la tisseuse.

« La délégation ne mènera nulle part, en soi, pour l’instant. On peut remercier Senshi. » Railla l’habitant du désert, avec une pointe notable d’amertume dans la voix. « J’ai encore quelques… détails personnels à régler, histoire de pouvoir t’accueillir comme il se doit. Ce sera fait, d’ici à la prochaine rencontre officielle entre nos villages. » Résuma-t-il, avec un air un peu plus sombre que celui qu’il avait arboré jusqu’à présent. « Je compte sur toi pour t’assurer que ta Hokage sera de la partie… L’attente va être un véritable enfer, une fois qu’on sera repartis. »

Avec un soupir de soulagement, il se laissa aller au contact chaleureux de Raion, avant de l’accompagner, en goûtant le thé qu’il avait fait. Il ne pouvait pas encore lui révéler l’intégralité de son plan, non seulement parce qu’il n’était pas sûr que tout s’aligne tel qu’il l’avait prévu, mais surtout parce que l’information était encore trop délicate pour qu’il puisse la confier aussi librement, malgré le sort que la belle lui avait jeté. Les pièces s’avançaient sur l’échiquier et son plateau serait bientôt complet. Plus il se rapprochait de son but, plus les choses risquaient de se complexifier. Peut-être qu’avec la Kamiko à ses côtés, cette éventualité serait plus agréable qu’il n’aurait pu l’envisager.


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Chacune des micro-expressions de Kuma replonge la brune dans les songes. Malgré la distance et le changement d’environnement, Raion repense encore à chaque seconde qu’elle venait de lui voler, altérant son joli petit minois de dragueur invétéré comme elle l’aurait fait avec l’une des tenues, enfermée derrière les solides portes de son atelier, à la seule force de ses doigts. Sans même y songer, ses deux mains se referment sur sa tasse, alors que l’arrière-goût de la menthe et du sucre viennent tinter le souvenir encore frais d’une toute nouvelle touche. Elle le revoit encore hésiter, encore rougir, encore négocier alors qu’elle l’accule un peu plus. Elle savoure encore le Kamiko-san, qu’elle aurait châtié s’il était sorti de la bouche de n’importe qui d’autre, bien plus que la tentative d’humour pour la distraire et ainsi échapper à l’inéluctable. Et que dire de son teint pâle, de la tension de sa gorge alors qu’il avalait sa salive dans l’expectative ? Et que dire de son immobilité qui s’était transformée, bien vite, en mouvement confiant et résolu ? Qu’avait-il eu en tête, à cet instant précis, pour se durcir aussi soudainement malgré l’embarras ? Qu’aurait donc fait un homme qui se croyait nu comme ver avec une femme, à quelques pas à peine de la délégation encore en cours ?


Un observateur avisé aurait remarqué le début de rosissement des oreilles de la jeune femme, alors qu’elle envisageait les nombreuses – et sans aucun doute terriblement grivoises – réponses à ses questions. Ô ça oui, sur la même longueur d’onde ils l’étaient, autant inconsciemment que consciemment. Preuve en était que, l’un comme l’autre, ne semblaient plus remarquer le contact de leur peau, de leur souffle mais bien plus la chaleur, réconfortante, d’une autre moitié à portée de main. Un stade bien vite franchi pour les deux marchands qui essayaient encore, il y a quelques minutes, de savoir qui l’emporterait sur l’autre. Loin d’eux, se trouvait encore les braises timides d’une bataille qui couvait doucereusement, prête à repartir dès qu’ils se mettraient à alimenter leur danse, maintenant que le climat glissait, mine de rien, vers la discussion qu’ils auraient peut-être dû avoir depuis le début.

Aussi, Raion fut déçue d’entendre le retour de Senshi, mais pas surprise. Elle en fut néanmoins frustrée de se voir interrompue dans sa rêverie par le visage du vieux renard du désert fainéant qu’il était. Oh que oui, ils pouvaient remercier le Serika et son désintérêt pour les obligations politiques. Amèrement et, en même temps, sincèrement. Que ce serait-il passé, si le deuxième jour avait marqué l’ouverture des négociations de leur mariage ? La Kamiko, si elle ne doutait pas un instant de la réponse de Konoha en la matière, s’intéressait davantage, pour une fois, à la sienne. Nimbée de leur badinerie, lovée contre le dos d’un type qu’elle connaissait encore à peine, n’aurait-elle pas fait une immense bêtise ? Oui. Non. Raisons et Ambitions n’étaient pas tout à fait d’accord, une première pour la jeune femme pragmatique qu’elle était. C’était donc une aubaine que venait, sans le savoir, de lui offrir le Kazekage. A la fois gain et perte de temps monumentale, elle pourrait jouir d’un temps de réflexion bienvenu et, sans doute, d’impatience comme l’avait si bien fait remarquer l’Akayuki. Une autre nouveauté pour la brune, dont les yeux d’aciers reflétait le désarroi. Devait-elle être heureuse ou inquiète ? Devait-elle prévoir un plan de secours ou entièrement faire confiance à son partenaire de crime ? L’ambivalence s’ancre, doucement mais surement, teintant ses prunelles d’un fond d’orage de mauvais augure alors que son humeur s’assombrit, à son tour.
« Ce ne sera sans doute pas Yuriko, la plus difficile à convaincre. »

Une vérité, pure et dure. De toutes les informations qu’elle avait pu collecter, une seule l’avait particulièrement intéressée : la tendance fleur bleue de la Nidaime. Un pari, tant il était difficile de vérifier la rumeur, sur lequel le plan de la Kamiko reposait. Elle avait déjà fait preuve d’honnêteté une fois, ne jouant que sur le temps nécessaire pour faire pencher les évènements en sa faveur, et elle comptait recommencer, pour peu qu’on le lui permette. Pas à pas, elle plaçait d’ors et déjà ses pions jusqu’à la prochaine rencontre qu’on lui donnerait en tête à tête avec sa supérieure, curieuse de voir si sa première carte allait soulever d’autres questions. Elle n’avait aucune raison de mentir, si l’on lui posait la question directement, mais oserait-on le faire ? Raion elle-même ne se serait peut-être pas permis cette liberté mais elle n’était que chef de clan, pas Hokage. Peut-être que les règles seraient différentes, une fois rentrée de mission diplomatique. Peut-être pas. Une chose, pourtant, représentait un frein certain à leurs petites manigances. Elle prenait la forme d’un facteur particulièrement agaçant et froid, dont la brune ignorait la capacité en entendre ce qu’elle lui dirait, si d’aventure ils pouvaient en discuter tranquillement un jour. Ca et les fichus têtes de mules acariâtres des autres clans. Cette fois-ci, la lueur agacée de la Kamiko s’ancre profondément dans son regard, malgré la douceur du cookie dans lequel elle vient de croquer. Cela coutait à la jeune femme mais il était temps de le reconnaitre : elle manquait cruellement de pouvoir.

« Travailler deux villages aux corps pour des négociations de paix, au nom du sacro-saint commerce… » Un sourire las répond à son ton désabusé, alors qu’elle avale une autre gorgée de thé. Résumer d’une simple phrase le défi que représentait la suite de leur escapade avait de quoi décourager n’importe qui, mais pas Raion, dont l’odorat semblait mettre un point d’honneur à ne remarquer que les effluves du Sunajin contre lequel elle était posée. « Si ce n’est pas l’attente qui a raison de nous, ce sera la patience de ne pas claquer tous les réfractaires. » Un soupir ponctue sa tirade, alors que la jeune femme dépose son menton sur l’épaule de son compagnon, saisissant à nouveau les vêtements abandonnés pour terminer son ouvrage de détissage. « L’idée de déjà te manquer n’est pas pour me déplaire, mais peut-être devrais-tu attendre encore un peu avant de l’affirmer. Comme un deuxième rendez-vous, par exemple. »

La lionne de Konoha se surprend elle-même, alors que les mots franchissent ses lèvres. Elle qui, quelques minutes auparavant, était presque heureuse de disposer de davantage de temps pour reconstruire un mur autour de son cœur, venait de mettre un coup de pied dans ses efforts. Pourtant, la proposition s’envolait déjà, portée par un ton calme et sincère qu’elle ne se serait jamais cru capable d’offrir à quelqu’un d’autre que son propre clan. Aspirant sa lèvre inférieure pour la mordiller, elle regrette instantanément son élan de bonhommie, sans pourtant pouvoir cacher la curiosité qui la pousse à faire une telle proposition. Qu’était-ce, un Akayuki en escapade ? Comment maquillerait-il ça ? Le maquillerait-il seulement, sachant que c’était sans doute une occasion de gratter un peu plus la peinture trompeuse qu’elle essayait de remettre sur les ouvertures qu’il avait su se ménager ? La tension et le regret s’évapore, laissant place à quelque chose de nouveau, d’inattendu. De l’impatience, matérialisée dans un sourire qu’il ne pourrait pas voir, Raion en remercia les kamis.
« Quelque chose d’un peu moins officiel, si possible. »

Elle se redresse, quittant le support confortable qu’il lui offrait jusque-là en croquant dans un autre cookie pour dissimuler une expression bien trop douce à son goût. Elle aurait dû, sans doute, se méfier de l’empoisonnement mais ne voyait pas en quoi ce dernier viendrait en aide à Shirokuma. Il n’existait, à sa connaissance, pas de filtre d’amour autre part que dans les romans et jamais, au grand jamais, la brune n’avait craint une seconde de se faire intoxiquer. Pourquoi aurait-il gâché tous ses efforts pour une si petite prise qui, même s’il l’ignorait, n’y aurait même pas été sensible ? Dans son geste, elle vient enfin à bout des ultimes morceaux de tissus, vestige de leur petit jeu précédent, ne laissant qu’un immense tas de fils fin et prêt à l’emploi qu’elle s’empresse de rassembler méticuleusement sur l’une des bobines vides qu’elle porte à la taille. Le fuseau, plein à craquer, retrouve sa place précédente sans que jamais sa propriétaire n’ait fait mine d’expliquer son chemin de penser. A vrai dire, le Sunajin s’en douterait peut-être assez vite. Ou peut-être pas et cela lui permettrait d’hâter un peu leur prochaine rencontre à grand renfort de curiosité.
« Je suis curieuse de voir ce qu’il est advenu des … » Le son, caractéristique, de la corne de brume coupe Raion en plein milieu de son élan. Son regard d’acier, jusque-là encore clair, achève de s’assombrir presque totalement. « Notre temps est écoulé. »


Elle murmure, presque à regret, alors que la corne sonne une deuxième fois. Tournant la tête en direction du son qui marque l’appel au repas, Raion ne put s’empêcher de soupirer, lasse. Elle ignorait réellement combien de temps avait duré leur échange, mais l’impression fugace qu’ils n’avaient eu qu’une poignée de seconde pour réellement s’échauffer la frustrait. Et, en même temps, la brune se sentait aussi épuisée qu’après de longues négociations de plusieurs jours, sans être pleinement satisfaite de l’issue qu’ils en avaient jusqu’ici. Que voulait-elle de plus ? Tous les deux, n’avait cessé de se surprendre, de s’apprendre, dans un jeu qui, elle s’en rendait compte maintenant, les dépassait sans doute bien plus qu’elle ne voulait l’avouer. Alors oui, la question était de rigueur. Que voulait-elle de plus ? Elle-même l’ignorait et ne pouvait qu’espérer que, de retour dans le hall étouffant de deux délégations parties du mauvais pied, elle pourrait disposer d’assez de temps pour en débattre secrètement. Aussi se mit-elle en marche, légèrement boudeuse, saisissant le bras galant qu’on lui tendait avec la sensation, bien réelle, de retourner s’assoir dans un nid de vipère.

De leur tendre moment de jeu ne restait plus d'autres vestiges que deux tasses encore chaude à peine vides et un baluchon de cookie qui avait changé de main en cours de route.


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Akayuki Shirokuma
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Malgré son relatif manque de confiance dans ses capacités de séduction, Kuma trouvait qu’il s’en était relativement bien sorti… Il avait eu du temps pour se préparer à cette entrevue, fort heureusement, sans quoi il n’aurait sans doute pas réussi à tenir aussi longtemps dans la discussion. La gêne et les doutes étaient déjà passés depuis longtemps, lui permettant de profiter de la charmante compagnie de celle qui était bien parti pour devenir sa femme. Cette simple pensée, qui était pourtant loin de le prendre par surprise, suffisait à le désarçonner, maintenant qu’il était directement confronté à la réalité de la chose. Si Raion n’avait pas ramené la conversation sur un sujet plus neutre, ce qu’il avait immédiatement suivi par un automatisme irréfléchi, il aurait pu se satisfaire de rester ainsi, pour mieux apprendre à connaitre cette femme, qui partagerait bientôt sa vie, mais le conditionnement des Shinobis était si bien réalisé, l’esprit de l’Ours si pragmatique, qu’il ne lui avait pas fallu longtemps pour repartir sur un angle professionnel, avec sa partenaire.

Toutefois, son esprit restait difficile à dompter, maintenant qu’il avait goûté au charme de la Kamiko, il ne pouvait empêcher son attention de revenir sur elle, même au milieu de propos plus sérieux. Comment trouvait-t-elle cette boisson, qu’il espèrait être une bonne découverte ? Avait-elle compris ce qu’il avait tenté de répéter, pour pousser leur défi à son paroxysme, avant de se faire bloquer par un éclat de rire harmonieux ? Etait-ce la raison pour laquelle le bout de ses oreilles, ainsi que ses joues, prenaient une teinte carmin, que l’Akayuki était bien incapable d’ignorer ? Combien de temps allait pouvoir durer leur contact, avant que les responsabilités et leur escorte ne viennent les interrompre ? Il avait l’impression d’être figé dans le temps, mais savait bien qu’en dehors de leur petite bulle personnelle, le monde continuait de tourner comme si de rien n’était. Leur rencontre n’était pas encore terminée et pourtant il remettait déjà en question la façon dont il avait géré les choses, le moindre de ses faux pas et le manque de romantisme de cette demande en mariage, qu’il n’avait jamais concrètement formulée.

Pourtant, il lui semblait bien que l’intéressée avait accepté, comme elle le lui prouva une nouvelle fois, en lui assurant que la Nidaime Hokage ne s’opposerait pas à leur union. Cette simple assurance suffit à lui mettre le sourire aux lèvres, sans même qu’il s’en rende compte, perdu au milieu de ses pensées. Sans même y réfléchir, Kuma haussa les épaules, les yeux posés sur la jeune femme, qu’il contemplait du regard.

« Senshi ne serait pas un problème, mais la question ne devrait plus se poser bien longtemps. » Affirma la Sunajin, avec un air étrangement détaché et confiant.

Il l’accompagna dans sa collation, les arômes qu’il connaissait pourtant si bien se sublimant encore davantage, en la compagnie de la tisseuse. Le marchand écoutait attentivement en opinant du chef, remerciant le ciel d’avoir quelque chose pour occuper ses mains, pour lui éviter de tenter quoi que ce soit d’inapproprié, dans cette situation déjà suffisamment délicate. Lorsque la belle se pose, encore plus contre son torse, il la laisse faire sans broncher, laissant même échapper un léger soupir d’aise, mêlé d’une certaine frustration. La mission était accomplie et il en avait déjà conscience, mais lorsqu’elle lui proposa d’elle-même un second rendez-vous (confirmant officiellement le statut de leur première “vraie” rencontre), un large sourire satisfait s’afficha, naturellement, sur son visage aux pommettes rosées. L’ourson acquiesça silencieusement, lorsqu’elle proposa quelque chose de moins formel, pour la prochaine fois, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Une délégation politique, entre deux villages comme Suna et Konoha, avait tendance à plomber l’ambiance générale et saborder allègrement toute tentative de romance. Ils avaient réussi à y échapper pour le moment, mais il savait pertinemment que le glas finirait par sonner sur ce parfait petit moment, coupé de la réalité.

Lorsque Raion s’éloigna, il se redressa pour adopter une meilleure posture, avant de se pencher légèrement en avant, les épaules reposant sur ses genoux, pour qu’il puisse croiser les mains devant son visage au rictus satisfait, qui lui illuminait les traits.


« J’ai déjà ma petite idée, pour notre prochaine rencontre. » Affirma l’Akayuki, avec des éclats de malice, subsistant dans le regard. « Tu m’as montré ton art familial, je pense savoir comment te présenter le mien. »

Entre deux bouchées et quelques échanges de dialogue, la kunoichi était déjà en train de réserver les chutes de tissu pour plus tard, prouvant, une fois de plus, que peu importe la situation, la Kamiko ne perdait pas le fil. Shirokuma ignorait si c’était volontaire ou non, mais sa promise s’était retenu de faire le moindre commentaire sur le présent, pourtant typique, qu’il lui avait apporté. Il avait passé plus de temps qu’il n’aurait bien voulu l’avouer, à se décider sur le meilleur présent à ramener, en ayant la possibilité de le faire passer pour un banal geste diplomatique, plutôt qu’un moyen d’avancer ses projets personnels. De plus, il s’était donné beaucoup de mal, pour tout réussir à la perfection (dans la limite de ses capacités), en s’offrant les services des meilleurs scelleurs de Suna, pour s’assurer un produit comme neuf, en dépit du transport. Le manque total de feedback, qu’il s’agisse en tant que commerçant ou simplement de jeune prétendant sans vraie assurance, était un coup notable, même si la joute était déjà terminée. De quoi donner la victoire du jour à la demoiselle, ce qui n’était déjà plus un problème, à présent.

Le shinobi arqua un sourcil agacé, en entendant un son de corne, qui devait sans doute annoncer le début du dîner… Ou bien la reprise des hostilités, entre leurs deux villages… Quoiqu’il en soit, il n’eut pas besoin d’attendre la confirmation de Raion pour savoir que leur moment d’intimité touchait, immanquablement, à sa fin. Il croisa les bras, en secouant machinalement la tête, avant de hausser les épaules.


« On dirait bien que c’est l’heure d’y aller, effectivement. » Répéta-t-il, avant d'enchaîner. « Je dois t’avouer que je m’attendais à tout, Raion, mais tu as quand même réussi à me surprendre. Encore, et encore. Pour cette fois, je m’incline, mais je ne m’avoue pas encore vaincu. »

Il ponctua ses propos d’un rire tranquille, avant de tendre le bras à sa dulcinée, avant de rejoindre les autres. L’affrontement avait été intense, disputé et son cœur avait failli lâcher un bon nombre de fois. Malgré tout, alors qu’il retournait, avec sa partenaire, vers leurs délégations respectives, il se sentait bien plus léger, plus tranquille et suffisamment rodé pour affronter n’importe quoi.

Le Triumvir ne songea pas une seule seconde à la réaction qu’aurait les autres, après l’absence qu’il avait pris accompagnée de la Konohajin, en le voyant revenir avec des vêtements totalement différents de ceux qu’ils portaient plus tôt et qui, eux, n’étaient déjà plus de ce monde.

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