L'Odyssée de lô mer de sable Partie III

On disait que la vengeance était un plat qui se mangeait froid. Je ne savais pas si cela pouvait convenir lorsque l'on était une personne du désert. Personnellement, carbonisé aurait pu faire l'affaire. Depuis que j'avais eu la folie d'accepter cette mission d'exploration avec les frangins, ils m'arrivaient que des merdes. Pas dans le sens habituel cependant, mais des merdes quand même. Partir à l'autre bout du monde et du désert, je m'en foutais royal, bien que je ne niais pas en avoir plein les pattes. Par contre, je devais compter sur deux tentatives d'assassinat non dissimulées de la part des Nozomo. Est-ce que j'exagérais ? Ouais sans doute sur le terme d'assassin, mais sérieux, les deux pitres m'avaient littéralement dégoûtés des entraînements. C'était de grand malade. J'étais presque à deux doigts de regretter de les avoir connu tellement j'en avais bavé.

On allait pas se mentir, bien que je tirasse souvent la gueule, j'étais pas illuminée par un immense sourire de soulagement sur le faciès alors qu'on prenait enfin la route du retour. Le désert, les oasis, les ruines, le vent, la douleur, les bleus, l'épuisement, les putains de cartographie.... Cela faisait déjà des semaines et il m'en faudrait au moins tout autant pour m'en remettre. J'exagérais encore ? Peut-être bien, mais une fois rentrée à Suna, je comptais me faire plaisir en faisant des choses qui allaient véritablement me détendre : boire, fumer, dormir, beaucoup dormir, être dans mon atelier, et reboire. Retrouver mon lit était devenu presque un objet de fantasme, c'était pour vous dire à quel point j'en avais marre. Je menais une vie quasi paisible avant de les connaître, les deux artistes...

... paisible. Maintenant je me retrouvais fourrer dans leurs embrouilles et pourtant... pourtant ces grandes asperges me mettaient un coup de pied dans le postérieur comme personne ne l'avait fait avant eux. Je ne savais pas trop comment expliquer le pourquoi du comment on s'en était retrouvé là, tous les trois, à se suivre comme des bébés canards. Alors que l'on marchait sur le chemin du retour, retraçant notre chemin en sens inverse pour repasser par des ruines, je ne pus m'empêcher quelques instants de regarder Yukio. C'était par lui que tout avait commencé, la faute - ou grâce - à cet échevelé. Il voulait maîtriser le kaï et moi une technique de kenjutsu. On avait plus vraiment couper le lien qu'il y avait depuis ce jour-là. Ne me demandez pas pourquoi, je ne me l'expliquais pas. C'était pareil avec son frère, ou à peu près pareil. Je supposais que j'arrivais plus facilement à me faire comprendre par l'aîné, justement parce qu'il était le plus vieux. D'un autre côté, avec le recul, je finissais par me retrouver plus proche de Yukio. À ne rien comprendre.

Cependant, ce n'était pas parce que j'avais appris à nourrir de la sympathie pour ces deux têtes brûlées que je ne murissais pas le fruit de ma vengeance. C'était pas dans ma nature en règle générale, voire pas du tout même. Bien que notre voyage était le fruit principal d'une mission d'exploration, on avait choisi de pimenter la chose en cherchant à s'améliorer chacun à notre façon. Deviner qui en avait le plus chier, hein ? Ils ne m'avaient pas épargné. Parfait.

L'avantage de mon mutisme et de ma tête blasée étaient qu'il était difficile de savoir si je faisais réellement la tronche, si j'étais simplement ailleurs ou si j'en avais rien à carrer de tout. Du coup, bien que l'on me savait muette, je ne mettais pas une seule seconde manifestée pendant notre pérégrination de retour jusqu'à atterrir dans les ruines où je me stoppais soudainement. Là, je me fis craquer la nuque avant de regarder les deux frangins dans les yeux. Je pris brusquement une grande respiration, concentrant mon chakra et me mit à violemment cracher de multiples lames du futon dans des directions différentes. Bien évidemment, j'avais évité les frangins. Je n’étais pas là pour les taillader.

" Maintenant, c'est à mon tour de vous malmener. "

Mes signes et ma figure étaient là pour leur montrer que je venais tout juste de leur faire une démonstration de ce que j'envisageais de leur apprendre. Contrairement à ce qu'ils m'avaient enseigné tous les deux, ma technique était moins puissante... mais elle était d'autant plus vicieuse qu'elle pouvait tout aussi bien piquer comme il se devait un ennemi. D'ailleurs, mes lames déchiquetèrent littéralement les roches des ruines qui se trouvaient derrière eux.

" A votre tour de me montrer ce que vous pouvez cracher avec vos poumons. "

Je leur fis signe avant de croiser les bras. C'était pas moi qui allais rentrer carpette à Suna.

Technique à enseigner:

Je regardais les garçons avec ma mine déconfite habituelle. J'étais pas là pour déconner, pas cette fois et c'était surtout pour moi la dernière ligne droite pour leur apprendre quelque chose sur le chemin du retour. Une fois que je serais à Suna, les types verraient pas ma gueule pendant au moins une semaine pour me mettre au vert. Le confort de mon pieux, la bonne odeur de bois de mon atelier, la bouffe de mon vieux... J'allais faire en sorte de faire le minimum d'effort pour paresser dans les règles de l'art, mais surtout récupérer de cette foutue excursion. C'était pas totalement désagréable, toutefois, cela avait été fichtrement long. Mais pour le moment, la route était pas finie. Ni le boulot d'ailleurs.

Sans faire de chichi, je leur avais fait une démonstration rapide de la technique à maîtriser. Si d'abords ils avaient la gueule à cause de la caillasse brisée, rapidement ils semblaient s'illuminer par le défi. Ils n’avaient pas encore compris que c'était pas la technique qui allait les éclater, c'était la prof. Je savais que mon apprentissage était presque une formalité, c'était pas des débutants après tout. Je me faisais aucun souci sur la technicité.

Ma première victime serait donc Yukio. Je pointais mes yeux sévères vers lui alors que je l'observais se concentrer. À regarder de plus près, il aurait été facile de se dire qu'il était sérieux et à fond sauf que j'avais cru déceler un petit sourire en coin à un moment donné. Pas certaine qu'il pensait à la technique. Je ne pus m'empêcher de plisser un peu les yeux comme si je le jugeais... tout en me demandant qui pouvait le faire sourire comme ça. Bizarre. J'étais pourtant pas portée sur ce genre de curiosité. Enfin bref. Il était loin de se démonter et je le vis commencer à tenter de faire quelques signes. Ces mudras semblaient juste, mais peu assurer parce que lorsqu'il s'essaya, il cracha... de l'air. Enfin, son propre souffle quoi. Après, je prenais en compte que le futon, c'était pas mon affinité de base. Il me l'avait déjà dit, c'était pas là où il brillait le mieux.

Je finis par le siffler pour attirer son attention - attirant sans doute celle de Hayato par la même occasion. Là, je refaisais au ralenti les bons signes, le bon enchainement de mudras. Si l'aîné allait vite le saisir, je supposais que c'était un tantinet moins évident pour Yukio, ce qui m'amena à m'approcher de lui.

" Il faut que tu plies tes mains de cette façon. "

Je lui signais cette phrase avant de manipuler ses mains à lui. Je pliais ses doigts pour lui montrer, puis je refis la même chose à côté de lui, au ralenti à nouveau. Dans la foulée de mes explications, je pointais de mon index son estomac avant de littéralement poser ma main dessus. Je lui mimais la sensation comme un tournoiement qui devait remonter et au moment de remonter dans son œsophage, faire comme s'il retenait l'énergie pour le larguer en plusieurs lames.

" Tu emmagasines au maximum, tu malaxes bien avec ton chakra et imagines que tu craches de grands kunais à la file. "

L'image faisait grossière, mais je supposais que c'était assez compréhensible. Une fois que j'en eus fini avec ces conseils, je m'occupais de l'aîné. Je supposais que je pouvais m'attendre à plus ou à mieux avec lui, mais je n'avais pas pris en compte que qu'importait l'homme puissant qu'on pouvait être, on fatiguait comme tout le monde. Lui. Yukio. Moi. On était tous dans le même bateau. Par contre, quand moi j'étais fatiguée, j'étais plutôt irascible. Fallait pas trop me titiller.

Alors que je pris mes distances pour observer le futur grand ponte faire sa démonstration, notre chasseur de monstre océanique nous cracha un puissant coup de vent qui me repoussa Yukio compris, et lui aussi d'ailleurs. Le coup avait été fulgurant et on avait même pas eu le temps de comprendre ce qu'il s'était passé. Alors deux choses me mirent en boule : un, je me retrouvais le cul dans le sable ; deux, il nous avait craché à la tronche et je voulais surtout signaler que si cela avait fonctionné, on ne finissait pas uniquement les fesses ensablées. C'était limite de la tentative de meurtre.

Je me relevais assez douloureusement, mais mon regard en disait long. C'était pas comme si je cachais mon agacement, mais à peine tenta-t-il de s'excuser et qu'il me réclama conseil, je lui balançais mes fils de chakra dans sa direction pour l'immobiliser. Technique de bondage façon Shirogane pour l'immobiliser... Mais surtout pour tirer un bon coup et le faire tomber sur le sol. Je serais pas la seule à avoir mal au fondement.

" T'es censé être le plus malin de nous trois mais t'a visiblement grillé au soleil. Si tu t'étais pas chié, tu aurais pu lourdement nous blesser. J'ai pas souvenir qu'on est un soigneur parmi nous. "

Je fronçais des sourcils après avoir gesticulé et fait une grimace... pour enfin soupirer. On était vraiment tous claquer.

" Faut que tu fasses comme j'ai indiqué à ton frère. Imagines que tu craches de grands kunais à la file et dans des directions différentes. "

Je fronçais toujours des sourcils.

" Nous vises pas cette fois. "

J'avais besoin de vacances....

Technique à enseigner:

Technique utilisée sur Hayato pour montrer c'est qui le patron:

J'aimais pas jouer les profs, je m'y sentais pas à l'aise, alors quand je voyais la tronche que faisait Yukio quand je tentais de corriger les petits détails qui me faisaient un peu vriller dans mes maniaques attitudes - et que je comprenais que lui ne comprenait pas où ça merdait - ça me faisait d'autant plus chier que je me sentais pas légitime. Sauf que, je le devais aux deux frères. Ils avaient pris le temps de m'apprendre des bricoles, fallait que je pris sur moi pour en faire autant. C'était pourtant pas la patience qui me manquait, juste que je galérais pour me faire comprendre.

Pour l'un comme pour l'autre. Les deux frères s'entraînaient dans leur coin, chacun à leur façon et avançait de manière tout aussi inégale. Je serais incapable de dire qui s'en sortait le mieux. Peut-être Hayato ? Il était arrivé à créer quelque chose d'assez puissant pour éclater une dune, mais la forme ne ressemblait pas vraiment à ce que j'essayais de leur apprendre. Yukio, de son côté, manquait de puissance. Il était plus dans le détail que son aîné. Drôle d'imaginer que la fusion des deux donneraient sans doute le bon résultat.

M'enfin, je supposais qu'à ce stade, je servais pas à grande chose à part observer leur avancée. Utile la prof, hein ? À vrai dire, je les étudiais. Leurs manières de bouger, souffler, la force qu'il y mettait. Ils étaient tous les deux claquer. Fallait dire que cette connerie bouffait du chakra... mais était-ce vraiment ça ? Cela faisait un paquet de semaines qu'on était sur les routes, loin de chez nous et totalement arasé par la fatigue. On avait parcouru des kilomètres pour pas grand-chose. On avait les boules, on était frustré et on devait rêver de nos pieux plus que tout.

Prise en pitié par Hayato, je finis par aller le voir. Là, je lui tendis ma gourde d'eau. Il m'en restait encore et ça me gênait pas de partager. J'oubliais pas que si on était dans la merde, ça restait le plus puissant de nous trois. Autant que le meilleur eut encore de la ressource.

" Sers-toi. Tu vas finir aussi sec que ce désert. "

Une fois qu'il eut fini de boire et de se requinquer, je me permis de lui faire des remarques sur son boulot, dans le but de l'aider à mieux visualiser ce qui allait pas.

" J'ai remarqué que t'es l'opposé de ton frère. T'as la puissance, mais pas la précision. Quand t'envoie ton souffle, ton chakra s'étend comme un filet au lieu d'être comme une lame. Essaie de condenser ta force. Peut-être en commençant par une seule lame. Choisis une cible et un point de cette cible. Si tu te focalises dessus, inconsciemment tu devrais plus aisément imaginer un truc plus petit. "

De mon regard, je zieutais un peu autour de nous pour voir ce qui ferait l'affaire. Dans la zone où j'avais explosé ce qui devait être une ruine, il y avait un bout de roche assez massif. Là, je le pointais du doigt.

" Prend ça. Focalise et condense. Si tu arrives avec une lame, tu devrais pouvoir en enchainer plusieurs après. T'auras juste à travailler l'endurance. "

Je finis par lui taper amicalement sur l'épaule en signe d'encouragement alors que je me tournais déjà vers son frère. Il faisait toujours un peu la tronche. Peut-être avait-il l'impression que je l'avais trop materné tout à l'heure ? Pas grave. Il voulait apprendre, non ?

" T'arrives à visualiser les lames ? "

À ces "mots", je posais mes fesses dans le sable à côté de lui. Là, je pointais son frère pendant qu'il s'entraînait.

" Toi et ton frère, vous vous complétez. Tu as l'imagination qu'il faut pour visualiser l'attaque, mais c'est comme si t'osais pas balancer la sauce. Ton frère, c'est le contraire. Il jauge pas sa force, mais à du mal avec la forme. Tu devrais l'observer un peu, vois comment il a moins de scrupules. "

Il avait failli nous foutre en l'air, clair qu'il avait pas de scrupules le type.

" Ici, tu blesseras personne. Même pas toi si tu fais pas trop le con. Et puis, t'es largement capable de maîtriser le truc. Peut-être même avant Hayato. Il réfléchit trop. "

Le problème avec les gens trop cérébraux. S'ils étaient des champions de la théorie, qu'ils appréhendaient mieux les principes d'une technique, parfois ça manquait d'audace au moment du lâcher prise. Le futon, c'était un peu ça. Une fois qu'on le comprenait, ça allait tout seul.

Technique à enseigner:

Satisfaite d'avoir pu aider Hayato à avoir une illumination, c'était bizarrement un peu plus compliqué avec son frère.  Fallait dire qu'il affichait une gueule de déterré et qu'il semblait assez crevé par le voyage. Mais c'était notre lot à tous. Ironique quand on savait qu'on s'était principalement lancé dans ce délire pour l'hirsute. Après, j'étais pas certaine qu'il faisait la gueule que pour ça, mais bon. J'étais pas dans sa tête et je comptais pas jouer aux devinettes. S'il avait un souci, il n’avait qu'à clairement me l'exprimer après tout.

" Je vois ce que tu veux dire, mais je pense que c'est peu probable dans un entraînement. "

Je tentais de lui répondre par rapport à son angoisse qui était légitime... et j'avouais que j'avais pas imaginé qu'il pouvait avoir ce genre de frayeur. J'avais jamais eu ce genre de considération...parce que je me posais pas la question en fait. Mourir ou non, ça ne m'effrayait pas outre mesure puisque je n'avais pas d'attache en particulier à part mon vieux - avant ma rencontre avec les frangins. Mais comme j'avais pas non plus le désir de claquer, ça me traversait jamais l'esprit. Je faisais les choses. Point.

" Jusqu'à preuve du contraire, t'es pas suicidaire et t'as pas la volonté de mourir pour si peu. Ton subconscient te bloquera de toute façon, le corps est pas dingo à moins que tu décides d'aller volontairement trop loin. En pétant une limite, tu le sens et tant que tu le sens pas, t'as rien à craindre à part d'être une carpette pour plusieurs jours éventuellement. "

C'était peut-être pas très rassurant, mais je faisais des efforts. Du coup, je restais le popotin sur le sable, et pour le coup, je reprenais aussi des forces à ma mesure puisque nos deux ziozios avaient repris leurs tâches. Je me contentais d'être une observatrice passive et j'appréciais. Fallait dire que j'avais pas l'endurance des Nozomo. Je faisais peut-être toujours la même tronche, mais j'en restais pas moins claquée. Je me demandais à quoi on biberonnait les types de leur clan pour qu'ils tiennent aussi longtemps.

De ce que je voyais, Hayato me faisait mentir. Je pensais que le cadet se rapprocherait le plus de la victoire que de l'aîné sauf que... notre poète maîtrisait déjà le principal. Il tenait le bon bout comme on disait. Yukio, lui, était pas loin, cependant, il avait un peu trop lâcher la sauce comme je lui avais dit. C'était pas encore le bon dosage de chakra, mais le futon était traître comme élément. Cela pouvait toujours très vite dérapé. D'ailleurs, cela manqua pas.

Claqué au sol notre hirsute préféré. Il n'en fallut pas plus pour que moi et le frangin rappliquions pour s'assurer que c'était plus de peur que de mal. Le premier commentaire fut pour le frangin, auquel je ne pus retenir un petit sourire en coin. Il pouvait être drôle notre bureaucrate.

" Ça me rassure de voir que je suis pas la seule à voir des choses lui exploser à la gueule et finir le cul dans le sable. "

Je faisais bien évidemment au propre entrainement que j'avais vécu plusieurs semaines avant. Il se foutait bien de ma gueule à ce moment-là, le karma se vengeait. Puis finalement, sur ces entre-faits, on se forçait à reprendre la route, ou tout du moins un temps, parce que la grande perche traînait son petit frère par les pieds.

" Idéalement, je vous avouerais que je préfèrerais qu'on avance encore et qu'on se pose avant le coucher du soleil. Si je me plante pas, je crois qu'à quelques kilomètres, il y a une sorte de puits, un truc de touareg. "

Je croyais l'avoir repéré lors de notre chemin aller, mais on était passé à proximité et on avait pas vérifié s'il était plein ou non. Fallait dire qu'à ce moment du voyage, nos gourdes étaient remplies donc... on en avait rien à secouer.

" On pourrait peut-être remplir nos gourdes s'il reste quelque chose, et au pire, ça peut servir comme campement. "

Un avis comme un autre, à voir si on se sentait tous capable de pousser un peu notre curseur pour atteindre ce point et s'y écrouler comme des merdes. Mais cette fois-ci, le plus mal foutu des trois, c'était Yukio. Cela lui revenait de dicter s'il s'en sentait capable ou non. Fallait dire qu'il avait donné, et honnêtement, les deux se rapprochaient clairement du truc. M'enfin bon, ils allaient pas se replonger dedans tout de suite.

" C'est toi qui décides, Yukio. C'est ton voyage après tout. "

Une vérité. C'était pas pour nos beaux yeux qu'on cuisait, et les miens se tournaient vers lui.

Technique à enseigner:

Yukio avait choisi de continuer pour atteindre le puits, sans doute la plus sage des décisions même si cela nous en coûtait de l'atteindre. Pour tous les trois. Comme des moines silencieux en procession, on avait tracé dans le désert dans nos états lamentables, desséché et vidé. C'était limite si on avait pas l'air de vagabond. J'avais la bouche pâteuse, mal aux jambes, mal aux bras, mal à des endroits que la décence ne me permettrait pas de nommer...  Et comme les frangins qui m'accompagnaient, j'avais soif. Ma gourde était vide depuis quelques kilomètres et sous la chaleur, autant dire que cela me donnait l'impression que cela fit des jours.

Heureusement qu'on était pas fait en carton et que la délivrance fut atteinte avant la tombée de la nuit. Si Yukio s'éclata par terre et que l'esprit pragmatique d'Hayato le poussa à vérifier s'il y avait encore de la flotte dans le puits, moi, je finis par tomber sur les genoux comme si je m'apprêtais à prier. Je me défis douloureusement de mes sacs et poussa un soupir de soulagement qui en disait bien long. J'aurais bien dit que le voyage fut merdique, mais en vrai, ce serait faire parler fatigue et ma frustration plus que la vérité. Tout n'avait pas été si naze, cela avait été juste horriblement long et comme on avait pas un but clairement défini, on s'était un peu fait chier. Mais c'était pas ça qu'on appelait l'aventure ? On pouvait pas toujours vivre des trucs excitants.

Après, on revenait pas sans rien non plus. On avait créé des cartes, on avait ramassé des plantes bizarres, on avait de quoi créer des pistes potentielles pour des voyageurs ou nous-même. On était même tombé sur des ruines bizarres. Peut-être qu'on avait fait une découverte historique sans le savoir, hein ? Génial. Noter que c'était de l'ironie. Je supposais que si on faisait une petite introspection, on pourrait presque dire qu'on en avait appris un peu plus sur nous et sur les autres. J'avais découvert un Yukio entêté et ronchon quand les choses ne lui convenaient pas, j'avais découvert un Hayato grand frère plus sérieux et maniaque que ce que j'avais cru - fallait voir comment il s'éclatait à créer un campement grand luxe. Et moi... bah moi quoi. J'avais l'impression d'être toujours la même, de me traîner, de pas réellement avancer, d'être... comme ma marionnette. J'étais là, mais vide. Je pouvais sourire, je pouvais apprendre, mais j'étais toujours pas foutue de savoir exactement ce que je voulais, au point que je m'étais surprise - sans doute à cause de la fatigue - à me demander si autrefois, j'avais eu quelques projets ou aspirations qui n'auraient rien à voir avec les marionnettes. J'aimais pas me plonger dans mon passé. C'était trop de la merde.

Je fus cependant ramenée à la réalité par la question à un million.

" Oui. Repos complet soldat. Faudrait être cinglé pour vouloir encore tenter un truc de toute façon. "

Je finis par trouver assez de force pour me relever et me décider enfin à puiser un peu d'eau. Je commençais d'abord par en cueillir avec ma gourde avant de littéralement me la vider sur la tête dans un soupir de soulagement. Sentir l'eau fraîche me dégouliner de partout me procura un bien fou. Je rêvais tellement d'une véritable douche. Je finis par me dégager les cheveux en arrière, me laver un peu mieux le visage et enfin boire une véritable gorgée de flotte pour me contenter de finir en remplissant définitivement ma gourde.

" Ça fait du bien. "

Pas grave si les garçons me regardaient avec des yeux ronds. J'entrepris de prendre mes affaires et de déballer que le strict nécessaire. Naturellement, ce fut Itori qui vit en premier la lumière du jour et je la déposais à mes côtés, assise, et appuyait contre le muret du puits. Elle ressemblait presque à une petite fille... ou bien moi qui ressemblais à une adulte qui jouait à la poupée. Question de point de vue, à ceci prêt que si je la sortais, c'était uniquement pour plus rapidement la dégainer si nécessaire. Pour le reste, je me contentais de prendre ma couverture et de la poser sur mes épaules, ne cherchant pas à m'allonger comme si j'allais monter la garde. Des réflexes de shinobi.

" Je ne fais généralement que ce que j'ai envie de faire, à moins que ce soit un ordre de nos supérieurs, donc si je suis là... "

Une réponse simplement mimée pour rassurer les frangins. Il n'y avait pas lieu de culpabiliser. J'étais peut-être pas la plus joyeuse des compagnes, mais j'en demeurais pas moins libre d'être là où je voulais.... ou à peu près.

" D'ailleurs, puisque Hayato en parle, si vous vous en sentez encore la force, comparer votre façon de faire. Vous êtes complémentaire. Là où l'un pèche, l'autre gère le truc. Vice et versa. Après, on dirait que vous avez un peu peur de vous laisser aller. Vous blesserez personne ici... enfin, si on vise pas le voisin. "

Je ne pus m'empêcher de jeter un petit regard à Hayato sur ces derniers mots, alors que pour le laisser-aller, je m'étais plus naturellement tournée vers Yukio. Même si ces deux-là étaient des guerriers typiques, purs produits que l'on avait tentés de modeler dans le clan Nozomo, on sentait qu'il y avait un truc au fond d'eux qui les limitaient. Quoi ? J'en avais aucune idée. Pour le bon ou le pire ? Là non plus je ne savais pas. Peut-être qu'un jour on aurait l'occasion d'en causer autour d'un maté. Mais en attendant...

" Je vous laisse papoter. Demain, vous vous y remettez et on rentre à la maison. "

La messe était dite.

Technique à enseigner:

Le sommeil était le meilleur camarade que l'on pouvait espérer... si tentait qu'on avait pas un métier qui nous obligeait à être sur le qui-vive. Pourtant, cette nuit-là, m'avait paru plus paisible que les autres, sans nul doute parce que l'on se rapprochait de chez nous. Peut-être aussi que la présence des frangins me rassuraient. Allez savoir. À quoi je convenais que j'avais passé une bonne nuit ? Tout simplement parce que j'avais pas fait des rêves de merde, que je ne m'étais pas retournée cinquante fois et que je ne mettais pas réveiller tout autant. Mais à quoi pouvait bien rêver une Shirogane comme moi, hein ? À des souvenirs. Ironique pour une semi-amnésique.

Quand je parlais de souvenir, je parlais pas de marionnette, mais des réminiscences de ce que j'avais pu vivre dans ce putain de désert. C'était vieux, très vieux puisque Suna n'existait pas encore et que je ne portais pas le même nom qu'aujourd'hui. À vrai dire, je me demandais même si ce que je croyais être un souvenir avait été réel ou bien juste un fantasme de mon esprit. Itori Kaigan. Ma mère. Elle était peut-être la seule chose heureuse de mon enfance et la plus tragique à la fois. Je l'admirais comme je ne l'avais jamais comprise, même avec mon regard d'adulte. Pourtant, malgré toute la pourriture qui gangrénait ce clan, il y avait des femmes comme elle. Son sourire. Son parfum. La chaleur de ses mains qui chassait mes larmes d'enfant. Une vraie mère dont le regard brillait d'autant de fierté que de peine. Mais dans ce rêve-là, je la voyais me faire des tours de passe-passe avec son sable, je me voyais applaudir de mes petites mains sa dextérité, je me voyais pointer du doigt ce qu'elle faisait et dire que je voulais faire pareil. Et elle, elle qui me disait que j'apprendrais bien assez tôt. Mais généralement le tableau s'assombrissait à chaque fois et je l'entendais me dire qu'elle était désolée, que c'était sa faute. Pas cette fois. Par pour cette unique fois. Peut-être que j'étais trop claquée pour être pessimiste et blasée, même dans mes songes. À la place, j'eus droit à de nouveaux sourires et des mots rassurants comme quoi j'allais trouver ma place. C'était curieux.

Aussi curieux que le sentiment qui me saisit quand j'ouvris les yeux. Malgré le sable et le soleil du matin qui brûlait déjà, je me sentais étonnamment apaisée et calme. Posant mon regard sur mes deux compagnons, je me doutais qu'inconsciemment, il avait leur part là-dedans. Ces deux frangins Nozomo... Mais c'était pas le moment du faire du sentimentalisme à la con, la nuit était finie et je rêvais de pouvoir retrouver mon atelier, tout comme prendre une vraie douche... et je ne pensais pas être la seule

" On repart. Vous ferez vos essais en chemin. "

Des mots simples et efficaces, le temps de faire nos bagages et de nous éloigner de la zone. Inutile de faire de grands discours. Je supposais que pendant que je pionçais comme un loir, ils avaient eu le temps de discuter et de tirer leur propre conclusion. Pour savoir si tout cela avait payé, il fallut attendre quelques kilomètres et l'initiative d'Hayato de se lancer. Après tout ce qu'on avait sué, c'était sans doute le moment parfait de mettre un point d'honneur à cette aventure. Quoique mieux qu'une réussite, hein ?

Nous tenant à l'écart avec Yukio, on laissa donc notre grand chevelu nous faire une démonstration de tout ce qu'il avait cru comprendre. Bras croisés, je le regardais avec attention, de ses murdras à sa posture, à la façon dont se gonflait sa poitrine pour recracher ses lames de futon. Tout me semblait bon et régulier. Il n'avait fait preuve d'aucune retenue et il déversa toute sa puissance sur une dune que l'on supposa percevoir très nettement découpée dans le paysage jusqu'à ce que le sable ne retombât. Un petit déluge agressif pour la peau, un moindre mal. Secouant la tête pour chasser ce qui s'était pris dans ma tignasse, j'affichais un sourire à l'attention de mon ami.

" C'était pas mal. Pas mal du tout. On dirait bien que tu le tiens à présent. Manque plus qu'à t'entrainer pour pas te laisser t'arracher la gorge à chaque fois. "

Une remarque que je fis parce que je l'avais vu boire juste après son essai. Maintenant, il ne restait plus qu'un champion en lice et ce fut vers lui que je me retournais.

" Montre-nous de qui des deux est celui qui crache le plus loin. "

J'eus un petit sourire amusé alors que je lui tapotais sur la poitrine comme pour lui désigner ses poumons. C'était ma façon de lui dire qu'il pouvait se laisser aller.

Technique à enseigner:

Les frangins formaient un drôle de duo, aussi différents qu'ils se ressemblaient. Si au premier coup d'œil tout un monde les séparait, que cela fut physique ou bien dans la manière d'apprendre, on voyait clairement qu'il y avait un truc invisible qui les liait. Je me souvenais qu'Hayato m'avait indiqué qu'il avait principalement participé à l'éducation de son frère, le forçant à grandir trop tôt et je supposais, qu'il avait cherché à le protéger de ça. Mais la rudesse du clan Nozomo avait pas dû les manquer, et sans doute rapprocher un peu plus leur rapport fraternel. M'enfin, qu'est-ce que je pouvais véritablement en savoir ? J'avais jamais connu ce genre de truc et le peu que je me rappelais... était un autre état de compétition. Rien de bon enfant, rien qui nous élevait de cette façon. Je me rappelais même pas des noms de mes demi-frères ou demi-soeurs, le problème quand votre père était un quetard religieux.

Chassant les quelques rares images de ce passé lointain de mon esprit, je me concentrais sur l'observation et Yukio. Comme pour son frère juste avant lui. La tenue de ses jambes, ses poumons qui gonflaient, les mudras impeccables et un crachat de futon qui en aurait fait pâlir plus d'un. Il y avait pas grand-chose à dire. Il le tenait lui aussi. Même s'il était crevé, j'étais assez rationnelle pour comprendre qu'on était tous au bout du rouleau. Cela faisait des semaines et des semaines qu'on était parti, des semaines et des semaines où on avait profité un peu du temps imparti pour s'entraîner, et la chaleur du désert nous rappelait constamment qu'on était que de pauvres petites créatures. Alors ouais, fallait pas s'attendre à ce que l'un de nous trois fit les choses avec panache et fraîcheur.

" C'était top. Y a rien à redire, comme ton frangin.  "

Je lui fis un petit signe de la main pour accompagner mes propos, un style de "ok".

" Avec le temps, tu cracheras tes lames sans penser. Tu verras qu'à ce moment-là, ton lancer sera instantané et efficace pour surprendre ton adversaire. Donne-toi le temps d'appréhender. "

Il n'y avait pas de secrets de toute façon. Le temps, la ténacité, la répétition de l'exercice. On était pas des robots, il nous fallait donc un minimum, et parce qu'on était pas des pièces mécaniques, on se retrouvait tous ensemble crevés par la fatigue. Je posais mes fesses à mon tour, on se retrouvait en rang d'oignons. Hayato était allongé, Yukio encore assis, mais pas loin de s'étaler, moi, je regardais vers l'horizon. Suna était encore à quelques kilomètres de notre position, à deux dunes près. Si on ne pouvait pas deviner la silhouette de notre village, ça restait réconfortant de dire que c'était là, pas loin.

La maison. Cela me faisait bizarre de le dire comme ça. J'avais majoritairement passé ma vie en nomade, ma sédentarisation datait de la naissance de ce village où j'avais... dix-neuf ans ? C'était à peu près l'âge que je devais avoir à ce moment-là. Mon vieux m'avait indiqué que c'était une volonté d'Ibushi que de s'allier aux Serika et je lui avais dit que c'était une idée de merde. C'était ce qu'il m'avait rapporté parce que je m'en rappelais pas. Est-ce que je le pensais toujours ? Difficile à dire, mais je m'étais adaptée à cette vie. Je supposais que si cela n'avait pas été le cas, j'aurais jamais rencontré les frangins. Du bien dans la chienlit. Si j'avais pu souffler quelques mots à la femme que j'avais été, j'étais à peu près certaine que je me serais envoyée bouler moi-même. Drôle.

Je laissais les garçons se reposer un peu, il le méritait et moi aussi d'ailleurs. Pendant qu'ils somnolaient, je remis mon nez dans les papiers, les cartes que j'avais dessinées, les trucs que j'avais relevés un peu partout. Est-ce que cela serait utile aux futurs voyageurs ? Je supposais que les grands pontes en décideraient une fois que j'aurais fait les choses au propre, mais c'était signe que j'allais devoir bosser à peine le cul là-bas. Je finis par siffler les garçons pour attirer leurs attentions.

" Les gars. Je crois qu'il est temps de rentrer à la maison. J'ai une furieuse envie de picoler. "

J'eus un petit sourire en coin alors que je remettais toutes mes affaires sur le dos, avant de faire un signe de la main pour montrer la direction. Suna. Tes enfants chéris étaient de retour.

Technique à enseigner: