Pratiquer l'Issen [Solo]

Spoiler:

Une lame n'était jamais complètement forgée. Même la conception initiale, il fallait encore réparer l'acier abîmé ou aiguiser de nouveau le tranchant. Dans la même idée, un Miyamoto ne cessait d'apprendre.
Profitant d'une accalmie, dans les missions, Nori entamait une mise à jour de ses connaissances. Maître d'un Iaido foudroyant, son style au sabre ne manquait pas d'éclat. Il y avait toutefois d'autres voies dans le Kenjutsu. Posé dans la bibliothèque du village, il feuilletait quelques ouvrages, lorsque son œil s'arrêta sur un parchemin.

« Issen, la voie du Samouraï. »

En voici un titre étonnant ! Reposant les autres livres à leur place, il se rapprocha de la fenêtre, profitant de la lumière printanière pour faciliter la lecture. Il y avait beaucoup de blablas sur Tetsu no Kuni, et comment les Samouraïs, malgré leur haine des shinobis, avaient développé leur propre maîtrise du chakra.
Vérités ou mensonges, le quarantenaire n'en avait cure. Il attendait impatiemment la partie technique, ouvrant alors sur la table un parchemin vierge, afin de prendre des notes. L'Issen, autrement appelée Flash était une technique initialement conçue pour gommer le désavantage des épéistes. Une projection de chakra tranchant était effectivement une excellente idée, à la fois surprenante et efficace.

Une attaque à distance (qui peut être utilisée au corps à corps) où l'utilisateur tire son épée en direction d'une cible après l'avoir revêtue de chakra, libérant un croissant de chakra tranchant qui suit la trajectoire que la lame a initiée.
Cette attaque est relativement rapide, mais ses dégâts décroissent en fonction de la distance.

Il y avait plusieurs choses ici à prendre en compte. Tout d'abord cette technique se mélangeait parfaitement avec la tradition du Iai. Maîtrisant le Iaido, Nori n'aurait donc pas à ce soucier d'être capable de rapidement tirer sa lame de son fourreau.
Il devait toutefois recouvrir préalablement la lame de chakra. Une procédure qui se rapprochait de Chakra Nagashi ou du Reiteiki Buso, à cela prêt que le fluide ici se devait d'être neutre. Aucune affinité, aucune aide de ses ancêtres. Cela représenterait sans doute la partie la plus ardue de son apprentissage.
Quand au reste, il s'agissait tout simplement de projeter ce chakra emmagasiné, tout en changeant en lui donnant une nature tranchante. Bien entendu qu'il pensa au Futon, seulement il s'agissait là d'autre chose. Une manipulation neutre, sans affinité, cela serait peut-être plus facile en fait pour lui, qui peinait à s'adonner au ninjutsu ou autres arts mystiques.

Voila, maintenant qu'il avait bien compris les différents aspects de la technique, il était temps pour la pratique.

Après un petit détour vers un stand de Takoyaki, le goinfre se retrouvant donc avec une vingtaine de bâtonnets dans les mains, notre beau mangeur arriva à son terrain d'entraînement préféré. Un grand arbre robuste, un mince filet d'eau, l'endroit relevait d'avantage du jardin que de l'aire de pratique. D'ailleurs il était désespérément vide, après tout en dehors du quartier Miyamoto, les ninjas d'Uzushio n'étaient pas réputés pour suer à la tâche.

Son butin carnassier d'une main, un mannequin de cèdre dans l'autre, Nori s'approcha avec entrain. Plaçant l'homme de bois non loin de l'arbre, il caressa au passage les entailles laissées sur le tronc, traces d'années de pratique. Alor qu'il finissait son repas, il relisait les instructions, fixant le parchemin à une branche d'un kunaï.
Le temps de s'essuyer les mains sur un morceau de tissu, ses deux mains se posèrent sur son arme. L'une sur le fourreau, l'autre sur la garde, il se plaça à quelques mètres du grand arbre, offrant son profil. Une profonde inspiration, juste de quoi éveiller le chakra, laisser le flot divin envahir son corps.

« Iaido »

Il avait abaissé son centre de gravité, plié ses jambes. Chat qui s'élance, il bondit vers sa cible, tirant légèrement sur le fourreau tandis qu'il dégainait son arme. Une tranche parfaite provenant du fourreau, une nouvelle entaille apparût sur le bois. Et bien voila qui devrait le mettre d'aplomb ! Oui le problème ne résiderait surement pas dans sa technique au sabre, ce dit il se rapprocha quand même du mannequin de bois.
Evidemment qu'il avait utilisé du chakra pour accélérer ses mouvements, et il ne pouvait hélas pas se permettre pareille dépense pour le Issen. Replaçant le katana dans son fourreau, il se positionna en face du mannequin, pieds droit légèrement vers l'avant, en position d'attaque. Dégainer et rengainer, sortir et rentrer, trancher puis s'extirper. Un enchaînement binaire presque mécanique qu'il répétait inlassablement, autant pour s'échauffer que pour s'assurer qu'il n'eut pas besoin de chakra pour cette technique. Après tout si la version qu'il démontra précédemment en demandait, la base du Iaido n'appartenait pas aux shinobis.

Les entailles se succédèrent. Il lui fallut quelques ajustements, non pas pour sortir la lame du fourreau, mais pour assurer la tranche. L'angle était clef, et à cette vitesse, nombre de ses coups portèrent sans trancher le bois. Il parvint néanmoins à destination, sentant au passage son corps s'échauffer. Il était prêt pour la suite !

Il était temps de passer aux choses sérieuses. Un instant il hésita à utiliser le Flux de chakra, juste pour se mettre en jambe, mais s'eut-été une grossière erreur. Ici il ne s'agissait pas d'appliquer son affinité sur une arme, mais son essence, dans la forme la plus neutre possible. Sortant une énième fois la lame de son fourreau, il la maintint fermement à deux mains, ses yeux fixés sur le tranchant.
Une profonde inspiration pour concentrer son chakra, il inhalait le pollen, les odeurs du printemps, la senteur de la brise, laissant libre au cours à la rivière mystique qui circulait en lui. Une expiration pour ouvrir une porte. Sa peau n'était plus une barrière, mais un pont, un pont reliant son être à cette arme qu'il chérissait temps. Alors qu'il sentait le fluide s'extirper de lui, il ne put s'empêcher de sourire. L'exercice serait peut-être plus facile que prévu.

« Et merde. »

Orgueil bafoué, il était certes parvenu à enrober le katana de chakra, mais le résultat ne fut rien d'autre qu'un Chakra nagashi. La force de l'habitude jouait contre lui ! Il n'eut qu'à planter l'arme dans le sol pour confirmer le potentiel électrique. Bon ce n'était que le premier essai. Un deuxième eut le même résultat, puis un troisième.

* Une coupe pleine ne peut plus rien apprendre. *

La voix de Sango résonna dans son esprit, lui rappelant une vérité que son égo l'empêchait de voir. Il était trop concentré sur ce qu'il savait. Certes il maîtrisait le Flux de chakra, mais en se basant sur cela, il répétait inlassablement le même procédé. Il lui fallait retrouver le fameux Shoshin, l'esprit du débutant. Posant donc son sabre sur l'herbe fraîche, il se rapprocha du cours d'eau, jetant le liquide sur sur sa tête afin de se rafraichir. Il pouvait le faire !

Encore une fois il saisit son arme, sauf que maintenant il se concentra simplement sur malaxer son chakra. Fermer les yeux. Bercé par le chant de l'eau courante, il s'imaginait le fluide divin en rivière, le laissant librement circuler dans son corps. Sauf qu'il était un Kendoka. Son katana faisait aussi bien parti de lui que son bras. Aussi il n'eut qu'à continuer l'exercice, une minute, dix minutes, presque une heure. Suffisamment longtemps pour que la circulation fut homogène.
Activant sa sensorialité afin d'analyser son propre chakra, il s'assura de sa neutralité. Oui, aucune trace de raiton ! Maintenant il s'agissait de bouger. Il se contenta tout d'abord de quelques pas, puis ces derniers devinrent des lents mouvements gracieux. Cette sensation de plénitude, de connexion totale, c'était absolument délicieux.
De deux mains il passa à une main, lentement, histoire de ne pas perdre la connexion. Il lui fallut un peu de temps, mais le voila capable de trancher comme si de rien n'était, à condition bien sûr qu'il ne coupât pas le contact. Toutefois une surprise de taille l'attendait. Car à peine coupa-t'il la technique, qu'il se mit soudainement à voir trouble, ses genoux touchant le sol, son sabre tombant de ses mains.

Il était bien parvenu à enrober son arme de chakra, mais il avait du pour cela faire celui-ci circuler en continu dans tout son corps, et à un débit non contrôlé. Bien entendu que ses réserves en prirent un coup, et tandis qu'il reprenait son souffle, il comprit bien que cela signait, pour aujourd'hui, la fin de l'entraînement. Maintenant il fallait laisser au temps et au repos l'occasion d'agir.

Il prit donc toute la journée pour se reposer, or autant dire qu'à Uzushio, les occasions ne manquaient pas. Onsens, massages, festins, Nori s'adonna à dépenser la fortune apportée par son statut, finissant par une ample nuit de sommeil. Ce fut néanmoins aux aurores qu'il s'éveilla, arme en main, courant vers le même terrain d'entraînement.
Le temps de s'étirer, de s'échauffer, et il reprit le même exercice que la veille, laissant cette fois l'arme dans son fourreau. Comme prévu cela fut beaucoup plus aisé d'enrober l'outil de chakra. Il usait de son contact avec la garde pour toucher l'arme sans englober le fourreau. Toutefois il remarquait également que tout son corps vibrait du fameux fluide. Non, cela n'irait pas ! Il lui fallait s'auto-réguler, ce qui l'entraîna dans une série de tentatives. Malgré son rang, il n'excellait toujours pas dans la maîtrise du chakra. Son plus grand problème restait qu'en diminuant le dosage dans son corps, il faisait la même chose pour l'arme.

La pratique, il n'y avait que cela comme solution. L'aube fut bien enterrée qu'il parvint enfin à son but. Ses mains maintenues sur le fourreau, il pouvait sentir le chakra ruisselé sur l'arme. Dégainer et rengainer, trancher, aucun de ses mouvements ne perturba le flux. Parfait, il pouvait passer à la suite !

« Bon, maintenant comment je passe de ça à une lame volante. »

Une question rhétorique, car il n'y avait pas grand monde pour lui répondre. Sango ne semblait pas très intéressée par sa pratique, chose étrange, que pouvait-elle faire de plus intéressant dans les méandres de son crâne ? Il avait toutefois son idée sur comment procéder. S'il ne pouvait pas se perdre en technicité, il savait user de son imagination. La visualisation était après tout aussi efficace que la rationalité !
Il décida donc de se concentrer sur le tranchant, tout en laissant son chakra circuler sur l'arme. Seulement au lieu de son katana habituel, il opta pour un simple bokken !

Seigan no Kamae, les pieds parallèles, le bokken maintenu vers l'avant, il attendait en face du mannequin. Ses mains se resserrèrent soudainement, son chakra expulsé recouvrit l'âme, et il se mit à frapper. Assaut vertical, du ciel vers la terre, assaut oblique, tranche horizontale. Enchaînait les frappes de base, tentant de vider son esprit de pensées parasites alors que le bambou se cognait contre le cèdre.
Bien-sûr qu'il n'obtint pas tout de suite l'effet voulu, mais plus son corps se plongeait dans l'action, plus son esprit s'affinait. Ne disait-on pas que l'esprit du Guerrier était son arme la plus aiguisée ? Ce concert de percussions continua sans faillir, la sueur perlant sur un front, la douleur envahissant des épaules.

« TRANCHE, TRANCHE, TRANCHE, TRANCHE ! »

Un cri du cœur. Un cri d'exaspération, un cri d'encouragement. Quelle ironie qu'alors même qu'il lâcha prise, le bokken s'enfonça dans le bois. Malgré toutes ses années de pratique, malgré sa discipline spartiate, son chakra ne répondit qu'au cri du cœur. Le souffle court, les yeux rougis par l'effort, il fixait la coupure, un sourire déformant malgré lui son visage.
Il avait réussi, et une fois le premier pas effectué, le reste vint tout seul. Bientôt le mannequin fut recouvert d'entailles, et le praticien en sueur avait retrouvé le contact de son katana fétiche. Oui, il venait d'avancer, mais le soleil aussi avait continué sa course. Ayant déjà dépassé le zénith, il ne fallut pas longtemps pour que l'estomac démesuré du Jônin se fît entendre. Et ben… après l'effort le réconfort non ?

Pour être honnête une journée de repos n'eut normalement pas été nécessaire. Hélas lorsqu'un certain Jônin se retrouvait à vomir ses entrailles après une overdose de sushi, ce genre de contretemps était chose commune. Il se retrouva donc un troisième jour sur le même terrain, bien plus tard cette fois-ci, avec une tête encore traumatisée par les vomissements. Pas très frais certes, mais opérationnel !

Il commença donc par réviser les avancées de la veille. Se rapprochant de l'arbre, il posa les mains sur son arme. Enrober la lame de chakra, dégainer, trancher. Trois actions qu'il maîtrisait déjà beaucoup mieux, même s'il pouvait se montrer encore plus efficient dans le dosage énergétique. Il ne restait donc qu'une étape, et pas la moindre. Projeter son énergie.
Pas question de refaire la même erreur. Plutôt que de se baser une technique préexistante, Nori se concentra sur la base. Le fluide mystique répondait à sa volonté, et tout comme il y avait imprimé l'ordre de trancher, il pouvait désormais le projeter ! Posant ses deux mains sur l'arme, il y fit de nouveau danser le chakra, adoptant un Jodan no Kamae, katana en haut, avant d'effectuer sa tranche.

« Issen ! »

Il eut beau beugler, rien ne se passa. Ne souhaitant pas répéter ses erreurs il fut trop timoré dans l'expression du chakra. Plus de puissance, il fallait y mettre tout son être. Reprenant sa garde, il opta cette fois pour un Waki no kamae, une garde ou l'arme épousait son profil. Encore une fois il y imprima son essence, sans retenue cette fois.
Une tranche parfaite, qui se termina même par un lancer. Dommage toutefois que le projectile fut bien plus solide que prévu. Il devait être sacrément fatigué, ou simplement moins bon qu'il s'y attendait. Comment expliquer autrement que sa lame lui échappât, gisant désormais aux côtés du mannequin ? Pourtant ce n'était pas un échec total. Il avait exploré le maximum et le minimum, il suffisait désormais de doser !

Persévérant dans la répétition, Nori parvint rapidement à exprimer une lame bleutée. Toutefois si le projectile volait bel et bien, sa précision restait absolument effroyable. Pour cela, plutôt que de s'acharner sur ce qui restait de l'homme en cèdre, il porta son attention sur l'arbre. Ce dernier ne manquait pas de branches, et s'il était hors de question de viser les plus grosses, les brindilles faisaient des cibles de choix.
Combien de temps passa t'il à danser avec le vent ? Une heure, deux peut-être ? Le jeux en valait toutefois la chandelle. Car désormais en sueur, un sourire sur les lèvres, il se tenait en face des restes du mannequin d'entraînement, son sabre fièrement rengainé. Il était temps de profiter de sa labeur.

« Issen ! »

Une diction claire et convaincue, tandis qu'il porta son pieds droit vers l'avant. Le fourreau se mit soudainement à luire, signalant la présence du chakra. Dans un mouvement aussi fluide que l'eau, il dégaina le katana, expression merveilleuse du Iaido. Profitant du mouvement de tranche, le fluide emmagasiné s'expulsant, volant en ligne droite vers la tête du mannequin, le tranchant d'un coup sec.
Oui, il y était enfin parvenu. Ses nombreux essais lui avaient non seulement enseigné à viser, mais également à doser son chakra, même cela demanderait encore un peu de pratique, et à évaluer les distances. Il se doutait bien qu'il y avait encore quelques marges de progrès, car pour l'instant si l'assaut fonctionnait fort bien au contact, le projectile perdait rapidement son tranchant.
M'enfin, cela serait une tâche pour une autre jour !